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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 10 octobre 2024, n° 21/06825

LYON

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

Me Richard, Me Pillonel

TJ Saint-Etienne, 1ère ch. civ., du 30 a…

30 août 2021

Mme [K] a exploité un fonds de commerce de débit de boissons dans des locaux situés [Adresse 4] à [Localité 3], qu'elle occupait en vertu d'un bail sous seing privé en date du 04 avril 1980, renouvelé à compter du 1er avril 1989.

Par acte sous seing privé du 05 mai 2005, Mme [K] a cédé son fonds de commerce à la société Le Retour.

Selon acte du 09 octobre 2007, Mme [S] [H] épouse [P], propriétaire des murs, a consenti à la société Le Retour un bail mixte commercial et d'habitation portant sur les locaux suivants :

'Au rez-de-chaussée : Un magasin angle rue du Théâtre et du passage avec WC

Deux pièces appartement surélevées par rapport au magasin avec sortie dans l'allée de l'immeuble et ouverture sur le passage

Une cave attenante dans le prolongement du magasin et sur le même niveau limitée par une arche,

Au deuxième étage : Un vestibule, deux chambres avec une fenêtre, chacune donnant au sud sur passage et sur cour intérieure. Une cuisine avec fenêtre sur passage avec exposition sud, une troisième chambre faisant angle de l'immeuble avec fenêtre côté sud sur passage et une deuxième fenêtre donnant sur la [Adresse 11]'.

La société Le Retour a été dissoute le 31 août 2009 et l'exploitation du fonds de commerce est passée entre les mains de M. [V] [U].

Selon acte du 29 juin 2011, Mme [H] a cédé les locaux aux consorts [J].

Par ordonnance en date du 21 Février 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Etienne a constaté la résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire, ordonné l'expulsion de M. [U] et condamné celui-ci à payer aux consorts [J] la somme de 6.464,91 euros au titre de l'arriéré de loyers, ainsi qu'au règlement d'une indemnité d'occupation.

Par jugement du 12 juin 2013, le tribunal de grande instance de Saint-Etienne a dit que les parties étaient liées par un bail verbal portant sur le local à usage commercial sis [Adresse 4] et condamné les consorts [J] à des dommages et intérêts pour avoir fautivement transmis un décompte erroné durant l'instance en référé.

Par arrêt du 26 mars 2015, la cour d'appel de Lyon a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions.

Par acte d'huissier 07 juillet 2015, les consorts [J] ont fait sommation à M. [U] de justifier de son inscription au registre du commerce et des sociétés.

Par acte d'huissier du 30 Septembre 2015, les consorts [J] ont signifié à M. [U] un congé sans offre de renouvellement à effet du 31 mars 2016.

Par jugement du 10 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Saint-Etienne a validé le congé du 30 septembre 2015 et ordonné l'expulsion de M. [U], en condamnant le preneur à payer une indemnité d'occupation.

M. [U] a été expulsé des locaux commerciaux le 03 avril 2017. Il a quitté les locaux d'habitation en octobre 2017, après qu'un commandement de quitter les lieux lui a été délivré.

Par arrêt du 21 juin 2018, prononcé sur appel de M. [U], la cour d'appel de Lyon a :

- infirmé le jugement du 10 novembre 2016 ;

- débouté les consorts [J] de toutes leurs prétentions ;

- condamné les mêmes in solidum à payer à M. [U] la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice subi résultant de son expulsion ;

- débouté M. [U] du surplus de ses prétentions ;

- condamné in solidum les consorts [J] à payer à M. [U] la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum les consorts [J] aux dépens.

La cour a retenu qu'aucun élément n'établissait que les parties aient voulu soumettre le bail verbal, dont l'existence avait été reconnue en son arrêt du 26 mars 2015, au statut des baux commerciaux, de sorte que le congé délivré au visa des dispositions afférentes du code de commerce était inopérant.

Elle a jugé au surplus que M. [U] n'apportait pas la preuve de ce que son fonds de commerce avait été perdu plutôt que transféré et ne justifiait pas de l'indemnité mise en compte au titre de sa valeur.

Par lettre d'avocat du 24 juillet 2018, M. [U] a demandé aux consorts [J] sa réintégration dans les locaux litigieux.

