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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 7 octobre 2024, n° 22/02663

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Amg (SARL)

Défendeur :

Tvi Developpement (SAS), Etablissements Transman (SASU), Poids Lourds Services (SAS), M.r.v.i. (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franco

Conseillers :

Mme Goumilloux, Mme Masson

Avocats :

Me Fonrouge, Me Hebert, Me Le Barazer, Me Desgrees du Loup

T. com. Angoulême, du 12 mai 2022, n° 20…

12 mai 2022

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

La société par actions simplifiée TVI Développement, dont le président est M. [S], a pour objet d'exploiter un concept de réparation, d'entretien et de vente de pièces détachées pour poids lourds et utilitaires et de commercialiser ce concept par l'intermédiaire d'un réseau de concessionnaires. Elle a créé un réseau d'adhérents indépendants sur le territoire français sous la marque et l'enseigne TVI.

La société à responsabilité limitée AMG- atelier mécanique générale (ci-après AMG), exploite un garage de réparations poids lourds et véhicules utilitaires à [Localité 2] en Loire-Atlantique. Elle a adhéré au réseau TVI moyennant le paiement, d'une redevance initiale forfaitaire de 20.000 euros, et de diverses redevances d'exploitation, de communication et de redistribution de frais de fonctionnement suivant un contrat conclu le 4 octobre 2018.

Le 16 juillet 2019, la société AMG a dénoncé à la société TVI Développement les intrusions et actes de concurrence qu'elle considérait comme illicites, commis auprès de la clientèle de son secteur par les sociétés Etablissements Transman, située en Maine-et-Loire, et MRVI, située en Vendée, puis, par courrier du 26 décembre 2019, a rompu de manière anticipée son contrat d'adhésion et réclamé le remboursement de diverses sommes.

Par courrier en réponse du 31 janvier 2020, la société TVI Développement a rejeté la demande de remboursement de la société AMG et lui a précisé les conditions dans lesquelles il pourrait être procédé à la reprise de son stock.

Par requête du 17 juin 2020, la société AMG a sollicité du président du tribunal de commerce d'Angoulême la désignation de trois huissiers aux fins de recueillir les factures émises par les sociétés MRVI, Etablissements Transman et Poids lourds service [Adresse 3] SAS (ci-après PLST) à l'attention de clients situés en Loire-Atlantique pendant toute la durée de son contrat ; il a été fait droit à cette requête par ordonnance du 7 juillet 2020.

Par actes des 21 octobre, 23 octobre et 27 octobre 2020, la société AMG a fait délivrer assignation à la société TVI Développement, la société MRVI, la société Etablissement Transman et la société PLST devant le tribunal de commerce d'Angoulême en paiement de diverses sommes.

Par jugement prononcé le 12 mai 2022, le tribunal de commerce statué ainsi qu'il suit :

- déboute la société TVI Développement, la société Etablissements Transman, la société Poids Lourds Services [Adresse 3] et la société MRVI de leur demande tendant à voir prononcer la nullité des procès-verbaux d'huissiers et les pièces y découlant ;

- prononce la mise hors de cause de la société Poids Lourds Services [Adresse 3] ;

Vu l'article 1137 du code civil,

Vu les articles L.330-3 et R.330-1 du code commerce,

- déboute la société AMG - Atelier Mécanique Générale de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat d'adhésion pour dol et, par voie de conséquence, les demandes de dommages et intérêts en découlant ;

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

- déboute la société AMG-Atelier Mécanique Générale tendant à voir constater des actes de concurrence illicites et déloyaux et, par voie de conséquence, les demandes de dommages et intérêts en découlant ;

Vu l'article 32-1 du code de procédure civile,

- déboute la société TVI Développement, la société Etablissements Transman, la société Poids Lourds Services [Adresse 3] et la société MRVI de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société AMG-Atelier Mécanique Générale à payer à la société TVI Développement, la société Etablissements Transman, la société Poids Lourds Services [Adresse 3] et la société MRVI la somme de 1.000 euros chacune ;

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

- condamne la société AMG-Atelier Mécanique Générale à tous les dépens ;

- liquide les dépens du présent jugement à la somme de 136,58 euros.

