CA Basse-Terre, 2e ch., 10 octobre 2024, n° 23/00489
BASSE-TERRE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Guadeloupe Céramiques (SAS)
Défendeur :
La Lumière (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Robail
Conseillers :
Mme Clédat, M. Groud
Avocats :
Me Belaye, Me Werter
FAITS ET PROCEDURE
Par acte sous seing privé du 1er avril 1993, la société civile immobilière La Lumière a donné à bail précaire dérogatoire à la société Guadeloupe Céramiques un local de 500 m² environ sis [Adresse 6] à [Localité 5], commune de [Localité 4], pour une durée d'un an, moyennant un loyer de 15.000 francs par mois.
Un nouveau bail dérogatoire, d'une durée de 23 mois, a par la suite été conclu entre les même parties le 02 novembre 2006, le loyer étant porté à 1.905,60 euros par mois. La relation contractuelle s'est ensuite poursuivie par tacite reconduction.
Le 28 juin 2018, la société La Lumière a fait signifier à la société Guadeloupe Céramiques un congé avec offre de renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2019, moyennant un loyer annuel de 30.000 euros TTC.
La société Guadeloupe Céramiques ayant accepté le renouvellement du bail mais refusé le nouveau loyer, la société La Lumière l'a assignée par acte du 14 janvier 2020 devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre qui, par jugement du 21 octobre 2020, a désigné un expert, avant dire droit sur la détermination du montant du loyer.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 13 décembre 2021.
Cette expertise a montré que la société Guadeloupe Céramiques occupait une surface complémentaire de 353,41 m² dans l'immeuble appartenant à la société La Lumière, en extension du local initialement loué.
Par jugement contradictoire du 19 avril 2023, le juge des loyers commerciaux a :
- dit que le bail expiré, qui avait eu une durée supérieure à 12 ans, se trouvait déplafonné,
- fixé le loyer du bail renouvelé consenti par la SCI La Lumière à la société Guadeloupe Céramiques pour le local commercial composé d'un dépôt (n°4 sur le plan d'expertise) de 500 m², sis [Adresse 6] à [Localité 5] - [Localité 4], à la somme mensuelle de 2.500 euros en principal, outre les charges, soit à la somme annuelle de 30.000 euros à compter du 31 décembre 2018 et jusqu'au 31 décembre 2021,
- fixé le loyer du bail renouvelé consenti par la société La Lumière à la société Guadeloupe Céramiques pour le local commercial composé d'un dépôt (n°4 sur le plan d'expertise) de 500 m², sis [Adresse 6] à [Localité 5] - [Localité 4], à la somme mensuelle de 6.000 euros en principal, outre les charges, soit à la somme annuelle de 72.000 euros à compter du 1er janvier 2022,
- rejeté la demande de la SCI La Lumière en fixation d'un loyer pour l'occupation d'une extension du dépôt (n°4 sur le plan d'expertise) de 500 m² sis [Adresse 6] à [Localité 5] - [Localité 4], celle-ci n'ayant fait l'objet d'aucun bail,
- ordonné l'apurement des comptes entre les parties sur cette base,
- condamné en conséquence la société Guadeloupe Céramiques à payer à la SCI La Lumière le différentiel de loyer avec intérêts au taux légal depuis le jour de l'échéance du loyer ainsi fixé,
- dit que dans le mois de la signification du présent jugement, exécutoire par provision, les parties dresseraient un nouveau bail dans les conditions de loyer ainsi fixées et, qu'à défaut, le jugement vaudrait bail,
- débouté en l'état la SCI La Lumière de sa demande de réajustement du dépôt de garantie,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la société Guadeloupe Céramiques à payer à la SCI La Lumière la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Guadeloupe Céramiques aux entiers dépens de l'instance, comprenant les frais d'expertise judiciaire.
La société Guadeloupe Céramiques a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 15 mai 2023, libellée en ces termes : 'appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués. La SAS Guadeloupe Céramiques demande à la cour d'infirmer partiellement le dispositif du jugement rendu par le tribunal judiciaire du 19 avril 2023, en ce qu'il a fixé le loyer du bail renouvelé consenti par la SCI La Lumière à la société Guadeloupe Céramiques pour le local à usage commercial composé d'un dépôt (n°4 sur le plan d'expertise) de 500 m², sis [Adresse 6] à [Localité 5] à [Localité 4], à la somme mensuelle de 6.000 euros en principal, outre les charges, soit à la somme annuelle de 72.000 euros à compter du 1er janvier 2022. En effet, le montant du nouveau loyer retenu par la juridiction de première instance ne correspond en rien à la réalité des locaux dès lors que le prix du mètre carré retenu est celui de locaux commerciaux alors qu'il s'agit purement et simplement de 'dépôts', sans aucune activité de vente. Le prix du mètre carré ne peut être assimilé à celui du mètre carré d'un local commercial'.
