CA Dijon, 2e ch. civ., 3 octobre 2024, n° 22/00504
DIJON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Lucialex (SARL), L'Air du Large (SARL), Horizon Zen (SARL), Pourquoi Pas La (SARL), Tango Patrimoine (SAS), Ricklinvest (SARL), Polclerc (SARL)
Défendeur :
Lucialex (SARL), L'Air du Large (SARL), Horizon Zen (SARL), Pourquoi Pas La (SARL), Tango Patrimoine (SAS), Ricklinvest (SARL), Polclerc (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocats :
SARL Lucialex, SARL L'Air du Large, SARL Horizon Zen, SARL IZ et Fils, SARL Pourquoi Pas La, SAS Tango Patrimoine, SARL Ricklinvest, SARL Polclerc
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La [Adresse 74] a été édifiée par la SCI de la [Adresse 76] sur la commune de [Localité 37] en vertu d'un permis de construire délivré le 23 septembre 1988, destinée à recevoir 78 lits pour personnes âgées.
Le 5 avril 2005, l'établissement a été transformé en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
Le 27 octobre 2005, une convention tripartite entre le directeur de l'établissement, le président du conseil général et le préfet de Saone et Loire a été signée.
La SCI [Adresse 76] a vendu l'entier immeuble à la société GDP Vendôme Promotion (devenue GDP Vendôme Promotion Immobiler) par acte du 22 décembre 2006.
La SARL Lucialex, la SARL [Adresse 62], la SARL Pourquoi Pas La, la SARL Ricklinvest, la SARL Polclerc, M. [V] [Y] et Mme [WW] [FL], M. [T] [S] et Mme [J] [HF], M. [N] [MU] et Mme [DK] [TB], M. [LA] [GA] et Mme [UV] [JN], M. [RA] [IZ] et Mme [HM] [L], M. [CU] [BA], Mme [SU] [EN], M. [BY] [NI], M. [AN] [TP] et Mme [W] [PJ], M. [Z] [RH] et Mme [CV] [P], la SARL L'Air du Large, la SARL Horizon Zen, M. [C] [VJ] et Mme [J] [FT], la SARL [IZ] et Fils, M. [YP] [JV] et Mme [BR] [FE], M. [RO] [D], Mme [DS] [BA], M. [F] [O], la SAS Tango Patrimoine, M. [RO] [XD], M. [U] [PT], M. [ON] [B], M. [DZ] [WO] et Mme [WH] [WO], M. [HU] [G] et Mme [A] [X] ont acquis fin 2006, courant 2007 auprès de la société GDP Vendome Promotion des lots au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes dénommé la '[Adresse 74]', et ce dans le cadre d'un régime d'investissement défiscalisé.
Concomitamment aux acquisitions susvisées, des baux commerciaux ont été régularisés par les propriétaires avec la SAS [Adresse 74], exploitant unique de l'EHPAD.
Au regard du transfert des autorisations d'exploitation en EHPAD de l'établissement vers une autre résidence, la SAS [Adresse 74] a délivré congé à tous les bailleurs à compter du 6 août 2015 pour une prise d'effet courant 2016 et jusqu'en 2018 en fonction de la date de signature des différents baux et de leur terme.
La SAS [Adresse 74] a quitté les lieux le 19 décembre 2019.
Suivant ordonnance du 24 mai 2016, les bailleurs ont obtenu du juge des référés du tribunal de grande instance de Chalon-sur-Saône la désignation d'un expert au contradictoire notamment de la SAS [Adresse 74].
M. [LH] [UN], désigné en qualité d'expert, a déposé son rapport le 15 décembre 2018.
Selon exploit délivré le 23 septembre 2019, la SARL Lucialex et les 29 autres propriétaires ont assigné la SAS [Adresse 74] aux fins notamment de voir dire et juger qu'un nouveau contrat de bail commercial d'une durée de 9 années entières et consécutives s'est formé entre les propriétaires et la SAS [Adresse 74].
