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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 8 octobre 2024, n° 23/01895

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société de Loisirs Mondamert (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Poirel

Conseillers :

Mme Vallée, M. Breard

Avocats :

Me Janoueix, Me Vollet, Me Pomier

CA Bordeaux n° 23/01895

7 octobre 2024

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 14 janvier 2016, la sarl société de loisirs Mondamert a donné en location-gérance, à la société Monkey's Forest, représentée par MM. [B] et [Z], un fonds de commerce d'exploitation d'un parc acrobatique en hauteur, sous l'enseigne « MONKEY'S FOREST » sis sur la commune de [Localité 3].

Le 21 juillet 2022, la sarl société de loisirs Mondamert a formé une demande en nullité enregistrée sous la référence NL22-0139 contre la marque 'Parcours Aventure Monkey's Forest' n°20/4687645, déposée le 1er octobre 2020.

L'enregistrement de cette marque, dont M. [I] [Z] est titulaire, a été publié au BOPI 2021-03 du 22 janvier 2021.

La demande en nullité porte sur la totalité des services pour lesquels la marque contestée est enregistrée, à savoir :

Classe 41 : divertissement ; activités sportives et culturelles ; mise à disposition d'installations de loisirs ;

Classe 43 : services de restauration (alimentation).

Le demandeur invoquait à l'appui de sa demande les motifs suivants :

- un motif relatif de nullité, à savoir l'atteinte à l'enseigne MONKEY'S FOREST, en raison de l'existence d'un risque de confusion,

- un motif absolu de nullité, à selon lequel 'la marque a été déposée de mauvaise foi'.

Au cours de la phase d'instruction, des observations ont été échangées.

Par décision NL 22-0139 du 27 mars 2023, l'[6] a :

- rejeté la demande en nullité,

- mis à la charge de la Société de Loisirs Mondamert la somme de 550 euros au titre des frais exposés.

Par déclaration enregistrée au greffe le 18 avril 2023, la Société de Loisirs Mondamert a formé un recours contre la décision rendue par l'[6].

Par dernières conclusions déposées le 21 mai 2024, la requérante demande à la cour de :

- l'accueillir en son recours en réformation contre la décision de M. le Directeur Général de l'Institut [6] ([6]) NL 22-0139/SG en date du 27 mars 2023,

En conséquence, infirmer ladite décision et, statuant à nouveau,

- prononcer la nullité du dépôt de la marque « PARCOURS AVENTURE MONKEY'S FOREST »,

- débouter M. [I] [Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [I] [Z] à payer à la Société de Loisirs Mondamert la somme de 3 000 euros, au titre des frais exposés par elle, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions déposées le 5 octobre 2023, M. [I] [Z] demande à la cour de :

- juger non fondé le recours de la société de Loisirs Mondamert contre la décision de M. le Directeur Général de l'Institut [6] ([6]) NL 22-0139/SG en date du 27 mars 2023,

- rejeter ledit recours et confirmer la décision de l'Institut [6] ([6]),

- condamner la société de Loisirs Mondamert à payer à M. [I] [Z] la somme de 4 000 euros, au titre des frais exposés par lui, ainsi qu'aux entiers dépend.

Par courrier transmis au greffe le 13 mai 2024, le directeur général de l'[6] a présenté ses observations dans lesquelles il considère qu'au jour du dépôt de la marque contestée le 1er octobre 2020, il n'est nullement démontré que M. [Z] ait été animé par une intention frauduleuse et qu'il est au contraire probable qu'il ait déposé cette marque en prévision de l'avenant qui accordait à sa société l'exploitation du parc pour une durée indéterminée, afin de conforter ses droits sur le signe MONKEY'S FOREST qui constituait sa dénomination sociale depuis le 12 janvier 2016, soit antérieurement au contrat de location-gérance. En outre l'[6] considère que la société requérante ne démontre pas que l'enseigne antérieure MONKEY'S FOREST a fait l'objet, antérieurement au dépôt de la marque contestée, d'une exploitation effective dont la portée n'est pas seulement locale.