La procédure a fait l'objet d'une orientation à la mise en état et la société La Lumière a régularisé sa constitution d'avocat le 20 juin 2023.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 04 mars 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 24 juin 2024, date à laquelle la décision a été mise en délibéré au 10 octobre 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
1/ La SAS Guadeloupe Céramiques, appelante :
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 07 décembre 2023, par lesquelles l'appelante demande à la cour :
- de la recevoir en ses demandes,
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société La Lumière de sa demande relative à la fixation d'un loyer pour l'occupation d'une extension du dépôt de 353,41 m², celle-ci ne faisant l'objet d'aucun bail commercial,
- d'infirmer en toutes ses autres dispositions le jugement rendu le 19 avril 2023 par le juge des loyers commerciaux, et, statuant à nouveau :
- de fixer le loyer du bail renouvelé consenti par la société La Lumière à la société Guadeloupe Céramiques pour le local commercial composé d'un dépôt de 500 m², sis [Adresse 6] à [Localité 5] - [Localité 4], à la somme mensuelle de 10 euros par mètre carré, soit 5.000 euros,
- 'd'ordonner le lissage du loyer en 2023, majoré jusqu'en 2026, outre les charges prévues du bail, pour un local situé [Adresse 7] à [Localité 4], d'une superficie de 500 m² à usage de dépôt affecté au stockage de carrelage et autres matériaux de construction,'
- de condamner la société La Lumière à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
2/ La société civile immobilière La Lumière, intimée :
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 12 octobre 2023, par lesquelles l'intimée demande à la cour:
- de confirmer le jugement en ce qu'il a :
- dit que le bail expiré, qui avait eu une durée supérieure à 12 ans, se trouvait déplafonné,
- condamné la société Guadeloupe Céramiques à payer à la SCI La Lumière le différentiel de loyer avec intérêts au taux légal depuis le jour de l'échéance du loyer ainsi fixé,
- dit que dans le mois de la signification du présent jugement, exécutoire par provision, les parties dresseraient un nouveau bail dans les conditions de loyer ainsi fixées et, qu'à défaut, le jugement vaudrait bail,
- condamné la société Guadeloupe Céramiques à payer à la SCI La Lumière la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Guadeloupe Céramiques aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire
- de l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau :
- de fixer à 90.000 euros par an, en principal, soit 7.500 euros par mois, outre les charges prévues au bail, le montant du loyer de renouvellement dû, à compter du 31 décembre 2018, par la société Guadeloupe Céramiques pour le local sis à [Adresse 7], d'une superficie de 500 m² environ, à usage de dépôt affecté au stockage de carrelage et autres matériaux de construction destinés à la vente, matérialisé par l'emplacement n°6 - dépôt, sur le plan établi par l'expert,
- de fixer à 63.613,80 euros par an, en principal, soit 5.301,15 euros par mois, outre les charges prévues au bail, le montant du loyer de renouvellement dû, à compter du 31 décembre 2018, par la société le Guadeloupe Céramiques pour le local sis à [Adresse 7], d'une superficie de 353,41 m² à usage de dépôt affecté au stockage de carrelage et autres matériaux de construction destinés à la vente, matérialisé par l'emplacement n°4 - dépôt, sur le plan établi par l'expert, et correspondant à une extension par le locataire de la surface occupée depuis le bail d'origine,
- de dire que le dépôt de garantie sera réajusté en conséquence, et que le preneur devra verser entre les mains du bailleur le complément dû à ce titre,
- de condamner le preneur au paiement des intérêts au taux légal sur la différence entre le loyer payé par lui et le loyer qui sera fixé pour le bail renouvelé et, ce, à compter du 31 décembre 2018, jusqu'à parfait paiement,
- de débouter le preneur de l'intégralité de ses demandes,
- de condamner la société Guadeloupe Céramiques à verser à la société La Lumière une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel, outre les entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la recevabilité de l'appel principal :
L'article 538 du code de procédure civile dispose que le délai de recours par la voie ordinaire est d'un mois en matière contentieuse.
