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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 10 octobre 2024, n° 24/02432

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sanabel (SARL)

Défendeur :

La Forge (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Masseron

Conseillers :

Mme Chopin, M. Najem

Avocats :

Me Hamani, Me Bouzidi-Fabre, Me Denervaud

TJ Bobigny, du 24 nov. 2023, n° 23/00917

24 novembre 2023

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique en date du 28 février 2012, la société La forge a donné à bail commercial à la société Akoui (désormais dénommée Sanabel), des locaux sis dans le [Adresse 4] au [Adresse 1] et [Adresse 3] à [Localité 6] moyennant un loyer annuel de 19.200 euros payable mensuellement, outre une provision mensuelle sur charges de 200 euros.

Par acte en date du 12 janvier 2023, la société La forge a délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail conclu au titre des loyers et charges d'octobre, novembre et décembre 2022 soit 6.066 euros en principal.

Par acte du 15 mai 2023, la société La forge a fait assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny la société Sanabel, aux fins de :

faire constater la résiliation du bail par l'effet d'une clause résolutoire à la suite du défaut de paiement des loyers ;

obtenir l'expulsion de la société Sanabel et de tous occupants de son chef des locaux loués dans les huit jours de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

ordonner la séquestration du mobilier présent sur place ;

condamner la société Sanabel à lui payer à titre provisionnel :

une somme de 6.066 euros à valoir sur les loyers, charges, taxes et accessoires impayés, échéance du mois de février 2023 incluse, avec intérêts au taux légal à compter du 12 février 2023,

une somme de 531,78 euros au titre d'une régularisation de charges locatives pour la période du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021,

une somme de 3.814 euros au titre de la régularisation des charges de taxe foncière 2022 et de balayage,

une indemnité mensuelle d'occupation de 3.033 euros, équivalent au montant du loyer majoré de 50%, à compter du 13 février 2023 jusqu'à libération effective des lieux,

une somme de 160,24 euros TTC correspondant au coût du commandement de payer,

condamner la société Sanabel au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par ordonnance contradictoire du 24 novembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny, a :

rejeté la demande d'expertise ;

constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail liant les parties et portant sur les lieux situés dans le [Adresse 4] au [Adresse 1] et [Adresse 3] à [Localité 6] sont réunies, et la résolution du bail à compter du 13 février 2023 ;

condamné la société Sanabel à payer à la société La forge la somme provisionnelle de 11.491,31 euros, soit :

7.145 euros, somme arrêtée au 20 octobre 2023, avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2023 à hauteur de 6.066 euros et à compter de la présente décision pour le surplus ;

531,78 euros au titre de la régularisation de charges locatives pour la période du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021 ;

3.814 euros au titre de la régularisation des charges de taxe foncière 2022 et de balayage ;

autorisé la société Sanabel à se libérer de ces sommes en 12 acomptes mensuels de 957 euros, la dernière mensualité étant majorée du solde ;

dit que ces acomptes mensuels seront à verser en plus des loyers et charges courants, payés aux termes prévus par le contrat de bail, le premier versement devant intervenir le mois suivant celui de la signification de la présente ordonnance ;

dit que les effets de la clause résolutoire ne produiront pas effet si la société Sanabel se libère de sa dette selon ces modalités ;

dit qu'à défaut de règlement d'un seul acompte ou d'un seul des loyers courants à leurs échéances :

l'intégralité de la dette sera immédiatement exigible,

les poursuites pour son recouvrement pourront reprendre aussitôt,

la clause résolutoire produira son plein et entier effet,

il pourra être procédé, si besoin avec le concours de la force publique, à l'expulsion de la société Sanabel et de tous occupants de son chef hors des lieux loués,

la société Sanabel devra payer mensuellement à la société La forge à titre de provision à valoir sur l'indemnité d'occupation, une somme égale au montant du loyer mensuel résultant du bail outre les charges et taxes, jusqu'à complète libération des lieux ;

condamné la société Sanabel à payer à la société La forge la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Sanabel à supporter la charge des dépens qui comprendront notamment le coût du commandement de payer, délivré le 12 janvier 2023 ;

rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

rappelé que la présente décision est exécutoire par provision.

Par déclaration du 24 janvier 2024, la société Sanabel a relevé appel de l'ensemble des chefs du dispositif.