Par jugement du 08 mars 2022, le tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône a :
- déclaré recevables les demandes de M. [U] [PT] ;
- déclaré irrecevables comme prescrites les demandes formées par Mme et M. [S], Mme et M. [TP], la SARL Polclerc, Mme et M. [GA], M. [NI], M. et Mme [IZ], M. [O], Mme [EN], la SARL Horizon Zen, la SARL [IZ] Fils, la SARL Lucialex, la SARL [Adresse 62], la SARL Pourquoi Pas La, M. et Mme [MU], M. et Mme [VJ], M. et Mme [JV], la SAS Tango Patrimoine et la SARL Air du Large ;
- débouté la SARL Ricklinvest, les époux [Y], M. [CU] [BA], les époux [RH], M. [D], Mme [DS] [BA], M. [XD], M. [PT], M. [B], les époux [WO], et les époux [G] de leurs demandes ;
- condamné in solidum la SARL Lucialex, la SARL [Adresse 62], la SARL Pourquoi Pas La, la SARL Ricklinvest, la SARL Polclerc, M. [V] [Y] et Mme [WW] [FL], M. [T] [S] et Mme [J] [HF], M. [N] [MU] et Mme [DK] [TB], M. [LA] [GA] et Mme [UV] [JN], M. [RA] [IZ] et Mme [HM] [L], M. [CU] [BA], Mme [SU] [EN], M. [BY] [NI], M. [AN] [TP] et Mme [W] [PJ], M. [Z] [RH] et Mme [CV] [P], la SARL L'Air du Large, la SARL Horizon Zen, M. [C] [VJ] et Mme [J] [FT], la SARL [IZ] et Fils, M. [YP] [JV] et Mme [BR] [FE], M. [RO] [D], Mme [DS] [BA], M. [F] [O], la SAS Tango Patrimoine, M. [RO] [XD], M. [U] [PT], M. [ON] [B], M. [DZ] [WO] et Mme [WH] [WO], M. [HU] [G] et Mme [A] [X] :
à payer à la SAS [Adresse 74] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Charly Jeanniard dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration du 15 avril 2022, la SARL Lucialex, la SARL [Adresse 62], la SARL Pourquoi Pas La, la SARL Ricklinvest, la SARL Polclerc, M. [V] [IB] [MM] [Y], Mme [WW] [FL] épouse [Y], M. [T] [TI] [YX] [M] [S], Mme [J] [NB] [ZV] [HF] épouse [S], M. [N] [TI] [OG] [M] [MU], Mme [DK] [W] [TB] épouse [MU], M. [LA] [I] [GA], Mme [UV] [DS] [EG] [JN] épouse [GA], M. [RA] [M] [EG] [IZ], Mme [HM] [L] épouse [IZ], M. [CU] [LO] [VC] [BA], Mme [SU] [R] [EN], M. [BY] [GY] [NI], M. [AN] [GY] [JG] [TP], Mme [W] [K] [E] [PJ] épouse [TP], M. [Z] [RW] [RH], Mme [CV] [YI] [H] [P], la SARL L'Air du Large, la SARL Horizon Zen, M. [C] [VJ], Mme [J] [FT], la SARL [IZ] et Fils, M. [YP] [JV], Mme [BR] [FE], M. [RO] [D], Mme [DS] [BA], M. [F] [O], la SAS Tango Patrimoine, M. [RO] [XD], M. [U] [PT], M. [ON] [B], M. [DZ] [WO], Mme [WH] [WO], M. [HU] [G], Mme [A] [X] ont relevé appel de ce jugement, l'appel portant sur l'ensemble des chefs du jugement à l'exception de celui déclarant recevables les demandes de M. [U] [PT].
