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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 8 octobre 2024, n° 22/02253

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franco

Conseillers :

Mme Masson, Mme Jarnevic

Avocats :

Me Choplin, Me Couleau, Me Gouzes

T. com. Bordeaux, du 5 avr. 2022, n° 202…

5 avril 2022

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 12 février 2019, Mme [R] [C] et M. [S] [Y], ont donné en location-gérance à Mme [E] [F] pour une durée de 7 mois (du 1er avril 2019 au 31 octobre 2019), un fonds de commerce de petite restauration, vente d'objets de décoration et produits locaux, à l'enseigne Le Petit Café, situé et exploité à [Localité 5], dans des locaux appartenant à la société Euronat (cellule 32 et 32 bis), et donnés à bail commercial à M. [Y].

Le contrat a été conclu moyennant paiement d'une redevance annuelle de 26.000 euros TTC dont 7.500 euros pour la taxe Euronat (centre de vacances), qui devait être versée en deux échéances : la première de 13 000 euros au plus tard le 8 avril 2019, et la seconde de 13 000 euros le 8 mai 2019.

Un dépôt de garantie a été versé, d'un montant de 7.500 euros, sous forme de chèque non encaissable et restituable au terme du contrat si aucune dégradation n'était constatée.

Par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 1er aout 2019, Mme [E] [F] a dénoncé la convention aux torts exclusif de Mme [R] [C] et M. [S] [Y], à effet au 27 juillet 2019, en invoquant plusieurs griefs, liés notamment au non-respect des normes sanitaires et de sécurité, et à la non-conformité de l'installation électrique aux normes en vigueur.

Le 1er août 2019, elle a fait constater par huissier la fermeture de l'établissement et l'état des lieux de sortie.

Par acte du 23 juillet 2020, Mme [E] [F] a assigné M. [Y] et Mme [C] en résolution de la convention de location-gérance aux torts exclusif des loueurs, et en remboursement de la somme de 13 000 euros et de la somme de 1333,51 euros au titre des travaux réalisés.

Par jugement contradictoire du 5 avril 2022, le tribunal de commerce de Bordeaux a statué comme suit :

Déboute Mme [E] [F] de sa demande de résolution de la convention de location-gérance,

Condamne Mme [E] [F] au paiement de la seconde partie de la redevance annuelle d'un montant de 13.000,00 euros ;

Condamne Mme [R] [C] et M. [S] [Y] au paiement de la somme de 1.133,15 euros au titre du remboursement des frais de travaux réalisés par Mme [E] [F],

Déboute Mme [E] [F] de ses autres demandes,

Déboute Mme [R] [C] et M. [S] [Y] de leur demande de dommages et intérêts de 50.000,00 euros,

Condamne Mme [E] [F] à payer la somme de 1.000,00 euros à Mme [R] [C] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [E] [F] à payer la somme de 1.000,00 euros à M. [S] [Y], au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que l'exécution provisoire est de droit.

Condamne Mme [E] [F] aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe du 9 mai 2022, Mme [E] [F] a relevé appel du jugement en ses chefs expressément critiqués.

Mme [R] [C] et M. [S] [Y] ont notifié le 19 septembre 2022 des conclusions en formant appel incident.

Par ordonnance du 6 octobre 2022, la première présidente de la cour d'appel a débouté Mme [E] [F] de sa demande tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement.

Mme [R] [C] est décédée en cours d'instance d'appel le 4 novembre 2022 et M. [I] [C] et Mme [P] [Y] ont repris l'instance en qualité d'héritiers.

Ces derniers, avec M. [Y], ont sollicité la radiation de l'affaire pour cause d'inexécution du jugement sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile, ainsi que le paiement d'une indemnité de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 6 avril 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré cette demande irrecevable.

L'affaire initialement plaidée à l'audience du 7 mai 2024 a été renvoyée à l'audience du 3 septembre 2024.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières écritures notifiées par message électronique le 8 août 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, Mme [E] [F] demande à la cour de :

Vu les articles 1104 et 1224 du code civil,

Vu le jugement du 5 avril 2022

Déclarer l'appel recevable et bien fondé.

Confirmer le jugement du 5 avril 2022 en ce qu'il a :

Condamné les consorts [C] et [Y] au paiement à Mme [F] d'une somme de 1.133,15 euros au titre des travaux liés à la vétusté ;

Débouté consorts [C] et [Y] de leur demande d'indemnisation d'un montant de 50.000 euros, au titre d'un prétendu préjudice.

