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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 10 octobre 2024, n° 21/08786

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Société de Fermetures (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseillers :

Mme Leroy, Mme Girousse

Avocats :

Me Koerfer Boulan, Me Benjamin, Me Maignan

TJ Créteil, 3e ch., du 2 avr. 2021, n° 1…

2 avril 2021

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé en date du 27 octobre 1993, la SCI ACA a consenti à la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] (ces deux sociétés ayant le même dirigeant à savoir M. [M] [C], co-gérant de la première et président de la seconde) un bail commercial portant sur un local à usage d'activité d'une surface de 188,29 mètres carrés et de deux places de stationnement dans un immeuble situé sis à [Adresse 5] pour une durée de neuf années. Il s'est poursuivi au-delà de son terme fixé au 31 octobre 2002.

Par acte sous seing privé du 6 mars 2015, la SCI ACA et la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] ont convenu de résilier amiablement le bail du 27 octobre 2013 et de conclure un nouveau bail commercial d'une durée de neuf années à compter du 1er janvier 2015 pour se terminer le 31 décembre 2023 moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges fixé à 25.200 euros, la clause de destination des lieux loués mentionnant que les locaux sont « exclusivement destinés à usage de bureaux et d'entrepôt pour l'exercice des activités de serrurerie à l'exclusion de toute autre activité ».

Par acte sous seing privé du 1er avril 2015, M. [M] [C] et son épouse Mme [K] [P] ont cédé leurs actions de la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] à la société [S] INVESTISSEMENT et M. [Y] [H].

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 janvier 2019, la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C], par l'intermédiaire de son avocat, a notamment indiqué à la SCI ACA que les locaux étant devenus trop exigus pour exercer son activité, elle comptait déménager, qu'elle avait trouvé un nouveau locataire connu et solvable et proposait la caution personnelle de M. [S] pour garantir le paiement du loyer jusqu'à la fin de la période triennale, qu'elle ne comprenait donc pas le refus opposé par la bailleresse à cette solution qui avait auparavant reçu son accord. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 juin 2019, l'avocat de la SCI ACA s'est opposé à cette demande et a contesté l'existence d'un prétendu consentement de cette dernière au départ anticipé de sa locataire.

La SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] a fait établir le 11 février 2019 un rapport d'audit de sécurité des lieux du travail par la société ATED Coordination qui a conclu « que les locaux de l'atelier de l'entreprise [C] ne sont pas adaptés pour exercer son activité de production et la création d'ouvrages de métallerie-serrurerie. »

La SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] a quitté les lieux le 28 février 2019, a fait dresser par huissier un constat d'état des lieux de sortie le 16 juillet 2019 et remis les clés dans la boîte aux lettres du dirigeant de la SCI ACA à la fin du mois de juillet 2019.

Parallèlement, par acte d'huissier du 25 avril 2019, la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] a fait assigner la SCI ACA devant le tribunal de grande instance de Créteil aux fins essentielles que soit prononcée la résolution du bail.

Par jugement du 2 avril 2021, le tribunal judiciaire de Créteil a :

- débouté la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] de toutes ses demandes ;

- condamné la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] à payer à la SCI ACA :

- la somme de 62.160 euros au titre des loyers échus pour la période de mars 2019 à décembre 2020 inclus ;

- les loyers échus du mois de janvier 2021 jusqu'au jugement ;

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement, avec capitalisation des intérêts ;

- débouté la SCI ACA du surplus de sa demande en paiement des loyers postérieurs non encore exigibles, et de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamné la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] à payer à la SCI ACA la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] aux dépens en ce compris le coût des saisies conservatoires effectuées au préjudice de la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] à la requête de la SCI ACA ;

- rejeté toute autres demandes ;

- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.

Par déclaration d'appel du 6 mai 2021, la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] a interjeté appel total du jugement.

Par ordonnance du 12 mai 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil saisi par la SCI ACA a fait droit à sa demande et a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail par l'effet d'un commandement de payer visant cette clause délivré le 24 juin 2021, par la SCI ACA à la SOCIÉTÉ FERMETURES [C].

Par ordonnance sur incident du 24 octobre 2022, le conseiller de la mise en état, saisi par la SCI ACA, l'a déboutée de sa demande aux fins de voir ordonner l'exécution provisoire du jugement déféré, a condamné la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] à payer à la SCI ACA la somme de 11.100 euros à titre de provision et a débouté LA SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] de ses prétentions.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 janvier 2024.