Par acte d'huissier du 13 novembre 2019, M. [U] a fait citer les consorts [J] devant le juge de l'exécution de Saint-Etienne.

Par jugement du 20 juillet 2020, ce magistrat a :

- condamné les consorts [J] à restituer à M. [U] la jouissance des lieux situés [Adresse 4] à [Localité 3] (42) comprenant :

Au rez-de-chaussée : un magasin angle rue du Théâtre et du passage avec WC,

Deux pièces appartement surélevées par rapport au magasin avec sortie dans l'allée de l'immeuble et ouverture sur le passage,

une cave attenant dans le prolongement du magasin et sur le même niveau limitée par une arche,

au deuxième étage : un vestibule, deux chambres avec une fenêtre, chacune donnant au sud sur passage et sur cour inférieure. Une cuisine avec fenêtre sur passage avec exposition sud, une troisième chambre faisant angle de l'immeuble avec fenêtre côté sud sur passage et une deuxième fenêtre donnant sur la [Adresse 11] ;

- assorti cette condamnation d'une astreinte provisoire de 100 euros par jour à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la signification du présent jugement et ce pendant un délai de quatre mois ;

- condamné in solidum les consorts [J] à payer à M. [U] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum les consorts [J] aux dépens ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le juge de l'exécution a retenu qu'en infirmant le jugement du 10 novembre 2016, la cour avait implicitement annulé la procédure d'expulsion et consacré l'obligation de réintégration du locataire, dont l'absence d'exécution spontanée commandait qu'elle soit assortie d'une astreinte.

Ce magistrat a également jugé que la cour s'était déjà prononcée le 21 juin 2018 sur le préjudice né de l'expulsion et que le préjudice né postérieurement à cet arrêt résultait du manque de diligence de M. [U] en vue de sa réintégration.

Par arrêt du 07 janvier 2021, la cour d'appel de Lyon a :

- confirmé le jugement, sauf en ce qu'il a :

condamné sous astreinte les consorts [J] à restituer à M. [U] la jouissance des lieux situés [Adresse 5] à [Localité 3] dans le délai de deux mois suivant sa signification,

condamné in solidum les consorts [J] à payer à M. [U] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné in solidum les consorts [J] aux dépens ;

- infirmé le jugement sur ces points ;

statuant à nouveau :

- débouté M. [U] de sa demande à fin de restitution sous astreinte des locaux situés [Adresse 4] ;

- condamné M. [U] aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct des dépens d'appel au profit de Me Richard, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

- débouté les consorts [J] et M. [U] de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté le surplus des demandes.

La cour a retenu qu'il ressortait de l'arrêt du 21 juin 2018 que M. [U] n'avait pas demandé à la cour sa réintégration dans les lieux loués, alors qu'il se trouvait déjà expulsé du local professionnel à la date de ses dernières conclusions ; qu'en effet il n'avait sollicité que l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de son fonds de commerce suite à l'expulsion ; que par ailleurs, s'il indiquait avoir été expulsé en octobre 2017 de la partie habitation des locaux loués, il ne l'établissait par aucune pièce ; qu'ainsi il avait libéré volontairement cette partie habitation, nonobstant la procédure d'appel en cours ; qu'il résultait de ces éléments que le premier juge avait modifié le dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 21 juin 2018 en considérant que cette décision avait ordonné la restitution des lieux loués, alors qu'une telle demande n'avait jamais été formulée dans le cadre de la procédure d'appel considérée ; qu'en l'absence de titre exécutoire fondant l'obligation de restitution des lieux loués, M. [U] devait être débouté de sa demande afin de voir condamner les consorts [J] à lui restituer sous astreinte la jouissance des lieux.

La cour a également jugé que l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 21 juin 2018 avait déjà statué sur la demande de dommages-intérêts de M. [U] résultant de son expulsion; qu'en l'absence d'obligation de restitution des lieux loués à l'intéressé, ce dernier ne justifiait pas avoir subi de préjudice supplémentaire par la faute des consorts [J] ; qu'il convenait en conséquence de confirmer le jugement du 20 juillet 2020 en ce qu'il avait débouté M. [U] de ses demandes de dommages et intérêts.

