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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 10 octobre 2024, n° 24/01443

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Beauty Market 94 (SASU), Sougu Beautytech (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rispe

Conseillers :

Mme Blanc, Mme Georget

Avocats :

Me Ziane, Me Guinard

TJ Créteil, du 14 déc. 2023, n° 23/00611

14 décembre 2023

Par acte du 24 novembre 2017, M. [M] a donné à bail commercial à la société Beauty Market 94, ayant pour dénomination commerciale So Beauty One, représentée par son gérant, M. [B], des locaux situés à [Localité 3] (94) [Adresse 1], moyennant un loyer annuel de 18 000 euros, hors charges et hors taxes, payable mensuellement, par avance le 15 de chaque mois, soit un montant mensuel charges comprises de 1 550 euros, pour y exercer une activité de coiffure et esthétique.

Des loyers sont demeurés impayés.

Par acte extrajudiciaire du 27 juin 2022, M. [M] a fait délivrer un commandement de payer, visant la clause résolutoire, à la société Beauty Market 94, pour une somme de 46 500 euros, au titre de l'arriéré locatif au 27 juin 2022 (loyers et charges impayés sur la période d'octobre 2019 à juin 2022 inclus).

Par acte extrajudiciaire du 29 juin 2022, le commandement de payer a été dénoncé à M. [B], en qualité de caution solidaire.

Par acte de commissaire de justice du 31 mars 2023, M. [M] a fait assigner M. [B] et la société Beauty Market 94 devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins de :

constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail,

ordonner l'expulsion de la société Beauty Market 94, ayant pour dénomination commerciale So Beauty One et celle de tous occupants de son chef des lieux loués avec le concours de la force publique si besoin est,

dire que le sort des meubles se trouvant dans les lieux sera réglé conformément aux articles L. 433-1 et suivants et R. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

condamner solidairement la société Beauty Market 94, ayant pour dénomination commerciale So Beauty One, et M. [B] à payer à M. [M] la somme provisionnelle de 49 790 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 28 février 2023,

condamner solidairement la société Beauty Market 94, ayant pour dénomination commerciale So Beauty One et M. [B] au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle égale à la somme de 1 550 euros, charges et taxes et sus, à compter du 1er mars 2023 jusqu'à la libération des locaux qui se matérialisera par la remise des clés ou l'expulsion du défendeur,

dire que si l'occupation devait se prolonger plus d'un an après l'acquisition de la clause résolutoire, l'indemnité d'occupation ainsi fixée serait indexée sur l'indice trimestriel nommé ILC, publié par l'INSEE, l'indice de base étant le dernier indice paru à la date de l'acquisition de la clause résolutoire.

Par ordonnance réputée contradictoire du 14 décembre 2023, en l'absence de M. [B], le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil, a :

déclaré recevable l'intervention volontaire à l'instance de la société Sougu Beautytech ;

vu l'absence de contestations sérieuses sur la validité du commandement de payer visant la clause résolutoire et sur la créance de M. [M] ;

constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail étaient réunies à la date du 28 juillet 2022 ;

condamné solidairement la société Beauty Market 94 et M. [B], en qualité de caution solidaire, à payer à M. [M] la somme provisionnelle de 54 996,39 euros au titre de l'arriéré locatif au 5 septembre 2023, avec intérêts au taux légal ;

autorisé la société Beauty Market 94 à se libérer du paiement de cette somme en 23 mensualités de 2 291 euros, la 24ème mensualité équivalant au solde de la dette, payables le 15 de chaque mois, en plus du loyer courant et pour la première fois le 15 du mois suivant la signification de la présente décision ;

ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le cours de ces délais ;

dit que les loyers et charges courants devront être payés dans les conditions fixées par le bail commercial ;

dit que, faute pour la société Beauty Market 94 de payer à bonne date, en sus du loyer, charges et accessoires courants, une seule des mensualités, et huit jours après l'envoi d'une simple mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception,

le tout deviendra immédiatement exigible,

la clause résolutoire sera acquise,

il sera procédé à l'expulsion immédiate de la société Beauty Market 94 et à celle de tous occupants de son chef, et notamment la société Sougu Beautytech, avec l'assistance si nécessaire de la force publique des lieux loués, à savoir à [Localité 3] (94) [Adresse 1],

en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d'exécution sur ce point ;

une indemnité provisionnelle égale au montant du loyer contractuel augmenté des charges sera mise à sa charge, en cas de maintien dans les lieux, jusqu'à libération effective des lieux par remise des clés ;

condamné solidairement la société Beauty Market 94 et M. [B], en qualité de caution, aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement et de sa dénonciation à la caution ;

condamné solidairement la société Beauty Market 94 et M. [B] à payer à M. [M] la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes.