MOYENS ET PRETENTIONS

Par conclusions déposées le 1er février 2022, la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C], appelante, demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris rendu le 2 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Créteil en ce qu'il a :

- débouté la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] de toutes ses demandes ;

- condamné la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] à payer a la SCI ACA :

- la somme de 62.160,00 euros au titre des loyers échus pour la période de mars 2019 a décembre 2020 inclus ;

- les loyers échus du mois de janvier 2021 jusqu'au présent jugement ;

- dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal a compter du présent jugement avec capitalisation des intérêts ;

- débouté la SCI ATIA du surplus de sa demande en paiement des loyers postérieurs non encore exigibles et de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamné la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] à payer à la SCI ACA la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] au dépens en ce compris le coût des saisies conservatoires effectuées au préjudice de la société de Fermetures [C] à la requête de la SCI ACA ;

- rejeté toutes autres demandes.

Et statuant a nouveau :

A titre principal,

- prononcer la résolution du bail aux torts exclusifs de la SCI ACA en raison de son manquement a l'obligation de délivrance ;

- condamner la SCI ACA à verser à la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] l'intégralité des loyers depuis la prise à bail, soit la somme de 139.238,00 euros ;

A titre subsidiaire,

- prononcer la résiliation du bail aux torts exclusifs de la SCI ACA à compter du 28 février 2019 ;

A titre plus subsidiaire,

- ordonner la désignation d'un expert qu'il plaira à la cour avec pour mission :

- se prononcer sur le rapport d'audit versé aux débats par la société locataire ;

- se prononcer sur la faisabilité de la mise en conformité et de la mise en sécurité des locaux ;

- se prononcer quant à savoir si le bailleur a assuré une jouissance paisible à sa locataire ; les lieux loués étaient-ils conformes à la désignation du bail ' ;

- se prononcer sur l'existence de vices caches empêchant l'usage normal des lieux loués ou le diminuant en sorte que la société locataire ne serait pas en mesure d'occuper normalement les lieux loués, vices cachés qui sont apparus à la société locataire à l'occasion de la remise du rapport d'audit sur la sécurité des lieux de travail sur lequel elle fonde effectivement l'ensemble de son argumentaire, rapport établi par la société ATED Coordination le 11 février 2009 ;

- dire si les moyens à mettre en 'uvre afin de mettre les locaux en conformité et la mise en sécurité sont possibles, faisables, ou s'ils ressortent comme l'ont indiqué les premiers juges de « la façon d'organiser l'agencement de ces locaux » ;

- dire si l'ensemble des défauts et griefs qui pourraient être constatés par l'expert, pourraient générer des conséquences différentes s'il n'y avait pas eu augmentation de salarié ;

- dire s'il y a un lien de causalité entre l'exiguïté des locaux et la difficulté à procéder à la mise en sécurité et la mise en conformité ;

- dire s'il y a danger pour les salariés indépendamment même de leur nombre, pour s'en tenir au nombre au moment de la cession et aux conditions de la cession ;

A titre infiniment subsidiaire,

- prononcer la résiliation du bail au 31 décembre 2020, l'assignation valant à tout le moins congé pour la période triennale expirant le 31 décembre 2020, du fait même des termes de l'assignation, du départ des lieux, de la remise des clés entre les mains du propriétaire par voie d'huissier ;

En tout état de cause,

- débouter la SCI ACA de son appel incident ;

- condamner la SCI ACA à régler à la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions déposées le 23 avril 2023, la SCI ACA, intimée, demande à la cour de :

- déclarer la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] mal fondée en son appel ;

En conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] de toutes ses demandes ;

- condamné la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] à payer à la SCI ACA :

- les loyers échus pour la période du 1er mars 2019 au 31 mars 2021 soit la somme de 74.000 euros ;

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement avec capitalisation des intérêts ;

- condamné la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] à payer à la SCI ACA la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] aux dépens en ce compris le coût des saisies conservatoires effectuées au préjudice de la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] à la requête de la SCI ACA ;

Y ajoutant,

- condamner la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] à payer les loyers échus pour la période du 2 avril 2021 au 20 mai 2022 soit la somme de 40.389,68 euros ;

- dire et juger que les loyers dus pour les mois de mars, avril, mai, juin, juillet et août 2019 soit la somme de 17.760 euros porteront intérêts au taux légal à compter du 2 août 2019, date à laquelle le conseil de l'intimée adressait par courrier officiel au conseil de l'appelante une mise en demeure concernant lesdits loyers ;

- dire et juger que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil ;

Faisant droit à l'appel incident de la SCI ACA,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages intérêts ;

Statuant à nouveau;

- condamner la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] au paiement de la somme de 30.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi par la SCI ACA du fait de l'absence de versement des loyers et des conséquences qui en ont résulté pour elle ;

À titre subsidiaire, et pour le cas où, par extraordinaire, la Cour estimerait devoir faire droit à la demande de résolution judiciaire du contrat de bail formée par la société de Fermetures [C],

- fixer à la somme de 2.100 euros hors charges et hors taxes le montant de l'indemnité mensuelle d'occupation due par la société société de Fermetures [C] pour la période du 1er janvier 2015 jusqu'à son départ des lieux le 25 juillet 2019 ;

En tout état de cause,

- condamner la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] au paiement de la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE L'ARRÊT

1. Sur la fin du bail

1.1. Sur les demandes de résolution et résiliation

Selon l'ancien article 1134 du code civil applicable en l'espèce, remplacé par les articles 1103 et 1104 du même code, les conventions font la loi entre les parties et doivent être exécutées de bonne foi .

Il résulte de l'article L. 145-4 du code de commerce que la durée d'un bail commercial ne peut être inférieure à neuf ans mais que le preneur a la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale au moins six mois à l'avance, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte extrajudiciaire.

Par ailleurs, il résulte, d'une part, de l'ancien article 1184 du code civil , dont le principe est repris à l'article 1224 nouveau, que la résiliation d'un contrat peut être prononcée par décision de justice si le manquement d'une des parties au contrat est suffisamment grave pour compromettre la poursuite des relations contractuelles et, d'autre part, de l'article 1741 du même code que le contrat de louage se résout par le défaut respectif du bailleur et du preneur de remplir leur engagement.

Les dispositions des articles 1719 et 1720 du code civil prescrivent au bailleur de délivrer une chose apte à l'usage auquel elle est destinée aux termes du bail, de l'entretenir en état de servir à cet usage, d'en assurer la jouissance paisible au locataire pendant la durée du bail et de la maintenir en bon état de réparations. Le bail commercial peut néanmoins contenir des clauses mettant à la charge du locataire tout ou partie des obligations d'entretien du bailleur ou exonérant le bailleur de certaines responsabilités, sous réserve que ces clauses, d'interprétation stricte, n'aboutissent pas à exonérer le bailleur de son obligation essentielle de délivrance. En outre, elles ne peuvent déroger aux dispositions du statut des baux commerciaux résultant de la loi du 18 juin 2014 et à son décret d'application stipulant que ne peuvent être imputées au locataire les grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil.

En l'espèce, préalablement à l'acte de cession des actions de la SOCIÉTÉ DE FERMETURE [C] par les époux [C] à la société [S] INVESTISSEMENT du 1er avril 2015, M. G. [S] représentant de la cessionnaire a écrit une lettre d'intention le 19 décembre 2014 demandant, notamment, à M. [C] que soit conclu entre la SOCIÉTÉ DE FERMETURE [C] et la SCI ACA un nouveau bail commercial sur les locaux en cause, de neuf années avec faculté de donner congé à l'expiration de chaque période triennale pour la preneuse. C'est ainsi que le contrat de bail initial du 27 octobre 1993 a été résolu et qu'un nouveau contrat de bail commercial a été conclu le 6 mars 2015 entre la SOCIÉTÉ DE FERMETURE [C] et la SCI ACA.

Ce contrat stipule notamment en son article 3 que :

- les 'locaux sont exclusivement destinés à usage de bureaux et d'entrepôt pour l'exercice des activités de serrurerie à l'exclusion de toute autre activité'

- ' le preneur déclare que les locaux sont adaptés aux activités qu'il entend y exercer'

- 'le preneur fera son affaire personnelle de l'obtention de toute autorisation administrative, de sécurité ou autre, nécessaire à l'exercice de ses activités dans les lieux loués'

- 'le preneur s'oblige à respecter toute prescription légale administrative ou autre relative aux activités qu'il exercera dans les lieux loués'

- ' il aura à sa charge toutes les transformations et réparations nécessitées par l'exercice de ses activités'.

