CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 8 octobre 2024, n° 24/05304
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Pam Prod (SARL)
Défendeur :
Comptable Public du Pôle de Recouvrement Spécialisé Parisien 1, Selarl Actis Mandataire Judiciaire (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Hébert-Pageot
Conseillers :
Mme Lacheze, M. Varichon
Avocats :
Me Cheviller, Me Vignaud, Me Corot, Me Marion, Me Tokpa Lagache, Me Pechenard, Me Herbreteau
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
La société à responsabilité limitée Pam Prod est une société de production de spectacles chorégraphiques musicaux. Elle produit notamment les spectacles du club exploité sous l'enseigne « [7] » par la société Ponthieu 36, société s'ur détenue comme elle par la société Joanna Cook. Elle pour gérante Mme [P] [L] et n'emploie pas de salarié, les danseuses bénéficiant du statut d'intermittent du spectacle.
Par acte du 22 novembre 2023 et après plusieurs tentatives de recouvrement restées vaines, M. le comptable public du Pôle de recouvrement spécialisé parisien 1 a assigné la société Pam Prod en ouverture de liquidation judiciaire devant le tribunal de commerce de Paris, se prévalant d'une créance d'un montant de 270 007 euros.
Par jugement du 28 février 2024, le tribunal de commerce a notamment ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Pam Prod, désigné la Selarl Actis Mandataires Judiciaires en la personne de Me [R] [G] en qualité de liquidateur judiciaire, fixé la date de cessation des paiements à dix-huit mois antérieurement au prononcé du jugement, soit au 28 août 2022, compte tenu de l'ancienneté de l'AMR, et dit que les dépens ainsi que les frais de publicité et de signification seront portés en frais de liquidation judiciaire.
Par déclaration du 11 mars 2024, la société Pam Prod a relevé appel de ce jugement.
L'affaire a été fixée en circuit court le 27 mars 2024.
Par dernières conclusions (n°2) remises au greffe et notifiées par voie électronique le 18 juin 2024, la société Pam Prod demande à la cour :
- d'infirmer le jugement du 28 février 2024 en ce qu'il a ouvert une procédure de liquidation judiciaire ;
- statuant à nouveau, d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire à son égard ;
- de fixer la date de cessation des paiements au 28 février 2024 ;
- de fixer la durée de la période d'observation à une période de six mois ;
- de désigner l'administrateur judiciaire qu'elle sollicitera en application des dispositions de l'article L. 621-4 alinéa 5 du code de commerce ;
- de maintenir la Selarl Actis Mandataire Judiciaire, prise en la personne de Me [R] [G], en qualité de mandataire judiciaire ;
- de renvoyer l'affaire devant le Tribunal de commerce de Paris pour la suite de la procédure.
La société Pam Prod ne conteste pas être en état de cessation de paiement mais estime que son redressement n'est pas manifestement impossible bien qu'elle rencontre des difficultés depuis l'ouverture du redressement judiciaire de sa société s'ur Ponthieu 36 des suites du confinement.
Elle soutient qu'elle est en mesure de financer son activité pendant la durée de la période d'observation, envisageant un résultat d'exploitation positif de 117 560 euros pour la période comprise entre octobre 2014 et mars 2025, que le montant du passif déclaré est de 2 549 594,17 euros, qu'elle envisage un résultat d'exploitation de 2,25 millions d'euros d'octobre 2024 à septembre 2034, soit environ 200 000 euros annuel, basé sur la facturation des prestations de mise à disposition de danseuses et de prestations chorégraphiques à la société Ponthieu 36, que cette dernière reste lui devoir la somme de 316 405,20 euros TTC, qu'elle pourra bénéficier d'apports en trésorerie de la part de la société Joanna Cook qui a cédé trois fonds de commerce le 15 mars 2024 pour un total de 2,240 millions d'euros, ce qui lui permet de régler son passif à l'horizon 2033.