Le 7 juin 2024, le ministère public a indiqué s'en rapporter.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 2 juillet 2024.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 18 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La décision du directeur de l'[6] a rejeté la demande de la société de loisirs Mondamert en nullité de la marque 'PARCOURS AVENTURE MONKEY'S FOREST'

ayant écarté un motif absolu de nullité, à défaut pour la requérante de démontrer la mauvaise foi du déposant au moment du dépôt de la marque et un motif relatif de nullité, à défaut pour la même de démontrer l'usage effectif de l'enseigne 'MONKEY'S FOREST' antérieurement au dépôt de la marque, le 1er octobre 2020, ni davantage au jour de l'action en nullité du 21 juillet 2022.

A l'appui de son appel, la société de loisirs Mondamert poursuit la nullité de la marque « PARCOURS AVENTURE MONKEY'S FOREST » déposée par un locataire gérant qui n'avait pas la libre utilisation du signe 'MONKEY'S FOREST' attaché au fonds de commerce, soit un motif relatif de nullité tenant à un risque de confusion, et un motif absolu de nullité constitué par la mauvaise foi du déposant.

M. [Z] conclut à la confirmation. Il observe que rien dans le contrat de location-gérance ne lui interdisait le dépôt de la marque litigieuse alors que la société appelante n'avait aucun droit sur la marque 'MONKEY'S FOREST' à défaut de justifier de son exploitation antérieurement au dépôt mais également postérieurement, de sorte qu'elle ne saurait se prévaloir d'un préjudice, et qu'aucun élément ne vient démontrer qu'il a déposé la marque de mauvaise foi, alors qu'il était ignorant des règles de droit applicables.

* Sur la nullité pour dépôt frauduleux :

La société de loisirs Mondamert conteste la décision du directeur de l'[6] ayant refusé de faire droit à sa demande en nullité de la marque « PARCOURS AVENTURE MONKEY'S FOREST » soutenant qu'elle n'a pu être déposée que de mauvaise foi par M. [Z] en raison précisément de sa concomitance avec l'avenant ayant modifié la durée initiale de 5 ans du contrat de location gérance pour une durée indéterminée, ce dont il ressort que M. [Z], qui soutient d'ailleurs qu'il ne pouvait savoir que la société dénoncerait le contrat un an après son dépôt de marque, ne l'a pas fait ainsi que retenu par la décision entreprise, pour conforter ses droits en regard de l'avenant portant sur la durée du contrat de location gérance, mais bien dans le souci de priver l'appelante de ses droits sur le signe 'MONKEY'S FOREST'.

Cependant, il est constant que la mauvaise foi, qui constitue un motif absolu et autonome de nullité, s'apprécie globalement au regard de l'ensemble des éléments de l'espèce, au jour du dépôt de la marque, qu'elle ne se présume pas et doit être établie par celui-là même qui s'en prévaut.

Il est admis que la seule connaissance par le déposant de l'utilisation du signe par un tiers, ne suffit pas à le constituer de mauvaise foi et à rendre le dépôt frauduleux, la mauvaise foi supposant d'établir que le dépôt litigieux n'a été effectué que pour détourner la finalité du droit des marques ou dans l'intention de priver définitivement un tiers d'un signe nécessaire à son activité.

Or, tandis qu'aucun élément ressortant du contrat de location gérance ou de ses avenants, tous antérieurs au dépôt en litige, n'interdisait effectivement au locataire gérant de déposer en tant que marque l'enseigne 'MONKEY'S FOREST' sous laquelle

il exploitait le parc d'attraction objet de ces contrats, l'appelante ne démontre nullement la mauvaise foi du déposant qu'elle se contente d'alléguer et qui ne saurait être évincée de la seule concomitance entre la signature de l'avenant le 30 novembre 2020 et le dépôt de la marque le 1er octobre 2020, même si ce dernier est de deux mois antérieur à la signature de l'avenant.

