CA Montpellier, ch. com., 8 octobre 2024, n° 24/02153
MONTPELLIER
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Sud Foncier (SAS)
Défendeur :
Betem Languedoc Roussillon (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Demont
Conseillers :
M. Graffin, M. Vetu
Avocats :
Me Fulachier, Me Salvignol, Me Bertrand, Me Vilanova, Me Senmartin
FAITS ET PROCÉDURE :
La S.A.S. Sud Foncier exerce une activité de promotion immobilière de logements.
La S.A.S. Betem Languedoc Roussillon est spécialisée dans le secteur d'activité de l'ingénierie et des études techniques.
Par jugement réputé contradictoire du 14 avril 2023, rectifié par jugement en date du 16 juin 2023, le tribunal de commerce de Montpellier a condamné la société Sud Foncier à régler à la société Betem Languedoc Roussillon la somme de 2'000 euros, correspondant à 1'920 euros au titre du solde d'une facture et 80 euros au titre des indemnités forfaitaires, outre la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles et les entiers dépens.
Après plusieurs tentatives d'exécution qui se sont toutes avérées vaines, l'étude d'huissier qu'elle avait mandatée a informé la société Betem Languedoc Roussillon de l'impossibilité de recouvrer la créance d'un montant de 3'527,57 euros, et a établi un certificat d'irrécouvrabilité.
Par exploit d'huissier du 5 mars 2024, la société Betem Languedoc Roussillon a assigné la société Sud Foncier aux fins que soit constaté la cessation des paiements et qu'une procédure de redressement judiciaire soit ouverte à son encontre.
Par jugement réputé contradictoire du 29 mars 2024, le tribunal de commerce de Montpellier a':
- constaté l'état de cessation des paiements et prononcé l'ouverture du redressement judiciaire de la société Sud Foncier';
- dit qu'il sera fait application des articles L. 631-1 et suivants du code de commerce et fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 5 mars 2024';
- désigné M. [X] [H] en qualité de juge-commissaire et M. [P] [U] en qualité de mandataire judiciaire';
- ordonné la désignation de SCP Bertrand de Latour et Jean-Christophe Giuseppi, commissaires de justice, pour réaliser l'inventaire et la prisée prévue à l'article L. 622-6 du code de commerce';
- fixé à 18 mois le délai d'établissement de la liste des créances déclarées';
- dit que la publicité du présent jugement sera effectuée sans délai nonobstant toute voie de recours';
- rappelle que l'exécution provisoire est de droit';
- et employé les dépens en frais privilégiés.
Par déclaration du 18 avril 2024, la société Sud Foncier a relevé appel de ce jugement.
Le 29 avril 2024, la société Betem Languedoc Roussillon a déclaré sa créance auprès de M. [P] [U], mandataire judiciaire de la société Sud Foncier, pour un montant actualisé de 5'278,58 euros.
Par conclusions du 5 août 2024, la société Sud Foncier demande à la cour, au visa de l'article L. 631-1 et suivants du code de procédure civile, de :
- juger son appel recevable et bien fondé';
à titre principal
- juger nul le jugement entrepris';
à titre subsidiaire
- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a constaté la cessation des paiements et prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son encontre';
en tout état de cause et statuant à nouveau
- juger qu'il n'y a pas lieu à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire';
- débouter la société Betem Languedoc Roussillon et toute autre partie de l'ensemble de leurs demandes';
- et condamner tout succombant à lui payer la somme de 2'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions du 17 juillet 2024, la société Betem Languedoc Roussillon demande à la cour, au visa des articles 455 et suivants du code de procédure civile et des articles L. 621-1, L. 621-2, L. 631-1 et R. 631-6 du code de commerce, de':
- rejeter toutes conclusions contraires comme étant infondées ou à tout le moins injustifiées';
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions';
à titre principal
- rejeter la demande en nullité formée par la société Sud Foncier';
- confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions';
en tout état de cause
- statuer sur le fond de l'affaire compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel';
- déclarer en l'état de redressement judiciaire la société Sud Foncier, la date de cessation des paiements devant être provisoirement fixée au jour de la décision';
- désigner un juge commissaire, un administrateur ainsi qu'un mandataire judiciaire';
- ordonner le redressement judiciaire de la société Sud Foncier';
- condamner la société Sud Foncier à lui régler la somme de 5'000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi que les entiers dépens';
- et juger que les dépens seront privilégiés comme frais de justice au sens de l'article 696 du code de procédure civile.