Infirmer le jugement du 5 avril 2022 en ce qu'il a :

Débouté Mme [F] de sa demande de résolution du contrat de location gérance et de restitution du premier solde de la redevance annuelle de 13.000 euros.

Condamné Mme [F] à verser à verser 13.000 euros au titre du second solde de la redevance annuelle de 13.000 euros ;

Condamné Mme [F] au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 et des entiers dépens.

En conséquence, la cour statuant à nouveau :

Prononcer la résolution du contrat de location-gérance conclu le 12 févier 2019 aux torts exclusifs des consorts [C] et [Y];

Ordonner le remboursement de la somme de 13.000 euros, au titre du premier solde de la redevance annuelle ;

Débouter les consorts [C] et [Y] de leur demande de paiement du second solde de la redevance annuelle de 13.000 euros ;

Condamner les consorts [C] et [Y] au paiement d'une somme de 4.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner les consorts [C] et [Y] au paiement des entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

Par dernières écritures notifiées par message électronique le 6 août 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [S] [Y],M. [I] [C] et Mme [P] [Y] demandent à la cour de :

Vu les articles L 114-1 à L 144-13 ; L 422-6 5° du code de commerce

9 ; 132 ; 317 ; 202 ; et suivants du code de procédure civile,

447-7 du code pénal

1103 ; 1104 ; 1193 ; 1240 et 1709 et suivants du code civil

Vu la loi Pinel du 19 juin 2014

Vu la loi du 19 juillet 2019 n° 2019-744

Vu le jugement du 5 avril 2022 du tribunal de commerce de Bordeaux

Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 5 avril 2022 en ce qu'il a :

Débouté Mme [E] [F] de sa demande de résolution de la convention de location-gérance du 12 février 2019.

Condamné Mme [E] [F] au paiement de la seconde partie de la redevance annuelle d'un montant de 13.000 euros.

Débouté Mme [E] [F] de ses autres demandes

Condamné Mme [E] [F] à payer la somme de 1.000 euros à Mme [R] [C] et 1.000 euros à M. [S] [Y] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamné Mme [E] [F] aux dépens.

Infirmer et réformer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 5 avril 2022 en ce qu'il a :

Condamné Mme [R] [C] et M. [S] [Y] au paiement d'une somme de 1.133,15 euros au titre de travaux d'entetien à Mme [F]

Débouté Mme [R] [C] et M. [S] [Y] de leur demande d'indemnisation au titre de leur préjudice causé par les fautes de Mme [F]

En conséquence condamner Mme [E] [F] à payer à Mme [R] [C] et à M. [S] [Y] la somme minimum de 50.000 euros au titre de leur préjudice reconnu.

Condamner Mme [F] à payer à chacun d'eux la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 août 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur l'appel principal:

Sur la demande tendant à la résolution du contrat de location-gérance:

1- Se fondant sur les dispositions des articles 1719 et 1224 du Code civil, Mme [F] soutient qu'elle était en droit de solliciter la résolution du contrat et d'opposer l'exception d'inexécution concernant le solde de la redevance, dès lors que le local était vétuste, qu'elle a dû entreprendre la réfection de la toiture d'un local présentant des points d'infiltrations, que l'une des portes du local ne fermait pas ce qui compromettait considérablement sa sécurité, que la DGCCRF a procédé à un contrôle (dont elle n'a pas obtenu le rapport ) et que le système électrique comportait de nombreuses non-conformités et anomalies, de sorte que le fonds ne pouvait être exploité paisiblement.

Elle ajoute que le fonds de commerce ne disposait d'aucune clientèle propre, que les loueurs ne lui ont d'ailleurs pas communiqué les chiffres d'affaires de ses précédents exploitations et qu'en réalité, elle a été trompée par les consorts [Y] et [C], lesquels n'ont pas exécuté le contrat de bonne foi.

2- M. [S] [Y], M. [I] [C] et Mme [P] [Y] répliquent qu'il n'existe ni contrôle, ni rapport de la DGCCRF (ou de la DDCSPP) ayant pu justifier la fermeture de l'établissement. Ils contestent les non-conformités alléguées et soulignent que seule l'incompétence commerciale de Mme [F] explique les mauvais résultats de l'exploitation du fonds de commerce et sa décision brutale de fermeture de l'établissement en pleine saison estivale.

Sur ce:

3- Selon les dispositions de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

4- Selon les dispositions de l'article 1226 du code civil, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification.

Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

5- Selon les dispositions de l'article 1227 du code civil, la résolution peut en toute hypothèse être demandée en justice.

6- En l'espèce, dans son courrier recommandé avec accusé de réception du 1er août 2019 adressé à chacun des loueurs, Mme [E] [F] formulait les griefs suivants:

- le montant de la redevance fixée dans la convention de location-gérance était arbitraire, dès lors qu'aucun chiffre d'affaires des précédents exploitants ne lui avait été communiqué,

- l'installation électrique n'était pas aux normes selon deux professionnels qu'elle avait dû faire intervenir la suite de pannes,

- aucun détecteur de fumée n'était installé dans l'établissement,

- selon deux contrôleurs de la répression des fraudes qui avaient effectué un passage dans son établissement à la suite d'une dénonciation, la cuisine ne respectait pas les normes sanitaires et de sécurité et relevait d'une interdiction d'exercer,

- il subsistait un litige avec ERDF concernant les index des compteurs au départ du précédent locataire, puisqu'une somme de 1329,26 euros lui étaient réclamée au titre d'une facture du 12 avril 2019 alors qu'elle avait commencé son exploitation le 31 mars 2019.

7- Il convient de relever que le premier grief ne concerne pas un manquement imputable aux loueurs dans l'exécution du contrat, mais un défaut d'information préalable à la conclusion du contrat, ce qui était susceptible, le cas échéant, de donner lieu à une action en dommages-intérêts, voire en nullité pour dol, mais non à une résolution unilatérale ou judiciaire.

Au demeurant, le précédent exploitant du fonds de commerce avait réalisé un chiffre d'affaires de 159106 euros lors de l'exercice annuel clos le 31 décembre 2018 (pièce 33 des intimés) et la SARL Aux plaisances, qui exploite depuis le 1er octobre 2019, a réalisé un chiffre d'affaires de 196 967.99 euros du 1er octobre 2019 au 1er octobre 2020, ce qui atteste de l'existence d'une clientèle attachée au fonds.

La preuve n'est pas rapportée que l'absence de clients durant la période d'exploitation de Mme [F], attestée par plusieurs personnes, soit consécutive à un manquement contractuel imputable aux loueurs.

8- Les autres griefs tiennent pour à l'état des locaux. Or, selon l'article 1er du contrat de location-gérance, le gérant prend le fonds de commerce et ses accessoires sans pouvoir exercer aucun recours contre le loueur pour quelque cause que ce soit.

9- Par ailleurs, selon attestation en date du 18 janvier 2021, M. [B], électricien, a certes indiqué avoir constaté plusieurs anomalies sur l'installation électrique du restaurant exploité par Mme [F], à l'enseigne 'les Cagouilles chromées', lors d'un déplacement sur site en mars 2019: l'absence de terre sur certaines prises, des sections de câbles trop faibles par rapport à leur fonction ou inappropriées, certaines prises présentes sans être alimentées en courant, un mauvais équilibrage des phases sur l'installation lorsque l'on allumait différents appareils dans la cuisine et le reste du restaurant.

Il convient toutefois de relever que cette attestation demeure imprécise, ne comporte aucun chiffrage des travaux de mise en conformité, et ne conclut pas à l'existence d'un danger pour la sécurité du personnel ou des clients.

Au demeurant, l'actuel exploitant du fonds de commerce (M. [T] [U]) a, par attestation du 3 juillet 2020, réfuté les dires de Mme [F], sur le caractère totalement défectueux de l'installation électrique.

Il n'est donc justifié d'aucune urgence à fermer l'établissement, au titre de ce grief, et Mme [F] ne démontre nullement avoir adressé une mise en demeure d'avoir à mettre l'installation électrique en conformité.

10- L'absence de détecteur de fumées, qui ne donne lieu à aucune attestation, ne constituait pas un motif suffisant pour prononcer la résolution unilatérale du contrat, et aucune mise en demeure préalable n'avait été adressée à ce sujet à Mme [R] [C] et M. [S] [Y]. Il en est de même en ce qui concerne la facture d'électricité du 12 avril 2019, qui concerne un litige avec ERDF, dont les loueurs ne pouvaient être tenus pour responsable.

