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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-2, 8 octobre 2024, n° 24/01791

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Pro Bat Deco (SAS)

Défendeur :

Procureur général, Mars (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guerlot

Conseiller :

Mme Cougard

Avocats :

Me Planche, Me Ecolivet, Me Fournier La Touraille

T. com. Versailles, du 29 févr. 2024, n°…

29 février 2024

EXPOSE DU LITIGE

Le 21 décembre 2023, le ministère public a demandé, par requête, l'ouverture d'une procédure de redressement, ou subsidiairement, de liquidation à l'encontre de la SAS Pro Bat Deco.

Le 29 février 2024, par jugement réputé contradictoire, le tribunal de commerce de Versailles, a :

- constaté l'absence de la société Pro Bat Deco et son état de cessation des paiements ;

- ouvert une procédure de liquidation judiciaire au bénéfice de la société Pro Bat Deco ;

- fixé définitivement la date de cessation des paiements au 29 août 2022.

Le 9 mars 2024, la société Pro Bat Deco a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition.

Par ordonnance du 15 avril 2024, l'affaire 24/01792 a été jointe à l'affaire 24/01791.

Par dernières conclusions du 22 avril 2024, l'appelante demande à la cour de :

- prononcer la jonction des affaires enrôlées sous le numéro RG 24/01791 et sous le numéro RG 24/01792 ;

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Et, statuant à nouveau,

- juger qu'elle n'est pas en situation de cessation des paiements.

Par dernières conclusions du 17 mai 2024, la société Mars, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Pro Bat Deco, demande à la cour de :

- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice quant à la décision à intervenir ;

- condamner la société Pro Bat Deco à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Pro Bat Deco aux entiers dépens.

Par avis du 22 avril 2024, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement sauf à ce que l'appelante, non comparante devant les premiers juges, démontre, par la production d'un compte prévisionnel de trésorerie sur 4 mois certifié par son expert-comptable, soit qu'un redressement judiciaire serait envisageable, soit qu'elle n'est pas en état de cessation de paiements au jour de l'audience devant la cour, ce qui justifierait une décision de n'y a lieu.

A l'audience, le ministère public a estimé qu'il n'y avait pas lieu à l'ouverture d'une procédure collective.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 26 août 2024.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

La demande de jonction est sans objet, celle-ci ayant été ordonnée comme rappelée ci-dessus.

- sur l'état de cessation des paiements

La société Pro Bat Deco expose que son dirigeant n'a pu être présent à l'audience devant le tribunal, car il n'avait pas été touché par la convocation. Elle affirme, au sujet de l'actif disponible, que son compte bancaire présentait une position créditrice de 30000 euros au jour de l'ouverture de la liquidation judiciaire. Concernant le passif exigible, elle dit produire son relevé fiscal de décembre 2023, qui présente un solde fiscal de 3903 euros et un reliquat de dette URSSAF de 2956,96 euros. Elle en déduit que sa trésorerie permet de couvrir ce passif, de sorte qu'elle n'était pas en cessation des paiements le 29 février 2024.

En réponse, la société Mars, ès qualités dit s'en rapporter à la sagesse de la cour.

Réponse de la cour :

L'article L.631-1 du code de commerce énonce qu'" il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

Cette condition s'apprécie, s'il y a lieu, pour le seul patrimoine engagé par l'activité ou les activités professionnelles.

La procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif (') "

L'état de cessation des paiements est caractérisé par l'impossibilité du débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

La cessation des paiements doit s'apprécier au jour où la cour statue.

Le tribunal a considéré que la société Pro Bat Deco ne pouvait faire face à son passif exigible, chiffré à 15 414 euros, à l'aide de son actif disponible qu'il a considéré, compte tenu de la carence de son dirigeant, comme " inconnu ou au mieux dérisoire ". Il a estimé que le non-paiement des créances démontrait une incapacité de les payer. Au jour de l'audience devant le tribunal, les premiers juges n'ont pas disposé d'éléments versés par la société appelante, en l'absence de comparution de celle-ci, pourtant régulièrement convoquée à l'adresse de son siège social.

Il résulte des éléments versés par le liquidateur devant la cour que la banque détentrice du compte bancaire de la société, le CIC agence de [Localité 5], lui a reversé, ès qualités, la somme de 23148,17 euros, ce alors qu'à la date du 10 mai 2024, date d'expiration légal du délai de déclaration des créances, le passif privilégié et chirographaire (dettes fiscale et sociales) s'élevait à une somme de 16 087,35 euros.

C'est à raison que la société Pro Bat Deco dit être in bonis au jour où la cour statue, ce qui est confirmé par le liquidateur, de sorte que le jugement ayant prononcé l'ouverture d'une procédure collective doit être infirmé.

Compte tenu de l'absence d'état de cessation des paiements démontré, il n'y a pas lieu à ouverture d'une procédure collective au bénéfice de la société Pro Bat Deco.

- sur les autres demandes

La défaillance de la société appelante à l'audience devant les premiers juges, du fait de sa négligence à procéder aux formalités requises à la suite de son changement de siège social, a conduit à l'ouverture de la procédure collective. Cette situation justifie sa condamnation à payer à la société Mars une somme de 1 500 euros à titre d'indemnité de procédure.

Les dépens de première instance et de l'instance d'appel sont, pour les mêmes motifs, à la charge de la société Pro Bat Deco.

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que la société Pro Bat Deco n'est pas en état de cessation des paiements,

Dit n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure collective au bénéfice de la société Pro Bat Deco,

Condamne la société Pro Bat Deco à payer une somme de 1500 euros d'indemnité procédurale à la société Mars,

Dit que la société Pro Bat Deco supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.