Au contraire, il peut être observé qu'il n'est allégué aucunes dissensions entre les parties au moment du dépôt de la marque litigieuse, le 1er octobre 2020, qui seraient de nature à constituer M. [Z] de mauvaise foi vis à vis de la société Mondamert puisqu'au contraire, ainsi que l'observe le Dr de l'[6], les parties ont convenu dans la même période de prolonger la durée du contrat de location gérance, même si celui-ci n'a été signé que le 30 novembre 2020.

Ainsi n'est-il pas établi que M. [Z] n'a déposé la marque en litige sous laquelle il exploitait le parc accrobranche en location gérance que dans un but étranger au droit des marques ou pour priver la société Mondamert d'un droit sur le signe, de sorte que la décision qui a écarté le motif absolu de nullité du dépôt litigieux est confirmée.

* Sur la nullité pour atteinte à l'enseigne 'MONKEY'S FOREST' :

La société de loisirs Mondamert conteste la décision du Directeur de l'[6] qui a rejeté sa demande de nullité s'agissant du motif relatif de nullité à défaut d'établir une utilisation effective en France de l'enseigne litigieuse pour les activités de parc accrobatique antérieurement au dépôt de la marque, le 1er octobre 2020, ne justifiant pas davantage de son exploitation au jour de l'action en nullité.

Selon les dispositions de l'article L 711-3 du code de la propriété intellectuelle dans sa version applicable au jour du dépôt : ' I.-Ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment :

4° Un nom commercial, une enseigne ou un nom de domaine, dont la portée n'est pas seulement locale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public'.

S'agissant d'une enseigne qui ne fait pas l'objet d'une publicité particulière, le droit antérieur de la société Mondamert sur celle-ci ne peut résulter que d'un usage antérieur effectif auprès du public et pas uniquement au niveau local, de sorte que c'est à tort que la société de Loisirs Mondamert soutient qu'en exigeant qu'elle établisse son utilisation effective antérieure au dépôt litigieux de l'enseigne, la décision entreprise aurait ajouté au texte de l'article L 711-3 une condition qu'il ne contient pas.

Il appartient ainsi au demandeur à la nullité, ainsi que l'a justement rappelé le directeur de l'[6], de justifier, par la production de toutes pièces utiles, de l'exploitation effective antérieure de l'enseigne de portée nationale pour les activités visées à l'appui de sa demande.

Le risque de confusion entre les signes n'est ici effectivement, ni discutable, ni discuté, du fait de leur similarité.

Cependant, s'il résulte du contrat initial de location gérance que l'enseigne 'MONKEY'S FOREST" existait bien pour un parc d'activités acrobatiques en hauteur avant sa date, force est de constater que c'est à bon droit que la décision entreprise a retenu qu'il n'était pas justifié par le demandeur à la nullité de la marque de l'utilisation antérieure effective de cette enseigne au moment du dépôt litigieux, la société de Loisirs Mondamert ne produisant devant la cour aucun élément de nature à justifier d'une telle utilisation, se contentant de souligner que le fonds de commerce 'n'était pas dépourvu d'enseigne' au jour du contrat de location gérance, ce qui n'est pas contesté, et qu'il ne saurait lui être dénié 'un droit particulier' sur l'enseigne MONKEY'S FOREST'. Pas davantage, elle ne justifie d'une utilisation effective de l'enseigne au jour de l'action en nullité.

En l'état de la carence probatoire de la société de loisirs Mondamert, la décision qui a rejeté sa demande en nullité de la marque litigieuse sur ce fondement est en conséquence confirmée.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [Z] les frais irrééptibles qu'il a engagé pour l'exercice de sa juste défense. La société de loisirs Mondamert est en conséquence condamnée à lui payer une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, étant statué en la matière sans dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande en nullité de la marque 'PARCOURS AVENTURE MONKEY'S FOREST' déposée par M. [I] [Z] le 1er octobre 2020 portant sur la totalité des produits et services suivants :

Classe 41 : divertissement ; activités sportives et culturelles ; mise à disposition d'installations de loisirs ;

Classe 43 : services de restauration (alimentation).

Condamne la sarl société de loisirs Mondamert à payer à M. [I] [Z] une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Statue sans dépens.