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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 10 octobre 2024, n° 20/11433

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Moulin 318 (SCI)

Défendeur :

Neolive (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chalbos

Conseillers :

Mme Vignon, Mme Martin

Avocats :

Me Magnan, Me Mebarek

TJ Nice, du 16 nov. 2020, n° 19/01589

16 novembre 2020

EXPOSE DU LITIGE

Le 31 mai 1991, M. [U] [V], aux droits duquel vient la société Moulin 318, bailleresse, a consenti à la société Moulin à huile [V] (aujourd'hui nommée 'Neolive'), preneuse, un bail commercial portant sur divers locaux situés [Adresse 2] à [Localité 3] pour une durée de neuf années à compter du ler juin 1991.

Les locaux consistent en un moulin à huile, des caves, un entrepôt et un local commercial.

L'assiette des locaux donnés à bail porte sur le rez-de-chaussée et le sous-sol uniquement.

Le premier étage du bâtiment est conservé par la SCI Moulin 318 à usage d'habitation.

La destination contractuelle des lieux était :'tous commerces sauf dancing, cabaret ou commerce contraire aux bonnes moeurs'.

En pratique, la société Neolive, exploite, au sein des locaux loués, une boutique, des salles de conditionnement et de stockage, des caves, un garage utilisé en réserve et un moulin ancien comprenant deux roues à huile.

Le 13 mars 2013, la bailleresse a donné congé à la société locataire avec refus de renouvellement et offre de paiement d'indemnité d'éviction à sa locataire pour la date du 30 septembre 2013.

Par acte extrajudiciaire du 15 février 2016, la bailleresse a exercé son droit de repentir et a consenti à la preneuse le renouvellement du bail pour une nouvelle durée de 9 années à compter de la notification de l'acte en question du 15 février 2016.

Un litige s'est noué entre les parties concernant le montant des indemnités d'occupation dues par la société preneuse au titre de la période durant laquelle le bail était résilié, soit du 1er octobre 2013, date du congé du bailleur, au 15 février 2016, date d'exercice de son droit de repentir par la bailleresse.

Le 17 mai 2016, la bailleresse saisissait le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice, qui, par ordonnance du 23 juin 2016, ordonnait une expertise judiciaire et désignait M. [Z] en qualité d'expert à l'effet de déterminer le montant de la valeur locative annuelle des lieux loués a la date du 1er octobre 2013.

Le 10 septembre 2018, M. [Z] déposait son rapport d'expertise et concluait à une valeur locative annuelle des locaux loués de 44.000 euros HTet hors charges. Sur cette base, il calculait une indemnité d'occupation de 94 172 euros au titre de la période du 1er octobre 2013 au 15 février 2016.

De son côté, la société preneuse se prévalait d'un rapport amiable du 15 avril 2013, rédigé par Mme [W] aux termes duquel l'indemnité d'occupation annuelle était évaluée à 15 000 euros par an.

Se basant sur le rapport d'expertise judiciaire de M. [Z], la bailleresse réclamait à la société preneuse des indemnités d'occupation pour la période allant du 1er octobre 2013, date du congé, au 15 février 2016, date du droit de repentir, à hauteur de

32 441, 45 euros pour 9 trimestres et demi d'occupation des lieux.

Par acte d'huissier du 1er avril 2019, la bailleresse a saisi le tribunal judiciaire de Nice aux fins de condamnation de la société preneuse à lui payer, au principal, la somme de 32 441, 45 euros au titre des indemnités d'occupation.

Par jugement contradictoire du 16 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Nice s'est prononcé en ces termes :

- condamne la SAS Neolive à verser la somme de 1784,24 euros à la SCI Moulin 318,

- déboute la SCI Moulin 318 et la SAS Neolive de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile,

- condamne la SCI Moulin 318 et la SAS Neolive aux dépens par parts égales,

- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

Pour condamner la société preneuse à payer à la bailleresse, une somme de

1784, 24 euros au titre des indemnités d'occupation dues sur la période du 30 septembre 2013 au 15 février 2016, le tribunal s'appuyait à la fois sur le rapport d'expertise judiciaire de M. [Z] et sur celui de Mme [W].