La société AMG-Atelier Mécanique Générale a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 2 juin 2022, intimant les sociétés TVI Développement, Etablissements Transman, Poids Lourds Services [Adresse 3] et MRVI.

***

Par dernières conclusions notifiées le 16 décembre 2022, la société AMG-Atelier Mécanique Générale demande à la cour de :

Vu les articles 1112-1, 1137, 1231-1 et 1240 du code civil,

Vu les articles L 330-3 et R 330-1 du code de commerce,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

1 ' a refusé de faire droit aux moyens et prétentions de la société AMG-Atelier Mécanique Générale, en admettant ceux opposés en défense et reconventionnellement par la société TVI Développement, la société Etablissements Transman, la société Poids Lourds Services [Adresse 3] et la société MRVI pour :

- prononcer la mise hors de cause de la société Poids Lourds Services [Adresse 3],

- débouter la société AMG-Atelier Mécanique Générale de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat d'adhésion pour dol et, par voie de conséquence, les demandes de dommages et intérêts en découlant,

- débouter la société AMG-Atelier Mécanique Générale tendant à voir constater des actes de concurrence illicites et déloyaux et, par voie de conséquence, les demandes de dommages et intérêts en découlant,

- condamner la société AMG-Atelier Mécanique Générale à payer à la société TVI Développement, la société Etablissements Transman, la société Poids Lourds Services [Adresse 3] et la société MRVI la somme de 1.000 euros chacune,

2- a laissé les dépens à la charge de la société AMG-Atelier Mécanique Générale ;

- débouter la société TVI Développement, la société MRVI, la société Etablissements Transman et la société Poids Lourds Services [Adresse 3] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

A titre principal,

- annuler le contrat d'adhésion du 4 octobre 2018 pour dol de la société TVI Développement, avec la complicité de la société MRVI, de la société Etablissements Transman, de la société Poids Lourds Services [Adresse 3] ;

En conséquence,

- condamner solidairement la société TVI Développement, la société MRVI, la société Etablissements Transman et la société Poids Lourds Services [Adresse 3] à payer à la société AMG-Atelier Mécanique Générale la somme de 2.000.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi ;

- condamner les mêmes solidairement à payer à la société AMG-Atelier Mécanique Générale la somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des autres préjudices subis ;

- condamner la société TVI Développement à rembourser à la société AMG-Atelier Mécanique Générale la somme de 20.000 euros au titre de la redevance initiale forfaitaire (droit d'entrée) ;

Subsidiairement,

- dire et juger que la société TVI Développement, la société MRVI, la société Etablissements Transman et la société Poids Lourds Services [Adresse 3] ont commis des actes de concurrence illicites et déloyaux de nature à engager leur responsabilité civile à l'égard de la société AMG-Atelier Mécanique Générale ;

En conséquence,

- condamner solidairement la société TVI Développement, la société MRVI, la société Etablissements Transman et la société Poids Lourds Services [Adresse 3] à payer à la société AMG-Atelier Mécanique Générale la somme de 2.000.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi ;

- condamner les mêmes solidairement à payer à la société AMG-Atelier Mécanique Générale la somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des autres préjudices subis ;

En tout état de cause,

- condamner solidairement la société TVI Développement, la société Etablissements Transman, la société Poids Lourds Services [Adresse 3] et la société MRVI à verser à la société AMG-Atelier Mécanique Générale une indemnité de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les mêmes solidairement aux dépens.