En l'espèce, la société Guadeloupe Céramiques a interjeté appel le 15 mai 2023 du jugement du juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre rendu le 19 avril 2023.
En conséquence, son appel principal était recevable.
Sur la recevabilité de l'appel incident :
Conformément aux dispositions de l'article 909 du code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.
En l'espèce, les conclusions de l'appelant ont été notifiées le 27 juillet 2023 à la société La Lumière, qui a formé appel incident par conclusions remises au greffe le 12 octobre 2023.
Son appel incident était donc recevable.
Sur l'étendue de la saisine de la cour :
L'article 562 du code de procédure civile dispose que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Il est constant par ailleurs que seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.
En l'espèce, contrairement à ce que soutient l'appelante en page 3 de ses conclusions, elle n'a pas interjeté appel de tous les chefs de jugement, puisque sa déclaration d'appel ne visait expressément que la fixation du loyer du bail renouvelé consenti par la SCI La Lumière à la société Guadeloupe Céramiques pour le local à usage commercial composé d'un dépôt (n°4 sur le plan d'expertise) de 500 m², sis [Adresse 6] à [Localité 5] à [Localité 4], à la somme mensuelle de 6.000 euros en principal, outre les charges, soit à la somme annuelle de 72.000 euros à compter du 1er janvier 2022.
Seul ce chef de jugement a donc été déféré à la cour par l'appel principal.
Néanmoins, l'appel incident de la société La Lumière a étendu la saisine de la cour en lui déférant les chefs de jugement par lesquels le premier juge a:
- fixé le loyer du bail renouvelé consenti par la SCI La Lumière à la société Guadeloupe Céramiques pour le local commercial composé d'un dépôt (n°4 sur le plan d'expertise) de 500 m², sis [Adresse 6] à [Localité 5] - [Localité 4], à la somme mensuelle de 2.500 euros en principal, outre les charges, soit à la somme annuelle de 30.000 euros à compter du 31 décembre 2018 et jusqu'au 31 décembre 2021,
- rejeté la demande de la SCI La Lumière en fixation d'un loyer pour l'occupation d'une extension du dépôt (n°4 sur le plan d'expertise) de 500 m² sis [Adresse 6] à [Localité 5] - [Localité 4], celle-ci ne faisant l'objet d'aucun bail,
- débouté la SCI La Lumière de sa demande de réajustement du dépôt de garantie,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes, ce chef correspondant au rejet de la demande de lissage de l'augmentation de loyer formée par la société Guadeloupe Céramiques.
En conséquence, n'ont pas été déférés à la cour les chefs de jugement par lesquels le premier juge a :
- dit que le bail expiré, ayant eu une durée supérieure à 12 ans, se trouvait déplafonné,
- condamné la société Guadeloupe Céramiques à payer à la SCI La Lumière le différentiel de loyer avec intérêts au taux légal depuis le jour de l'échéance du loyer ainsi fixé,
- dit que dans le mois de la signification du présent jugement, exécutoire par provision, les parties dresseraient un nouveau bail dans les conditions de loyer ainsi fixées et, qu'à défaut, le jugement vaudrait bail,
- condamné la société Guadeloupe Céramiques à payer à la SCI La Lumière la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Guadeloupe Céramiques aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
Il n'y a donc pas lieu de confirmer ces chefs de jugement, ainsi que le demande l'intimée, puisqu'ils ne dépendent pas d'autres chefs déférés à la cour et sont désormais irrévocables.
Sur la fixation du loyer du bail renouvelé :
A titre liminaire, il convient de rappeler qu'en vertu d'une disposition non contestée du jugement rendu par le juge des loyers commerciaux le 19 avril 2023, le bail renouvelé, dont la durée a excédé douze ans par l'effet d'une tacite reconduction, se trouve déplafonné, en vertu de l'article L.145-34 du code de commerce.
Le montant du loyer doit donc être fixé conformément à l'article L.145-33, qui dispose que le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
- les caractéristiques du local considéré,
- la destination des lieux,
- les obligations respectives des parties,
- les facteurs locaux de commercialité,
- les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Ces critères sont précisés par les articles R.145-3 et suivants du même code.
Ainsi, l'article R.145-3 dispose que les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :
- de sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public,
- de l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux,
- de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée,
- de l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail,
- de la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.
L'article R.145-6 précise que les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.
