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Décisions

CA Riom, ch. com., 9 octobre 2024, n° 23/00382

RIOM

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Romy (SARL)

Défendeur :

J.E.C.C. (SCI), Mandatum (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dubled-Vacheron

Conseiller :

Mme Theuil-Dif

Avocats :

Me Chambon, Me Bonnet-Marquis

TJ Puy-en-Velay, du 23 févr. 2023, n° 22…

23 février 2023

ARRET :

Prononcé publiquement le 09 Octobre 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 20 janvier 2006, la SCI JECC, propriétaire d'un immeuble situé au [Adresse 3], constituant un local commercial permettant l'exploitation d'un commerce de café et hôtel, a conclu avec la SARL Romy, un contrat de bail.

Une clause résolutoire a été insérée au contrat de bail stipulant la résiliation de plein droit à défaut de paiement d'un seul terme de loyer à son échéance, un mois après un simple commandement demeuré infructueux.

A compter du mois d'août 2021, les loyers n'ont plus été réglés par la SARL Romy.

Malgré différentes tentatives du bailleur, la SARL ROMY n'a pas régularisé ces impayés au titre des loyers.

Le 14 septembre 2022, le bailleur a délivré un commandement de payer au preneur comprenant les sommes de 14.166,38 euros, au titre des charges et loyers impayés jusqu'au mois de septembre 2022 outre la somme de 196,83 euros au titre des frais de l'acte. En dépit de ce commandement, la SARL Romy ne s'est pas exécutée.

Par ordonnance de référé du 23 février 2023, le président du tribunal judiciaire du Puy-en-Velay a :

- constaté la résiliation du contrat de bail par le jeu de la clause résolutoire à compter du 15 octobre 2022 ;

- dit que la SARL Romy devra libérer les lieux situés [Adresse 3] dès la signification de la présente décision ;

- ordonné l'expulsion de celle-ci avec le concours de la force publique à défaut de son départ volontaire ;

- rappelé que le sort des meubles se trouvant dans les lieux sera réglé conformément aux dispositions des articles L433-1 et suivants et R.433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamné la SARL Romy à payer à titre provisionnel à la SCI JECC la somme de l2.166,38 euros au titre des loyers et charges impayés jusqu'au mois de septembre 2022 inclus, en deniers et quittances valables, outre intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2022 ;

- condamné la SARL Romy à payer à titre provisionnel à la SCI JECC une indemnité d'occupation égale au montant actuel du loyer et des charges à compter du 15 octobre 2022 et jusqu'à libération effective des locaux, outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

- condamné la SARL Romy aux entiers dépens de l'instance qui comprendront notamment le coût du commandement de payer les loyers du 14 septembre 2022.

- condamné la SARL Romy à payer à la SCI JECC la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a considéré qu'en l'absence de paiement et en dépit du commandement délivré au preneur le 14 septembre 2022 visant la clause résolutoire, la résiliation du bail devait être constatée à compter du 15 octobre 2022.

Par déclaration du 2 mars 2023, enregistrée le 6 mars 2023, la SARL Romy a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt en date du 27 septembre 2023, la cour a ordonné la réouverture des débats :

* en invitant la société ROMY à appeler en cause le mandataire judiciaire désigné dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte le 29 mars 2023 ;

* en invitant la société JECC à justifier de sa déclaration de créance ;

* en invitant les parties à conclure sur la recevabilité de la demande de provision ainsi que sur l'interruption effective de l'instance.

Le dossier a été renvoyé à la mise en état du 26 octobre 2023.

Par jugement du 21 mars 2024, le tribunal de commerce du Puy en Velay a converti la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de la SARL Romy en une procédure de liquidation judiciaire.

Par conclusions déposées et notifiées le 18 avril 2024, la SCI JECC demande à la cour de :

- constater et juger que le bail les liant a été résilié par le mandataire liquidateur suite à la conversion de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de la SARL Romy en liquidation judiciaire ;

- juger que la SARL Romy ne justifie plus d'un intérêt à agir et que la procédure d'appel est devenue sans objet ;

Subsidiairement :

- statuer ce que de droit sur l'appel formé par la SARL Romy compte tenu des dispositions de l'article L.622-21 du code de commerce.

- débouter la SARL ROMY de sa demande de condamnation envers elle à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance. ;

- juger que les dépens de l'instance seront mis à la charge de la SARL Romy et feront l'objet d'une fixation à la procédure collective dont celle-ci bénéficie.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir à titre principal que le bail est désormais résilié suivant décision du liquidateur judiciaire notifiée le 4 avril 2024 ; qu'en conséquence la SARL Romy ne justifie plus d'un intérêt à agir et la présente procédure est sans objet.

A titre subsidiaire, elle indique que suivant la jurisprudence de la Cour de cassation, à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective, l'action tendant à la constatation de la résiliation du bail ne peut plus être poursuivie si la décision se prononçant sur la demande du bailleur n'est pas encore passée en force de chose jugée. La législation relative au bail commercial prévoit au détriment du bailleur un régime dérogatoire à la jurisprudence citée par la cour d'appel.