Par assignation signifiée le 19 février 2021, M. [U] a fait citer M. [G] [J], M. [L] [J], M. [T] [J], M. [A] [J], Mme [E] [B], Mme [W] [X], Mme [I]-[R] [D] et Mme [Y] [Z] (les consorts [J]) à comparaître à date fixée devant le tribunal judiciaire de Saint-Etienne, en sollicitant de cette juridiction que les défendeurs soient condamnés à lui restituer les lieux loués, ainsi qu'à lui payer, en principal, la sommes de 40.000 euros en indemnisation de la perte de son fonds de commerce, ainsi que celle de 6.000 euros, en indemnisation du préjudice causé par son expulsion de la partie habitation des locaux.

Par jugement du 30 août 2021, le tribunal judiciaire de Saint-Etienne a :

- condamné les consorts [J] à restituer à M. [U] la jouissance des lieux situés [Adresse 4] à [Localité 3], comprenant :

Au rez-de-chaussée : un magasin angle rue du Théâtre et du passage avec WC,

Deux pièces appartement surélevées par rapport au magasin avec sortie dans l'allée de l'immeuble et ouverture sur le passage,

Une cave attenant dans le prolongement du magasin et sur le même niveau limitée par une arche,

Au deuxième étage : un vestibule, deux chambres avec une fenêtre, chacune donnant au sud sur passage et sur cour inférieure.

Une cuisine avec fenêtre sur passage avec exposition sud, une troisième chambre faisant angle de l'immeuble avec fenêtre côté sud sur passage et une deuxième fenêtre donnant sur la [Adresse 11] ;

- assorti cette condamnation d'une astreinte provisoire de 100 euros par jour à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification du présent jugement et ce pendant quatre mois;

- déclaré irrecevables les demandes d'indemnisation formées par M. [U] au titre de la perte de son fonds de commerce et les demandes subséquentes ;

- débouté M. [U] du surplus de ses demandes ;

- débouté les consorts [J] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de frai irrépétibles ;

- condamné les consorts [J] à payer à M. [U] la somme de 2.500 euros au titre de frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens.

Le tribunal judiciaire a retenu que la cour d'appel de Lyon avait débouté les consorts [J] de leur demande de validation du congé fait sans offre de renouvellement, suivant arrêt du 21 juin 2018 revêtu de l'autorité de la chose jugée ; que dès lors, le bail portant sur les lieux situés [Adresse 4], dont la cour d'appel avait jugé qu'il constituait un bail verbal à durée indéterminée, était toujours en cours ; que les consorts [J] étaient donc mal fondés à soutenir que le bail avait pris fin le 31 mars 2016 ; qu'il était indifférent à cet égard que M. [U] n'ait pas été inscrit au registre du commerce et des sociétés au jour de la délivrance du congé, dès lors que la cour d'appel avait considéré que ce bail n'était pas soumis au statut des baux commerciaux ; que pour s'opposer à la restitution des locaux, les consorts [J] invoquaient le dispositif de l'arrêt rendu le 7 janvier 2021 par la cour d'appel de Lyon, qui avait débouté M. [U] de sa demande en restitution sous astreinte des locaux situés [Adresse 4], alors que cette demande n'avait été rejetée que parce qu'elle avait été formée devant le juge de l'exécution, qui ne pouvaient modifier dispositif de la décision qui servait fondement poursuite, et que la cour d'appel de Lyon n'avait pas ordonné la restitution des locaux dans son arrêt du 21 juin 2018, dans la mesure où elle n'avait pas été saisie d'une telle demande ; qu'il était constant, alors que le bail était toujours en cours, que M. [U] n'était plus en possession des locaux loués, pour avoir été expulsé le 28 mars 2017 des locaux professionnels et avoir quitté les autres locaux à la suite du commandement de quitter les lieux délivré le 17 mai 2017 sur le fondement du jugement d'expulsion assorti de l'exécution provisoire, ce qui ne pouvait caractériser un départ volontaire ; qu'il convenait en conséquence d'ordonner la réintégration du locataire et d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Statuant sur les demandes indemnitaires de M. [U], le tribunal a retenu que la cour d'appel avait déjà statué sur la demande fondée sur la perte du fonds de commerce selon arrêt du 21 juin 2018, revêtu de l'autorité de la chose jugée, ce dont il suivait que M. [U] était irrecevable à former une nouvelle demande à ce titre. Le premier juge a également retenu que M. [U] avait particulièrement tardé à solliciter la restitution des locaux, en s'abstenant notamment de demander sa réintégration dans le cadre de la procédure ayant abouti à l'arrêt du 21 juin 2018, de sorte qu'il convenait de le débouter du surplus de ses demandes de dommages-intérêts.

