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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-5, 10 octobre 2024, n° 24/00512

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

G Inter Activités (Sté)

Défendeur :

SCI Descartes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vasseur

Conseillers :

Mme De Rocquigny Du Fayel, Mme Igelman

Avocats :

Me Dumont Soleil, Me Mfoumouangana, Me Baclet

TJ Pontoise, du 9 janv. 2024, n° 23/0053…

9 janvier 2024

EXPOSE DU LITIGE

La SCI Descartes est propriétaire des locaux commerciaux situés au [Adresse 1]. Par acte en date du 27 juin 2017, elle les a donnés à bail à la société Cosere, dont le gérant était M. [J] [G], pour une durée de neuf années à compter du 1er juillet 2017, moyennant un loyer annuel de 19.200 euros HT.

Par acte sous-seing privé du 26 août 2021, la société Cosere, toujours représentée par M. [G] en qualité de gérant, a cédé le bail commercial à ce même M. [G]. Le contrat de cession de bail indique que le loyer s'élève désormais à la somme de 2.455,20 euros TTC par mois.

Par acte du 8 mars 2023, la société Descartes a fait délivrer à M. [G] un commandement de payer visant la clause résolutoire pour le paiement de la somme de 11.476 euros au titre des loyers impayés.

Par acte du 28 avril 2023,la société Descartes a fait assigner en référé M. [G] pour que soit constatée l'acquisition de la clause résolutoire et que soit ordonnée son expulsion.

Par ordonnance contradictoire rendue le 9 janvier 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Pontoise a :

constaté que le juge des référés peut statuer en l'absence de contestation sérieuse ;

rejeté la fin de non-recevoir fondée sur le défaut d'intérêt à agir ;

constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 8 avril 2023 ;

ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les 15 jours de la signification de l'ordonnance, l'expulsion de M. [G] exerçant sous le nom commercial Bernat Inter Activités et de tout occupant de son chef des lieux sis [Adresse 1] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

dit en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans le délai d'un mois non renouvelable à compter de la signification de l'acte, à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution, ce conformément à ce que prévoient les articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles de l'exécution ;

fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par M. [G], exerçant sous le nom commercial [G] Inter Activités, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires et condamné M. [G], exerçant sous le nom commercial [G] Inter Activités au paiement de cette indemnité ;

condamné M. [G], exerçant sous le nom commercial [G] Inter Activités à payer à la société SCI Descartes la somme provisionnelle de 10.451,48 euros au titre des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation impayés au mois d'octobre 2023 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2023, étant précisé que cette somme comprend les charges et les taxes ;

condamné M. [G], exerçant sous le nom commercial [G] Inter Activités à payer à la société SCI Descartes la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

rejeté le surplus des demandes et notamment la demande de délais formulée ;

rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire ;

condamné M. [G], exerçant sous le nom commercial [G] Inter Activités, aux dépens qui comprendront notamment le coût du commandement de payer.

Par déclaration reçue au greffe le 23 janvier 2024, M. [G] a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de dispositif.

Dans ses dernières conclusions déposées le 25 mars 2024, auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [G] demande à la cour, au visa des articles L. 145-41 du code de commerce, 9, 122, 834, 835 alinéa 2 du code de procédure civile, 1343-5 et 1359 du code civil, de :

'- infirmer : en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de Pontoise le 09 janvier 2024 ;

statuant de nouveau en fait et en droit :

à titre principal :

- juger M. [G] bien fondée et recevable dans ses demandes ;

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la SCI Descartes ;

- débouter la SCI Descartes de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire et de condamnation formulée à l'encontre de M. [G] ;

- prendre acte des règlements intervenus au profit de la SCI Descartes ;

- prendre acte de l'apurement de l'entière dette locative de M. [G] ;

- dire et juger que la société SCI Descartes est défaillante dans l'administration de la preuve ;

- prononcer l'absence d'intérêt à agir de la SCI Descartes compte tenu de l'apurement de l'entière dette locative de M. [G] ;

- prendre acte de la présence des contestations sérieuses tirés :

o du règlement total de la dette locative au jour de la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 8 mars 2023

o du commencement de preuve par écrit sur le règlement de la dette au jour de la signification du commandement de payer ;

o de la proposition faite au cour d'audience d'émettre un chèque à la SCI Descartes soldant l'intégralité de l'arriéré locatif réclamé ;

o de l'absence de décompte actualisé par la SCI Descartes

en conséquence :

- enjoindre le bailleur à mettre à jour son décompte locatif, au vu des règlements réalisés par M. [G] ;

à titre subsidiaire :

- consentir des délais de paiement sur 24 mois de remboursement mensuel par mois, et ordonner que les règlements à intervenir s'imputeront en priorité sur le principal de la créance ;