Par déclaration du 5 janvier 2024, les sociétés Beauty Market 94 et Sougu BeautyTech ont relevé appel de cette décision de l'ensemble des chefs du dispositif sauf en ce qu'elle a déclaré recevable l'intervention volontaire à l'instance de la société Sougu Beautytech.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 15 mars 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, les sociétés Sougu Beautytech et Beauty Market 94 demandent à la cour de :

les déclarer recevable et en tous les cas bien fondées en leur appel ;

infirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Créteil le 14 décembre 2023 (RG 23/00611) en ce qu'elle a :

constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail étaient réunies à la date du 28 juillet 2022 ;

condamné solidairement la société Beauty Market 94 et M. [B], en qualité de caution solidaire, à payer à M. [M] la somme provisionnelle de 54 996,39 euros au titre de l'arriéré locatif au 5 septembre 2023, avec intérêts au taux légal ;

autorisé la société Beauty Market 94 à se libérer du paiement de cette somme en 23 mensualités de 2 291,00 euros, la 24ème mensualité équivalant au solde de la dette, payables le 15 de chaque mois, en plus du loyer courant et pour la première fois le 15 du mois suivant la signification de la présente décision ;

ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le cours de ces délais ;

dit que les loyers et charges courants devront être payés dans les conditions fixées par le bail commercial ;

dit que, faute pour la société Beauty Market 94 de payer à bonne date, en sus du loyer, charges et accessoires courants, une seule des mensualités, et huit jours après l'envoi d'une simple mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception, le tout deviendra immédiatement exigible, la clause résolutoire sera acquise, il sera procédé à l'expulsion immédiate de la société Beauty Market 94 et à celle de tous occupants de son chef, et notamment la la société Sougu Beautytech, avec l'assistance si nécessaire de la force publique des lieux loués, à savoir à [Localité 3](94) [Adresse 1], en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d'exécution sur ce point ;

une indemnité provisionnelle égale au montant du loyer contractuel augmenté des charges sera mise à sa charge, en cas de maintien dans les lieux, jusqu'à libération effective des lieux par remise des clés ;

condamné solidairement la société Beauty Market 94 et M. [B], en qualité de caution, aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement et de sa dénonciation à la caution ;

condamné solidairement la société Beauty Market 94 et M. [B] à payer à M. [M] la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes.

statuant à nouveau :

à titre principal :

constater le caractère sérieusement contestable des obligations alléguées ;

à titre subsidiaire :

suspendre les effets de la clause résolutoire insérée au bail commercial ;

autoriser la société Beauty Market 94 à se libérer de sa dette selon 23 mensualités de 600 euros, le solde étant réglé lors de la 24ème échéance ;

dire que le règlement de cette dette s'effectuera le 15 de chaque mois, le premier versement devant intervenir le 10 du mois suivant la signification de la décision à intervenir ;

dire que le non-paiement de l'une quelconque de ces échéances entraînera de plein droit l'exigibilité immédiate de la créance après une mise en demeure demeurée infructueuse au terme d'un délai de quinze jours ouvrés ;

y faisant droit,

débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

en tout état de cause,

condamner M. [M] à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 15 mars 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, M. [M] demande à la cour de :

le recevoir en son exploit introductif d'instance et l'y déclarer bien-fondé ;

constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail litigieux à la date du 27 juillet 2022 ;

ordonner en conséquence, l'expulsion de Beauty Market 94 exerçant sous la dénomination commerciale So Beauty One ainsi que celle de toute personne dans les lieux sis [Adresse 1] avec si besoin est, l'assistance de la force publique et celle d'un serrurier ;

dire que le sort des meubles se trouvant dans les lieux sera réglé conformément aux articles L. 433-1 et suivants et R. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

condamner par provision et solidairement Beauty Market 94 exerçant sous le nom commerciale So Beauty One et M. [B] à lui payer à la somme de 54 996, 39 euros correspondant à l'arriéré de loyers et accessoires et indemnité d'occupation au 5 septembre 2023 ;

condamner par provision et solidairement Beauty Market 94 exerçant sous le nom commercial So Beauty One et M. [B] à régler la somme de compter du 1er octobre 2023 à lui payer une indemnité d'occupation mensuelle de 1550 euros, charges et taxes en sus, jusqu'à la libération effective des lieux par remise des clefs ;

