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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 9 octobre 2024, n° 22/20264

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Va Evenements (SARL)

Défendeur :

Orangerie Val de Loire (SAS), Mtech Events (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Barutel, Mme Bohee

Avocats :

Me Le Goff, Me Vignes, Me Broquet, Me Guyot

TJ Paris, 3e ch. sect. 2, du 13 sept. 20…

13 septembre 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Va Evènements, créée en décembre 1997, est spécialisée dans l'organisation d'évènements, dans lesquels elle propose la location d'espaces et notamment des tentes de réception.

Elle expose avoir créé en 2007 un type de structure temporaire haut de gamme pour laquelle elle a fait appel à un illustrateur technique M. [G] [K], structure commercialisée sous le nom d'«Orangerie éphémère ». Elle a en outre déposé la marque semi-figurative française « L'Orangerie Ephémère » le 23 août 2007.

La société Orangerie Val de Loire est spécialisée dans l'organisation d'évènements destinés à accueillir du public dans des cadres d'exception.

La société Mtech Events, dont la holding a racheté en 2015 l'activité de construction et d'installation de structures verrières de la société Marchegay connue sous le nom commercial « Les Ateliers Delattre », expose avoir une activité de conception et de vente d'orangeries.

La société Va Evènements a été contactée en août 2018 par la société Orangerie Val de Loire en vue de l'installation d'une orangerie éphémère dans le Loiret, et lui a adressé le 14 décembre 2018 une proposition commerciale laquelle a été déclinée en mars 2019.

Reprochant à la société Mtech Events de fabriquer et commercialiser une structure similaire à son « Orangerie éphémère » sur laquelle elle revendique des droits d'auteur, et à la société Orangerie Val de Loire d'avoir acquis une de ces structures installée à [Localité 3] et d'avoir reproduit sur son site internet des photographies de l'Orangerie éphémère, après avoir mis en demeure la société Mtech Events en mars 2019 et avoir pratiqué une saisie-contrefaçon au sein de la société Orangerie Val de Loire le 16 septembre 2020, la société Va Evènements les a assignées le l4 octobre 2020 en contrefaçon de droits d'auteur.

Par jugement contradictoire rendu le 13 septembre 2022, dont appel, le tribunal judiciaire de Paris :

rejette l'ensemble des demandes de la société Va Evènements ;

rejette la demande reconventionnelle de la société Orangerie Val de Loire pour abus;

condamne la société Va Evènements aux dépens ainsi qu'à payer 10 000 euros à la société Orangerie Val de Loire et 10 000 euros à la société Mtech Events au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Va Evènements a interjeté appel de ce jugement le 2 décembre 2022.

Dans ses dernières conclusions, transmises le 8 août 2023, la société Va Evènements, appelante, demande à la cour de :

réformer le jugement entrepris en ce qu'il a « rejet[é] l'ensemble des prétentions de la société VA EVÈNEMENT », et condamné celle-ci à verser à chacune des sociétés MTECH EVENTS et ORANGERIE VAL DE LOIRE une somme de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux dépens.

Et statuant à nouveau, quant à ce :

juger que l'Orangerie éphémère de la société VA EVÈNEMENT est digne de protection au titre du droit d'auteur ;

Et ce faisant :

juger que les actes commis par la société ORANGERIE VAL DE LOIRE, par la reproduction, sur le site Mariage.net, de l'Orangerie éphémère, appartenant à la société VA EVENEMENTS, constituent un acte de contrefaçon.

juger que les actes commis par la société ORANGERIE VAL DE LOIRE, par l'exploitation d'une structure similaire à l'Orangerie éphémère, et par la société MTECH EVENTS, par la fabrication et la commercialisation d'une structure similaire à l'Orangerie éphémère constituent des actes de contrefaçon.

ordonner la destruction de la structure contrefaisante aux frais la société ORANGERIE VAL DE LOIRE dans le mois suivant la décision à intervenir sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir.

condamner la société ORANGERIE VAL DE LOIRE à payer à la société VA EVENEMENTS, la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices matériel qu'elle subit du fait de la reproduction, sur le site Mariage.net, de l'Orangerie éphémère, appartenant à la société VA EVÈNEMENT;

condamner, in solidum, les sociétés ORANGERIE VAL DE LOIRE et MTECH EVENTS à payer à la société VA EVENEMENTS, la somme de 90.000 euros (à parfaire) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel lié au manque à gagner sur l'opération commerciale attachée à la structure située à [Localité 3]

condamner, la société MTECH EVENTS à payer à la société VA EVENEMENTS, la somme de 270.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique et d'image qu'elle subit du fait de la présentation au public, de la fabrication et de la commercialisation de structures contrefaisant l'Orangerie éphémère ;

ordonner aux frais de la société MTECH EVENTS, à titre de complément de dommages-intérêts, l'insertion par extrait ou en entier du jugement à intervenir sur la page d'accueil de son site internet visible à l'adresse url www.ateliersdelattre.fr, le format de la publication ne pouvant être inférieur à 10,5 cm sur 14,85 cm, pendant une durée qui ne saurait être inférieure à un mois.

débouter la société ORANGERIE VAL DE LOIRE de sa demande indemnitaire pour procédure abusive.