- suspendre les effets de la clause résolutoire ;

en tout état de cause :

- condamner la SCI Descartes à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;'

Au soutien de son appel, M. [G] soulève en premier lieu l'absence d'intérêt à agir de son adversaire, compte-tenu du règlement de la totalité de la dette au jour de la délivrance du commandement de payer. Il indique à cet égard avoir déposé un nombre, qu'il qualifie d'incalculable, de chèques qui n'ont pas été encaissés par le bailleur et fait état d'une liste de différents chèques et de cinq virements pour un total de ce qu'il indique être la somme de 30.256,94 euros. Il indique que son compte locataire était à jour lors de la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire mais que si la majorité des chèques ont été réceptionnés par la société Descartes, ceux-ci n'ont pas été encaissés, dans le simple dessein de lui nuire. Il précise qu'il doit régler ses loyers par chèques plutôt que par virements en raison du plafond autorisé par sa banque. Il considère que le défaut d'encaissement de ces chèques ne peut lui être imputé et que ces chèques doivent être pris en compte à titre de paiement. Il ajoute que la pièce n° 8 de son adversaire en première instance se contentait de reprendre un solde débiteur au 31 mars 2023 de 11.476 euros sans aucune explication. Il considère que la société Descartes n'avait pas d'intérêt à agir, compte-tenu des règlements réalisés.

M. [G] expose également que le juge de première instance n'a pas retenu dans son argumentaire que des chèques font état de dates à compter du 30 mai 2023 et qu'il n'a pas analysé sa pièce n° 1, laquelle fait état du règlement des mois d'octobre, novembre et décembre 2022. Il ajoute avoir proposé, lors de l'audience devant le juge de première instance, de faire un chèque de 12.000 euros pour éteindre le litige, ce que le bailleur a refusé.

S'agissant de sa demande de délais, il indique qu'il est toujours déterminé à honorer ses engagements contractuels et qu'il cherche à rembourser les arriérés de loyer dans les meilleurs délais.

Dans ses dernières conclusions déposées le 8 avril 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Descartes demande à la cour, au visa des articles L. 145-41 du code de commerce et 835 du code de procédure civile, de :

' - débouter M. [G] de son appel et de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 9 janvier 2024, sauf sur le montant de la condamnation provisionnelle prononcée au titre des sommes dues au titre des loyers, charges, accessoires et indemnité d'occupation ;

- infirmer l'ordonnance entreprise de ce chef ;

- faire droit à la demande d'actualisation de la dette de M. [J] [G] au titre du bail ;

en conséquence, statuant à nouveau,

- condamner M. [J] [G] à payer à la SCI Descartes la somme provisionnelle de 24.083,90 euros au titre des loyers, charges, accessoires et indemnité d'occupation impayés au mois d'avril 2024 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2023 sur la somme de 11.476 euros mentionnée au commandement de payer ;

ajoutant à l'ordonnance entreprise,

- condamner M. [J] [G] à payer à la SCI Descartes la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel ;

- condamner M. [J] [G] aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui comprendront notamment le coût du commandement de payer, et seront recouvrés par Me Erwann Mfoumouangana, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.'

La société Descartes indique que l'appelant reprend les mêmes moyens que ceux qu'il avait pleinement développés devant le premier juge. Elle souligne que M. [G] n'a pas apuré les causes du commandement de payer dans le délai d'un mois, à compter de la signification du 8 mars 2023 et qu'il n'a d'ailleurs réglé aucune somme dans ce délai. À l'expiration de ce délai, elle indique que les quelques règlements qu'il a effectués ne couvraient ni les impayés ni le loyer courant. Elle expose qu'en cause d'appel, elle produit en pièce n° 10, un décompte à compter du 1er janvier 2022, arrêté au 30 avril 2024, qui fait apparaître au titre du solde du 20 février 2023, la somme de 11.476 euros, après imputation du virement litigieux de 2.455,20 euros, de sorte que la somme mentionnée au commandement prenait en compte ce virement. Elle ajoute que depuis le 4 octobre 2023, l'appelant n'a effectué que trois règlements les 13, 18 et 20 décembre 2023, pour un montant total de 6.500 euros, de sorte que l'arriéré locatif s'élève à 24.083,90 euros au 30 avril 2024.