***

Par dernières écritures notifiées le 24 mai 2024, les sociétés TVI Développement, Etablissements Transman, Poids Lourds Services [Adresse 3] et MRVI demandent à la cour de :

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

Vu les articles 1103 et suivants, 1112, 1137 et 1139 du code civil,

Vu les articles 1240 et suivants du code civil,

1/ Sur les procès-verbaux de constat d'huissier et pièces en découlant,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société TVI Développement, la société Etablissements Transman, la société Poids Lourds Services [Adresse 3] et la société MRVI de leur demande tendant à voir prononcer la nullité des procès-verbaux d'huissiers et les pièces y découlant ;

Statuant à nouveau,

- prononcer la nullité des trois procès-verbaux de constat du 29 juillet 2020 produits par la partie adverse en pièces n°20 à 21 et, en conséquence, les écarter des débats, tout comme les pièces adverses n°22 à 27 issues de ces constats ;

2/ Au fond, sur le débouté des demandes de la société AMG,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause la société Poids Lourds Services [Adresse 3] ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société AMG de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

3/ Sur les demandes reconventionnelles des sociétés Poids Lourds Services [Adresse 3], TVI Développement, Etablissements Transman et MRVI,

- infirmer le jugement entrepris sur ce point ;

Statuant à nouveau,

- condamner la société AMG à payer à chacune des sociétés intimées la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice causé par le caractère abusif de la procédure abusivement diligentée à leur encontre, soit la somme globale de 40.000 euros ;

4/ sur les frais irrépétibles et dépens,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société AMG à payer à la société TVI Développement, la société Etablissements Transman, la société Poids Lourds Services [Adresse 3] et la société MRVI la somme de 1.000 euros chacune et à tous les dépens ;

- condamner la société AMG aux dépens, ainsi qu'à payer à chacune des sociétés Poids Lourds Services [Adresse 3], MRVI, Etablissements Transman et TVI Développement la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, soit la somme globale de 40.000 euros.

***

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 juin 2024.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. Sur la demande en nullité des constats d'huissiers

1. Les sociétés TVI Développement, Etablissements Transman, Poids Lourds Services [Adresse 3] (ci-après PLST) et MRVI tendent à la nullité des trois procès-verbaux établis le 29 juillet 2020 respectivement par Maître [V], Maître [E] et Maître [Y] au sein des locaux des sociétés PLST, Etablissements Transman et MRVI.

Les intimées soutiennent que ces trois huissiers de justice ont dépassé le périmètre de la mission qui était délimitée par l'ordonnance prononcée le 7 juillet 2020 par le président du tribunal de commerce d'Angoulême sur la requête, présentée le 17 juin précédent par la société AMG.

2. La société AMG répond qu'il résulte des mentions des procès-verbaux dressés par les trois huissiers que l'ordonnance sur requête a été signifiée et que les dirigeants sociaux des sociétés PLST et Etablissements Transman ont donné leur accord pour qu'un préposé assiste chacun des huissiers instrumentaires, tandis qu'un préposé habilité à représenter la société a pu valablement assister à la mesure d'instruction au sein de la société MRVI.

Sur ce,

3. L'ordonnance sur requête prononcée le 7 juillet 2020 par le président du tribunal de commerce d'Angoulême détermine ainsi la mission des trois huissiers de justice désignés :

« consulter les factures des sociétés MRVI, Etablissements Transman et Poids Lourds Services [Adresse 3] émises à destination de clients sur le département de Loire-Atlantique sur la période du 4 octobre 2018, date de la signature du contrat d'adhésion entre la société TVI développement et la société AMG-Atelier Mécanique Générale, et le 1er février 2020, date de la fin du contrat ;

- se voir remettre une copies desdites factures ;

- accéder à l'ensemble des documents et moyens informatiques, serveurs, postes utilisateurs ou autres susceptibles de contenir tout ou partie des éléments susvisés

- se faire communiquer les logins et mots de passe permettant d'accéder aux matériels et logiciels concernés ;

- se faire assister au besoin d'un ou plusieurs experts ou techniciens informatiques de leur choix, l'ensemble des participants étant en tout état de cause indépendant des parties ;

- faire toutes recherches et constatations utiles ;

- consigner les déclarations des répondants et toutes paroles prononcées au cours des opérations mais en s'abstenant de toute interpellation autre que celles nécessaires à l'accomplissement de leur mission.»