Les consorts [J] ont relevé appel de ce jugement selon déclaration enregistrée le 02 septembre 2021.

Aux termes de leurs conclusions déposées le premier octobre 2021, les appelants demandent à la cour de :

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a condamné les consorts [J] à restituer à

M. [U] la jouissance des lieux situés [Adresse 4] à[Localité 3]e,

- confirmer cette décision en ce qu'elle a déclaré irrecevables les demandes d'indemnisation formulées par le même M. [U] au titre de la perte de son fonds de commerce et demandes subséquentes,

statuant à nouveau :

- débouter M. [U] de ses entières demandes, fins et conclusions,

- le condamner au paiement d'une somme de 4.500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- le condamner à payer 5.000 euros TTC en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens que Me [O] pourra recouvrer directement en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 24 décembre 2021, M. [U] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

condamné les consorts [J] à restituer à M. [U] la jouissance des lieux situés [Adresse 4] à [Localité 3],

assorti cette condamnation d'une astreinte provisoire de 100 euros par jour à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification du présent jugement et ce pendant quatre mois,

débouté les consorts [J] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de condamnation au titre des frais irrépétibles,

condamné les consorts [J] à payer à [V] [U] la somme de 2.500 euros de frais irrépétibles et aux dépens,

- le réformer pour le surplus,

statuant à nouveau sur les chefs de demande réformés :

condamner les consorts [J] in solidum à restituer les lieux dans la configuration et l'état dans lequel ils se trouvaient avant la mise en 'uvre de la procédure d'expulsion,

- condamner les consorts [J] in solidum à lui payer les sommes de 50.000 euros au titre du préjudice d'expulsion de la partie commerciale pour la période postérieure à l'arrêt de la cour d'appel, 7.000 euros au titre du préjudice occasionné par l'expulsion de la partie habitation, et 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter les consorts [J] de toutes leurs demandes,

- les condamner in solidum aux entiers dépens, en ce compris les sommes prévues par les articles R. 444-3 et ses annexes, et A. 444-31 du code de commerce, portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, ajoutées en sus aux sommes auxquelles ils seront condamnés et laissées entièrement à leur charge, dont distraction au profit de Me Fabrice Pillonel, avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé des moyens venant à l'appui de leurs prétentions.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 07 juin 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 15 février 2024, à laquelle elle a été mise en délibéré au 27 juin 2024. Le délibéré a été prorogé au 10 octobre 2024.

MOTIFS

Sur la demande de restitution des locaux sous astreinte :

Les consorts [J] font valoir qu'en l'absence d'inscription du preneur au registre du commerce et des sociétés à la date d'expiration du bail, le locataire ne bénéficie pas du droit au renouvellement, ce dont ils déduisent que le bail commercial litigieux est arrivé à expiration au 31 mars 2016 et que M. [U] ne dispose plus de titre d'occupation.

Ils se prévalent également de l'autorité de la chose jugée s'attachant à l'arrêt du 07 janvier 2021, dont ils relèvent qu'il a rejeté la demande de restitution des locaux aux motifs que M. [U] les avait évacués volontairement, pour la partie habitation.

Ils soutiennent en dernier lieu que la disparition du fonds de commerce ferait obstacle à la restitution des locaux.

M. [U] réplique qu'en application de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles exécution, l'exécution est poursuivie aux risques du créancier, à charge pour celui-ci de rétablir le débiteur dans ses droits, en nature ou par équivalent, si le titre est ultérieurement modifié. Il ajoute qu'en application de l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé de délivrer au preneur la chose louée. Il fait observer que le bail verbal à durée indéterminée, dont l'existence a été reconnue par la cour d'appel de Lyon en son arrêt du 21 juin 2018, demeure toujours en cours et que le titre exécutoire sur la base duquel les expulsions ont été mises en 'uvre a été anéanti par la même décision. Il en déduit que c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné les consorts [J] à lui restituer la jouissance des locaux de bail.