Dans ses dernières conclusions déposées le 4 septembre 2024, la société Sanabel demande à la cour, au visa des articles L145-5 et suivants du code de commerce, 145, 232 du code de procédure civile et 1343-5 et suivants du code civil, de :

infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu'il a rejeté la demande de désignation d'un expert de la société Sanabel ;

En conséquence,

désigner tel expert judiciaire qu'il plaira à la Cour avec la mission suivante :

se rendre sur place [Adresse 1] - [Adresse 4] - [Localité 6] ;

visiter les locaux, les décrire ;

entendre les parties en leurs dires et observations ainsi que tous sachant ;

de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne y répondre,

se faire communiquer par les parties tous éléments justificatifs de leurs prétentions respectives ;

en tenant compte de la situation des activités professionnelles autorisées par le bail, de la situation et de l'état des locaux, rechercher et donner à la juridiction tous éléments de nature à lui permettre de :

déterminer si les locaux loués sont conformes aux locaux mis à la disposition de la société Sanabel ;

déterminer le montant du loyer en tenant compte de la surface réellement exploitée ;

le cas échéant, proposer et recommander les modifications à apporter afin de permettre au locataire de jouir pleinement paisiblement de son local conformément aux termes du bail ;

Si par extraordinaire, la Cour ne faisait pas droit à la demande de désignation d'un expert judiciaire de la société Sanabel :

constater que la surface indiquée aux termes du bail et la surface louée ne correspondent pas et qu'il existe une différence de 207,01 m2 ;

condamner la société La forge à rembourser à la société Sanabel au prorata de la surface exploitée les loyers et charges versés à hauteur de 176.517,79 euros ;

Si par extraordinaire, la Cour ne donnait pas droit aux demandes de la société Sanabel, il est sollicité de la Cour de :

confirmer la suspension des effets de la clause résolutoire insérée au bail ;

confirmer le délai de paiement accordé à la société Sanabel afin de lui permettre de solder son arriéré locatif outre le paiement de ses loyers courants ;

En tout état de cause,

débouter la société La forge de sa demande tendant à la réalisation du bail commercial pour violation du bail par la société Sanabel ;

condamner la société La forge à payer à la société Sanabel la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner les défendeurs (sic) aux dépens.

Elle soutient qu'il existe suffisamment d'éléments en l'espèce qui lui permettent de justifier d'un décalage entre les termes de la désignation du bail et la jouissance réellement exploitée ; que certains lots sont inaccessibles du fait des entraves sur les parties communes ne pouvant pas permettre au locataire d'accéder à ses lots privatifs ; que le commissaire de justice a relevé des encombrants, des pigeons, une odeur nauséabonde ; qu'un incendie s'est déclaré dans le local voisin qui serait dû à l'état d'insalubrité et de dégradation des parties communes ; que des parkings sont inaccessibles pour des véhicules.

Elle considère qu'il est difficile de déterminer les surfaces affectées à l'exploitation. Elle en déduit qu'il existe au regard de la surface réellement exploitée des loyers et charges indus.

Elle soutient qu'elle est à jour de ses loyers et des obligations résultant du bail et de la décision du premier juge ; qu'elle respecte l'échéancier. Elle conteste le fait qu'elle occuperait les parties communes et relève que la société La forge n'a pas fait délivrer un commandement ni une sommation sur ce point de sorte qu'elle ne peut solliciter la résiliation du bail commercial.

Dans ses dernières conclusions déposées et signifiées le 3 septembre 2024, la société La forge demande à la cour, au visa des articles 834, 835, 700 du code de procédure civile, 1728 et 1741 du code civil, de :

débouter l'appelant de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

confirmer l'ordonnance rendue le 24 novembre 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny en toutes ces dispositions, en ce qu'elle a :

rejeté la demande d'expertise ;

constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies, et la résolution de bail à compter du 13 février 2023 ;

condamné la société Sanabel à payer à la société La forge la somme provisionnelle de 11.491,31 euros, soit :

7.145 euros, somme arrêtée au 20 octobre 2023, avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2023 à hauteur de 6.066 euros à compter de la présente décision pour le surplus ;

531,78 euros au titre de la régularisation de charges locatives pour la période du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021 ;

3.814 euros au titre de la régularisation des charges de taxe foncière 2022 et de balayage ;

