CA Montpellier, référés, 9 octobre 2024, n° 24/00156
MONTPELLIER
Ordonnance
Autre
PARTIES
Demandeur :
Thanh Resto (SASU)
Défendeur :
CND (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gervais de Lafond
Avocats :
Me Baudard, Me Menut
EXPOSE DU LITIGE
1. Par acte en date du 15 octobre 2021, la société civile immobilière CND, propriétaire de locaux commerciaux sis [Adresse 3] à [Localité 4] les a donné à bail commercial à la société par action simplifiée unipersonnelle THANH RESTO.
2. Un commandement de payer plusieurs loyers impayés, délivré dans les formes prévues à l'article L145-41 du code de commerce le 28 juillet 2023, est demeuré infructueux.
3. Par ordonnance du 14 juin 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Béziers a statué comme suit :
- Constatons la résolution du bail commercial conclu entre la société civile immobilière CND, et la société par action simplifiée unipersonnelle THANH RESTO, pour les locaux sis [Adresse 3] à [Localité 4] ;
- Ordonnons, si besoin avec le concours de la force publique, l'expulsion de la SASU THANH RESTO, ou de tous occupants de son chef des locaux situés [Adresse 3] à [Localité 4], dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance ;
- Disons que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L433-1 et L433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
- Condamnons la SASU THANH RESTO à payer à la société civile immobilière CND, la somme p r o v i s i o n n e l l e de 4.797,46 € correspondant aux loyers impayés ;
- Condamnons la SASU THANH RESTO à payer, à la société civile immobilière CND, une indemnité d'occupation mensuelle et ce, jusqu'à la libération effective des lieux et à la remise des clefs, égale au montant du loyer, soit 800 €, augmentée des charges et taxes afférentes qu'elle aurait dû payer si le bail ne s'était pas trouvé résilié ;
- Condamnons la SASU THANH RESTO au paiement des entiers dépens de l'instance, en ce compris le coût du commandement ;
- Condamnons la SASU THANH RESTO à payer à la société civile immobilière CND la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
4. Par déclaration du 23 juillet 2024, la SASU THANH RESTO a relevé appel de cette décision.
5. Par assignation en référé en date du 12 août 2024, la SASU THANH RESTO demande au premier président l'arrêt de l'exécution provisoire et de statuer sur les dépens.
6. Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique en date du 28 août 2024 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions, la SCI CND demande de rejeter les demandes et de condamner la SASU THANH RESTO à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
7. A l'audience fixée pour l'examen de l'affaire, les avocats respectifs des parties ont maintenu leurs demandes telles qu'elles résultent de leurs dernières écritures.
MOTIFS DE LA DÉCISION
8. Aux termes de l'article 514-3 du code de procédure civile, issu du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
9. Contrairement à ce que soutient la défenderesse, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire est recevable dans la mesure où en matière de référé, la SASU THANH RESTO ne pouvait pas demander à voir écarter l'exécution provisoire de droit en application de l'article 514-1 alinéa 3 du code de procédure civile.
10. Il convient d'examiner en premier lieu l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation.
11. La SASU THANH RESTO fait valoir ici que le juge des référés a statué sans prendre l'existence d'une contestation sérieuse tenant à nullité du contrat de bail en raison de la dissimulation dolosive par le bailleur d'informations relatives à l'engagement de travaux de la voirie communale impactant l'activité de son commerce.
12. Il convient cependant de relever que le premier juge après avoir rappelé les stipulations de l'article 6.4 du bail commercial qui dispose que : "le Preneur supportera sans indemnité de la part du Bailleur tous travaux qui seraient exécutés sur la voie publique, alors même qu'il en résulterait une gêne pour son exploitation", a constaté d'une part, que la nullité du bail n'avait pas été soulevée avant cette procédure en référé et que le versement des loyers était intervenu régulièrement pendant de nombreux mois et d'autre part, que n'était pas démontré, le lien de causalité direct et certain entre la réalisation des travaux sur la voirie et la perte d'exploitation, au demeurant non justifiée.
13. Par ailleurs, la demanderesse n'établit pas avoir cessé l'exploitation de son commerce pensant la période litigieuse, ni de la perte d'exploitation depuis le mois de juillet 2023 pouvant justifier une suspension de paiement des loyers courants.
14. Au regard de ces différents éléments, il ne peut être considéré qu'existe un moyen sérieux de réformation ou d'annulation de la décision de résolution du bail et d'expulsion rendue le 12 août 2024.
15. Il n'y a donc pas lieu d'examiner la condition tenant à l'existence de conséquences manifestement excessives puisque les deux conditions sont cumulatives.
16. Il sera toutefois indiqué que l'expulsion ne constitue pas en elle-même une conséquence manifestement excessive.
17. Il convient dès lors de rejeter la demande d'arrêt de l'exécution provisoire.
18. La SASU THANH RESTO, qui succombe, sera condamnée aux dépens mais l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Déboutons la SASU THANH RESTO de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance rendue le 14 juin 2024 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Béziers.
Disons n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamnons la SASU THANH RESTO aux dépens.