Il explique que sa remise en possession ne sera complète qu'à la condition que les lieux lui soient restitués dans la configuration et l'état dans lequel ils se trouvaient avant la mise en 'uvre de la procédure d'expulsion.

Sur ce :

C'est par de justes motifs, qui répondent aux conclusions des parties et que la cour adopte, que le tribunal judiciaire de Saint Etienne a condamné les consorts [J] à restituer les locaux litigieux à M. [U] et qu'il a assorti cette condamnation d'une astreinte provisoire.

S'il est vrai que la cour d'appel de Lyon a retenu, en son arrêt du 07 janvier 2021, que M. [U] avait évacué volontairement les locaux d'habitation accessoires au local commercial, cet élément de motivation n'a eu d'autre objet que de concourir à la démonstration de ce que le juge de l'exécution avait ajouté au dispositif de l'arrêt du 21 juin 2018, circonstance constituant la cause exclusive de la réformation du jugement du 20 juillet 2020 et du rejet de la demande de réintégration.

Il suffit, pour s'en convaincre, de constater qu'après avoir relevé qu'aucune demande de réintégration n'avait été formée par M. [U] à l'occasion de la procédure ayant abouti à l'arrêt du 21 juin 2018 et retenu que l'intéressé avait quitté les locaux d'habitation de son propre chef, la cour a énoncé : 'il ressort de ces éléments que le premier juge a modifié le dispositif de l'arrêt...' avant de juger : 'en l'absence de titree exécutoire fondant l'obligation de restitution des lieux loués, M. [U] sera débouté de sa demande afin de voir condamner les consorts [J] à lui restituer sous astreinte la jouissance des lieux...'.

C'est donc par une exacte analyse des éléments de fait et de droit que le premier juge a considéré que la cour d'appel n'avait censuré le jugement du 20 juillet 2020 et rejeté la demande de réintégration qu'en tant qu'elle avait été formée devant le juge de l'exécution et ordonnée par celui-ci sur la foi d'une modification du dispositif de l'arrêt constituant le titre exécutoire.

L'autorité de la chose jugée le 21 juin 2018 ne fait donc pas obstacle à ce que M. [U] poursuive et obtienne devant la juridiction du fond, la condamnation de ses bailleurs à le remettre en possession des locaux.

La cour rappelle pour le surplus que la disparition du fonds de commerce n'a aucune incidence sur la poursuite d'un bail de nature civile et verbale, conclu pour une durée indéterminée.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a ordonné la réintégration de M. [U] sous astreinte.

La cour adopte en dernier lieu les motifs par lesquels le tribunal a retenu qu'aucune modification des lieux n'était démontrée et que M. [U] avait tardé à demander la restitution des locaux, pour rejeter la demande visant à ce que ces derniers soient restitués en leur état antérieur.

Le jugement sera également confirmé de ce chef.

Sur les demandes indemnitaires de M. [U] :

M. [U] fait valoir que les fins de non-recevoir ressortent, en première instance, de la compétence du juge de la mise en état et que le tribunal judiciaire ne pouvait relever d'office la fin de non recevoir tirée l'autorité de la chose jugée alors que celle-ci se trouvait purgée par l'absence de saisine du magistrat de la mise en état. Il lui reproche également d'avoir soulevé ce moyen d'office en violation du principe de la contradiction.

Il ajoute que le préjudice qu'il invoque est postérieur à la date de l'arrêt l'ayant débouté de sa demande formée au titre de l'indemnisation de la perte son fonds de commerce et qu'il correspond au manque à gagner dont l'expulsion l'a privé.

Il rappelle avoir demandé sa réintégration par courrier du 24 juillet 2018 et estime que le temps passé depuis lors ne saurait le priver de son droit indemnitaire.

Il ajoute avoir subi un préjudice moral du fait de la privation de son lieu d'habitation, dont la situation concourait à sa vie sociale.