Le tribunal retenait encore que la valeur locative annuelle des lieux loués était de 33 200 euros HT hors charges et que l'indemnité d'occupation due pour la période du 30 septembre 2013 au 15 février 2016, se calculait ainsi : 868 jours, pour un montant de

33 200 x 868 /365 -soit 78 952,33 euros HT ou encore 94 742,79 euros'TTC.

Pour le tribunal, la preneuse ayant d'ores et déjà versé à la bailleresse une première somme de 92 958,55 euros à la SCI Moulin 3018, la société Neolive devait être condamnée au versement du reliquat soit la somme de 1784,24 euros.

La SCI Moulin 318 a formé un appel le 23 novembre 2020.

La déclaration d'appel est ainsi rédigée :'L'objet du présent appel est de faire droit à toutes exceptions de procédure, d'annuler, sinon: d'infirmer et à tout le moins de réformer la décision déférée. Il est précisé que le présent appel est relatif aux chefs de la décision qui ont :

- condamné la SAS Neolive à verser 1.784,24 euros seulement à la SCI Moulin 312 ;

- débouté la SCI Moulin 312 de ses demandes sur le fondement de l'Article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la SCIMoulin 312 de ses demandes tendant notamment à :

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation annuelle due par la Société Neolive à la société Moulin 318, au titre de la période comprise entre le 1er octobre 2013 et le 15 février 2016, à hauteur de la somme de 44.000 euros, outre charges et taxes en sus.

- condamner la société Neolive au paiement à la société Moulin 318 de la somme de 32.441,45 euros T.T.C. pour les causes sus énoncées.

- condamner la société Neolive au paiement à la société Moulin 318 de la somme de 3.000 euros au titre de l'Article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Société Neolive au paiement des entiers dépens de l'instance, en ce compris le coût de l'expertise de m.[Z], distraits au profit de Me Renaud Giulieri, avocat au barreau'.

L'instruction de la procédure a été clôturée par ordonnance prononcée le 11 juin 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 décembre 2020, la SCI Moulin 318 demande à la cour de :

- déclarer la société Moulin 318 recevable en son appel,

- réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation annuelle due par la société Neolive à la société Moulin 318, au titre de la période comprise entre le ler octobre 2013 et le 15 février 2016 à hauteur de la somme de 44.000 euros H.T. charges et taxes en sus,

- condamner la société Neolive au paiement à la société Moulin 318 de la somme de 32.441,45 euros T.T.C. pour les causes sus énoncées,

- condamner la société Neolive au paiement à la société Moulin 318 de la somme de 4000 euros au titre de l'Article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Neolive au paiement des entiers dépens de première instance, en ce compris le coût de l'expertise de M. [Z], et d'appel, ces derniers étant distraits.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 mars 2021, la société Neolive demande à la cour de :

- débouter la société Moulin 318 de son appel celui-ci étant manifestement mal fondé,

- confirmer le jugement,

- condamner la SCI Moulin 318 au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l'Article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens, ces derniers étant distraits.

MOTIFS

1-sur les demandes des parties relatives aux indemnités d'occupation

Le jugement faisant l'objet de l'appel estime que la valeur locative annuelle du local ne saurait être fixée au montant retenu par l'expert judiciaire (44 000 euros hors charges)et au lieu de cela retient une valeur locative annuelle différente de 33 200 euros HT hors charges. L'intimée, qui a la qualité de preneuse, sollicite la confirmation du jugement.

L'appelante (la bailleresse) estime pour sa part que la valeur locative annuelle est bien de 44 000 euros hors charges, conformément au rapport de l'expert judiciaire.

- sur le principe de la créance d'indemnités d'occupation

Aux termes de l'article L145-28 du code de commerce :Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d'appréciation.Par dérogation au précédent alinéa, dans le seul cas prévu au deuxième alinéa de l'Article L. 145-18, le locataire doit quitter les lieux dès le versement d'une indemnité provisionnelle fixée par le président du tribunal de grande instance statuant au vu d'une expertise préalablement ordonnée dans les formes fixées par décret en Conseil d'État, en application de l'Article L. 145-56.