Selon conclusions d'appelants notifiées le 15 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, la SARL Lucialex, la SARL [Adresse 62], la SARL Pourquoi Pas La, la SARL Ricklinvest, la SARL Polclerc, M. [V] [IB] [MM] [Y], Mme [WW] [FL] épouse [Y], M. [T] [TI] [YX] [M] [S], Mme [J] [NB] [ZV] [HF] épouse [S], M. [N] [TI] [OG] [M] [MU], Mme [DK] [W] [TB] épouse [MU], M. [LA] [I] [GA], Mme [UV] [DS] [EG] [JN] épouse [GA], M. [RA] [M] [EG] [IZ], Mme [HM] [L] épouse [IZ], M. [CU] [LO] [VC] [BA], Mme [SU] [R] [EN], M. [BY] [GY] [NI], M. [AN] [GY] [JG] [TP], Mme [W] [K] [E] [PJ] épouse [TP], M. [Z] [RW] [RH], Mme [CV] [YI] [H] [P], la SARL L'Air du Large, la SARL Horizon Zen, M. [C] [VJ], Mme [J] [FT], la SARL [IZ] et Fils, M. [YP] [JV], Mme [BR] [FE], M. [RO] [D], Mme [DS] [BA], M. [F] [O], la SAS Tango Patrimoine, M. [RO] [XD], M. [U] [PT], M. [ON] [B], M. [DZ] [WO], Mme [WH] [WO], M. [HU] [G], Mme [A] [X], demandent à la cour, au visa des articles 2241, 1162 et 1147 du code civil, ainsi que des articles 565 et suivants du code de procédure civile et L145-9 et suivants du code de commerce, de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône le 08 mars 2022, sauf en ce qu'il a déclaré recevable à agir M. [U] [PT],
Statuant à nouveau,
- les juger recevables comme étant non prescrits en leur action et en leurs demandes,
- prononcer la nullité des congés qui leur ont été délivrés par la société [Adresse 74],
- condamner la SAS [Adresse 74] à payer le montant des loyers et charges contractuellement fixés dans les contrats de bail,
- Subsidiairement, déclarer qu'un nouveau contrat de bail commercial d'une durée de 9 années entières et consécutives s'est formé entre chacun d'eux et la société [Adresse 74] à compter des dates suivantes :
Bailleurs
Date des congés
Date pour laquelle le congé a été notifié
Formation d'un nouveau contrat de bail de 9 années à compter du :
SARL Lucialex
20/08/2015
19/08/2016
20/08/2016
SARL [Adresse 62]
06/08/2015
03/05/2016
04/05/2016
SARL Pourquoi Pas La
31/08/2015
30/10/2016
31/10/2016
SARL Ricklinvest
26/03/2018
29/12/2018
30/12/2018
SARL Polclerc
11/08/2015
12/04/2016
13/04/2016
M. et Mme [Y]
23/03/2018
29/12/2018
30/12/2018
M. et Mme [S]
07/08/2015
03/05/2016
04/05/2016
M. et Mme [MU]
10/08/2015
24/09/2016
25/09/2016
M. et Mme [GA]
07/08/2015
25/06/2016
26/06/2016
M. et Mme [IZ]
06/08/2015
30/07/2016
31/07/2016
M. [CU] [BA]
23/03/2018
29/12/2018
30/12/2018
Mme [EN]
03/09/2015
14/05/2016
15/09/2016
M. [NI]
06/08/2015
01/05/2016
02/05/2016
M. et Mme [TP]
17/08/2015
22/07/2016
23/07/2016
M. et Mme [RH]
31/03/2018
29/12/2018
30/12/2018
SARL L'Air du Large
16/09/2015
27/12/2016
28/12/2016
SARL Horizon Zen
07/08/2015
19/06/2016
20/06/2016
M. [VJ]
11/08/2015
13/06/2016
14/06/2016
Société [IZ] et Fils
07/08/2015
19/12/2016
20/12/2016
M. et Mme [JV]
06/08/2015
28/10/2016
29/10/2016
M. [D]
29/03/2018
29/12/2018
30/12/2018
Mme [DS] [BA]
23/08/2018
29/12/2018
30/12/2018
M. [F] [O]
11/09/2015
19/06/2016
20/06/2016
Société Tango Patrimoine
06/08/2015
30/12/2016
31/12/2016
M. et Mme [G]
27/03/2018
29/12/2018
30/12/2018
M. [RO] [XD]
06/04/2018
29/12/2018
30/12/2018
M. [U] [PT]
27/03/2018
29/12/2018
30/12/2018
M. [ON] [B]
26/03/2018
29/12/2018
30/12/2018
M. et Mme [WO]
23/03/2018
29/12/2018
30/12/2018
Et condamner la SAS [Adresse 74] à payer le montant des loyers et charges contractuellement fixés dans les contrats de bail renouvelés,
Très subsidiairement,
- condamner en deniers ou quittance la société [Adresse 74] à payer à chacun d'eux, à compter de la date respective d'effet de chaque congé délivré et jusqu'au 19 décembre 2019, une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du dernier loyer contractuel majoré de 50 % conformément aux termes des baux et aux règles légales ;
- condamner la SAS [Adresse 74] à payer à chacun d'eux une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux entiers dépens d'instance.