Par dernières conclusions (n°2) remises au greffe et notifiées par voie électronique le 21 juin 2024, M. le comptable public du Pôle de recouvrement spécialisé parisien 1 demande à la cour :
- de débouter la société Pam Prod de l'ensemble de ses demandes en l'absence d'un moyen sérieux de contestation de la décision en appel ;
- de confirmer le jugement de liquidation judiciaire du 28 février 2024 ;
- de dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Il répond qu'il était titulaire au jour de l'assignation d'une créance privilégiée à hauteur de 270 007 euros, dont 245 750 euros en droits et 24 257 euros en pénalité, au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de mai 2019 à août 2022, du prélèvement à la source (PAS) de février 2020, juin 2021 à juillet 2023, de la cotisation foncière des entreprises (CFE) des années 2020, 2021 et 2022, de l'impôt sur les sociétés (IS) de juin 2017 à août 2019 et des amendes pour distribution occultes sur les exercices 2019, 2020 et 2021, qu'il a déclaré sa créance à titre privilégié au passif de la société pour un montant total de 697 729 euros après remise des pénalités (avant remise : 1 106 831 euros dont 408 636 euros à titre provisionnel concernant la TVA 2024, l'IR 2024, et la cotisation foncière des entreprises 2024), que la société Pam Prod ne saurait sérieusement arguer d'une créance sur une société Ponthieu 36 en difficultés financières, dont le passif exigible s'élevait au 7 février 2023 à 848 566,28 euros et l'actif disponible à 208 417,08 euros, que Pam Prod ne dispose d'aucune liquidités, que son redressement est manifestement impossible, que ses comptes sociaux produits font état d'un résultat net déficitaire en 2021 et 2022 (respectivement 288 346,44 euros et 377 783,04 euros), que les créances les plus anciennes concernent la TVA et l'IS depuis 2019, que ses manquements à ses obligations fiscales sont récurrents, que la société Pam Prod a pris le parti de ne pas reverser la TVA collectée ce qui est grave, que la société Pam Prod ne dispose pas d'un actif disponible permettant d'apurer son passif, que les montants mentionnés dans le prévisionnel d'exploitation ne reposent sur aucun élément objectif probant (contrat, carnet de commande, facture qui pourraient l'étayer ne sont pas communiqués), que son prévisionnel est en outre irréaliste car en totale contradiction avec les résultats de la société sur les précédentes années d'exercice, qu'au cours des exercices 2015 à 2019 précédant la pandémie de covid 19, la société Pam Prod a déclaré un chiffre d'affaires maximum de 895 545 euros en 2019 (contre un chiffre d'affaires minimum annoncé de 1 466 400 euros en 2025) et un résultat net maximum d'un montant de 64 797 euros en 2015 (contre un résultat net minimum d'un montant de 181 246 euros sur l'exercice 2027) et que la société Pam Prod ne produit aucun élément permettant de garantir que la société Joanna Cook lui fera effectivement un apport en trésorerie.
Par dernières conclusions (n°2) remises au greffe et notifiées par voie électronique le 1er juillet 2024, la SELARL Actis Mandataires judiciaires, prise en la personne de Maître [R] [G], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Pam Prod, demande à la cour :
- de constater l'état de cessation des paiements de la société Pam Prod ;
- de juger que le redressement de la société Pam Prod n'est pas manifestement impossible ;
- d'infirmer le jugement du 28 février 2024 en ce qu'il a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la société Pam Prod ;
- statuant à nouveau, d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Pam Prod ;
- de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé la date de cessation des paiements au 28 août 2022 ;
- de désigner tel administrateur judiciaire qu'il lui plaira ;
- de la désigner en qualité de mandataire judiciaire ;
- d'ordonner l'emploi des dépens de première instance et d'appel ainsi que des frais de justice liés à l'ouverture de la procédure collective en frais privilégiés de la procédure de redressement judiciaire.
Il expose que l'état de cessation des paiements est caractérisé faute d'actif disponible pour régler un passif exigible déclaré de 2 962 345,17 euros, dont les créances du PRS parisien 1 de 1 110 480 euros, les créances de l'Urssaf d'Île-de-France de 859 205,25 euros dont 289 496 euros de part salariale, des créances d'Audiens de 721 821,95 euros et des créances de France Travail Services de 270 837,97 euros, mais qu'au vu des éléments évoqués par la société Pam Prod, notamment des prévisionnels d'exploitation, il s'associe à la demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 2 juillet 2024.
Par une note en délibéré du 17 septembre 2024 autorisée par la cour, la société Pam Prod a précisé que l'agence Tour Immo titulaire des trois mandats de cession des fonds de commerce appartenant à la société Joanna Cook a indiqué que les visites vont reprendre courant septembre après la fin des perturbations liées aux jeux olympiques et paralympiques.
SUR CE,
L'article L. 640-1 du code de commerce institue une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
En l'espèce, l'état de cessation des paiements n'est pas contesté.