4. Il résulte des mentions du procès-verbal établi le 29 juillet 2020 par Maître [C] [V] qu'elle a exposé par téléphone l'objet de sa mission à M. [S], dirigeant de la société PLST, et que celui-ci a autorisé M. [A], présent sur place, à assister cet huissier de justice et lui remettre les pièces visées dans la mission. Maître [V] a signifié la requête, les pièces annexées et l'ordonnance à M. [A], lequel a pu, à chaque étape de consultation des fichiers et données nécessaires, prendre l'attache de M. [S] pour recueillir l'assentiment de celui-ci. Les copies de factures annexées par l'huissier correspondent au périmètre géographique et temporel défini par l'ordonnance du 7 juillet 2020.

Maître [B] [E] mentionne dans son procès-verbal qu'il s'est transporté le 29 juillet 2020 au sein de la société Etablissements Transman, qu'il a été accueilli par M. [I], préposé qui a recueilli l'autorisation, par téléphone, de son directeur général M. [G] et auquel l'huissier a signifié la requête, les pièces annexées et l'ordonnance. Maître [E] mentionne qu'il s'est également entretenu par téléphone avec M. [S], président du groupe, lequel a déclaré ne pas s'y opposer. Enfin, les copies d'écran annexées par l'huissier sont relatives à des factures qui correspondent au périmètre géographique et temporel défini par l'ordonnance du 7 juillet 2020.

Maître [U] [Y] indique dans son procès-verbal qu'elle s'est rendue le 29 juillet 2020 au sein de la société MRVI et que M. [M] s'est présenté comme étant habilité à représenter la personne morale. Il lui a alors été signifié l'ordonnance, ainsi que la requête et les pièces annexées. Maître [Y] s'est également entretenue par téléphone avec M. [G] d'une part et M. [S], qui ont déclaré ne pas s'opposer à l'exécution de la mesure d'instruction. Mme [F], secrétaire comptable de l'entreprise, a communiqué à l'huissier une copie des factures correspondant au périmètre géographique et temporel défini par l'ordonnance du 7 juillet 2020.

5. Il résulte de ces éléments qu'aucun des trois huissiers instrumentaires n'a dépassé le périmètre de la mission qui était délimitée par l'ordonnance prononcée le 7 juillet 2020 par le président du tribunal de commerce d'Angoulême.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en nullité présentée par les sociétés TVI Développement, Etablissements Transman, PLST et MRVI.

2. Sur la demande en nullité du contrat

6. L'article 1137 du code civil dispose :

« Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.»

En vertu du premier alinéa de l'article 1112-1 du code civil, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Selon l'article L.330-3 du code de commerce, toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause.

Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.

Lorsque le versement d'une somme est exigé préalablement à la signature du contrat mentionné ci-dessus, notamment pour obtenir la réservation d'une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit.

Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l'alinéa précédent.

7. Au visa de ces textes, la société AMG fait grief au jugement déféré d'avoir rejeté sa demande en nullité du contrat conclu le 4 octobre 2018 avec la société TVI Développement.

L'appelante explique que, en vertu de l'article 7 de ce contrat, elle bénéficiait d'une exclusivité d'implantation de l'enseigne TVI qui entraînait celle d'exploiter la clientèle du département de Loire-Atlantique dans lequel elle a elle-même son siège social ; que, pourtant, elle n'a pas été informée, préalablement à la signature du contrat, du fait que les sociétés Etablissements Transman et MRVI démarchaient systématiquement la clientèle de la Loire-Atlantique, ainsi exclue du potentiel commercial de la société AMG ; qu'il s'agissait pourtant d'une information capitale pour le consentement de l'appelante, qui a construit son plan de développement dans l'ignorance totale de l'exclusion d'une partie importante de la clientèle qu'elle pensait légitimement lui avoir été concédée à titre exclusif.