Selon conclusions d'intimée notifiées le 31 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, la société [Adresse 74] demande à la cour, au visa des articles 122 du code de procédure civile et L.145-4 et L.145-60 du code de commerce, de :
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône du 08 mars 2022 sauf en ce qu'il déclare recevables les demandes de M. [U] [PT],
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la SARL Lucialex, la SARL [Adresse 62], la SARL Pourquoi Pas La, la SARL Ricklinvest, la SARL Polclerc, M. [V] [Y] et Mme [WW] [FL], M. [T] [S] et Mme [J] [HF], M. [N] [MU] et Mme [DK] [TB], M. [LA] [GA] et Mme [UV] [JN], M. [RA] [IZ] et Mme [HM] [L], M. [CU] [BA], Mme [SU] [EN], M. [BY] [NI], M. [AN] [TP] et Mme [W] [PJ], M. [Z] [RH] et Mme [CV] [P], la SARL L'Air du Large, la SARL Horizon Zen, M. [C] [VJ] et Mme [J] [FT], la SARL [IZ] et Fils, M. [YP] [JV] et Mme [BR] [FE], M. [RO] [D], Mme [DS] [BA], M. [F] [O], la SAS Tango Patrimoine, M. [RO] [XD], M. [U] [PT], M. [ON] [B], M. [DZ] [WO] et Mme [WH] [WO], M. [HU] [G] et Mme [A] [X],
- concernant la demande tendant à obtenir la majoration de l'indemnité d'occupation :
la rejeter comme étant prescrite ;
subsidiairement, la rejeter comme étant une demande nouvelle en cause d'appel ;
très subsidiairement, la rejeter en raison de la violation de l'obligation de concentration des moyens en appel ;
à titre infiniment subsidiaire, la rejeter comme étant infondée.
- condamner in solidum la SARL Lucialex, la SARL [Adresse 62], la SARL Pourquoi Pas La, la SARL Ricklinvest, la SARL Polclerc, M. [V] [Y] et Mme [WW] [FL], M. [T] [S] et Mme [J] [HF], M. [N] [MU] et Mme [DK] [TB], M. [LA] [GA] et Mme [UV] [JN], M. [RA] [IZ] et Mme [HM] [L], M. [CU] [BA], Mme [SU] [EN], M. [BY] [NI], M. [AN] [TP] et Mme [W] [PJ], M. [Z] [RH] et Mme [CV] [P], la SARL L'Air du Large, la SARL Horizon Zen, M. [C] [VJ] et Mme [J] [FT], la SARL [IZ] et Fils, M. [YP] [JV] et Mme [BR] [FE], M. [RO] [D], Mme [DS] [BA], M. [F] [O], la SAS Tango Patrimoine, M. [RO] [XD], M. [U] [PT], M. [ON] [B], M. [DZ] [WO] et Mme [WH] [WO], M. [HU] [G] et Mme [A] [X] :
à lui payer la somme de 16 000 euros au titre des frais irrépétibles,
aux entiers dépens de l'instance.
La clôture est intervenue le 06 juin 2024.
SUR CE, LA COUR
I/ Sur l'étendue de l'effet dévolutif
L'appel principal ne porte pas sur la question de l'intérêt à agir de M. [U] [PT] dont l'action a été déclarée recevable par le jugement déféré.
L'intimée, qui ne formule aucune demande d'infirmation de ce chef, ne fait pas d'appel incident sur ce point de sorte que la cour n'est pas saisie de cette question.
II/ Sur la prescription de l'action de certains appelants
Au terme de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Selon l'article L145-60 du code de commerce,toutes les actions exercées en vertu du chapitre sur les baux commerciaux se prescrivent par deux ans.
L'article 2241 du code civil prévoit que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure.
L'intimée conclut à la prescription de l'action de certains des appelants soutenant que le point de départ de la prescription est la date d'effet du congé.
Pour soutenir que les demandes des bailleurs, qui se sont vus délivrer un congé il y a plus de deux ans avant la signification de l'acte introductif d'instance, ne sont pas prescrites, les appelants indiquent que de multiples actions à l'encontre du preneur fondées notamment sur le contrat de bail commercial suite à la réception des congés ayant pour but l'exécution par le preneur de ses obligations mais surtout son maintien dans les lieux loués, ont été engagées, précisant que ces actions ont eu un effet interruptif.
Ils ajoutent que tous ces contrats de bail formaient un tout indivisible, puisqu'ils ont tous été signés avec la SAS [Adresse 74], exploitant unique de la résidence et qu'aucun bailleur ne pouvait signer un nouveau contrat de bail avec un autre exploitant, y compris ceux dont l'échéance du bail était antérieure au 29 décembre 2018.
Ils en déduisent que le point de départ des actions en contestation des congés ne peut donc être valablement fixé avant cette date du 29 décembre 2018.
Les actes suivants sont invoqués comme causes d'interruption :
- le recours régularisé le 9 février 2016 devant le tribunal administratif de Dijon en contestation du permis de construire déposé sur la commune de Ciel en vue de la construction de la nouvelle résidence EHPAD dans laquelle ont été transférés les lits à la demande de la SAS [Adresse 74],
- l'assignation en référé engagée par actes des 22 et 24 décembre 2015 à l'encontre de SAS [Adresse 74] devant le juge des référé du tribunal de grande instance de Chalon sur Saone en vue d'obtenir une mesure d'expertise afin de déterminer les travaux nécessaires à la mise aux normes des locaux loués,
- l'assignation au fond par acte du 29 mai 2019 en suite du dépôt du rapport d'expertise aux fins de voir condamner la SAS [Adresse 74] à leur payer le montant des travaux préconisés par l'expert judiciaire,
Or, l'action devant le tribunal administratif en annulation de l'arrêté accordant un permis de construire pour un EHPAD sur un terrain situé sur la commune de Ciel, fondée sur la violation de dispositions du code de l'urbanisme, n'est pas de nature à interrompre la prescription au sens de l'article 2241 du code civil.
Les autres actions invoquées n'avaient aucunement pour objet de contester les congés délivrés mais d'obtenir la condamnation de la SAS [Adresse 74] afin de réaliser les travaux de mise aux normes des locaux.
En conséquence, les premiers juges ont justement considéré que ces instances avaient une cause distincte de la présente procédure en contestation de la validité des congés.
Contrairement à ce que soutiennent les appelants concernés, les baux commerciaux consentis à la SAS [Adresse 74] ne sont pas indivisibles, dès lors qu'aucune clause en ce sens n'est stipulée aux contrats, que chacun des bailleurs pouvaient mettre un terme au bail dans les conditions contractuelles et que le règlement de copropriété prévoyait la possibilité d'une exploitation partielle de sorte qu'il ne peut être valablement soutenu que le point de départ de l'action en contestation des congés serait la date du dernier congé délivré, soit le 29 décembre 2018.
Enfin, le seul fait que le preneur se soit maintenu dans les lieux après la date d'effet de chaque congé ne saurait suffire à démontrer qu'il ait entendu renoncer à s'en prévaloir et qu'un nouveau bail a été conclu entre les parties alors qu'il n'est pas contesté que la SAS [Adresse 74] a émis, au terme de chaque congé, des autofacturations d'indemnités d'occupation ce qui sous entend une occupation sans droit ni titre.
Il en résulte que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a déclarées irrecevables comme prescrites les demandes formées par M. et Mme [S], M. et Mme [TP], la SARL Polclerc, M. et Mme [GA], M. [NI], M. et Mme [IZ], M. [O], Mme [EN], la SARL Horizon Zen, la SARL [IZ] Fils, la SARL Lucialex, la SARL [Adresse 62], la SARL Pourquoi pas la, M. et Mme [MU], M. et Mme [VJ], M. et Mme [JV], Mme [FE] et la SAS Tango Patrimoine et la SARL Air du Large.
III/ Sur bien fondé des demandes des autres appelants
1/ Sur la question de la nullité des congés
Au terme de l'article L145-4 du code de commerce, 'la durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans.
Toutefois, le preneur a la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, au moins six mois à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire (...)'
Les appelants soutiennent que les congés ont été délivrés en fraude de leurs droits au motif que si le délai de prévenance prévu à l'article L145-4 du code de commerce a pour but de permettre au bailleur de trouver un autre exploitant, que lorsque la SAS [Adresse 74] a fait délivrer les congés, soit à compter du 6 août 2015, elle savait qu'elle ne pourrait pas quitter les lieux avant plusieurs années après la date pour laquelle les premiers congés avaient été délivrés puisque le permis de construire accordé pour la création d'un nouvel établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) sur la commune de [Localité 58] n'a été accordé que par arrêté du 16 décembre 2015 tandis que la construction projetée ne pouvait être achevée a minima que dans un délai de 18 à 24 mois.
Il est établi que la SAS [Adresse 74] a donné congé aux bailleurs à compter du 6 août 2015 jusque courant 2018, le dernier congé ayant été délivré pour le 29 décembre 2018.
Il est constant que l'intimée s'est maintenue dans les lieux jusqu'au 19 décembre 2019 soit près d'un an après le terme du dernier congé.
Toutefois, il ne saurait être reproché au preneur exploitant d'avoir commencé dès le 6 août 2015 à délivrer les congés des locaux loués à [Localité 37] alors qu'elle avait déposé sa demande de permis de construire le 29 juin 2015, complétée le 5 août 2015, pour la création d'un EHPAD sur la commune de [Localité 58].
Les différents congés ont été délivrés à partir d'août 2015 au regard des échéances trimestrielles de chacun des baux qui ont été conclus entre novembre 2006 et décembre 2007 de sorte que les congés ne pouvaient être donnés pour la même échéance au regard des dates de signature des contrats, sans qu'il ne puisse en être tirée aucune intention frauduleuse.
Par suite, il est indéniable que la contestation par les appelants devant le tribunal administratif du permis de construire, selon requête du 9 février 2016, ayant abouti à un jugement du 31 mars 2017 qui a rejeté la demande d'annulation du permis de construire, a nécessairement retardé les travaux de construction qui ont été engagés à l'issue du recours.
Il est établi qu'un arrêté d'ouverture au public du nouvel établissement a été délivré le 7 novembre 2019 de sorte que les travaux ont été achevés avant cette date.
Il résulte de ces éléments que tel que l'ont justement indiqué les premiers juges, la société [Adresse 74] a eu pour projet constant de déplacer son activité sur la commune de [Localité 58] depuis fin juin 2015 et son maintien dans les locaux loués sis à [Localité 37] ne résulte que de circonstances extérieures à sa volonté, sans qu'aucune fraude ne soit établie dans la délivrance des congés.
Aucune fraude n'étant établie, les appelants doivent être déboutés de leur demande visant à voir annuler les congés.
