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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 4, 9 octobre 2024, n° 23/00392

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/00392

9 octobre 2024

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRET DU 09 OCTOBRE 2024

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 23/00392 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHTQF

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 09 mai 2023 - Conseiller de la mise en état, cour d'appel de Paris, pôle 5, chambre 5 - RG n°23/00392

DEMANDEUR AU DÉFÉRÉ

S.A.S. EDIIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de St Malo sous le numéro 510 108 814

[Adresse 6]

[Localité 8]

S.A.S. CTS [Localité 4], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS d'Epinal sous le numéro 799 287 230

[Adresse 9]

[Localité 4]

S.A.S. SERVICHEQUE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de St Malo sous le numéro 344 642 418

[Adresse 6]

[Localité 8]

S.A.S. CTS [Localité 1], représentée par Maître [G] [K], ès qualité de liquidateur judiciaire, désignée à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Caen en date du 09 novembre 2022

immatriculée au RCS de Caen sous le numéro 799 358 163

[Adresse 7]

[Localité 1]

représentées par Me François Teytaud, de l'AARPI TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de Paris, toque : J125

DÉFENDEUR AU DÉFÉRÉ

S.A. SOCIETE GENERALE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 552 120 222

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée et assistée de Me Denis Laurent, de l'AARPI TGLD, avocat au barreau de Paris, toque : R10

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Brigitte Brun-Lallemand, première présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Brigitte Brun-Lallemand, première présidente de chambre

Mme Sophie Depelley, conseillère

Mme Marie-Laure Dallery, magistrat à titre honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : M. Maxime Martinez

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Brigitte Brun-Lallemand, première présidente de chambre et par M. Maxime Martinez, greffier, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Eddis, qui est spécialisée en matière de prestations « CRM » (« gestion de la relation client »), d'éditique et de dématérialisation, notamment dans le domaine de la fabrication de produits fiduciaires et de documents imprimés sécurisés, est la société faitière de :

- La SAS Servichèque et la SAS Natel Monétique, achetées en 2009 au groupe CPC, qui sont spécialisées dans la conception et la fabrication de chèques, lettres-chèques et autres produits bancaires ;

- La SAS CTS [Localité 4], la SAS [Localité 5] et la SAS CTS [Localité 1], créées en 2013 après le rachat de la société Obertur, qui fabriquent des carnets de chèques dans les sites qu'elles exploitent.

La SA Société Générale est un établissement bancaire.

La SA Société Générale, à titre personnel et en qualité de mandataire de la société Crédit du Nord, a confié à la société Oberthur et au groupe CPC la charge de fabriquer ses carnets de chèques. Les relations se sont poursuivies avec la SAS Ediis.

La fabrication des produits bancaires était réalisée sur les sites exploités par les sociétés CTS [Localité 4], CTS [Localité 1], Servichèque et Natel Monétique, et a fait l'objet de marchés successifs renouvelés pour trois ans en dernier lieu le 1er juillet 2018 (confection de chéquiers) et le 1er juillet 2019 (fabrication de bordereaux de remise de chèques).

Par courrier du 5 juin 2020 « valant préavis de rupture », la SA Société Générale a notifié à la SAS Ediis le non-renouvellement des contrats portant sur la fabrication de chéquiers à leur échéance le 30 juin 2021 et lui a annoncé l'organisation prochaine d'une mise en concurrence. Puis, le 6 octobre 2020, elle l'a informée qu'Editis n'était pas intégrée à l'appel d'offre lancé le 10 septembre précédent.

Par lettre du 30 juillet 2021, la SAS Ediis a dénoncé le caractère brutal de la rupture de leurs relations commerciales au regard de la durée de préavis dont elle avait disposé. Les échanges ensuite intervenus entre les parties n'ont pas permis de trouver une issue amiable au différend.

Par acte du 21 décembre 2021, les sociétés Ediis, CTS [Localité 4], Servichèque et CTS [Localité 1], autorisées à assigner à bref délai par ordonnance rendue sur requête le 16 décembre 2021 par le président du tribunal de commerce de Paris, ont assigné la SA Société Générale devant cette juridiction pour obtenir réparation de la rupture brutale des relations commerciales établies, seule la SAS Ediis formulant néanmoins des demandes indemnitaires et au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 28 mars 2022 le tribunal de commerce de Paris a :

- Débouté la SAS Ediis de l'ensemble de ses demandes,

- Condamné la SAS Ediis à payer à la SA Société Générale la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du CPC

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,

- Condamné la SAS Ediis aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 29 avril 2022, les sociétés Ediis, CTS [Localité 4], CTS [Localité 1] et Servichèque ont interjeté appel de ce jugement.

Par jugement du 9 novembre 2022, le tribunal de commerce de Caen a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société CTS [Localité 1].

La SA Société Générale a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident tendant à voir, à titre principal, déclarer irrecevable l'appel interjeté par les sociétés CT [Localité 4], Servichèque et CTS [Localité 1] et, à titre subsidiaire, déclarer irrecevables les demandes formées par les sociétés CTS [Localité 4], Servichèque et CTS [Localité 1] pour la première fois en cause d'appel.

En réponse, les sociétés Ediis, CTS [Localité 4], CTS [Localité 1] et Servichèque ont demandé au conseiller de la mise en état, au visa des articles 126, 546, 561 et suivants, et 910-4 du code de procédure civile et 1382 du code civil, à titre principal, se déclarer incompétent pour statuer sur la demande d'irrecevabilité de l'appel formulée par la SA Société Générale et, à titre subsidiaire, de déclarer recevable l'appel interjeté par les sociétés CTS [Localité 4], CTS [Localité 1] et Servichèque.

Par ordonnance sur incident rendue le 9 mai 2023 le conseiller de la mise en état à la cour d'appel de Paris a :

- Rejeté la fin de non-recevoir, improprement qualifiée d'exception d'incompétence, opposée par les sociétés Ediis, CTS [Localité 4], CTS [Localité 1] et Servichèque au titre de l'irrecevabilité de l'appel ;

- Déclaré irrecevable l'appel interjeté par les sociétés CTS [Localité 4], CTS [Localité 1] et Servichèque ;

- Rappelé que l'instance se poursuit entre la SAS Ediis et la SA Société Générale ;

- Rejeté les demandes des sociétés Ediis, CTS [Localité 4], CTS [Localité 1] et Servichèque au titre des frais irrépétibles ;

- Rejeté la demande de la SA Société Générale présentée contre la SAS Ediis au titre des frais irrépétibles ;

- Condamné in solidum les sociétés CTS [Localité 4], CTS [Localité 1] et Servichèque à payer à la SA Société Générale la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné in solidum les sociétés CTS [Localité 4], CTS [Localité 1] et Servichèque à supporter les entiers dépens de l'incident.

Par requête du 23 mai 2023, les sociétés Ediis, CTS [Localité 4], CTS [Localité 1] et Servichèque ont déféré à la Cour ladite ordonnance en ce qu'elle a jugé que l'appel interjeté par les sociétés CTS [Localité 4], CTS [Localité 1] et Servichèque était irrecevable.

Par assignation en intervention forcée du 5 juillet 2024, la Société Générale a fait intervenir Maître [G] [K], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société CTS [Localité 1].

Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 3 septembre 2024, les sociétés Ediis, CTS [Localité 4], CTS [Localité 1] et Servichèque demandent à la Cour de :

Vu les articles 126, 546, 561 et suivants, et 910-4 du code de procédure civile,

Vu l'article 916 du code de procédure civile,

Vu les articles 369 et 372 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 622-22 du code de commerce,

Vu l'article 1382 du Code civil,

Vu l'avis n° 15008 du 3 juin 2021 de la Cour de cassation et les arrêts du 18 décembre 2008 de la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation,

Juger nulle et non avenue l'ordonnance entreprise à l'égard de la société CTS [Localité 1],

Juger que le Conseiller de la mise en état est resté saisi de l'incident opposé par la Société Générale à l'égard de la société CTS [Localité 1] et remettre la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'ordonnance déférée,

Infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu'elle a :

- rejeté la fin de non-recevoir, improprement qualifiée d'exception d'incompétence, opposée par les sociétés Ediis, CTS [Localité 4], CTS [Localité 1] et Servichèque au titre de l'irrecevabilité de l'appel,

- déclaré irrecevable l'appel interjeté par les sociétés CTS [Localité 4], CTS [Localité 1] et Servichèque,

- rappelé que l'instance se poursuit entre la SAS Ediis et la SA Société Générale,

- rejeté les demandes des sociétés Ediis, CTS [Localité 4], CTS [Localité 1] et Servichèque au titre des frais irrépétibles,

- condamné in solidum les sociétés Ediis, CTS [Localité 4], CTS [Localité 1] et Servichèque à payer à la Société Générale la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné in solidum les sociétés Ediis, CTS [Localité 4], CTS [Localité 1] et Servichèque à supporter les entiers dépens de l'incident.