La société AMG fait valoir que c'est donc sur l'objet et la substance même du contrat que la société TVI Développement s'est rendu coupable d'une réticence dolosive, puisque M. [S], dirigeant de la société TVI Développement, est également le dirigeant des sociétés Transman et MRVI, franchisées du réseau TVI Développement ; que cette dissimulation ruinait ab initio tout espoir de rentabilité et développement du fonds de commerce de la société AMG.

8. Les sociétés TVI Développement, Etablissements Transman, PLST et MRVI répondent que la société TVI Développement a délivré une information précontractuelle complète à la société AMG et ne pouvait -ni ne devait- communiquer les chiffres d'affaires de deux adhérents implantés en Loire-Atlantique, qu'elle ne possédait pas.

Les intimées ajoutent que la société TVI Développement n'a pu provoquer une quelconque erreur sur le sens et les effets de l'article 7 du contrat et soutiennent que l'appelante dénature cette stipulation ; que, par ailleurs, la société AMG n'a pas été induite en erreur sur la rentabilité qui pouvait être attendue

Sur ce,

9. L'article 3 du contrat conclu le 4 octobre 2018 entre la société TVI Développement et la société AMG, dénommé 'contrat d'adhésion', stipule :

« L'adhérent et le partenaire ont décidé d'intégrer le réseau TVI après une réflexion éclairée et notamment après avoir :

- reçu une information précontractuelle exhaustive, incluant celle requise en application des articles L.330-3 et R.330-1 du code de commerce, dont les dispositions sont reproduites en annexe 1 ;

- été informés que l'éventuelle validation du budget prévisionnel de l'adhérent par la société TVI développement ne saurait constituer une garantie de résultat ; que si le succès dépend de la qualité du concept, l'acuité de l'adhérent à dupliquer le concept, comme la conjoncture nationale et locale, peuvent fortement influencer les résultats

- été invités à soumettre confidentiellement leurs réflexions et le document d'information précontractuelle à des conseils juridiques et comptables maîtrisant les systèmes de réseaux organisés.»

L'article 7 de ce contrat précise :

« Le centre TVI de l'adhérent se situe à l'adresse suivante : [Adresse 7].

L'adhérent exploitera activement ses activités sur la zone géographique délimitée sur le plan figurant en annexe des présentes (annexe 4).

TVI développement s'engage à ne pas s'implanter ni à autoriser l'implantation d'autres centres adhérents à l'enseigne TVI sur la zone géographique délimitée sur le plan, en dehors des centres déjà existants figurant en annexe.

L'adhérent ne pourra réaliser aucune publicité ni, plus généralement, aucune forme de communication destinée à capter une clientèle située hors du territoire contractuel en présence d'un autre centre TVI déjà installé ou à créer. L'adhérent pourra toutefois recevoir des clients émanant d'autres territoires que le sien dès lors qu'il n'a rien fait pour capter cette clientèle. De plus, s'il a fidélisé un ou plusieurs clients situés sur un territoire libre dans un premier temps et attribué dans un deuxième temps un autre adhérent, il pourra continuer à les servir sans pouvoir être inquiété par le nouvel adhérent.»

10. Il résulte de ces éléments qu'un délai de réflexion a été ménagé à la société AMG, à laquelle a préalablement été fourni un dossier d'information ensuite annexé au contrat. Le représentant légal de la société AMG a d'ailleurs signé, le 4 septembre 2018, soit un mois avant l'adhésion de l'appelante au réseau TVI, un accusé de réception du dossier d'informations précontractuelles ainsi qu'un engagement de confidentialité.

Ce dossier comporte 75 pages ainsi qu'un Power Point relatifs au concept développé par le réseau TVI, à la liste des adhérents, au marché de l'entretien des véhicules industriels ainsi que des informations financières.

Il y est d'ailleurs recommandé au candidat de réaliser une étude de marché avant son adhésion, ce que la société AMG admet ne pas avoir fait.

11. Il apparaît que l'article 7 du contrat d'adhésion n'organise aucune exclusivité territoriale au bénéfice de l'appelante puisque d'autres adhérents du réseau TVI peuvent exploiter une clientèle située dans le même département, sous la double condition d'avoir antérieurement adhéré au réseau et d'avoir fidélisé la clientèle litigieuse.