Autorisé la société Sanabel à se libérer de ces sommes en 12 acomptes mensuels de 957 euros, la dernière mensualité étant majorée du solde ;

dit que ces acomptes mensuels seront à verser en plus des loyers et charges courants, payés aux termes prévus par le contrat de bail, le premier versement devant intervenir le mois suivant celui de la signification de la présente ordonnance ;

dit que les effets de la clause résolutoire ne produiront pas effet si la société Sanabel se libère de sa dette selon ces modalités ;

dit qu'à défaut de règlement d'un seul acompte ou d'un seul des loyers courants à leurs échéances :

L'intégralité de la dette sera immédiatement exigible ;

Les poursuites pour son recouvrement pourront reprendre aussitôt ;

La clause résolutoire produire son plein et entier effet ;

Il pourra être procédé si besoin avec le concours de la force publique, à l'expulsion de la société Sanabel et de tous occupants de son chef hors des lieux loués ;

La société Sanabel devra payer mensuellement à la société La forge à titre de provision à valoir sur l'indemnité d'occupation, une somme égale au montant du loyer mensuel résultant du bail outre les charges et taxes, jusqu'à complète libération des lieux ;

condamner la société Sanabel à supporter la charge des dépens qui comprendront notamment le coût du commandement de payer, délivré le 12 janvier 2023 ;

Et en cause d'appel, constater le non-respect de la décision entreprise et le non-paiement de nouvelles sommes par la société Sanabel (loyers courants, taxes') ;

constater l'occupation des parties communes sans la moindre autorisation par la société Sanabel ;

condamner la société Sanabel :

au paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,

constater l'acquisition de la clause résolutoire,

condamner la société Sanabel au titre de l'indemnité d'occupation à compter du 13 février 2023 jusqu'à la libération effective des lieux,

condamner la société Sanabel à payer à la société La forge la somme de 160,24 euros TTC au titre des frais de recouvrement (commandement de payer) supportés par le bailleur dans le cadre de la présente procédure, conformément aux dispositions du contrat de bail,

ordonner, sans délai, l'expulsion de cette dernière conformément aux dispositions visées ci-dessus et comme visée dans le cadre de la décision entreprise,

au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle soutient que la société Sanabel a manqué à son obligation contractuelle principale en cessant de régler à échéance les loyers; que les paiements partiels a posteriori sont sans incidence sur la résiliation intervenue puisque aucun règlement n'a été effectué dans le mois de la délivrance du commandement de payer ; que la société Sanabel s'est abstenue de régler l'intégralité des condamnations mises à sa charge. Elle fait valoir que depuis le 12 février 2023, la société Sanabel doit être réputée occupante sans droit ni titre ce qui constitue un trouble manifestement illicite.

Elle allègue que la société Sanabel annexe une partie commune ce qui constitue une violation du contrat de bail conclu ; que la cour devra constater l'acquisition de la clause résolutoire sur ce seul fondement.

Elle relève que les locaux ont été donné à bail le 28 février 2012 et qu'aucun courrier ou plainte n'a jamais été adressé par le locataire pour invoquer un problème quant à la surface louée.

Elle considère que le procès-verbal de constat, non contradictoire, versé par la société Sanabel n'a que pour seul objectif de tenter de justifier a posteriori le comportement de cette dernière alors qu'il lui appartient de prendre en charge la gestion des déchets. Elle expose qu'elle n'est pas responsable de l'état des lieux.

Elle conteste la valeur probante des éléments produits par la société Sanabel s'agissant de la surface des lieux loués.

Elle souligne que la société Sanabel ne règle qu'une partie des sommes dues.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 septembre 2024

SUR CE,

Sur l'expertise

Selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Devant le premier juge, la demande d'expertise n'était accompagnée d'aucune pièce.

A hauteur d'appel, la société Sanabel produit un procès-verbal de constat en date du 23 février 2024 et illustré de photographies qui montre une rampe d'accès à un parking encombré de gravats et détritus, des parties communes sales et jonchées d'objets sans valeur, le commissaire de justice évoque le fait qu'une odeur nauséabonde se dégage de cet espace.

La société Sanabel produit par ailleurs un dossier technique immobilier en date du 21 janvier 2024 qui fait état d'un métrage des lieux de 130,74 m2 et non de 337,75 m2 résultant du bail.