Par conclusions du 16 juillet 2024, M. [P] [U], ès qualités, demande à la cour de':
- repousser toutes conclusions contraires comme injustes et en tous cas mal fondées';
- dire l'appel tel qu'interjeté infondé et en conséquence le rejeter';
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué';
- et dire les dépens frais privilégiés de la procédure collective.
Le ministère public, qui a reçu communication, a sollicité par avis des 26 avril et 2 mai 2024 la confirmation du jugement entrepris.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est datée du 27 août 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité du jugement critiqué
Selon les dispositions de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile, le jugement doit être motivé, et l'article 458 du même code dispose que ce qui est prescrit par l'article 455 (alinéa 1er) doit être observé à peine de nullité.
En l'espèce, les premiers juges n'ont pas motivé leur décision, indiquant seulement de manière non spécifique à l'espèce que «'l'état de cessation des paiements était constaté'», sans analyser même sommairement les pièces communiquées et sans non plus caractériser l'impossibilité dans laquelle se trouvait la société Sud Foncier de faire face à son passif exigible au moyen de son actif disponible.
Il convient en conséquence de prononcer la nullité du jugement querellé.
Par application de l'article 562 du code de procédure civile, l'ensemble des parties ayant conclu au fond même en cas d'annulation du jugement pour ce qui concerne la société Sud Foncier, il convient de statuer au fond par l'effet dévolutif de l'appel.
Sur l'état de cessation des paiements de la société Sud Foncier
Selon les dispositions de l'article L 631-1 du code de commerce, il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements.
En cas d'appel, l'état de cessation des paiements s'apprécie au jour où la cour statue.
La société Betem Languedoc Roussillon a fait assigner la société Sud Foncier en redressement judiciaire en faisant état d'une dette d'un montant de 2 800 euros fondée sur une condamnation prononcée par le tribunal de commerce de Montpellier, et d'un certificat d'irrécouvrabilité établi par un commissaire de justice.
Devant la cour, la société Betem Languedoc Roussillon justifie d'une actualisation de sa créance à la date du 29 avril 2024 auprès du mandataire judiciaire, Me [P] [U], pour un montant de 5 278,58 euros incluant également les frais engagés pour la tentative de recouvrement de sa créance.
Par ailleurs, ce dernier verse aux débats un état des créances de la société Sud Foncier à la date du 12 juillet 2024 d'un montant de 86'915,58 euros, comprenant notamment la dette de la société Betem Languedoc Roussillon ainsi que différentes dettes fiscales.
Pour contester son état de cessation de paiement, la société Sud Foncier produit ses comptes annuels pour la seule année 2021 faisant apparaître un résultat net comptable de 188'083 euros.
Elle produit également le justificatif d'un versement d'un montant de 86'915,58 euros effectué par son dirigeant sur le compte CARPA de son avocat.
Cependant, ces seuls éléments, en particulier la somme versée non pas par la société Sud Foncier elle-même mais par son dirigeant, personne physique, sur un compte Carpa, ne permet pas à cette dernière de justifier qu'elle disposait d'un actif disponible lui permettant de faire face à son passif exigible, de sorte que le redressement judiciaire de la société ne peut qu'être prononcé.
Les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective, sans qu'il y ait lieu de prononcer aucune condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Prononce la nullité du jugement déféré,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Constate l'état de cessation des paiements et prononce l'ouverture du redressement judiciaire de la S.A.R.L Sud Foncier,
Dit qu'il sera fait application des articles L. 631-1 et suivants du code de commerce et fixe provisoirement la date de cessation des paiements au 5 mars 2024,
Désigne M. [X] [H] en qualité de juge-commissaire et Me [P] [U] en qualité de mandataire judiciaire,
Ordonne la désignation de SCP Bertrand de Latour et Jean-Christophe Giuseppi, commissaires de justice, pour réaliser l'inventaire et la prisée prévue à l'article L. 622-6 du code de commerce,
Fixe à 18 mois le délai d'établissement de la liste des créances déclarées,
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective,
Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.