A cet égard, les factures recueillies au cours des opérations d'instruction in futurum établissent la réalité de relations commerciales entre les sociétés MRVI et Transman, domiciliées dans les départements de la Vendée et du Maine et Loire, et une clientèle située dans le département de Loire-Atlantique, lieu du siège social de la société AMG.

Toutefois, les pièces produites par les intimées démontrent que les sociétés MRVI et Transman ont adhéré au réseau TVI le 12 avril 2011, soit antérieurement à l'adhésion de la société AMG et qu'elles avaient fidélisé une clientèle dès le début des années 2010 au sein du département de la Loire-Atlantique, ce qui est établi par les factures adressées, notamment, à la société SNV, domiciliée à [Localité 8], à M. [X], domicilié à [Localité 4]), à la société Baillevaire, domiciliée à [Localité 5].

La liste des adhérents du réseau TVI, fournie à la société AMG en annexe 5 du dossier d'information précontractuelle, permettait à l'appelante de vérifier quels étaient les adhérents déjà implantés dans les départements voisins de la Loire-Atlantique -les sociétés Transman et MRVI y figurent en pages 50 et 52- et, si l'appelante avait réalisé une étude de marché, d'évaluer la clientèle fidélisée par les adhérents voisins au sein de son propre département, dans lequel, par ailleurs, il était le premier adhérent du réseau.

Enfin, il doit être rappelé que la société PLST a adhéré au réseau TVI le 7 juillet 2020, soit postérieurement à la résiliation de son contrat par la société AMG le 26 décembre 2019 avec effet au 1er février 2020.

12. Dès lors, le dol allégué n'est pas démontré et c'est par des motifs pertinents, qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte, que le premier juge a débouté la société AMG de sa demande de ce chef.

3. Sur la demande au titre des actes de concurrence déloyale

13. La société AMG vise, au dispositif de ses dernières conclusions, l'article 1240 du code civil relatif à la responsabilité extracontractuelle mais développe, au sein des mêmes conclusions, une argumentation fondée sur l'exécution fautive et dolosive du contrat d'adhésion par les intimées en général, dont trois d'entre elles ne sont pourtant pas liées contractuellement avec l'appelante.

14. Pour autant, ainsi qu'il a été relevé supra, la société PLST a adhéré au réseau TVI postérieurement à la sortie de la société AMG de ce même réseau, tandis que les sociétés MRVI et Transman produisent de nombreuses factures qui démontrent la fidélisation de clients situés en Loire-Atlantique ; à cet égard, la société TVI Développement, tête de réseau, n'était donc pas tenue à garantir l'exploitation paisible du secteur du département de la Loire-Atlantique, contrairement à ce que soutient l'appelante, puisque les sociétés MRVI et Transman se conformaient aux stipulations de l'article 7 de leur propre contrat d'adhésion.

15. Enfin, ainsi que le souligne le premier juge, la société AMG ne rapporte pas la preuve de la réalisation par les intimées d'actes de démarchage sous forme de publicité ou de communication active à l'égard de la clientèle située dans le département de la Loire-Atlantique.

16. Le jugement déféré sera confirmé en ce que, après avoir retenu que les actes de concurrence illicites et déloyaux n'étaient pas démontrés, a débouté la société AMG de ce chef.

17. Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande des sociétés TVI Développement, Etablissements Transman, PLST et MRVI en indemnisation du préjudice qui résulterait de la présente procédure présentée comme abusive, faute de démonstration du principe et du montant du préjudice allégué.

18. Enfin, la cour confirmera la décision déférée en ses chefs de dispositif relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens et, y ajoutant, dira n'y avoir lieu a application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et condamnera la société AMG à payer les dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement prononcé le 12 mai 2022 par le tribunal de commerce d'Angoulême.

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société AMG-Atelier de Mécanique Générale à payer les dépens de l'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.