Enfin, en vertu de l'article R.145-7, les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6. A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
En l'espèce, il convient de préciser que, contrairement à ce qui a pu être retenu par le premier juge dans sa décision, le local à usage commercial composé d'un dépôt d'une superficie d'environ 500 m², qui a fait l'objet du bail conclu par la société La Lumière et la société Guadeloupe Céramiques en 1993, tacitement renouvelé depuis le dernier bail conclu en 2006, figure sur le plan établi par l'expert sous le numéro 6, et non sous le numéro 4.
Le numéro 4 correspond à une extension réalisée par la société Guadeloupe Céramiques. Cette extension, d'une surface non contestée en appel de 353,40 m², a consisté pour la société preneuse à couvrir une partie du bâtiment qui se trouvait à l'extérieur du local loué.
La cour ne peut que retenir, avec le premier juge, que cette extension ne constituait pas une modification des caractéristiques du local loué au sens de l'article L.145-34 du code de commerce, qui aurait permis un déplafonnement du loyer, puisqu'elle n'en faisait pas partie. Elle n'a donc pas à être prise en compte pour la fixation du loyer du bail renouvelé, qui est en tout état de cause déjà déplafonné, et ne saurait donner lieu à fixation d'un loyer spécifique, puisque l'assise de cette extension n'est comprise dans aucun bail.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société La Lumière de sa demande en fixation d'un loyer pour l'occupation de cette extension.
Pour le surplus, afin de fixer le loyer du bail renouvelé du local de 500 m² à 12 euros/m² par mois, le premier juge a retenu :
- que l'expert avait évalué la valeur locative des locaux à 15 euros / m² en faisant la moyenne des loyers pratiqués dans le voisinage pour des entrepôts de dépôt/vente,
- qu'il n'était pas démontré que l'évolution des critères locaux de commercialité depuis les années 1990 dans la zone de [Localité 5] ait eu un impact particulier sur la valeur du local faisant l'objet du bail, qui sert de dépôt et de stockage de matériaux,
- que si l'expertise ne contenait aucune description précise du local loué et de ses caractéristiques, pas plus que de son état d'entretien, la société Guadeloupe Céramiques ne démontrait pas qu'il était dégradé ou vétuste,
- que la société La Lumière avait proposé dans son offre de renouvellement un loyer de 2.500 euros par mois, soit 5 euros /m², et que, dans sa note intermédiaire, l'expert judiciaire avait évoqué cette valeur pour des locaux voisins,
- que l'expert judiciaire avait même procédé au 'calcul d'un loyer correct' après avoir déterminé la superficie des extensions réalisées par le preneur, sur la base d'une valeur locative de 3 euros /m² par mois,
- qu'au regard de tous ses éléments, la valeur locative retenue par l'expert devait être modérée à 12 euros /m² par mois.
Alors que la société La Lumière demande à la cour de retenir la valeur locative de 15 euros/m² par mois proposée par l'expert, la société Guadeloupe Céramiques souhaite quant à elle la voir fixer à 10 euros /m² par mois en soutenant :
- que la valeur locative retenue par l'expert judiciaire ne se fonde que sur la moyenne des prix pratiqués dans le voisinage, ce qui ne permet pas d'évaluer au plus juste le loyer à fixer, puisque cette évaluation conduirait à une augmentation de son loyer de 309% par rapport au loyer du dernier bail, renouvelé le 25 juin 2005,
- que la valeur retenue par le premier juge reste élevée et ne tient pas suffisamment compte du fait que le local n'est utilisé que comme dépôt de stockage de carrelage et d'autres matériaux destinés à la vente, ni des autres critères prévus par l'article L.145-33,
- qu'elle aboutit à une hausse importante et brutale de son loyer, de nature à compromettre la viabilité de l'entreprise.
En reprenant les critères prévus par l'article L.145-33 du code de commerce, les éléments du dossier permettent de retenir, au titre des caractéristiques du local faisant l'objet du bail renouvelé, qu'il s'agit d'un local d'une surface de 500 m², situé au rez-de-chaussée d'un bâtiment plus vaste. Le plan annexé au rapport d'expertise permet également de constater que ce bâtiment abrite plusieurs locaux, dont quatre dépôts, des surfaces de vente et des extérieurs, qui, ensemble, permettent à la société Guadeloupe Céramiques d'exercer son activité de vente de matériaux, tout en disposant, sur place, d'une zone de stockage très importante.
Si l'expert n'a pas détaillé l'état d'entretien des lieux loués, la société Guadeloupe Céramiques ne produit toujours, en cause d'appel, aucun élément de nature à établir qu'ils seraient en mauvais état. En l'absence de tout élément contraire, il n'y a donc pas lieu de considérer que l'état des locaux serait de nature à avoir une influence sur la fixation du montant du loyer du bail renouvelé.