dire que si l'occupation devait se prolonger plus d'un an après l'acquisition de la clause résolutoire, l'indemnité d'occupation ainsi fixée serait indexée sur l'indice trimestriel nommé ILC, publié par l'INSEE, l'indice de base étant le dernier indice paru à la date de l'acquisition de la clause résolutoire ;

condamner solidairement Beauty Market 94 et M. [B] au paiement des dépens qui comprendront le coût du commandement, des états des privilèges et des nantissements ainsi que celui de la dénonciation aux créanciers inscrits ;

condamner solidairement Beauty Market 94 et M. [B] au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

subsidiairement si le 'tribunal' devait considérer qu'il existe une novation, ordonner en conséquence, l'expulsion de la société Sougu Beautytech ainsi que celle de toute personne dans les lieux sis [Adresse 1] avec si besoin est, l'assistance de la force publique et celle d'un serrurier ;

dire que le sort des meubles se trouvant dans les lieux sera réglé conformément aux articles L. 433-1 et suivants et R. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

condamner par provision et solidairement Beauty Market 94 exerçant sous le nom commercial So Beauty One, la société Sougu Beautytech et M. [B] à lui payer la somme de 54 996, 39 euros correspondant à l'arriéré de loyers et accessoires et indemnité d'occupation au 5 septembre 2023 ;

condamner par provision et solidairement Beauty Market 94 exerçant sous le nom commercial So Beauty One, la société Sougu Beautytech et M. [B] à lui payer une indemnité d'occupation mensuelle de 1 550 euros, charges et taxes en sus, jusqu'à la libération effective des lieux par remise des clefs ;

dire que si l'occupation devait se prolonger plus d'un an après l'acquisition de la clause résolutoire, l'indemnité d'occupation ainsi fixée serait indexée sur l'indice trimestriel nommé ILC, publié par l'INSEE, l'indice de base étant le dernier indice paru à la date de l'acquisition de la clause résolutoire ;

condamner solidairement Beauty Market 94, la société Sougu Beautytech et M. [B] au paiement des dépens qui comprendront le coût du commandement, des états des privilèges et des nantissements ainsi que celui de la dénonciation aux créanciers inscrits ;

condamner solidairement Beauty Market 94, la société Sougu Beautytech et M. [B] au paiement de la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 juin 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Sur ce,

Il convient de relever, à titre liminaire, que M. [B] n'est pas partie à l'instance d'appel.

Par ailleurs, le dispositif des dernières conclusions de M. [M] ne mentionne aucune prétention tendant à voir infirmer l'ordonnance entreprise.

Sur la demande de constat de l'acquisition de la clause résolutoire du bail

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Selon l'article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Au cas présent, le commandement de payer délivré le 27 juin 2022 par le bailleur à la société Beauty Market 94 pour une somme de 46 500 euros vise la clause résolutoire contenue dans le bail.

Les sociétés Beauty Market 94 et Sougu Beautytech opposent que ce commandement a été délivré de mauvaise foi par M. [M] dès lors que la dette locative concerne, pour l'essentiel, la période de crise sanitaire et qu'aucune remise de paiement de loyers et charges n'a été accordée par le bailleur.

Mais l'impossibilité d'exercer une activité du fait des mesures gouvernementales prises pour lutter contre la propagation du virus covid -19 ne peut exonérer un locataire à bail commercial du paiement des loyers (3e Civ., 15 juin 2023, pourvoi n° 21-10.119, publié). L'absence de remise du paiement des loyers et charges pendant la période de crise sanitaire, que le bailleur n'était pas tenu de consentir, ne saurait donc caractériser sa mauvaise foi.

Ensuite, les sociétés Beauty Market 94 et Sougu Beautytech affirment que le décompte locatif ne tient pas compte d'un certain nombre de paiements effectués par la société Beauty Market 94 à savoir les sommes de 1 500 euros payées le 10 octobre 2019, le 30 décembre 2019, le 4 juin 2020, le 17 juillet 2020, le 15 juillet 2021 soit 7 750 euros au total. Elles soutiennent que la dette locative arrêtée au 23 mars 2023 est donc de 42 040 euros.

Tout d'abord, s'agissant de la contestation de la validité du commandement, il convient d'apprécier la dette locative à la date de délivrance du commandement de payer, soit le 27 juin 2022.

Or, s'il est exact que le décompte annexé au commandement de payer ne prend pas en considération les paiements susvisés, pour autant, restait en tout état de cause impayée la somme de 39 295, 70 euros que la société Beauty Market 94 ne justifie pas avoir réglée dans le délai d'un mois qui lui était imparti.

