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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 9 octobre 2024, n° 24/00409

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 24/00409

9 octobre 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 09 OCTOBRE 2024

N° 2024/ 203

Rôle N° RG 24/00409 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BMMVY

S.A.R.L. JF LOGISTIQUE

C/

S.A.S. APEX LOCATION

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me William COHEN

Me Guillaume ISOUARD

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 14 Décembre 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 2023R00229.

APPELANTE

S.A.R.L. JF LOGISTIQUE

prise en la personne de son gérant/représentant légal y domicilié ès qualités au siège sis [Adresse 2]

représentée par Me William COHEN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.A.S. APEX LOCATION

prise en la personne de son gérant/représentant légal y domicilié ès qualités

[Adresse 1]

représentée par Me Guillaume ISOUARD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 27 Juin 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marielle JAMET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2024,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Mme Elodie BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Invoquant le non-paiement de 44 factures émises dans le cadre de sept contrats de location de véhicules, et le caractère vain de la mise en demeure adressée le 24 mai 2023, la Sas Apex location a fait assigner la Sarl JF Logistique devant le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille par exploit du 30 mai 2023.

Par ordonnance en date du 14 décembre 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille a :

- condamné la Sarl JF Logistique à payer, en deniers ou quittance, à la Sas Apex Location, la somme provisionnelle de 52.184,01 € à valoir sur les sommes dues avec intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2023, date de la mise en demeure, ainsi que la somme de 40 € par facture impayée au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement, ainsi que celle de 1.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Sarl JF Logistique aux dépens.

Par acte du 11 janvier 2024, la Sarl JF Logistique a interjeté appel de cette ordonnance.

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Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 22 janvier 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Sarl JF Logistique soutient que :

- le juge des référés n'est pas compétent au regard des contestations sérieuses auxquelles se heurtent les demandes de la Sas Apex Location ;

- la Sas Apex Location n'a pas pris en compte les nombreux paiements effectués entre le 14 avril 2021 et le 30 janvier 2023 pour un montant de plus de 103.000 € ; l'extrait de compte tiers produit par la société intimée doit être écarté en ce qu'il émane d'elle-même ;

- les demandes de la Sas Apex Location sont fondées sur des contrats signés par des personnes dépourvues de qualité pour engager la Sarl JF Logistique ;

- les conditions générales des contrats sont illisibles, de sorte qu'il est impossible de vérifier la réalité d'une clause pénale, ni d'en connaître sa détermination ;

- la Sas Apex Location réclame le paiement de nombreuses contraventions et franchises d'assurance dont elle ne justifie pas de la réalité ;

- alors que les contrats mentionnent l'existence d'une franchise, la Sas Apex Location réclame le paiement de travaux sur plusieurs factures.

Au visa des articles 1119 et 1353 du code civil, 872 et 873 du code de procédure civile, elle demande à la cour de :

- rejeter l'ensemble des demandes de la Sas Apex Location ;

- déclarer l'appel de la Sarl JF Logistique à l'encontre de l'ordonnance du 14 décembre 2023 recevable et bien fondé ;

- confirmer l'ordonnance intervenue en ce que le président du tribunal de commerce s'est déclaré incompétent en matière de clause pénale au profit du juge du fond ;

- infirmer l'ordonnance du 14 décembre 2023 en ce qu'elle a condamné la Sarl JF Logistique au paiement de la somme de 52.184,01 € ;

- et statuant à nouveau, juger que les sommes réclamées par la Sas Apex Location ne coïncident pas avec les paiements effectués par la Sarl JF Logistique ;

- juger que la Sarl JF Logistique a effectué de nombreux paiement des factures pourtant réclamées par la Sas Apex Location ;

- juger que seuls M. [X] et [J] en qualité de gérants de la Sarl JF Logistique ont la capacité d'engager contractuellement la Sarl JF Logistique ;

- juger que plusieurs des contrats invoqués par la Sas Apex Location comportent des irrégularités et incohérences ;

- juger que plusieurs des factures de la Sas Apex Location sont en contradiction avec les contrats produits notamment au titre des franchises prévues ;

- juger que les contrats produits et les conditions générales correspondantes, communiquées par la Sas Apex Location sont illisibles ;

- juger que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ;

- juger que la Sas Apex Location n'apporte pas la preuve de la réalité des contraventions et franchises réclamées ;

- en conséquence, juger la pièce adverse n°7 irrecevable ;

- juger sérieuses les contestations soulevées par la Sarl JF Logistique ;

- juger que les obligations dont la Sas Apex Location réclame le paiement sont sérieusement contestables ;

- juger les conditions générales inopposables à la Sarl JF Logistique ;

- juger que le juge des référés est incompétent pour se prononcer sur les demandes de la Sas Apex Location ;

- inviter la Sas Apex Location à mieux se pourvoir ;

- en tout état de cause, condamner la Sas Apex Location au paiement de la somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Sas Apex Location aux dépens, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, y compris le coût du commandement.

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Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 14 février 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Sas Apex Location réplique que :

- l'intégralité des paiements effectués ont été imputés sur les factures les plus anciennes, mais ne sont pas suffisantes pour éteindre la totalité de la dette, et la société appelante ne démontre pas avoir versé d'autres sommes que celles qui ont déjà été imputées ;

- l'intégralité des contrats ayant été signés par les représentants légaux ou ayant reçu exécution, impliquant une ratification, la Sarl JF Logistique est mal fondée à nier leur existence ou leur opposabilité ;

- l'application des clauses pénales ne saurait être écartée alors que la société JF Logistique a contresigné les conditions générales et particulières des contrats ;

- les conditions générales des contrats prévoient le paiement forfaitaire de la somme de 15 € au titre du traitement administratif de chaque infraction, les factures retranscrivant lesdites infractions et les circonstances de commission.