Et, statuant à nouveau :

- Déclarer que le Conseiller de la mise en état était incompétent, ou à tout le moins dépourvu de pouvoirs juridictionnels, pour statuer sur la demande de la Société Générale tendant à voir déclarer irrecevables l'appel comme les demandes formées à hauteur d'appel par les sociétés CTS [Localité 4], Servicheque et CTS [Localité 1],

- Déclarer recevable l'appel interjeté par les sociétés CTS [Localité 4], Servicheque et CTS [Localité 1],

- Déclarer recevable les demandes formées par les sociétés CTS [Localité 4], Servicheque et CTS [Localité 1],

- Juger que les sociétés CTS [Localité 4], Servicheque et CTS [Localité 1] sont recevables en leur appel et leurs demandes,

- Débouter la Société Générale de l'ensemble de ses fins de non-recevoir et demandes,

- Condamner la Société Générale à payer aux sociétés Ediis, CTS [Localité 4], Servicheque et CTS [Localité 1] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre de l'instance d'incident, outre les entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions (n°3), déposées et notifiées le 30 aout 2024, la Société Générale demande à la Cour de :

Vu les articles 546, 564, 565 et 914 du Code de procédure civile,

A titre principal,

- déclarer irrecevable à agir en déféré la société CTS [Localité 1],

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 9 mai 2023 par le Conseiller de la mise en état (RG n° 22/08779) ;

A titre subsidiaire,

- déclarer irrecevables les demandes formées par les sociétés CTS [Localité 4], Servicheque et CTS [Localité 1] pour la première fois en cause d'appel ;

En tout état de cause :

- condamner in solidum les sociétés Ediis, CTS [Localité 4], Servicheque et CTS [Localité 1] à payer à Société Générale la somme de 8.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner les sociétés Ediis, CTS [Localité 4], Servicheque et CTS [Localité 1] aux dépens.

La Cour renvoie à la décision attaquée et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de capacité à agir en justice de la société CTS [Localité 1]

Moyens des parties

La Société Générale soutient que la société CTS [Localité 1] n'a pas qualité à agir depuis son placement en liquidation judiciaire le 9 novembre 2022. Elle fait valoir que depuis cette date, seul son liquidateur peut agir en justice et que c'est donc à lui qu'il appartenant d'introduire un déféré contre l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état. Elle ajoute que l'intervention postérieure du liquidateur ne peut régulariser la procédure (voir en ce sens Cass. Com. 10. Déc. 2003, n°00-19.230), étant relevé de surcroît qu'en application de l'article 916 du code de procédure civile, le délai de déféré a expiré le 24 mai 2023.

En réponse, la CTS [Localité 1] et son liquidateur, partie intervenante, prétendent que le placement en liquidation judiciaire de la société CTS [Localité 1] a eu pour conséquence en application de l'article 360 du code de procédure civile d'interrompre l'instance et que l'ordonnance sur incident rendue le 9 mai 2023 est nulle et non avenue de plein droit à l'égard de la société CTS [Localité 1].

Réponse de la Cour

En application de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de qualité.

Il résulte, d'abord, des dispositions combinées des articles 31 et 32 du code de procédure civile et L. 641-9 du code de commerce qu'un des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou défendre un intérêt déterminé, est la liquidation judiciaire, laquelle emporte dessaisissement du débiteur. Il s'ensuit que seul le liquidateur judiciaire dispose de la qualité à agir en justice au nom d'une société placée en liquidation. Toute prétention émise par le débiteur, lequel est dépourvu du droit d'agir, est donc irrecevable.

Il ressort, ensuite, de l'article L. 622-21 du code de commerce que les seules instances à être interrompues par une procédure collective sont celles qui tendent à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement de sa part. Il s'ensuit qu'une instance initiée par une société placée en en procédure collective ne fait pas l'objet d'une interruption en application de cette disposition.

Il se déduit de l'ensemble qu'à compter du 9 novembre 2022, seul le liquidateur judiciaire de la société CTS Courseuilles pouvait agir en justice et notamment former un déféré contre l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état.

La société CTS est en conséquence irrecevable à agir en déféré.

Sur le pouvoir juridictionnel du conseiller de la mise en état pour connaitre de la recevabilité de l'appel et des demandes nouvelles

Moyens des parties

Les sociétés Ediis, CTS [Localité 4] et Servichèque font valoir, en premier lieu, que comme l'a relevé le conseiller de la mise en état dans son ordonnance du 9 mai 2023, l'articulation des moyens de défense des sociétés Ediis, CTS [Localité 4] et Servichèque dans la procédure d'incident (incompétence du conseiller de la mise en état à titre principal et rejet de l'irrecevabilité de l'appel à titre subsidiaire) induit nécessairement qu'elles opposaient l'incompétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur les deux fins de non-recevoir soulevées par la Société générale, à savoir la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes nouvelles et la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel. L'incompétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur l'irrecevabilité de l'appel était ainsi invoquée et a été débattu à l'audience. Ceci ressort par ailleurs du premier chef du dispositif de l'ordonnance déférée.

Elles soutiennent, en second lieu, que le conseiller de la mise en état ne pouvait retenir sa compétence, faute de pouvoir juridictionnel pour connaitre de la recevabilité de l'appel et des demandes nouvelles. Elle font valoir qu'il ressort de l'avis n° 15008 de la Cour de cassation du 3 juin 2021 que le conseiller de la mise en état n'a pas compétence pour trancher la fin de non-recevoir tirée de la nouveauté des demandes en cause d'appel ; qu'il ne peut en outre pas connaitre des fins de non-recevoir qui auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par les premiers juges ; que sont également exclues de sa compétence les fins de non-recevoir qui touchent au droit d'agir en appel (Cass. Civ. 2eme 18 décembre 2008, n°07-20.20.599).

En réponse, la SA Société Générale maintient que les requérantes n'ont pas soulevé la prétention tenant à l'incompétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur la recevabilité de l'appel dans le cadre de l'incident, que la demande est nouvelle et qu'elle doit pour cette raison être déclarée irrecevable.

Elle ajoute qu'en toute hypothèse ce moyen n'est pas fondé, l'article 914 du code de procédure civile applicable à compter du 1er septembre 2017 prévoyant la compétence exclusive du conseiller de la mise en état pour statuer sur la recevabilité de l'appel.

Réponse de la Cour

En premier lieu, la Cour rappelle qu'à l'occasion d'un déféré, les parties peuvent invoquer un nouveau moyen, mais ne peuvent lui soumettre de nouvelles prétentions, spécialement celles qui auraient dû être préalablement soumises au conseiller de la mise en état (Voir en ce sens, Cass. 2e Civ, 31 janvier 2019, n°17-22.765 ; 4 mars 2021, n°19-15.695).

Elle retient qu'au cas présent, les requérantes ayant soumis cette prétention dans le cadre de l'incident, la demande tendant à voir déclarer le conseiller de la mise en état incompétent formée dans le cadre du présent déféré est recevable.

En second lieu, la Cour observe :

- qu'en application de l'article 914 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est seul compétent, depuis sa désignation jusqu'à la clôture de l'instruction, pour « déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel » ;

- que dans son avis n°15008 du 3 juin 2021, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation précise que « le conseiller de la mise en état ne peut connaitre des fins de non-recevoir (') qui, bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge. »

Il s'en suit que c'est à raison que le conseiller de la mise en état a retenu que l'irrecevabilité de l'appel ne porte que sur la procédure d'appel et ses conditions de possibilité, et non sur ce qui a été jugé en première instance. Il a de manière pertinente observé de surcroit que l'irrecevabilité de l'appel n'affecte pas, par hypothèse, ce qui avait été jugé au fond, la fin de non-recevoir étant née postérieurement au jugement frappé d'appel.

La Cour retient que le conseiller de la mise en état en a en conséquence justement déduit avoir le pouvoir de statuer sur la recevabilité de l'appel.

La fin de non-recevoir opposée par les appelantes est rejetée. L'ordonnance déférée est confirmée.

Sur la recevabilité de l'appel

Moyen des parties

A titre principal, les sociétés Ediis, CTS [Localité 4] et Servichèque prétendent avoir modifié leurs demandes à l'audience de plaidoiries du tribunal de commerce en réponse à la fin de non-recevoir qui leur était opposée, le préjudice dont la SAS Ediis sollicitait la réparation ayant été exposé dès l'origine dans l'assignation en considération du manque à gagner de chacune de ses filiales. Elles ajoutent avoir dès leurs premières conclusions à hauteur d'appel présenté des demandes de condamnation à leur bénéfice et invité la Cour à réparer l'omission de statuer du tribunal concernant les prétentions qu'elles avaient formulées oralement à l'audience et qui n'étaient en réalité que la simple ventilation de l'indemnisation sollicitée par la SAS Ediis, sans modification de l'objet du litige.