Sur la base des dispositions de l'article 145-41 du code de commerce, la Cour de cassation juge qu'il est nécessaire qu'une décision définitive ait constaté le jeu de la clause résolutoire avant le jugement d'ouverture pour que la clause trouve application.

Il en est de même de la condamnation au titre de la créance provisionnelle pour les loyers impayés soumis à la procédure des créances antérieures et de l'admission des créances. La SCI JECC précise avoir déclaré sa créance.

La SCI JECC demande à la cour de ne pas faire droit à la demande présentée au titre des frais irrépétibles considérant que l'action en référé diligentée antérieurement à la procédure collective était parfaitement justifiée.

La SELARL Mandatum est intervenue volontairement à l'instance, en qualité de mandataire judiciaire par voie de conclusions notifiées électroniquement le 18 janvier 2024, aux termes desquelles elle demande à la cour :

- de déclarer recevable et bien fondée la SARL ROMY en son appel ;

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- de suspendre la procédure eu égard à l'ouverture d'une procédure collective,

- de débouter la société JECC de l'intégralité de ses demandes ;

- de condamner la société JECC à lui verser la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles et de la condamner aux dépens.

L'affaire a été fixée à l'audience du 12 juin 2024 et la clôture des débats a été prononcée le 23 mai 2024.

L'affaire a été renvoyée au 19 juin 2024, pour permettre à la SELARL mandatum de régulariser la procédure en concluant en qualité de liquidateur judiciaire, la société Romy étant placée en liquidation judiciaire depuis le 21 mars 2024.

Par conclusions déposées et notifiées le 19 juin 2024, la SELARL Mandatum, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ROMY a repris les mêmes demandes que celles formulées dans ses précédentes écritures.

Le liquidateur fait valoir que la procédure est suspendue par la procédure collective en cours ; que l'ordonnance de référé étant frappée d'appel, la clause résolutoire ne saurait être acquise et qu'il appartient à la SCI JECC de faire inscrire sa dette locative dans le cadre de la procédure collective.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

Motivation :

A titre liminaire et pour la régularité de la procédure, il convient de :

- rabattre l'ordonnance de clôture et d'admettre les conclusions notifiées le 19 juin 2024 par la SELARL Mandatum agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Romy.

- dire que la clôture est intervenue le jour des débats soit le 19 juin 2024.

Il résulte de la combinaison des articles L.145-41 et L.622-21 du code de commerce que l'action introduite par le bailleur, avant l'ouverture de la procédure collective du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure, ne peut être poursuivie après ce jugement (Civ., 3e, 13 avril 2022, n°21-15336, publié).

En l'espèce, à la date de l'ouverture de la procédure collective, l'ordonnance de référé constatant la résiliation du bail commercial était frappée d'appel et n'était pas passée en force de chose jugée.

Il en résulte que l'ouverture de la procédure collective ne permet pas au bailleur de poursuivre la résiliation du bail, étant par ailleurs constaté que le bail étant résilié cette demande est par ailleurs devenue sans objet. Il convient donc d'infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a constaté les effets de la clause résolutoire et la résolution du bail et en ce qu'elle a en conséquence prononcé l'expulsion de l'appelant.

Les loyers et charges impayés sur le fondement desquels était poursuivie la résiliation du bail sont antérieurs à l'ouverture de la procédure collective. Ils ne peuvent donc plus faire l'objet d'une condamnation même à titre provisionnel et relèvent de la procédure d'admission des créances. La cour, statuant dans la limite des pouvoirs du juge des référés, ne peut fixer le principe et le montant de la créance au passif de l'appelant. Il en résulte que l'ordonnance entreprise sera également infirmée en toutes ses dispositions emportant condamnation au paiement.

En conséquence, la cour infirmera l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions. Statuant à nouveau, elle dira n'y avoir lieu à référé. La SCI JECC sera renvoyée à la procédure de vérification des créances.

Les dépens seront mis à la charge de la SARL Romy et seront fixés à la procédure collective dont elle bénéficie.

Il est équitable de rejeter la demande présentée par la SELARL Mandatum es qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Romy, la SCI JECC ayant introduit l'action alors que la SARL Romy était in bonis afin de recouvrer des loyers qui lui étaient dus.

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Rabat l'ordonnance de clôture rendue le 23 mai 2024 et dit que la clôture des débats est intervenue au jour de l'audience ; Il convient donc d'infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a constaté les effets de la clause résolutoire et la résolution du bail et en ce qu'elle a en conséquence prononcé l'expulsion de l'appelant ;

Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau, dit n'y avoir lieu à référé et renvoie la SCI JECC à la procédure de vérification des créances ;

Déboute la SELARL Mandatum agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Romy de la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les dépens seront à la charge de la SARL Romy et seront fixés à la procédure collective dont elle bénéficie.