Condamner, in solidum, les sociétés ORANGERIE VAL DE LOIRE et MTECH EVENTS à payer à la société VA EVÈNEMENT la somme de 28.666,03 euros (à parfaire) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, comprenant les frais engagés au titre de la requête en saisie-contrefaçon.

condamner in solidum, les sociétés ORANGERIE VAL DE LOIRE et MTECH EVENTS en tous les dépens de l'instance, en ce compris les frais d'huissier engagés dans le cadre des saisies contrefaçon.

Dans ses dernières conclusions, transmises le 8 mars 2024, la société Mtech Events, intimée, demande à la cour de :

À titre principal :

confirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions.

À titre subsidiaire :

débouter la société VA EVÈNEMENT de l'ensemble de ses moyens, fins et prétentions tenant à voir condamner la société MTECH EVENTS pour contrefaçon.

débouter la société ORANGERIE VAL DE LOIRE de sa demande consistant à ce que la société MTECH EVENTS la garantisse en cas de condamnation à son encontre.

En tout état de cause :

condamner la société VA EVÈNEMENT à verser à la société MTECH EVENTS la somme de 14.191,20 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société VA EVÈNEMENT aux entiers dépens.

Dans ses uniques conclusions, transmises le 26 mai 2023, la société Orangerie Val de Loire, intimée, demande à la cour de :

confirmer le Jugement du 13 septembre 2022 en ce qu'il a :

rejeté l'ensemble des demandes de la société VA EVENEMENTS,

condamné la société VA EVÈNEMENT aux dépens ainsi qu'à payer 10.000 € à la société ORANGERIE VAL DE LOIRE et 10.000 € à la société MTECH au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

débouter la société VA EVÈNEMENT de ses demandes, fins et conclusions contraires,

À titre incident :

recevoir la société ORANGERIE VAL DE LOIRE,

réformer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle la société ORANGERIE VAL DE LOIRE,

constater le caractère particulièrement abusif de la procédure ;

condamner la société VA ÉVENEMENTS au paiement d'une somme de 12.000 euros à titre de dommages-intérêts à la société ORANGERIE VAL DE LOIRE.

À titre subsidiaire :

condamner la société MTECH EVENTS à garantir la société ORANGERIE VAL DE LOIRE de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre.

En tout état de cause :

condamner la société VA ÉVENEMENTS à la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile ainsi qu'aux aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Marie-Catherine Vignes, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur l'éligibilité à la protection au titre du droit d'auteur

L'article L.111-l du code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une 'uvre de l'esprit jouit sur cette 'uvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. En application de l'article L.112-l du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soit le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.

En vertu de l'article L.112-2 7° du même code, sont considérées notamment comme 'uvres de l'esprit les 'uvres d'architecture.

Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d'une 'uvre sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale. Néanmoins, lorsque l'originalité d'une 'uvre de l'esprit est contestée, il appartient à celui qui revendique la protection au titre du droit d'auteur d'identifier ce qui caractérise cette originalité.

La cour rappelle enfin que l'originalité peut résulter de la combinaison particulière d'éléments connus, et que la notion d'antériorité est indifférente en matière de droit d'auteur, laquelle requiert de la personne qui se prévaut de cette protection de justifier que l'oeuvre revendiquée présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l'empreinte de la personnalité de son auteur.

Pour démontrer l'originalité de la structure dénommée « L'Orangerie éphémère » la société Va Evènements revendique la combinaison des éléments suivants :

une grande ouverture sur l'extérieur avec des formes de vitres rappelant les orangeries des châteaux, avec des montants verticaux et des hauts de fenêtres arrondis (ou plus précisément elliptiques composés de parties pleines), mais des carreaux de forme rectangulaire sur trois rangées depuis le sol ;

un double toit à quatre pentes, conçu dans l'esprit des Halles du XIXème siècle (style Baltard), surmontant une rangée de fenêtres de formes arrondies rappelant la partie haute des fenêtres inférieures ;

une charpente composée de fermes en treillis sur lesquelles les rosaces à cinq pétales peuvent être insérées comme un détail complémentaire ;