11- Par ailleurs, il n'est nullement démontré qu'un contrôle sanitaire de l'établissement soit intervenu, concluant à un non-respect des normes sanitaires et de sécurité, et à une interdiction d'exploiter. Il n'est produit à cet égard ni attestation, ni rapport de contrôle. Il ressort du courrier du Préfet de la Gironde du 8 septembre 2021 qu'aucun des services de la Direction départementale de la protection des populations n'a réalisé de contrôle de l'établissement entre le 1er avril et le 30 juillet 2019.

12- Les autres griefs, invoqués seulement dans le cadre de l'instance, tenant à la nécessité de réaliser certains travaux d'entretien et de menues réparations ou de mettre en décharge certains éléments de mobilier inutilisables, ne justifiaient pas davantage une résolution unilatérale du contrat de location-gérance, sans mise en demeure préalable, avec fermeture immédiate à la seule diligence de Mme [F]. Il ne s'agissait pas davantage d'un motif de résolution judiciaire, dès lors que Mme [F] était informée de l'état des lieux lors de sa prise de possession, et avait donc pu constater par elle-même l'état des matériels garnissant les locaux.

13- Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [F] de sa demande de résolution de la convention de location-gérance et de remboursement de la somme de 13'000 euros représentant la moitié de la redevance annuelle.

Le jugement sera pareillement confirmé en ce qu'il a condamné Mme [F] à payer à ses loueurs la somme de 13'000 euros au titre de la deuxième échéance de la redevance qui était exigible au plus tard le 8 mai 2019, sans que Mme [F] puisse utilement invoquer d'exception d'inexécution.

Sur l'appel incident:

Concernant la demande de remboursement de frais de travaux:

14- Mme [F] soutient que les travaux dont elle a fait l'avance ont pour cause la vétusté et doivent être remboursés par les loueurs.

15- M.[I] [C], M.[S] [Y] et Mme [P] [Y] répliquent que Mme [F] avait une parfaite connaissance du matériel loué lorsqu'elle a conclu le contrat, qu'elle a renoncé dans le contrat à exercer tout recours contre le loueur, pour quelque cause que ce soit, et qui lui incombait en conséquence de remplacer le matériel hors d'usage et d'entretenir les locaux.

Sur ce:

16- La demande de Mme [F] ne porte pas sur du matériel ou du mobilier servant à l'exploitation du fonds, mais concerne le remboursement des travaux effectués sur une toiture des locaux loués (887.55 euros TTC), sur la fourniture et la pose d'un mitigeur, et la pose d'une serrure sur porte vitrée (345,60 euros TTC).

17- Il convient de rappeler que la mise en location-gérance d'un fonds de commerce ne constitue pas une sous-location, dès lors que la jouissance des locaux constitue seulement la conséquence accessoire et nécessaire de la mise à disposition du fonds (le droit au bail constituant un élément du fonds de commerce).

Le bail rappelle d'ailleurs expressément que la locataire-gérante du fonds de commerce, ne pouvait invoquer la qualité de sous-locataire des locaux.

Contrairement à ce que le tribunal a retenu, Mme [F] ne pouvait donc prétendre bénéficier des dispositions de l'article R. 145-35 du code de commerce, dans sa rédaction issue du décret 2014 -1317 du 3 novembre 2014, interdisant que soient imputées au locataire (à savoir au preneur du bail commercial) les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du Code civil ainsi que les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté.

18- Par ailleurs, le contrat de location-gérance stipule en son article 1er que le gérant prendra le fonds de commerce et ses accessoires sans pouvoir exercer aucun recours contre le loueur pour quelque cause que ce soit et sans pouvoir prétendre à aucune indemnité ni diminution de la redevance.

Il ne comporte aucune clause autorisant le locataire gérant à obtenir auprès des propriétaires du fonds de commerce (eux-mêmes locataires de la société Euronat), le remboursement de frais d'entretien ou de réparations, tels que ceux exposés par Mme [F].

19- Il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamnéMme [R] [C] et M. [S] [Y] à payer à Mme [F] la somme de 1133,15 euros; et, statuant à nouveau, de rejeter la demande formée de ce chef par Mme [F].

Concernant la demande de dommages-intérêts:

20- Se fondant sur les dispositions des articles 1240 du civil, et L.422-6 5°, les consorts [C] et [Y] font valoir que l'attitude brutale et mensongère de Mme [F], avec rupture abusive du contrat de location-gérance, les a placés dans une situation difficile voire dangereuse vis-à-vis du centre de vacances Euronat qui les a mis immédiatement en demeure de rouvrir l'établissement. Ils soulignent avoir perdu deux mois d'activité, et avoir retrouvé difficilement un nouveau locataire-gérant à compter du 1er octobre 2019. Ils précisent avoir dû revoir le pacte de préférence initialement conclu avec Mme [F], en réduisant le prix de vente de 160'000 euros à 95'000 euros.