Les consorts [J] soutiennent en retour que les demandes indemnitaires sont irrecevables, de par l'autorité de la chose jugée s'attachant à l'arrêt du 21 juin 2018 ayant statué sur les préjudices nés de l'expulsion.

Sur ce :

Le jugement entrepris fait suite à une procédure à jour fixe autorisée suivant ordonnance du 11 février 2021. Cette procédure se caractérise par l'absence de juge de la mise en état et les développements consacrés à la méconnaissance du domaine de compétence de ce magistrat sont inopérants.

Il résulte par ailleurs de l'exposé du litige fait par le tribunal judiciaire que la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée a été expressément invoquée par les consorts [J] et placée à ce titre dans les débats. Le grief tiré de la violation, par le premier juge, du principe de la contradiction est donc infondé.

Le préjudice économique invoqué par M. [U] dans le cadre de la présente instance d'appel s'entend du manque à gagner enduré par suite de l'impossibilité d'exploiter le fonds de commerce à raison de l'expulsion. Il ne se confond pas avec celui tiré de la perte du fonds de commerce sur lequel la cour a statué en son arrêt du 21 juin 2018 et l'autorité de la chose jugée s'attachant à cette décision ne fait pas obstacle à ce qu'il soit statué à cet égard.

M. [U] ne produit cependant pas ses avis d'imposition 2017 à 2024 et il est impossible en conséquence de déterminer si l'exploitation du fonds de commerce ne s'est pas poursuivie en d'autres lieux, comme l'avait déja relevé la cour en son arrêt du 21 juin 2018, ou si les pertes nées de l'éventuelle absence d'exploitation du fonds n'ont pas été compensées par une autre activité.

La cour a déjà statué en son arrêt du 21 juin 2018 sur le préjudice moral né de l'expulsion et l'indemnisation allouée à ce titre n'a pas été limitée à la réparation des seules conséquences dommageables de l'expulsion des locaux commerciaux. M. [U] n'est donc pas fondé à solliciter l'indemnisation du préjudice moral né de l'expulsion des locaux d'habitation en la présente instance.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [U] de ses demandes indemnitaires.

Sur la demande de condamnation de M. [U] pour procédure abusive :

Vu les articles 542 et 954 du code de procédure civile ;

Il résulte des articles 542 et 954 susvisés que l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.

Les consorts [J] se sont abstenus de solliciter, dans le dispositif de leurs conclusions d'appelants, la réformation du chef de jugement par lequel le premier juge a rejeté leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

En l'absence de demande d'infirmation de ce chef de jugement, la cour ne peut que le confirmer.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Vu les articles 696, 699 et 700 du code de procédure civile ;

Vu les articles 542 et 954 du même code ;

Vu les articles R. 444-3 et A. 444-31 du code de commerce ;

Quoique les consorts [J] aient déféré à la cour, par la voie de leur déclaration d'appel, les dispositions du jugement de première instance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens, ils se sont abstenus de solliciter, dans le dispositif de leurs écritures, leur infirmation.

Il convient en conséquence de confirmer les dispositions correspondantes.

Les consorts [J] succombent pour l'essentiel à l'instance d'appel et il convient de les condamner in solidum à en supporter les dépens.

L'équité commande de les condamner in solidum à payer à M. [U] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Le droit proportionnel dégressif prévu au n° 129 de l'annexe à l'article R. 444-3 du code de commerce demeure toujours à la charge du créancier, et il ne saurait être transféré à la charge du débiteur sous couvert de sa condamnation aux dépens. Il convient en conséquence de débouter M. [U] de sa demande correspondante.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé en dernier ressort,

- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

- Condamne M. [G] [J], Mme [E] [J], M. [L] [J], M. [T] [J], Mme [W] [X] épouse [J], M. [A] [J], Mme [Y] [Z] épouse [J] et Mme [I] [D] in solidum aux dépens de l'instance d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Fabrice Pillonel, avocat, sur son affirmation de droit ;

- Condamne M. [G] [J], Mme [E] [J], M. [L] [J], M. [T] [J], Mme [W] [X] épouse [J], M. [A] [J], Mme [Y] [Z] épouse [J] et Mme [I] [D] in solidum à payer à M. [V] [U] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejette le surplus des demandes des parties.