Il est de principe que le montant des indemnités d'occupation dues pendant la période qui s'écoule entre l'expiration du bail et l'exercice du droit de repentir doit être déterminé en application de l'Article L. 145-28 du code de commerce.

En conséquence, la société locataire est redevable d'une indemnité d'occupation envers la bailleresse, au titre de sa période d'occupation des lieux comprise entre la date d'effet du congé (1er octobre 2013) et l'exercice du droit de repentir par la preneuse principale (15 février 2016).

- sur le montant de la créance d'indemnités d'occupation

Selon le code de commerce (Article L 145-28), le montant de l'indemnité d'occupation due par l'ancien preneur doit être déterminé conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d'appréciation.

L'Article L145-33 du code de commerce dispose :Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.

A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :

1 Les caractéristiques du local considéré ;

2 La destination des lieux ;

3 Les obligations respectives des parties ;

4 Les facteurs locaux de commercialité ;

5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;

Un décret en Conseil d'État précise la consistance de ces éléments.

L'Article R145-3 du même code ajoute :Les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :

1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;

2° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;

3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;

4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;

5° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.

Concernant la valeur locative du bien loué, les parties exposent différents arguments qu'il y a lieu d'examiner

- sur la surface des lieux loués

En l'espèce, l'expert judiciaire retient une surface pondérée globale des locaux de 469 mètres carrés tandis que l'experte amiable, Mme [W], retient 281, 60 mètres carrés à ce titre et, après application d'un correctif d'ensemble de 0, 8,une valeur de 225 mètres carrés.

Pour l'appelante, l'estimation faite par l'experte amiable de la surface pondérée est erronée, car les coefficients de pondération qui ont été utilisés par cette dernière ne sont pas appropriés au local commercial litigieux.

L'appelante précise en effet que Mme [W] a appliqué des coefficients de pondération variant de 0,3 à 1, ce qui correspond, selon elle, à des 'boutiques en centre-ville jusqu'à 600 mètres carrés' selon les principes de la charte de l'expertise en évaluation immobilière du ler juillet 2015.

Or, pour l'appelante, ces coefficients spécifiques aux boutiques en centre -ville ne pouvaient pas être appliqués, le local commercial n'entrant pas dans la catégorie des boutiques classiques du centre ville, s'agissant d'une part de locaux d'activité destinés à la fabrication de l'huile d'olive et, d'autre part, la boutique n'étant qu'une vitrine d'exploitation.

En l'espèce, il est exact, comme le soutient l'appelant que le coefficient de pondération retenu par l'expert judiciaire est plus adapté que celui retenu par l'experte amiable, au regard de la situation des lieux et de la destination des locaux.

En effet, selon les pièces versées aux débats par la bailleresse et selon en particulier la lettre électronique de la compagnie nationale des experts de justice immobilière, les coefficients appliqués par l'experte amiable concernent 'les boutiques jusqu'à 600 mètres carrés en centre ville'. Or, en premier lieu, les locaux loués comprennent, certes une boutique servant la vente, mais également des locaux d'exploitation et d'activité dans lesquels l'huile d'olive et ses produits dérivés sont fabriqués.

En outre, les deux rapports d'expertise versés aux débats mentionnent tous deux que les locaux loués ne sont pas exactement situés en centre-ville. L'expert judiciaire relève ainsi que les locaux se trouvent dans une zone peu accessible non favorable à une activité commerciale se caractérisant par un habitat peu dense et par l'éloignement des commerces tandis que l'experte amiable indique ces derniers se situent à l'ouest du centre-ville de [Localité 3].

En l'état de ces observations, il y a lieu d'adopter l'avis de l'expert judiciaire concernant la surface pondérée et de retenir un chiffre de 469 mètres carrés.

- sur le prix au mètre carré moyen

Il y a lieu d'adopter l'avis de l'expert judiciaire, tout comme l'a fait le premier juge, concernant le prix au mètre carré moyen, soit 110 euros HT au mètre carré.

En effet, l'expert judiciaire a procédé à un travail sérieux de comparaison du local loué avec les prix couramment pratiqués dans le voisinage. En outre, il n'est pas contesté que l'experte amiable, Mme [W], qui a retenu un prix au mètre carré moyen de 74 euros a déterminé ce prix sur la base de surfaces réelles alors qu'elle aurait dû prendre en considération la surface dite pondérée.Surtout, les pièces versées aux débats par la preneuse ne permettent pas de s'assurer de la pertinence suffisante des éléments de comparaison retenus par cette professionnelle.

- sur les obligations respectives des parties et sur les obligations incombant au bailleur en application de l'Article R 145-38 du code de commerce

Aux termes de l'Article R145-8 du code de commerce :Du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge. Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer. Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé.

L'Article 606 du code civil ajoute : Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d'entretien.

Selon l'Article R145-35 du code de commerce 1° et 2°, dans sa version en vigueur depuis le 6 novembre 2014, (dont les dispositions sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter de la publication du décret n° 2014-1317 du 3 novembre

2014) :

Ne peuvent être imputés au locataire :

1° Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'Article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;

2° Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'alinéa précédent ;

Pour critiquer la valeur locative retenue par l'expert judiciaire, la société preneuse rappelle que selon l'Article R 145-38 du code de commerce, 'Du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative'.

Il est exact que la valeur locative peut être diminuée en raison de la simple existence d'un transfert de charges prévu par le bail et ce indépendamment du point de savoir si la preneuse a ou non effectué des travaux qui incombaient normalement à la bailleresse.

En l'espèce, il convient donc en premier lieu d'examiner les différentes clauses relatives aux obligations respectives afin de déterminer si elles peuvent ou non justifier une minoration de la valeur locative.

Or, le bail contient la clause particulière suivante relativement aux obligations respectives des parties en matière de travaux : 'le présent bail est fait aux charges et conditions suivantes que le preneur s'oblige à exécuter sous peine de tout dommages-intérêts et de résiliation.

4. Tous travaux de conformité avec les règles de sécurité ou d'hygiène ou de travail de l'exploitation ainsi que les nouvelles règles qui pourraient être édictées en ces différents domaines seront entièrement à la charge du preneur qui en fera son affaire personnelle sans recours contre le bailleur' .

Cette clause est une clause exorbitante de droit commun en ce qu'elle met à la charge de la preneuse les travaux de mise en conformité en particulier avec les règles de sécurité, sans préciser que les grosses réparations nécessaires à cette mise en conformité doivent rester à la charge du bailleur.

Ce transfert d'obligation incombant au bailleur, à savoir la mise à la charge du preneur des grosses réparations de mise en conformité avec les règles de sécurité, constitue un facteur de diminution de la valeur locative dans la mesure de 3 %.

- sur les caractéristiques du local loué et sur coefficient d'abattement au titre de la vétusté et de l'ancienneté du local

Concernant le coefficient d'abattement, l'expert judiciaire indique que sur la base de 11 éléments de comparaison distincts, le prix au mètre carré moyen applicable aux locaux loués s'établit à hauteur de la somme de 110 euros ce, qui, après application d'un abattement de 15 % au titre de la vétusté et de l'ancienneté du local, émarge à hauteur de la somme de 90 euros.

La société preneuse estime que l'expert judiciaire n'a pas suffisamment tenu compte de la réelle insalubrité des locaux, notamment en raison des infiltrations.

En l'espèce l'expert judiciaire indique lui-même que certaines pièces sont en état de très grande vétusté et que même si des travaux ont été réalisés, l'état intérieur reste, dans son ensemble, vétuste. L'expert amiable confirme ce constat relevant l'existence d'infiltrations d'eau dans le garage.

Par ailleurs, la société Neolive se prévaut de manquements de la bailleresse à son obligation de réaliser les travaux relevant des grosses réparations au sens de l'Article 606 du code civil ou les travaux de mise en conformité constituant de telles grosses réparations.

La cour a cependant d'ores et déjà tenu compte de cet état de fait en retenant l'existence d'un facteur de diminution de la valeur locative lié à un transfert de charges de la bailleresse vers la preneuse.