le choix de matériaux (structure en acier et verre et un toit en toile de PVC opaque) et d'une couleur de structure grise au lieu de la traditionnelle couleur verte utilisée pour les structures métalliques présentes, à l'époque, sur le marché de façon à conférer à l'Orangerie Ephémère une apparence résolument moderne ;

l'inclinaison apportée aux barres de séparation des treillis se rattachant à la poutre;

la reprise des arrondis apposés sur les hauts de fenêtres sur les deux niveaux, comblés d'une partie pleine ;

l'apposition de barreaux verticaux décoratifs ;

le choix de la largeur des châssis entourant les vitres, d'une dimension de 83 cm, largeur identique pour les fenêtres et pour les portes doubles battants, cette partie étant redécoupée en deux par l'ajout d'une barre verticale engendrant des carreaux de 41 cm de large ;

l'alignement des fenêtres du haut sur celles du bas.

La cour constate en premier lieu que, comme la société Mtech le fait pertinemment remarquer, les caractéristiques prétendument originales revendiquées par la société Va Evènements sur la structure de « l'Orangerie éphémère » varient au gré des contentieux, et même au sein du présent litige, la société Va Evènements ne revendiquant plus le choix de poteaux ronds, ni de rosaces à cinq pétales qui n'est qu'un « détail complémentaire », et présentant désormais comme caractéristiques originales des éléments nouveaux à savoir, l'inclinaison des barres de séparation des treillis se rattachant à la poutre, l'apposition de barreaux verticaux décoratifs et le choix de la largeur des châssis entourant les vitres d'une dimension de 83 cm avec des carreaux de 41 cm.

La cour, comme les premiers juges, estime que la société Va Evènements décrit les caractéristiques de ses « Orangeries éphémères » sans expliciter toutefois aucun choix artistique, ni aucun processus créatif, et moins encore en quoi ces choix reflèteraient la personnalité d'un auteur, la cour ajoutant que la société Va Evènements se borne à indiquer que son gérant, M. [W] [Z], a donné des instructions à M. [K], illustrateur graphiste, sans préciser la nature et le contenu desdites instructions, l'attestation de M. [K] indiquant que M. [Z] lui a présenté les « détails architecturaux et esthétiques », sans autre précision, ou encore qu'il lui a donné des instructions « sur la forme générale, le dimensionnement et les proportions de la structure, la forme des fenêtres, de la charpente, les rosaces et les jonctions entre les rampants et les poteaux » sans donner aucun élément sur les partis pris esthétiques relatifs à ces instructions qui porteraient l'empreinte de la personnalité de son auteur.

C'est par des motifs pertinents adoptés par la cour que le tribunal a jugé que les éléments descriptifs revendiqués se retrouvent dans les halles de type Baltard, et notamment le double toit à 4 pentes, la structure en acier et les façades en verre donnant une grande ouverture sur l'extérieur, avec des lignes verticales régulières et dont la partie haute est arrondie, la charpente avec une structure en croisillons, inclinée selon la pente du toit, tous éléments qui envisagés ensemble, appartiennent au fonds commun de l'architecture. La cour ajoute que ni l'alignement des éléments hauts avec les éléments bas ou la dimension de 83 cm des châssis entourant les vitres, qui n'étaient pas précédemment revendiqués, et qui ne se retrouvent pas dans toutes les «Orangeries éphémères » et varient donc en fonction de leurs dimensions, ni les choix de la couleur grise et du PVC, qui sont banals et fonctionnels pour des structures extérieures destinés à des réceptions, ni l'inclinaison des barres de séparation des treillis se rattachant à la poutre ou la présence de barreaux verticaux qui sont des éléments techniques dictés par les règles de construction, ne caractérisent des partis pris esthétiques reflétant la personnalité de son auteur.

Les caractéristiques de « l'Orangerie éphémère », prises isolément ou en combinaison, sont dépourvues d'originalité de sorte que l''uvre revendiquée n'est pas éligible à la protection au titre du droit d'auteur. Il convient dès lors de rejeter les demandes fondées sur la contrefaçon de droit d'auteur. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle de la société Orangerie Val de Loire pour procédure abusive

La société Orangerie Val de Loire prétend que la présente procédure a été diligentée de manière abusive pour supprimer toute concurrence sur le marché des orangeries.

La société Orangerie Val de Loire sera cependant déboutée de sa demande à ce titre, faute pour elle de rapporter la preuve d'une faute de la part de la société Va Evènements, qui a pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits, et d'établir l'existence d'un préjudice autre que celui subi du fait des frais exposés pour sa défense. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Va Evènements aux dépens d'appel, et vu l'article 700 du code de procédure civile la condamne à verser la somme de 3 000 euros à la société Mtech Events et la somme de 3 000 euros à la société Orangerie Val de Loire au titre des frais irrépétibles d'appel.