Il convient de relever que la locataire ne justifie d'aucun courrier adressé à son bailleur, d'aucune plainte sur la superficie des locaux avant la délivrance du commandement de payer et l'audience devant le premier juge, alors même qu'elle est entrée dans les lieux en 2012.

Le bail, outre le local à usage de commerce, fait état de parkings, d'un local à usage de réserve qui ne sont pas mentionnés dans le dossier technique précité et il ne peut être sérieusement soutenu que le locataire n'ait pas eu accès à la plupart des lots mentionnés dans la convention - représentant plus de 200 m2 - contrairement à la lettre parfaitement claire du bail.

En outre, s'agissant des gravats et détritus et des nuisances olfactives - que la locataire n'a jamais dénoncés avant l'instance devant le premier juge -, il résulte du contrat que si le bailleur a à sa charge les réparations afférentes aux gros murs et voûtes, du rétablissement des poutres et des couvertures entières, des digues et murs de soutènement et de clôture, les autres réparations, grosses ou menues, sont à la charge du preneur. Ce dernier répond nécessairement de l'entretien des lieux, soit l'enlèvement des encombrants et le nettoyage des locaux, d'autant plus requis s'agissant d'un commerce alimentaire et en l'absence de toute doléance adressée au bailleur à ce titre pendant plus de 10 ans.

Or, la locataire ne justifie d'aucune diligence au titre de l'entretien des lieux. La demande de mesure d'instruction qui n'est pas de nature à améliorer la situation probatoire du locataire au regard des obligations qui lui incombent en premier lieu n'est pas fondée.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise.

Sur les demandes de restitution de loyers et de charges

La société Sanabel réclame le remboursement de la somme de 176.517,79 euros au titre d'un trop perçu de loyers et charges estimant que la surface facturée de 337,75 m2 ne correspond pas à la surface réellement exploitée (130,74 m2).

Il sera de nouveau relevé que la locataire est entrée dans les lieux en février 2012, soit il y a plus de 12 ans et qu'elle n'a jamais, avant de recevoir le commandement de payer visant la clause résolutoire en 2023, émis la moindre réserve, critique ou doléance au regard de la superficie des lieux qui résulte de la convention des parties ou sur le montant prétendument excessif du loyer au regard de la surface exploitée et dont elle s'est acquittée sans réserve pendant plus de 10 ans.

En tout état de cause, une telle demande en répétition d'un indu tend de fait à modifier le montant d'un loyer contractuellement prévu qui est la loi des parties, ce qui excède les pouvoirs du juge des référés - la demande n'étant au demeurant pas formée à titre provisionnelle.

Il n'y a pas lieu à référé sur ce point.

Sur l'occupation d'une partie commune

Le bailleur qui ne justifie pas d'un quelconque commandement visant la clause résolutoire d'avoir à cesser l'occupation alléguée d'une partie commune ne peut, en référé, solliciter la résiliation du bail sur ce nouveau fondement. Le seul commandement produit et qui fonde la présente procédure ne visait qu'un défaut de paiement.

Cette demande sera rejetée.

Sur le commandement de payer, la demande de résiliation du bail et la demande provisionnelle au titre des loyers et charges

L'article L.145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

L'expulsion d'un locataire commercial devenu occupant sans droit ni titre en vertu du jeu d'une clause résolutoire de plein droit peut être demandée au juge des référés du tribunal judiciaire en application des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, dès lors que le maintien dans les lieux de cet occupant constitue un trouble manifestement illicite ou qu'à tout le moins l'obligation de libérer les lieux correspond dans cette hypothèse à une obligation non sérieusement contestable.

Un commandement de payer visant la clause résolutoire délivré pour une somme supérieure à la dette véritable reste valable pour la partie des sommes réclamées effectivement due. Il n'appartient pas à la cour, statuant comme juge des référés, de prononcer la nullité d'un commandement de payer, sachant qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du magistrat des référés de prononcer une telle nullité ; le juge des référés ne peut que déterminer si les éventuelles irrégularités, invoquées à l'encontre du commandement, sont susceptibles de constituer un moyen de contestation sérieuse l'empêchant de constater la résolution du bail.

En outre, aux termes des dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, allouer une provision au créancier.

En l'espèce, la société La forge a fait délivrer le 12 janvier 2023 un commandement de payer la clause résolutoire pour un montant de 6.066 euros au titre des loyers et charges.