Il stipule notamment en son article 4 :

- 'un état des lieux a été établi contradictoirement et amiablemen' ;

- 'le preneur supportera la charge des travaux rendus nécessaires par l'application de la réglementation actuelle et future, concernant les normes et obligations de sécurité, hygiène, salubrité et conformité des lieux dès lors que ces travaux ne relèveront pas des réparations mentionnées à l'article 606 du code civil' ;

- 'tous travaux liés à la mise en conformité des lieux seront effectués à l'initiative du preneur, après accord exprès et préalable du bailleur pour les travaux qui toucheraient à la structure même des locaux et/ou de l'immeuble'.

C'est dans ces conditions que la locataire a poursuivi son occupation des locaux dans le cadre du nouveau bail commençant à courir à compter du 1er janvier 2015 (article 2) en acceptant de prendre à sa charge tous les travaux de mise en conformité, notamment aux normes de sécurité relevant du code du travail au respect desquelles elle est par ailleurs tenue en sa qualité d'employeur, qu'elle a exercé son activité dans les locaux en cause pendant près de quatre ans sans soulever de difficultés particulières, puisqu'elle a adressé le 4 janvier 2019, une lettre recommandée avec accusé de réception par l'intermédiaire de son avocat à la SCI ACA indiquant son intention de déménager car les locaux seraient devenus trop exigus au regard de la forte croissance de l'activité de la locataire, proposant un nouveau preneur pour la remplacer et demandant à la bailleresse son accord pour un départ amiable.

La SOCIETE DE FERMETURE [C] a quitté les locaux le 28 février 2019.

Pour soutenir que la SCI ACA aurait manqué à son obligation de délivrance et que les locaux ne seraient pas conformes à leur destination, la SOCIETE DE FERMETURE [C] se prévaut d'un rapport d''audit de sécurité des lieux de travail' qu'elle a fait établir le 11 février 2019 par la société ATED COORDINATION ayant une compétence de coordinateur de sécurité et de protection de la santé, concluant que les locaux de l'atelier de l'entreprise [C] ne seraient pas adaptés pour exercer son activité de production et de création d'ouvrages de métallerie-serrurerie et faisant différentes préconisations.

Ainsi que l'observe le jugement déféré ce rapport fait à la demande de la locataire, non contradictoire mais soumis à la discussions des parties, n'est étayé par aucune autre pièce objective ni par le rapport d'un bureau de contrôle agréé. Par ailleurs, il n'apparaît pas que les locaux aient fait l'objet d'un rapport administratif ou d'une injonction de mise en conformité délivrée par l'administration.

C'est à juste titre que le jugement déféré a considéré ce rapport, qui procède par affirmation et dont la teneur est contestée point par point par la SCI ACA, dépourvu de force suffisamment probante pour démontrer l'inadaptation des locaux jusqu'à présent utilisés pendant plusieurs années. L'appelante n'est pas fondée à soutenir que l'inadaptation des locaux à son activité résulterait de vices cachés révélés seulement par le rapport de la société ATED COORDINATION compte tenu de la nature des observations faites dans ce rapport et du fait qu'il incombait à la locataire de vérifier la conformité des locaux à la réglementation applicable, notamment sur le plan de la sécurité, dès son entrée dans les lieux et celle de ses salariés. Au surplus, les difficultés relevées dans le rapport concernent essentiellement les obligations contractuelles de mise en conformité des locaux incombant à la locataire ou sa façon d'organiser leur agencement. Or, les affirmations de l'appelante selon lesquelles il serait impossible de remédier aux difficultés évoquées dans le rapport et la mise en sécurité des locaux serait irréalisable ne sont pas démontrées.

Le seul rapport de la société ATED COORDINATION n'étant pas de nature à démontrer l'inadaptation des locaux occupés depuis près de quatre ans à l'activité de la locataire, il incombait à cette dernière d'apporter d'autres éléments de preuve susceptible de le corroborer, ce qu'elle n'a fait ni en première instance ni en appel. En application de l'article 146 du code de procédure civile selon lequel en aucun cas, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve, il convient donc de débouter la SOCIETE DE FERMETURE [C] de sa demande subsidiaire aux fins de voir ordonner une expertise.

Enfin, comme l'a relevé à juste titre le jugement déféré auquel il est renvoyé sur ce point, il n'incombe pas à la bailleresse de s'adapter au développement des activités de la locataire. Il incombait à cette dernière de planifier son activité et d'user de sa faculté de délivrer un congé pour l'expiration de la première période triennale le 31 décembre 2017 si les locaux étaient devenus exigus pour ses besoins.