Enfin, les appelantes font valoir que la société Sougu Beautytech, nouvelle locataire du bien litigieux, n'a reçu aucun commandement de payer visant la clause résolutoire. Elles produisent des relevés bancaires émanant du compte de Mme [T] [B], ex-épouse du gérant de la société Beauty Market 94 et présidente de la société Sougu Beautytech, établissant l'existence de virements au profit du bailleur datant des mois de juillet 2022, août 2022, septembre 2022, octobre 2022, novembre 2022, novembre 2022, janvier 2023, mars 2023 et juin 2023. Les appelantes soutiennent que, ce faisant, la société Sougu Beautytech est devenue la nouvelle locataire par novation.

Selon l'article 1329 du code civil, la novation est un contrat qui a pour objet de substituer à une obligation, qu'elle éteint, une obligation nouvelle qu'elle crée. Elle peut avoir lieu par substitution d'obligation entre les mêmes parties, par changement de débiteur ou par changement de créancier.

L'article 1330 du même code dispose que la novation ne se présume pas ; la volonté de l'opérer doit résulter clairement de l'acte.

Au cas présent, la contestation relative au changement de locataire n'est pas sérieuse. Le règlement d'une partie des loyers par un tiers, de surcroît après la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire, ne suffit pas à caractériser l'accord du bailleur pour la cession du bail. Ainsi que relevé par le premier juge, il n'est produit aucun acte de cession du droit au bail, ni entre la société Beauty Market 94 et la société Sougu Beautytech, ni d'acte d'approbation de cette cession par M. [M]. Il importe peu qu'un simple projet de cession ait été évoqué entre Mme [B] et le mandataire du bailleur, étant observé que ce dernier, dans un courriel du 7 juin 2023 indiquait à Mme [B] 'pour la cession, il faut que M. [M] soit présent à la signature et que le solde des loyers en retard soit payé.'

En conséquence, la validité du commandement ne se heurte à aucune contestation sérieuse et celui-ci a produit ses effets, de sorte que la clause résolutoire prévue au bail est acquise un mois après sa délivrance.

L'ordonnance est confirmée de ce chef.

Sur la suspension des effets de la clause résolutoire et les délais de paiement

L'article L. 145-41 du code de commerce prévoit que les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais , suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée.

La clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Selon l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Au cas présent, il convient d'observer que les appelantes n'opposent pas de contestations sérieuses à la demande de provision au titre de l'arriéré locatif. Au regard du décompte produit par le bailleur, qui prend en considération les paiements effectués et précédemment visés, l'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a condamné la société Beauty Market 94 à payer la somme provisionnelle de 54 996, 39 euros avec intérêts au taux légal.

Au soutien de sa demande de délais de paiement, la société Beauty Market 94 expose que les mesures gouvernementales sont venues restreindre la liberté d'exploitation des locaux puisque la société n'a exercé aucune activité entre le 17 mars et le 2 juin 2020, puis entre le 26 septembre 2020 et le 19 mai 2021. Elle ajoute qu'elle a ainsi été privée de trésorerie mais que le paiement des loyers courants a repris depuis le mois de mai 2022. Elle précise que son gérant M. [B] et son épouse sont parents de trois enfants et que leur dernier avis d'imposition fait état d'un revenu annuel de 9 600 euros. Elle propose de régler sa dette en 23 mensualités de 600 euros, la 24ème correspondant au solde restant dû.

Le premier juge a, par une juste appréciation des circonstances de l'espèce, suspendu rétroactivement les effets de la clause résolutoire et accordé à la société Beauty Market 94 des délais de paiement pour s'acquitter de la dette locative, en réglant, en plus du loyer courant, la somme de 2 291 euros par mois pendant 23 mois, la 24ème mensualité équivalant au solde de la dette.

L'ordonnance sera confirmée de ce chef ainsi que de ceux subséquents en cas de défaut ou de retard de paiement des mensualités susvisées.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L'ordonnance entreprise sera confirmée des chefs relatifs aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Parties perdantes en appel, les sociétés Beauty Market 94 et Sougu Beautytech seront tenues in solidum aux dépens et condamnées in solidum à indemniser M. [M] des frais qu'il a de nouveau été contraint d'exposer, à hauteur de la somme de 2 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum les sociétés Beauty Market 94 et Sougu BeautyTech aux dépens d'appel ;

Condamne in solidum les sociétés Beauty Market 94 et Sougu BeautyTech à payer la somme de 2 000 euros à M. [M] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.