Pour ce qui est en particulier des nombreuses sommes alléguées par la sous-locataire concernant la reprise complète de la toiture, à hauteur de 60 531, 47 euros, celles-ci ne pouvaient interférer avec l'indemnité d'occupation. En effet, par arrêt du 15 septembre 2015, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a décidé de les laisser à la charge de la locataire.

Les débats et les pièces versées permettent à la société Neolive de rapporter la preuve de la grande vétusté des locaux loués au point que le coefficient retenu par l'expert judiciaire de 15 % doit être aggravé et porté à 17 %. .

- sur le montant de la valeur locative

La cour a retenu un prix au mètre carré moyen de 110 euros, un facteur de diminution de la valeur locative de 3 % et un coefficient de vétusté de 17%

La méthode de calcul suivante est utilisée pour déterminer le montant de la valeur locative :

- les locaux loués ont une surface utile de 529 mètres carrés, dont 67 m carrés inutilisés et une surface pondérée globale de 469 mètres carrés,

- le prix au mètre carré moyen applicable aux locaux loués est de 110 euros,

- il existe un facteur de diminution de la valeur locative de 3 %,

- l'abattement au titre de la vétusté et de l'ancienneté du local doit être de 17 %,

- après application des coefficients précédents de 3 % et de 17 %, le prix moyen au mètre carré est de 88 euros,

- compte tenu de l'application d'une majoration de 5 % au titre de la clause de destination "tous commerces", la valeur locative annuelle des lieux loués s'établit à hauteur de 43 335,60 euros (469 mètres carrés x 88 euros + 5 %)

Il y a donc lieu de retenir une valeur locative annuelle de 43 335,60 euros HT hors charges au 1er octobre 2013.

- sur le montant de l'indemnité d'occupation

Le coefficient de précarité retenu par l'expert judiciaire, de 10 % , dans son rapport du 10 septembre 2018, peut être augmenté à 13 % compte tenu de la longueur des procédures. Après application du coefficient de précarité de 13 %, la valeur des indemnités d'occupation au 1er octobre 2013 est de 37 701,97 euros par an.

La période au titre de laquelle l'indemnité d'occupation est due a duré 868 jours (du 1er octobre 2013 au 15 février 2016).

L'indemnité d'occupation quotidienne est de 103, 30 euros (37 701,97 /365) et l'indemnité d'occupation totale au titre de la période dont est redevable la société Neolive est de 89 664,40 euros hors taxes ou de 107 597, 28 euros TTC (période de 868 jours).

Concernant les paiements à déduire, d'ores et déjà effectués par la locataire, sur la période d'occupation, ils sont d'un montant de 92 958,55 euros.

La société Neolive est donc redevable envers la SCI Moulin 318 d'un reliquat d'indemnités d'occupation d'un montant de 14 638,73 euros.

Infirmant le jugement sur le montant résiduel des indemnités d'occupation, statuant à nouveau, la cour condamne la société Neolive à payer à la SCI Moulin 318 la somme de 14 638,73 euros.

- sur les frais du procès

Le jugement est confirmé du chef de l'Article 700.

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société Neolive est condamnée à payer une somme de 4000 euros à la SCI Moulin 3018 ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Joseph Magnan.

Concernant les frais de l'expertise judiciaire, il y a lieu de dire que chaque partie en supportera la moitié.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement :

- infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf celles du chef de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau et y ajoutant,

- fixe le montant de l'indemnité d'occupation annuelle due par la société Neolive à la société Moulin 318 au titre de la période comprise entre le ler octobre 2013 et le 15 février 2016 à hauteur de 37 701,97 euros par an HT,

- condamne la société Neolive à payer à la SCI Moulin 318 un solde résiduel d'indemnités d'occupation au titre de la période considérée de 14 638,73 euros,

- condamne la société Neolive à payer à la SCI Moulin 318 une somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chaque partie supportera la moitié du coût de l'expertise judiciaire,

- condamne la société Neolive aux entiers dépens de première instance et d'appel.