Elle ajoute qu'elle ne pouvait accepter le chèque de 12.000 euros qui lui était proposé lors de l'audience, dès lors que cette remise ne garantissait pas l'exécution des obligations résultant du bail et que d'ailleurs, l'appelant n'a depuis lors pas régularisé sa situation, son arriéré locatif n'ayant fait qu'empirer. Ainsi, le 4 octobre 2023, l'arriéré était encore supérieur à celui qui était dû à la date du commandement de payer du 8 mars 2023 et, au 30 avril 2024, il s'établit désormais au double de ce qu'il représentait à la date du commandement, soit près de 10 mois de loyers et de charges impayés. Elle s'oppose à la demande de délais et de suspension de la clause résolutoire au motif que l'appelant ne justifie pas de sa situation économique et qu'il n'est pas de bonne foi.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le bail commercial qui a été souscrit par la société Cosere, dont le gérant était M. [G], le 27 juin 2017, et qui a fait l'objet d'une cession, au profit de M. [G] lui-même, suivant un acte sous-seing privé du 26 août 2021, contient bien, en son avant-dernière page, une clause résolutoire qui prévoit, conformément à ce qu'autorise l'article L. 145-41 du code de commerce, la résiliation de plein droit du bail à défaut de paiement d'un terme de loyer, un mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

En outre, la société Descartes a bien fait délivrer un commandement de payer, par un acte du 8 mars 2023, visant un arriéré locatif de 11.476 euros, étant observé que le décompte qui est joint à cet acte commence à compter du 4 novembre 2022 et non pas du 31 mars 2023, date à laquelle commence le décompte dont l'appelant indique qu'il a été produit en pièce adverse n° 8 en première instance et qu'il produit lui-même en cause d'appel en pièce n° 6.

Comme l'a pertinemment relevé le juge de première instance, la photocopie de talons de chèques, qui sont en cause d'appel reproduits indistinctement en douze feuillets regroupés sous la pièce n° 1 intitulée « chèque [au singulier] déposés [au pluriel] par Monsieur [G] » ne permet aucunement de rapporter la preuve d'un quelconque paiement. À cet égard, l'appelant n'est pas fondé à demander de « prendre en considération l'ensemble des paiements effectués par Monsieur [G], notamment ceux qui n'ont pas été encaissés par la SCI Descartes », dès lors que s'il ne fait pas l'objet d'un encaissement, un paiement, justifié par la simple photocopie du talon de chèques, n'en est pas un.

Ainsi, le moyent tenant à la contestation de l'intérêt à agir, de nouveau soulevé en cause d'appel par M. [G] et qui correspond au demeurant à une contestation quant au fond du litige, ne peut être retenu. De même, la circonstance tenant à ce que M. [G] ait pu proposer d'émettre un chèque de 12.000 euros lors de l'audience en première instance est indifférente, dès lors que l'émission d'un chèque à ce stade de la procédure, ne donnait aucune assurance à la bailleresse quant au règlement effectif de l'arriéré locatif.

Ainsi que l'a relevé le juge de première instance, M. [G] ne justifie pas de l'apurement des causes du commandement de payer dans le délai d'un mois de sa délivrance, de sorte que c'est à bon droit que l'ordonnance frappée d'appel retient l'acquisition de la clause résolutoire.

En cause d'appel, la bailleresse réactualise le montant de l'arriéré locatif à la somme de 24.083,90 euros au mois d'avril 2024 inclus et elle produit au soutien de cette demande un nouveau décompte, en pièce n° 10, qui débute au 1er janvier 2022 et qui, récapitulant l'ensemble des loyers échus et des règlements effectués, ne fait l'objet d'aucune critique précise et étayée de la part de M. [G]. Notamment, il convient de relever que les loyers calculés, de 2.455,20 euros, correspondent bien au montant qui a été convenu entre les parties dans le contrat de cession de bail produit en pièce n° 2 par l'intimée, contrat conclu le 26 août 2021.

Aussi convient-il, en actualisant la demande formée à ce titre par la bailleresse, de fixer à cette somme le montant de la provision due par M. [G] au titre de l'arriéré locatif.

Depuis le prononcé de l'ordonnance de première instance, le 9 janvier 2024, l'arriéré locatif a plus que doublé et M. [G] n'a fourni aucun élément tangible de nature à établir une inversion prochaine de cette tendance. Aussi convient-il de le débouter de la demande de délai de paiement et de suspension de l'acquisition de la clause résolutoire qu'il formule en cause d'appel.

Partie succombante en cause d'appel, M. [G] sera condamné aux dépens ainsi qu'à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf à réactualiser le montant de la provision due au titre de l'arriéré locatif ;

Statuant de nouveau de ce chef,

Condamne M. [G] à verser à la société Descartes une somme provisionnelle de 24.083,90 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au mois d'avril 2024 inclus, avec intérêts au taux légal sur la somme de 11.476 euros à compter du 8 mars 2023 ;

Rejette la demande de délais de paiement formée par M. [G] ;

Condamne M. [G] aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés, pour ceux dont l'avocat de la société Descartes a fait l'avance sans avoir reçu provision, selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne M. [G] à verser à la société Descartes à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.