La société Sanabel ne conteste pas le fait qu'elle a connu des difficultés financières et qu'elle n'a pas été en mesure de s'acquitter des causes du commandement dans le délai d'un mois.

Il en résulte que le bailleur était fondé à se prévaloir de la clause résolutoire visée dans cet acte.

Le premier juge a condamné la société Sanabel à titre provisionnel, à payer la somme de 11.491,31 euros au titre du loyers et charges (en tenant compte de la régularisation) mais l'a autorisée à se libérer des sommes dues en 12 versements mensuels de 957 euros, la dernière mensualité étant majorée du solde et les effets de la clause résolutoire ont été dès lors suspendus.

Les parties s'opposent sur le respect des délais, la locataire verse des relevés de virements bancaires.

En tout état de cause, la société La forge verse un décompte locatif en date du 27 juin 2024 qui ne fait apparaître qu'un solde débiteur de 56,31 euros alors même que les délais que le premier juge a accordés dans l'ordonnance du 24 novembre 2023 consistait en un échéancier sur 12 mois. Le locataire a donc remboursé sa dette plus rapidement que ce que la première décision prévoyait.

Dès lors, et compte tenu de l'évolution du litige, la décision sera infirmée sur le montant de la provision et les modalités des délais.

La société Sanabel sera condamnée à payer la somme provisionnelle de 56,31 euros au titre des loyers et charges arrêtées au 27 juin 2024 et, ce avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2023, date du commandement de payer.

Les délais, avec suspension des effets de la clause résolutoire, seront alloués selon les modalités précisées dans le dispositif de la présente décision.

Sur les dommages et intérêts

La société La forge réclame une somme de 10.000 euros. Elle invoque le non-respect de la décision entreprise, les nouvelles dettes et le défaut de paiement.

Elle ne donne cependant aucun élément sur la nature du préjudice subi et a fortiori ne justifie pas du quantum réclamé, cette prétention n'étant au demeurant pas même formulée de manière provisionnelle.

Cette demande sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Le sens de la présente décision conduit à confirmer les dispositions de l'ordonnance entreprise au titre des frais irrépétibles et des dépens (qui comprenaient déjà le coût du commandement).

A hauteur d'appel, la société Sanabel, perdante à titre principal, sera condamnée aux dépens mais l'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance entreprise sauf s'agissant du montant provisionnel au titre des loyers et charges et des modalités de paiement, compte tenu de l'évolution du litige ;

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Sanabel à payer à la société La forge la somme provisionnelle de 56,31 euros au titre des loyers et charges arrêtés au 27 juin 2024, mensualité de juin incluse et, ce avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2023 ;

Dit que la société Sanabel pourra s'acquitter de cette somme, en plus du loyer courant, avant le 15 du mois suivant la signification du présent arrêt ;

Suspend les effets de la clause résolutoire pendant le cours de ce délai, laquelle sera réputée n'avoir jamais joué si la société Sanabel se libère de sa dette dans ce délai et si les loyers courants augmentés des charges, taxes et accessoires afférents sont payés pendant le cours de ce délai dans les conditions fixées par le bail commercial ;

Dit qu'à défaut de paiement de cette somme à bonne date dans les conditions ci-dessus fixées ou du loyer courant augmenté des charges, taxes et accessoires afférents à leur échéance, et huit jours après l'envoi d'une simple mise en demeure adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception :

la totalité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible ;

la clause résolutoire reprendra son plein effet ;

faute de départ volontaire des lieux loués, il pourra être procédé à l'expulsion de la société Sanabel de tous occupants de son chef des locaux loués, avec le concours de la force publique si nécessaire ;

le sort des meubles trouvés sur place sera régi par les articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

la société Sanabel sera condamnée, jusqu'à la libération effective des lieux, à payer à la société La forge une indemnité provisionnelle d'occupation égale au montant du loyer, augmenté des charges, taxes et accessoires, qui aurait été dû si le bail s'était poursuivi ;

Rejette la demande de résiliation du bail fondée sur l'occupation alléguée d'une partie commune ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur le remboursement de loyers et de charges formée par la société Sanabel ;

Rejette la demande de dommages et intérêts formée par la société La forge ;

Condamne la société Sanabel aux dépens d'appel ;

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette tout autre demande.