La preuve d'un manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance n'étant pas rapportée, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SOCIETE DE FERMETURE [C] de sa demande aux fins de voir prononcer la résolution du bail ainsi que de sa demande subséquente en restitution des loyers versés. Il sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande subsidiaire aux fins de voir prononcer la résiliation du bail à la date du 28 février 2019.

1.2. Sur la demande aux fins de voir fixer la fin du bail au 31 décembre 2020

La SOCIETE DE FERMETURE [C] demande à titre subsidiaire, de prononcer la résiliation du bail à l'expiration de la seconde période triennale, le 31 décembre 2020, au motif que l'assignation vaut à tout le moins congé du fait même de ses termes, du départ des lieux et de la remise des clés au propriétaire.

Cependant, l'assignation délivrée par la SOCIETE DE FERMETURE [C] le 25 avril 2019 à la SCI ACA aux fins notamment de voir prononcer la résolution du bail, subsidiairement sa résiliation rétroactive au 28 février 2019, pour manquement à l'obligation de délivrance et de garantie de jouissance paisible n'a pas pour objet, même subsidiairement, de mettre fin au bail à la prochaine échéance triennale le 31 décembre 2020 et la restitution des locaux par la locataire le 24 juillet 2019 n'est pas de nature à conférer la nature de congé à cette assignation. Ainsi, aucun congé n'a été notifié pour le 31 décembre 2020 dans les formes prévues par l'article L. 145-4 précité, ni même de façon implicite et dénué d'équivoque. Les conclusions signifiées le 8 décembre 2020 demandant la résiliation du bail pour la date du 31 décembre 2020 ne peuvent valoir congé faute notamment de respecter le délais de préavis de six mois. En conséquence, le contrat de bail s'est poursuivi, la locataire ne pouvant décider d'y mettre fin unilatéralement à sa convenance.

1.3. Sur la demande aux fins de voir fixer la fin du bail au 24 juillet 2024

Pour solliciter le paiement des loyers jusqu'à la date du 20 mai 2022, la SCI ACA fait valoir que si l'ordonnance de référé rendue le 12 mai 2022 a constaté la résiliation du bail à la date du 24 juillet 2021, soit un mois après le commandement du 24 juin 2021, ce n'est cependant que par courrier du 20 mai 2022 que la SOCIETE DE FERMETURE [C] a confirmé son accord à la reprise des lieux par la bailleresse et considéré le bail résilié.

Dès lors que la SCI ACA a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire à sa locataire le 24 juin 2021, qu'elle s'est prévalue de ce commandement pour voir constater la résiliation du bail devant le juge des référés et qu'elle s'en prévaut encore pour voir constater la fin du bail, elle est tenue par le délai d'un mois fixé dans la clause résolutoire du bail conformément aux dispositions de l'article L. 145-41 du code de commerce. Il est donc inopérant de sa part de se prévaloir de la lettre adressée le 20 mai 2022 par le conseil de la locataire pour retarder la fin du bail à cette date, alors, au surplus, que la locataire avait d'ores et déjà manifesté son intention de quitter les lieux en les libérant et remettant les clés à leur propriétaire. C'est donc à juste titre que l'ordonnance de référé a fixé l'acquisition de la clause résolutoire du bail et donc l'expiration du bail à la date du 24 juillet 2021.

2. Sur les demandes en paiement de la SCI ACA

2.1 Sur la demande en paiement de loyers

Il n'est pas contesté que la locataire a cessé de payer tout loyer à compter du mois de mars 2019.

La SOCIETE DE FERMETURE [C] conteste devoir les sommes réclamées la SCI ACA en faisant valoir notamment qu'elle a quitté les lieux depuis février 2019.

Le contrat de bail prévoit un loyer annuel soumis à la TVA de 25.200 € HT, soit 2.100 € HT par mois outre une provision pour charges mensuelle de 400 €, soit un montant mensuel de 2.920 € TTC. La bailleresse sollicite un montant mensuel de 2.960 € TTC provision sans fournir d'éléments relatifs aux régularisations de charges justifiant de modifier la provision prévue au contrat de bail alors qu'il lui incombe de rapporter la preuve de sa créance.

Le montant dû pour la période de mars 2019 au mois de juillet 2021 inclus, s'élève donc à la somme de 84.680 € TTC (29 x 2.920 €) au paiement de laquelle la SOCIETE DE FERMETURE [C] sera condamnée.

Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 août 2019 pour les échéances de mars à août 2019, soit la somme de 17.520 € (6 x 2.920 €) et à compter du jugement du 2 avril 2021 pour les sommes échues ensuite à cette date, soit 58.400 € (20 x 2.920 €), puis à compter de leur date échéance pour les loyers de mai à juillet 2021. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts.

2.2. Sur la demande en paiement de dommages et intérêts

La SCI ACA sollicite la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour différents motifs. Il lui incombe d'établir la faute reprochée et son lien de causalité avec le préjudice prétendu dont elle demande réparation.

S'agissant du refus de la SOCIETE DE FERMETURES [C] de régler les loyers échus malgré le jugement déféré la condamnant à les payer, la SCI ACA ne rapporte pas la preuve dont elle a la charge que ce refus de paiement entraînerait un préjudice distinct de celui réparé par les intérêts au taux légal alloués. Il n'y a donc pas lieu de faire droit à sa demande sur ce point en application des anciennes dispositions de l'article 1153 du code civil applicables au contrat de bail en cause.

S'agissant des sommes dues au titre de la taxe foncière en application du contrat de bail, il appartenait à la bailleresse de justifier de leur montant, les avis d'imposition produits ne permettant pas de déterminer s'il concerne les seuls locaux en cause, et de solliciter leur paiement en application du contrat de bail. Faute de démontrer l'avoir fait, elle n'est pas fondée à solliciter le paiement de dommages et intérêts à ce titre.

S'agissant des frais et honoraires afférents aux procédures judiciaires, l'intimée n'est pas fondée à solliciter des dommages et intérêts dés lors qu'elle a déjà formé des demandes sur ce point en application de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SCI ACA de sa demande en paiement de dommages et intérêts.

3. Sur les autres demandes

Il convient de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens, aux frais irrépétibles et à l'exécution provisoire.

La SOCIETE DE FERMETURES [C] qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens et à payer à la SCI ACA, une somme que l'équité commande de fixer à 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa demande fondée sur ce texte.

Les autres demandes seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 2 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Créteil (RG 19/3339) en ce qu'il a :

- condamné la SOCIÉTÉ DE FERMETURES [C] à payer à la SCI ACA ;

- la somme de 62.160 euros au titre des loyers échus pour la période de mars 2019 à décembre 2020 inclus ;

- les loyers échus du mois de janvier 2021 jusqu'au jugement ;

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement, avec capitalisation des intérêts ;

- débouté la SCI du surplus de sa demande en paiement des loyers postérieurs non encore exigibles ;

- rejeté tout autre demande ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la SOCIETE DE FERMETURE [C] de sa demande subsidiaire aux fins de voir ordonner une expertise portant notamment sur la conformité des locaux à leur destination contractuelle ;

Déboute la SOCIETE DE FERMETURES [C] de ses demandes aux fins de voir prononcer la résolution du bail aux torts de la SCI ACA et condamner cette dernière à lui verser la somme de 139.238 € ;

Déboute la SOCIETE DE FERMETURES [C] de sa demande subsidiaire aux fins de voir prononcer la résiliation du bail aux torts de la SCI ACA à la date du 28 février 2019 ;

Déboute la SOCIETE DE FERMETURE [C] de sa demande subsidiaire aux fins de voir prononcer la résiliation du bail au 31 décembre 2020 ;

Constate que par l'effet du commandement de payer visant la clause résolutoire du bail délivré le 24 juin 2021, le contrat de bail liant les parties a pris fin le 24 juillet 2021 ;

Condamne la SOCIETE DE FERMETURE [C] à payer à la SCI ACA la somme de 84.680 € TTC au titre de sa dette locative pour la période de mars 2019 à juillet 2021 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 2 août 2019 sur la somme de 17.520 € TTC, à compter du 2 avril 2021 sur la somme de 58.400 € TTC puis à compter de leurs dates d'échéance pour les loyers de mai à juillet 2021 ;

Dit que les intérêts échus au moins pour une année entière produiront intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

Déboute la SCI ACA de sa demande aux fins de voir condamner la SOCIETE DE FERMETURES [C] à lui payer la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts ;

Condamne la SOCIETE DE FERMETURES [C] à payer à la SCI ACA la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SOCIETE DE FERMETURES [C] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne SOCIETE DE FERMETURES [C] aux dépens de la procédure d'appel.