Ainsi que le rappelle l'appelante, le local loué est destiné exclusivement à une activité de dépôt.
S'il n'est pas établi que l'évolution favorable des facteurs locaux de commercialité dans la zone de [Localité 5] ait présenté un intérêt particulier pour l'activité de la société Guadeloupe Céramiques, qui est spécialisée dans le commerce de gros d'appareils sanitaires et de produits de décoration depuis 33 ans, elle a néanmoins eu une incidence sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
A ce titre, l'expert a retenu des éléments de comparaison recueillis par ses soins, ainsi que d'autres émanant du rapport Didon, produit par la société La Lumière. Cependant, le rapport indique que les prix relevés concernent des activités de 'dépôt/vente', alors que le local en cause n'abrite qu'une activité de dépôt. Par ailleurs, les éléments succincts que contient ce rapport ne permettent pas de s'assurer que ces données concerneraient des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6, ainsi que le prévoit l'article R.145-7 précité.
En conséquence, s'il convient de retenir ces éléments de comparaison à titre indicatif, ils doivent être corrigés à la baisse en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence, dès lors que seule l'activité de dépôt, et non de dépôt-vente, y est exercée.
Néanmoins, cette activité de dépôt est indispensable à l'activité de vente exercée sur le même site par la société Guadeloupe Céramiques. Par ailleurs, contrairement à ce que sollicite cette dernière, la fixation du loyer n'a pas à tenir compte de l'ampleur de l'augmentation à laquelle elle pourrait aboutir, dès lors que le loyer est désormais déplafonné.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que le premier juge a :
- tenu compte du montant sollicité par la société La Lumière dans son congé avec offre de renouvellement, puis dans ses mémoires postérieurs, pour fixer le loyer à 5 euros /m² par mois pour la période du 31 décembre 2018 au 31 décembre 2021, soit 2.500 euros par mois ou 30.000 euros par an,
- minoré ensuite la valeur locative proposée par l'expert afin de la ramener à 12 euros /m² par mois, afin de fixer le loyer à 6.000 euros par mois, ou 72.000 euros par an, à compter du 1er janvier 2022.
Le jugement déféré sera donc confirmé de ces chefs.
Par ailleurs, il convient de le confirmer en ce qu'il a débouté la société Guadeloupe Céramiques de sa demande de lissage de l'augmentation des loyers.
Cette demande est fondée sur les dispositions de l'article L.145-34 du code de commerce, qui prévoit qu'en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.
Cependant, il ressort des développements précédents que les éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L.145-33 n'ont pas connu de modification notable depuis le début de la relation contractuelle. Par ailleurs, aucune disposition contractuelle n'a prévu d'exception aux règles de plafonnement, et le déplafonnement découle en l'espèce, en vertu du même texte, de la tacite reconduction du bail dont la durée a excédé douze ans.
C'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté cette demande de lissage.
Enfin, si la société La Lumière maintient sa demande tendant à voir dire que le dépôt de garantie sera réajusté en conséquence de la fixation du nouveau loyer et que le preneur devra verser entre ses mains le complément dû à ce titre, elle ne produit toujours en cause d'appel aucun contrat de bail permettant de démontrer qu'un dépôt de garantie aurait été contractuellement prévu.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande à ce titre.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Les chefs de jugement afférents aux dépens et frais irrépétibles de première instance n'ayant pas été déférés à la cour, il n'y a pas lieu de les examiner.
En revanche, la société Guadeloupe Céramiques, qui succombe à l'instance d'appel, sera condamnée à en supporter les entiers dépens.
En outre, l'équité commande de la condamner à payer à la société La Lumière la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de l'instance d'appel, et de la débouter de sa propre demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevables l'appel principal interjeté par la SAS Guadeloupe Céramiques et l'appel incident formé par la société civile immobilière La Lumière,
Dans la limite des chefs de jugement déférés à la cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions contestées, sauf à préciser que le local commercial composé d'un dépôt de 500 m², sis [Adresse 6] à [Localité 5] - [Localité 4] correspond au n°6 sur le plan d'expertise, et non au n°4,
Y ajoutant,
Condamne la SAS Guadeloupe Céramiques à payer à la société civile immobilière La Lumière la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
La déboute de sa propre demande à ce titre,
Condamne la SAS Guadeloupe Céramiques aux entiers dépens de l'instance d'appel.
Et ont signé,