La société Pam Prod ne discute pas non plus le montant de son passif exigible tel qu'estimé par le liquidateur judiciaire au regard du passif déclaré dans un premier temps, soit 2 549 594,17 euros, en ce compris la créance fiscale de 697 729 euros selon le comptable public et la société Pam Prod. Le montant annoncé par le liquidateur diverge à la marge en ce qu'il inclut une créance fiscale de 1 110 480 euros au lieu de 697 729 euros, ce qui porte le passif exigible déclaré à une somme de 2 962 345,17 euros selon le liquidateur. La lecture de la déclaration de créance du PRS parisien 1 permet de constater que le montant déclaré à titre définitif s'élève à 698 195 euros et le montant déclaré à titre provisionnel à 408 636 euros.
Ce passif déclaré est pour l'essentiel composé de créances sociales et fiscales anciennes, étant observé que la créance de l'Urssaf qui n'est pas contestée s'élève à la somme de 859 205,25 euros et que les créanciers ont procédé à treize inscriptions de privilèges depuis le 5 octobre 2022.
La société Pam Prod s'estime en capacité d'apurer ce passif et de financer sa période d'observation, faisant état de résultats prévisionnels mensuels de l'ordre de 20 000 euros entre octobre 2024 et mars 2025, alors qu'il ressort des comptes annuels produits qu'elle a enregistré un résultat net de 36 115,65 euros sur l'année 2019, un déficit de 17 909,48 euros au titre de l'exercice comptable de l'année 2020, un déficit de 288 346,44 euros au titre de l'exercice comptable de l'année 2021 et un déficit de 377 783,04 euros au titre de l'exercice comptable de l'année 2022.
Au vu de ces éléments, alors qu'elle ne fait pas état d'une restructuration ou une réorientation de son activité et qu'elle ne justifie pas de nouveaux contrats ou carnets de commande, la probabilité que la société Pam Prod atteigne ses objectifs est inexistante.
Il en va de même pour ce qui concerne le prévisionnel d'exploitation des années 2025 à 2034, la société Pam Prod envisageant un bénéfice net de l'ordre de 200 000 euros, voire pouvant aller jusqu'à 293 245 euros certaines années. Ce prévisionnel, qui est présenté sous la forme d'un unique tableau et qui n'a pas été validé par un expert-comptable, ni étayé par des explications ou des éléments circonstanciés, manque de cohérence avec les chiffres précités effectivement réalisés les années précédentes (notamment l'année 2019 avec un résultat annuel de 36 115,65 euros avant les difficultés liées aux confinements).
Les seuls mandats de vente de trois fonds de commerce appartenant à la société mère de la société Pam Prod, la note en délibéré ayant montré que les ventes n'étaient pas encore intervenues, de surcroît sans engagement d'affectation des fonds tirés de ces ventes de la part de la société mère Joanna Cook, ne permettent pas de garantir avec certitude que la société Pam Prod pourrait bénéficier d'une quelconque somme d'argent à ce titre afin de désintéresser ses créanciers.
Enfin, s'agissant de la créance de la société Pam Prod sur la société Ponthieu 36 placée en redressement judiciaire depuis un arrêt du 7 février 2023, dont la société Pam Prod envisage le recouvrement en deux échéances d'ici la fin des années 2024 puis 2025, il n'est pas justifié de ce qu'elle aurait été déclarée à la procédure collective de la société Ponthieu 36 et à supposer qu'elle l'ait été, ne permet pas d'affirmer que les autres créanciers acceptent un remboursement en seulement 2 échéances si rapprochées, de sorte que le recouvrement par la société Pam Prod de sa créance sur la société Ponthieu 36 n'est pas envisageable à si court terme.
Il s'ensuit qu'il n'est pas justifié de capacités de remboursement de nature à apurer la dette de la société Pam Prod.
Dans ces conditions, le redressement de la société Pam Prod actuellement en état de cessation de paiement est manifestement impossible.
En ce qui concerne la date de cessation des paiements, fixée par le tribunal en fonction de la date d'émission de l'avis de mise en recouvrement (AMR), il ressort de la déclaration de créance que le plus ancien AMR remonte à 2018, ce qui justifie de reporter la date de cessation des paiements à une date antérieure de 18 mois à la date du jugement d'ouverture comme en prévoit la possibilité l'article L. 631-8 du code de commerce, soit le 28 août 2022 comme l'a jugé le tribunal.
En conséquence, le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions.
La société Pam Prod succombant en son appel, les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.