Au visa des articles 872 et suivants du code de procédure civile, 1103, 1104, 1217 et 1221 du code civil, L110-3 du code de commerce et 1156 du code civil, elle sollicite de la cour de :

- confirmer l'ordonnance attaquée en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a débouté la Sas Apex Location de sa demande au titre de la clause pénale ;

- infirmant l'ordonnance sur ce dernier point et statuant à nouveau,

- condamner la Sarl JF Logistique au paiement au profit de la Sas Apex Location d'une somme de 10.436,81 € au titre de la clause pénale liant les parties,

- condamner la Sarl JF Logistique au paiement d'une indemnité de 4.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

MOTIFS

- Sur la demande en paiement

Aux termes de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Par ailleurs, en application de l'article 873 du même code, le président peut, dans les mêmes limites et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En l'espèce, la Sarl JF Logistique oppose plusieurs motifs de contestation sérieuse, parmi lesquels le fait que la Sas Apex Location n'aurait pas imputé des paiements qu'elle aurait effectués. Elle se prévaut à ce titre d'une attestation de son expert-comptable, en date du 18 septembre 2023, faisant état de l'ensemble des versements effectués auprès de la société intimée entre le 14 avril 2021 et le 30 décembre 2022, outre un relevé de compte établi entre le 31 mars 2021 et le 3 janvier 2023.

Toutefois, les extraits de compte tiers versés par la Sas Apex Location au titre des années 2021, 2022 et 2023 reprennent l'intégralité des versements mentionnés par l'expert-comptable de la Sarl JF Logistique, lesquels ont été effectivement imputés, sans permettre pour autant une extinction de la totalité de la dette existante, et sans que la Sarl JF Logistique ne démontre avoir versé d'autres sommes que celles déjà imputées.

En outre, le moyen selon lequel la pièce n°7 produite par la Sarl JF Logistique doit être écartée ne saurait prospérer, alors que l'article L110-3 du code de commerce prévoit qu'à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens, à moins qu'il n'e soit autrement disposé par la loi, et que cette pièce concorde de surcroît avec le décompte figurant en pièce n°1.

Par ailleurs, si la Sarl JF Logistique soutient que « de nombreux contrats » porteraient des signatures inconnues, précisant que seuls M. [O] [X] et M. [K] [J] ont qualité pour engager la société, elle ne détaille toutefois pas quels sont les contrats dont elle conteste la validité, étant précisé que seul le contrat n°7-003271 ne porte manifestement pas la signature des représentant légaux de la Sarl JF Logistique. En outre, et sans qu'il soit besoin de davantage apprécier la régularité des signatures apposées, appréciation qui n'incombe pas au juge des référés, juge de l'évidence, la Sarl JF Logistique ne conteste pas avoir loué les véhicules objets des différents contrats, les avoir utilisés, et avoir effectué différents paiements en exécution de ces contrats. Aucune contestation sérieuse ne résulte dès lors de ce moyen.

S'agissant de la facturation des contraventions, l'article 12 des conditions générales et particulières des contrats litigieux prévoit que « le locataire et le conducteur agréé sont responsables des amendes, contraventions et procès-verbaux établis à leur encontre et qui sont légalement à leur charge. Ils s'engagent à rembourser au loueur tous les frais qui en résulteraient y compris les frais de mise en fourrière si celui-ci était amené à en faire l'avance. Le loueur facturera une somme de 15 € HT correspondant au traitement administratif de toute contravention ». Cette disposition est claire et ne nécessite aucune interprétation.

Si la Sarl JF Logistique conteste la réalité des infractions ainsi imputées, il sera observé que les factures litigieuses retranscrivent l'ensemble des contraventions et leurs circonstances de commission, lesquelles s'inscrivent tant dans la durée que l'objet de chacun des contrats, et qu'elles ont nécessité la dénonciation du contrat de locations aux autorités administratives. La Sas Apex Location se trouve dès lors fondée à réclamer le paiement forfaitaire de la somme de 15 € au titre du traitement administratif de chaque infraction.

Enfin, si le juge des référés ne peut qu'appliquer une clause pénale sans pouvoir de modération de la somme forfaitaire contractuellement prévue, il n'excède pas ses pouvoirs en allouant une provision sur le montant de la clause pénale quand la dette n'est pas sérieusement contestable.

Or, au cas d'espèce, compte tenu des contestations avancées quant au principe même de l'application de la clause et à son mode de calcul par la Sarl JF Logistique, c'est à bon droit que le premier juge a écarté l'application de celle-ci.

En conséquence, la Sarl JF Logistique est mal-fondée à invoquer l'existence de contestations sérieuses alors même que les différents contrats de location ont été exécutés, et qu'elle ne justifie pas de versements supplémentaires qui n'auraient pas déjà été imputés. Seule sa défaillance dans le paiement des dernières échéances a contraint la Sas Apex Location à engager une procédure à son encontre. Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance attaquée en toutes ses dispositions.

- Sur les demandes accessoires

La Sarl JF Logistique, partie succombante, conservera la charge des dépens, et sera tenue de payer à la Sas Apex Location la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance rendue le 14 décembre 2023 par le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la Sarl JF Logistique aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne la Sarl JF Logistique à payer à la Sas Apex Location la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE