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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 4-5, 10 octobre 2024, n° 23/10042

AIX-EN-PROVENCE

Ordonnance

Autre

CA Aix-en-Provence n° 23/10042

10 octobre 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambres sociales

Antenne des Milles

[Adresse 2]

CS 90545

[Localité 1]

Chambre 4-5

Ordonnance n° 2024/M

ORDONNANCE D'INCIDENT

EN DATE DU 10 OCTOBRE 2024

MS/KV

Rôle N° RG 23/10042 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLWMJ

S.A.R.L. BATINORME

C/

[C] [Y]

S.A.S. DECO RENOV' HABITAT

Copie exécutoire délivrée le 10/10/24 à :

- Me Gérald GUILLOT, avocat au barreau de GRASSE

- Me Maroin CHATTI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

- Me Stéphanie JOURQUIN, avocat au barreau de NICE

APPELANTE

S.A.R.L. BATINORME, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Gérald GUILLOT, avocat au barreau de GRASSE

INTIMES

Monsieur [C] [Y], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Maroin CHATTI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

S.A.S. DECO RENOV' HABITAT, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Stéphanie JOURQUIN, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

Nous, Michelle SALVAN, magistrat de la mise en état de la Chambre 4-5 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, assisté e de Karen VANNUCCI, greffier.

Après débats à l'audience du 25 juin 2024, ayant indiqué à cette occasion aux parties que l'incident était mis en délibéré, avons rendu le 10 octobre 2024, l'ordonnance suivante :

Dans l'instance qui oppose la société à responsabilité limitée Batinorme à Monsieur [Y] [C] et à la SAS Déco Renov Habitat, le conseil de prud'hommes de Cannes, par jugement du 5 juillet 2023:

« CONDAMNE la société BATINORME à payer à Monsieur [Y] [C] les sommes suivantes :

15 840 € net au titre du travail dissimulé ;

2 640 € pour non-respect des obligations contractuelles relatives à la déclaration d'accident du travail ;

2 640 € net pour absence de visite médicale préalable à l'embauche ;

15 840 € au titre du licenciement nul ;

2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

ORDONNE à la société BATINORME de procéder à la déclaration d'accident de travail et de remettre à Monsieur [Y] [C] les bulletins de paie et documents de rupture conformes, le tout dans le délai d'un mois suivant le prononcé du présent jugement ;

REJETTE les autres demandes des parties notamment celles formées envers la société RENOV'HABITAT ;

CONDAMNE la société BATINORME aux dépens. »

La société à responsabilité limitée Batinorme a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 27 juillet 2023.

Par voie de conclusions d'incident notifiées le 6 avril 2024, puis le 12 avril 2024, M. [Y] [C] sollicite du magistrat de la mise en état qu'il ordonne en application des dispositions des articles 514 et 524 du code de procédure civile, R1454-28 et R1454-14 du code du travail, la radiation de l'instance pour défaut d'exécution du jugement par l'appelant.

Il soutient que les dispositions du jugement sont en partie assorties de l'exécution provisoire de droit ( indemnité pour travail dissimulé et indemnité pour licenciement nul).

La société Batinorme, aux termes de ses écritures notifiées le 12 avril 2024, oppose la nullité de la constitution de l'intimé en application de l'article 114 du code de procédure civile et de l'article 954 du même code en raison de l'indication par M. [C] dans sa constitution et dans ses conclusions d'incident d'une fausse adresse.

Elle soutient que cette irrégularité, faite sciemment, rend toute exécution en justice impossible en cas d'infirmation de la décision frappée d'appel et empêche donc tout remboursement futur des sommes indument versées par l'appelante.

A titre subsidiaire, elle demande qu'il soit fait injonction à l'intimé de mettre ses conclusions en conformité avec les dispositions de l'article 961 du code de procédure civile.

A titre encore plus subsidiaire, elle demande l'autorisation de séquestrer les sommes dues sur un compte CARPA quand bien même M. [C] aurait satisfait aux dispositions de l'article 961 susvisées.

Par voie de conclusions en réponse sur l'incident, notifiées le 24 juin 2024, M. [C] demande au Conseiller de la Mise en e'tat d' :

in limine litis :

Juger qu'il justifie d'une adresse régulière et stable ;

En conséquence, débouter la société Batinorme de ses demandes au visa des articles 114 et 961 du code de procédure civile;

à titre principal, sur le fond;

Ordonner la radiation de l'affaire enrôlée sous le n° 23/10042 par-devant la chambre n°4-5 de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, faute d'exe'cution par la société Batinorme.

Débouter la société Batinorme de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.

Condamner la société Batinorme au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procé'dure civile ainsi qu'aux entiers de'pens.

MOTIFS

Sur la demande en nullité de la constitution de l'intimé sur le fondement de l'article 114 du code de procédure civile

La société Batinorme soutient que l'irrégularité formelle de la constitution de l'intimé pour mauvaise indication de son adresse lui cause un préjudice en ce qu'elle empêcherait la société d'exécuter les causes de toute décision à venir.

Elle précise qu'il ressort des pièces au dossier que Monsieur [Y] [C], de nationalité tunisienne, s'est établi clandestinement en France à la fin de l'année 2020 et ne dispose pas de titre de séjour, de sorte qu'il est susceptible de quitter le territoire et de ne pas faire face à ses obligations judiciaires (notamment de remboursement de sommes indument perçues).

Or, il est justifié par les pièces produites que M. [C] a mentionné dans les actes de la procédure en reconnaissance d'un accident du travail et dans ses conclusions et que figure sur le jugement toujours la même adresse: [Adresse 4] à [Localité 6].

Cette adresse n'est pas son adresse propre mais celle à laquelle il se domicilie depuis quatre années.

Le moyen de nullité soulevé sera en conséquence rejeté.

Sur la demande tendant à ce qu'il soit fait injonction à l'intimé de mettre ses conclusions en conformité avec les dispositions de l'article 961 du code de procédure civile

Pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus énoncés cette demande est sans objet et sera également rejetée.

Sur la radiation pour défaut d'exécution

Il résulte des dispositions des articles 514 et suivants, 524 du code de procédure civile issues du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 que l'exécution provisoire reste facultative s'agissant des décisions des conseils de prud'hommes, à moins que la loi ou le règlement n'en dispose autrement (article R. 1454-28 du code du travail tel que modifié par l'article 36, 5°, du décret).

L'article R. 1454-28 du code du travail dispose que sont de droit exécutoires à titre provisoire, notamment :

3° Le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R. 1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire.

Selon l'article R. 1454-14 du code du travail , il s'agit, lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable des sommes suivantes :

a) Le versement de provisions sur les salaires et accessoires du salaire ainsi que les commissions;

b) Le versement de provisions sur les indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement;

c) Le versement de l'indemnité compensatrice et de l'indemnité spéciale de licenciement en cas d'inaptitude médicale consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle mentionnées à l'article L. 1226-14 ;

e) Le versement de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8 et de l'indemnité de fin de mission mentionnée à l'article L. 1251-32 ;

3° Toutes mesures d'instruction, même d'office ;

4° Toutes mesures nécessaires à la conservation des preuves ou des objets litigieux.

En l'espèce, en application de ces dispositions et contrairement à ce qui est allégué par M. [Y] [C]:

- les condamnations prononcées par le conseil de prud'hommes au paiement des sommes de :

15.840 euros au titre du travail dissimulé

15 840 euros au titre du licenciement nul

ne sont assorties ni de l'exécution provisoire de droit ni de l'exécution provisoire facultative.

- sont exécutoires de droit les seules dispositions du jugement frappé d'appel du conseil de prud'hommes de Cannes ordonnant à la société BATINORME de procéder à la déclaration d'accident de travail et de remettre à Monsieur [Y] [C] les bulletins de paie et documents de rupture conformes, le tout dans le délai d'un mois suivant le prononcé du présent jugement .

L'appelante n'allègue ni ne justifie avoir exécuté lesdites dispositions ce qui ne saurait cependant justifier la radiation du rôle de l'affaire.

Sur la demande de séquestre

La demande de séquestre des fonds, compte tenu des développements qui précèdent relatifs au caractère non exécutoire par provision des condamnations prononcées par le conseil de prud'hommes, rend sans objet cette demande.

Sur les dépens et frais non répétibles

Eu égard aux succombances respectives des parties, chacune d'elle supportera la charge de ses propres dépens.

Aucune considération d'équité ne commande, à ce stade de la procédure, de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déboutons Monsieur [Y] [C] de sa demande de radiation de l'instance du rôle de la Cour pour défaut d'exécution,

Déboutons la Société BATINORME de ses demandes,

Disons n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Disons que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.

Le greffier Le magistrat de la mise en état