2/ Sur la question subsidiaire de la renonciation aux effets des congés
Les appelants soutiennent qu'en se maintenant dans les lieux plusieurs années après la date pour laquelle les congés ont été donnés, le preneur a renoncé de fait au bénéfice des congés.
Or, pas plus que devant les premiers juges, les appelants ne démontrent, comme il a été rappelé plus haut, que le preneur aurait entendu renoncer aux effets des congés en se maintenant sur le site, alors qu'il établissait au contraire dès la date d'effet de chaque congé des autofacturations d'indemnités d'occupation confirmant ainsi qu'il se considérait comme occupant sans droit ni titre.
En conséquence, le jugement déféré ne peut être que confirmé en ce qu'il a débouté les intéressés de leurs demandes visant à voir reconnaître l'existence de nouveaux baux commerciaux entre la société [Adresse 74] et chacun des bailleurs.
3/ Sur la demande très subsidiaire de majoration d'indemnités d'occupation de 50 % par rapport au montant du dernier loyer contractuel
La société intimée soutient que cette demande est irrecevable comme étant prescrite et subsidiairement nouvelle devant la cour.
Au terme de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Avant de statuer, le cas échéant, sur le point de savoir si cette demande est prescrite, la cour doit vérifier si cette demande peut lui être soumise.
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Les articles 565 et 566 du même code précisent que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent et que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
La demande portée devant le tribunal de grande instance de Chalon sur Saône avait vocation à voir reconnaître l'existence de nouveaux baux.
Devant la cour, les appelants concluent en principal à la nullité des congés et subsidiairement à l'existence de nouveaux baux commerciaux.
La demande persistante des bailleurs au cours des deux instances tend à voir poursuivre les relations contractuelles avec la SAS [Adresse 74] tandis que la demande de majoration d'indemnité contractuelle est l'accessoire d'une demande visant à voir constater la résiliation des baux.
En conséquence, cette nouvelle demande ne tendant pas aux mêmes fins que celle formée devant les premiers juges et n'en étant pas l'accessoire, la conséquence ou le complément, les appelants doivent être déclarés irrecevables en leur demande.
IV/ Sur les demandes accessoires
Le jugement est confirmé sur les dépens et l'indemnité prévue à l'article 700 du code de procédure civile.
Les appelants, parties succombantes, sont condamnés in solidum aux dépens d'appel.
Tenus aux dépens, ils sont condamnés in solidum à payer à la SAS [Adresse 74] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.
PAR CES MOTIFS
La cour dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute les appelants de leur demande visant à voir prononcer la nullité des congés délivrés à eux par la SAS [Adresse 74],
Déclare irrecevable la demande de condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation majorée comme étant nouvelle à hauteur de cour,
Condamne in solidum La SARL LUCIALEX, la SARL [Adresse 62], la SARL Pourquoi Pas La, la SARL Ricklinvest, la SARL Polclerc, M. [V] [Y], Mme [WW] [FL], M. [T] [S] et Mme [J] [KT], M. [N] [MU] et Mme [DK] [TB], M. [LA] [GA] et Mme [UV] [JN], M. [RA] [IZ] et Mme [HM] [L], M. [CU] [BA], Mme [DS] [EN], M. [BY] [NI], M. [AN] [TP] et Mme [W] [PJ], M. [Z] [RH] et Mme [CV] [P], la SARL L'Air du Large, la SARL Horizon Zen,
M. [C] [VJ] et Mme [J] [FT], la société [IZ] et fils, M. [YP] [JV], Mme [BR] [FE], M. [RO] [D], Mme [DS] [BA], M. [F] [O], la société Tango Patrimoine, M. [RO] [XD], M. [U] [PT], M. [ON] [B], M. [DZ] [WO] et Mme [WH] [WO],M. [HU] [G] et Mme [A] [X] aux dépens d'appel,
Condamne les mêmes in solidum à payer à la SAS [Adresse 74] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.