21- Mme [F] réplique que les loueurs ont retrouvé un nouveau locataire, à savoir M. [U], seulement deux mois après son départ, et pour une redevance annuelle supérieure à ce qui était prévu dans son contrat. Elle ajoute que rien n'obligeait les consorts [C] et [Y] à réduire le montant de la vente éventuelle à la somme de 70'000 euros, dans le cadre du pacte de préférence consentie à M. [U].

Sur ce:

22- Les consorts [C] et [Y] ne peuvent utilement invoquer les dispositions de l'article 1240 du code civil, propres à la responsabilité délictuelle, dès lors qu'ils invoquent l'existence d'un dommage consécutif à la résolution fautive d'un contrat.

23- Ils ne peuvent davantage solliciter le bénéfice des dispositions de l'article L. 442-6 I du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur à la date de conclusion du contrat de location-gérance, dès lors qu'il n'existait pas de relation commerciale établie avec Mme [F], s'agissant d'un contrat de location-gérance conclu pour une durée de sept mois et exécuté seulement pendant quatre mois, dont rien ne permettait de penser qu'il serait renouvelé ou conduirait à une relation stable et pérenne.

24- Les consorts [C] et [Y] ne peuvent en réalité prétendre à dommages-intérêts que sur le fondement des articles 1217 et 1228 du code civil en démontrant quel a été le préjudice causé par la résolution unilatérale et fautive du contrat de location-gérance par Mme [F].

25- Dès lors que le contrat de location-gérance avait été conclu pour une durée de 7 mois, soit du 1er avril 2019 au 30 octobre 2019, moyennant le paiement de la somme de 2x13000 = 26000 euros, au paiement de laquelle Mme [F] se trouve condamnée, il n'existe pas de perte locative puisqu'un nouveau contrat de location-gérance a été conclu avec M. [T] [U], avec effet au 1er octobre 2019, pour une durée de deux ans, et moyennant un loyer plus élevé que celui consenti à Mme [F] (36000 euros par an).

26- Aucune perte certaine n'est établie, concernant la pacte de préférence. Il n'existe en effet aucune certitude sur le fait que Mme [F] aurait entendu acheter le fonds de commerce au prix de 160 000 euros, qui correspond seulement au prix maximum de vente alors convenu entre les parties, si les loueurs avaient entendu céder leur fonds.

27- En conséquence, il convient seulement d'indemniser le préjudice subi par les loueurs, lié aux perturbations occasionnées par la rupture soudaine du contrat, et aux diligences inattendues et urgentes qui ont dû être accomplies en plein été 2019 afin de trouver un nouveau locataire gérant, sous la pression de la société Euronat qui les avait mis en demeure de rouvrir et d'exploiter le commerce, dès le 5 aout 2019.

28- Infirmant le jugement, la cour allouera à ce titre une indemnité de 800 euros aux consorts [C] et [Y].

Sur les demandes accessoires :

29- Il est équitable d'allouer aux consorts [C] et [Y], ensemble, une indemnité de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en complément de celle déjà allouée par le premier juge.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:

Infirme le jugement rendu le 5 avril 2022 par le tribunal de commerce de Bordeaux, en ce qu'il a :

- condamné Mme [R] [C] et M. [S] [Y] au paiement de la somme de 1.133,15 euros au titre du remboursement des frais de travaux réalisés par Mme [E] [F],

- débouté Mme [R] [C] et M. [S] [Y] de leur demande de dommages et intérêts de 50.000,00 euros,

Statuant à nouveau,

Rejette la demande de Mme [E] [F], en remboursement de la somme de 1133,15 euros, au titre des frais de travaux réalisés,

Condamne Mme [E] [F] à payer à M. [S] [Y],M. [I] [C] et Mme [P] [Y], ensemble, la somme globale de 800 euros à titre de dommages-intérêts,

Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions, sauf à préciser que M. [I] [C] et Mme [P] [Y] viennent aux droits de Mme [R] [C], en qualité d'héritiers,

Y ajoutant,

Condamne Mme [E] [F] à payer à M. [S] [Y],M. [I] [C] et Mme [P] [Y], ensemble, la somme globale de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes,

Condamne Mme [E] [F] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.