Elles estiment que les éléments dont elles font état formeraient à tout le moins un faisceau d'indices concordants qui alimente une présomption du fait de l'homme attestant qu'elles avaient chacune formé dès la première instance une demande de réparation du préjudice subi par elles à raison de la rupture brutale des relations commerciales établies. Elles en déduisent qu'il n'y a eu, de leur point de vue, aucune modification du périmètre du litige ni de son objet, les demandes étant identiques et connues de la Société Générale.

Elles font enfin valoir que dans la mesure où est seule est en cause la répartition entre les demanderesses des conséquences financières de la rupture, les demandes formées en appel par les sociétés Servichèque, CTS [Localité 1] et CTS [Localité 4] sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des demandes originaires.

La SA Société Générale répond que les sociétés CTS [Localité 4], Servichèque et CTS [Localité 1] ne justifient pas d'un intérêt à former appel dès lors qu'elles n'avaient pas formulé la moindre demande devant les premiers juges ; qu'elles n'ont, a fortiori pas succombé même partiellement sur un ou plusieurs chefs de demande et que le jugement critiqué ne prononce aucune condamnation à leur encontre.

Selon l'intimée, il n'existe aucun faisceau d'indices concordant ; il ressort bien au contraire des pièces du dossier que les sociétés CTS [Localité 4], Servichèque et CTS [Localité 1] n'avaient formulé, même oralement, aucune demande en leur nom en première instance. Seule la société Ediis avait formé des demandes de condamnation en première instance, si bien que les demandes adverses sont nouvelles car formulées pour la première fois en cause d'appel.

Réponse de la Cour

En application de l'article 546 du code de procédure civile, le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé.

L'intérêt à interjeter appel a pour mesure la succombance, qui réside dans le fait de ne pas avoir obtenu satisfaction sur un ou plusieurs chefs de demande présentés en première instance (Cass. 2eme Civ., 4 mars 2021, n°19-21.579)

En l'espèce, le conseiller de la mise en état a à raison observé :

- qu'aux termes du jugement attaqué, conforme sur ce point à l'assignation du 21 décembre 2021, les sociétés CTS [Localité 4] et Servichèque n'ont formulé aucune demande devant le tribunal de commerce, seule la société Ediis ayant sollicité des condamnations, et ce à son seul bénéfice, tant au titre des frais irrépétibles qu'à celui des préjudices causés par la rupture brutale des relations commerciales établies (s'agissant des « sites d'[Localité 4], de [Localité 8] et de [Localité 1] », la désorganisation induite ayant par ailleurs porté atteinte « à l'image de marque du groupe Ediis ») ;

- que les parties ayant assigné selon la procédure à jour fixe, l'autorisation d'assigner à bref délai mentionnait qu'aucun renvoi ne serait accordé à la demande du requérant, qui s'interdisait de déposer des conclusions en réplique, l'affaire étant à défaut renvoyée à la mise en état (pièce Société générale n°1) ;

- que les appelantes n'établissent aucune modification des prétentions ni omission de statuer imputable au tribunal et qu'elles s'abstiennent notamment de produire une note d'audience ou un procès-verbal, dont l'établissement est pourtant obligatoire en procédure orale au sens de l'article 727 du code de procédure civile.

La Cour retient, par ailleurs, qu'aucune régularisation de l'absence de succombance n'est pas hypothèse possible en cause d'appel, sauf à supprimer la condition d'un intérêt à agir, laquelle s'apprécie au jour de la déclaration d'appel et ne peut dépendre de circonstances postérieures (en ce sens Cass, 2eme Civ. 20 octobre 2005, n°03-20.628).

Il s'en suit que l'appel interjeté par CTS [Localité 4] et Servichèque est irrecevable faute d'intérêt à agir.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Succombant sur déféré, les sociétés Ediis, CTS [Localité 4], CTS [Localité 1] et Servichèque, dont la demande au tire des frais irrépétibles est rejetée, seront in solidum condamnées aux dépens, ainsi qu'à la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare la société CTS [Localité 1] irrecevable à agir en déféré ;

Confirme l'ordonnance du magistrat en charge de la mise en état en date du 9 mai 2023 ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum les sociétés Ediis, CTS [Localité 4], CTS [Localité 1] et Servichèque, aux dépens,

Condamne in solidum les sociétés Ediis, CTS [Localité 4], CTS [Localité 1] et Servichèque à verser à la Société générale la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE