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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 8 octobre 2024, n° 24/00598

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Caisse d'Épargne et de Prévoyance Bretagne Pays de Loire

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Vice-président :

Mme Clement

Conseiller :

Mme Jeorger-Le Gac

Avocats :

Me Couetmeur, Me Naux

CA Rennes n° 24/00598

7 octobre 2024

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 19 décembre 2013, M. [X] a souscrit auprès de la société Caisse d'Epargne et de prévoyance Bretagne Pays de Loire (la Caisse d'Epargne) un contrat de prêt n°4200813 d'un montant principal de 65.000 euros, remboursable en 84 mensualités au taux fixe de 5%. Ce prêt était destiné à financer une augmentation de capital de M. [X] au profit de la société [H] [X] plomberie chauffage dont il était le gérant.

Mme [X] née [O] a donné son accord pour l'engagement des biens de la communauté.

Le 4 février 2015, la société [H] [X] plomberie chauffage a été placée en liquidation judiciaire.

Le 15 janvier 2018, la Caisse d'Epargne a prononcé la déchéance du terme et mis en demeure M. [X] de rembourser l'intégralité des sommes prêtées.

Le 6 octobre 2022, la Caisse d'Epargne a assigné M. [X] en paiement. Mme [O] est intervenue volontairement à la procédure.

Par jugement du 17 janvier 2024, le tribunal de commerce de Saint-Nazaire a :

- Débouté M. et Mme [X] de leur demande à titre principale de prescription de l'action de la banque,

- Jugé la Caisse d'Epargne recevable et bien fondée en ses demandes,

- Débouté M. et Mme [X] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- Condamné M. et Mme [X] à payer à la Caisse d'Epargne les sommes suivantes :

- 3.210,06 euros au titre des échéances impayées avec intérêts de retard au taux contractuel (5%) majoré de trois points à compter du 20 décembre 2017 jusqu'à parfait paiement,

- 31.441,11 euros au titre du capital restant dû au 10 décembre 2017 avec un taux contractuel (5%) majoré de trois points à compter du 20 décembre 2017 jusqu'à parfait paiement,

- Débouté la Caisse d'Epargne de sa demande d'indemnité de défaillance à hauteur de 1.572,06 euros,

- Ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 15 janvier 2018 date de la mise en demeure,

- Dit qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné l'exécution provisoire qui est de droit,

- Condamné M. et Mme [X] aux entiers dépens de l'instance.

M. et Mme [X] ont interjeté appel le 29 janvier 2024.

M. et Mme [X] ont déposé leurs dernières conclusions le 24 avril 2024. La Caisse d'Epargne a déposé ses dernières conclusions le 15 mai 2024.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 juin 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS :

M. et Mme [X] demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- A titre principal :

- Débouter la Caisse d'Epargne de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- A titre subsidiaire :

- Dire et juger que les biens de la communauté des époux [X] ne sauraient être engagés au bénéfice de la Caisse d'Epargne,

- Condamner à titre reconventionnel la Caisse d'Epargne à verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages intérêts à M. [X],

- Débouter la Caisse d'Epargne de toutes demandes, fins et conclusions contraires, et mettre à néant la majoration d'intérêts et l'indemnité de défaillance, clauses pénales au caractère manifestement,

- Ordonner la compensation partielle des dettes respectives,

- En toute hypothèse :

- Débouter la Caisse d'Epargne de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner la Caisse d'Epargne à verser aux époux [X] une somme de 8.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en indemnisation des frais de première instance et d'appel,

- Condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel conformément aux dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure civile.

La Caisse d'Epargne demande à la cour de :

- Réformer le jugement en ce qu'il a statué ultra petita en condamnant Mme [X] au paiement,

- Juger la Caisse d'Epargne recevable et bien fondée en ses demandes,

- Débouter M. et Mme [X] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- Confirmer le jugement rendu en ce qu'il a condamné M. [X] à payer à la Caisse d'Epargne les sommes suivantes :

- 3.210,06 euros au titre des échéances impayées avec intérêts de retard au taux contractuel (5%) majoré à compter de trois points du 20 décembre 2017 jusqu'à parfait paiement, au titre des échéances impayées,

- 31.441,11 euros au titre du capital restant dû au 10 décembre 2017 avec au taux contractuel (5%) majoré de 3 points à compter du 20 décembre 2017 et jusqu'à parfait paiement,

- Réformer le jugement rendu en ce qu'il a débouté la banque de sa demande au titre de l'indemnité de défaillance de 1.572,06 euros,

- Statuant à nouveau :

- Condamner M. [X] à payer à la Caisse d'Epargne la somme de 1.572,06 euros au titre de l'indemnité de défaillance,

- Réformer le jugement en ce qu'il a dit qu'il n'y avait pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Statuant à nouveau :

- Condamner M. [X] à payer à la Caisse d'Epargne la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 15 janvier 2018 date de la mise en demeure,

- Condamner M. [X], aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Sur la condamnation de Mme [X] :

Le tribunal de commerce de Saint-Nazaire a condamné M. et Mme [X] au paiement de la somme de 3.210,06 euros, au titre des échéances impayées, et de la somme de 31.441,11 euros, au titre du capital restant dû.

Or, le juge ne doit pas se prononcer sur ce qui ne lui est pas demandé :

Article 4 du code de procédure civile :

L'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Article 5 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur depuis le 1 janvier 1976 et applicable en l'espèce :

Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

Lorsque le juge s'est prononcé sur des choses non demandées, il y a lieu à retranchement des dispositions en cause :

Article 463 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur depuis le 15 septembre 1989 et applicable en l'espèce :

La juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s'il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

La demande doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l'arrêt d'irrecevabilité.

Le juge est saisi par simple requête de l'une des parties, ou par requête commune. Il statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées.

La décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. Elle est notifiée comme le jugement et donne ouverture aux mêmes voies de recours que celui-ci.

Article 464 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur depuis le 15 septembre 1989 et applicable en l'espèce :

Les dispositions de l'article précédent sont applicables si le juge s'est prononcé sur des choses non demandées ou s'il a été accordé plus qu'il n'a été demandé.

La Caisse d'Epargne n'a pas présenté de demande de condamnation au fond de Mme [O], que ce soit en première instance ou en appel.

Il y a lieu de rétracter le jugement en ce qu'il a prononcé des condamnations contre Mme [O].

Sur l'obligation d'information et de conseil de la banque :

M. [X] fait valoir que la banque n'aurait pas respecté son obligation d'information et de conseil.

L'établissement bancaire a une obligation d'information envers l'emprunteur, qu'il soit profane ou non.

L'obligation d'information consiste pour l'établissement bancaire à donner à l'emprunteur toutes les informations objectives sur l'opération et le contrat envisagé, lesquelles doivent être claires, précises et complètes. Ces informations doivent permettre à l'emprunteur de décider, notamment de l'octroi d'un crédit, en toute connaissance de cause.

Il apparaît que le prêt, ainsi que les garanties OSEO BPI qui l'accompagne, font l'objet de conditions générales permettant à M. [X], emprunteur, de bénéficier d'informations précises et complètes quant à leur mise en oeuvre et fonctionnement.

M. [X] a apposé son paraphe sur chacune des feuilles du contrat composées des conditions générales portant sur le prêt et la garantie. Ces paraphes établissent qu'il a pris connaissance de ces conditions.

M. [X] a également apposé une mention manuscrite et sa signature à la suite des conditions générales portant sur le prêt, tout comme c'est également le cas à la suite des conditions générales portant sur les garanties OSEO BPI.

Ainsi, M. [X] a pu contracter en toute connaissance de cause.

La Caisse d'Epargne n'a pas manqué à son obligation d'information et de conseil.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l'obligation de mise en garde de la banque :

M. [X] fait valoir que la banque n'aurait pas respecté son obligation de mise en garde.

La banque dispensatrice de crédit n'est tenue d'un devoir de mise en garde qu'à la double condition que son cocontractant soit une personne non avertie et qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.

Pour apprécier la qualité de l'emprunteur, il y a lieu de tenir compte d'un faisceau d'indices. L'emprunteur averti étant celui qui dispose de compétences et connaissances étendues du domaine de la finance et de la direction d'entreprise.

L'appréciation du risque d'endettement né de l'octroi du crédit s'effectue, quant à lui, par la prise en considération des revenus et du patrimoine de l'emprunteur.

M. [X], dirigeant de la société [H] [X] plomberie chauffage depuis 2005, se qualifie en tant que 'commercial dirigeant'.

Il était dirigeant de la société depuis près de huit années lorsque le prêt litigieux lui a été consenti. De par cette qualité, il avait du faire face aux difficultés financières rencontrées par la société en 2007 suite à la création d'un magasin de vente de linge de salle de bain. M. [X] avait donc décidé de l'arrêt de cette activité pour un retour à l'activité de base, la plomberie, cela ayant permis une augmentation de la marge de 72,5% sur le dernier exercice. Enfin, M. [X] avait fait preuve d'une bonne maîtrise de ses charges afin de réduire le déficit, notamment en procédant à une rupture conventionnelle du contrat de travail d'un salarié.

De par ces éléments, M. [X] apparaît comme un emprunteur averti disposant de connaissances dans le domaine de la finance, celui-ci ayant permis à sa société de se stabiliser financièrement, et de compétences dans la direction d'entreprise, celui-ci étant le dirigeant depuis 2005.

La Caisse d'Epargne n'était donc pas tenue d'une devoir de mise en garde à son profit. M. [X] ne se prévaut par ailleurs pas d'informations sur sa situation personnelle ou celle de son entreprise qu'aurait détenues la Caisse d'Epargne et que lui même aurait ignorées.

En outre, M. [X] n'apporte pas la preuve selon laquelle l'octroi du crédit par la banque entraînerait un risque d'endettement du fait de son inadéquation avec ses propres capacités financières.

En effet, M. [X] fait simplement valoir que la banque aurait manqué à son obligation de mise en garde, au motif qu'elle ne lui aurait pas fait par du risque d'endettement résultant d'une hypothétique liquidation de la société. En effet, une clause particulière est intégrée au contrat, laquelle énonce que le versement des fonds s'effectuera 'par chèque de banque à l'ordre de la SARL [H] [X] plomberie chauffage, sur demande écrite de l'emprunteur'. Or, l'emprunteur n'est autre que M. [X], c'est donc lui qui, par sa main, a demandé à ce que le capital soit directement reversé à la société. Il était donc pleinement conscient qu'en cas de liquidation de la société, le capital disparaîtrait, et qu'il ne percevrait plus de revenu mensuel.

Ainsi, cet élément ne permet pas d'établir que les capacités financières de M. [X], au moment de la souscription du prêt, n'étaient pas en adéquation avec le prêt.

Enfin, le consentement du conjoint au cautionnement donné par un époux en faveur d'une société n'a pas pour effet de conférer la qualité de partie à l'acte de ce conjoint qui n'est créancier d'aucune obligation d'information ou de mise en garde à l'égard de la banque bénéficiaire du cautionnement.

Dès lors, Mme [X] née [O], ne peut prétendre être créancière d'une obligation de mise en garde.

Par ces éléments, la Caisse d'Epargne n'a pas manqué à son obligation de mise en garde.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la possible présentation fautive des garanties :

M. [X] fait valoir que la Caisse d'Epargne lui aurait fait une présentation fausse des garanties attachées au prêt.

Pour ce faire M. [X] énonce que la banque aurait assuré aux époux que le prêt concédé ne présentait aucun risque, compte tenu des garanties et de leur quantum. Par ailleurs, M. [X] expose que la banque aurait commis une faute en informant tardivement le Garant, réputant, de ce fait, y avoir renoncé de plein droit.

Pour autant, il y a lieu de rappeler que M. [X] a apposé son paraphe à la suite des conditions générales portant sur la garantie et qu'il a également fait mention de son accord et de sa signature. Ces éléments permettent d'affirmer que M. [X] a pris connaissance du fonctionnement des garanties.

Concernant la mise en oeuvre des garanties, il apparaît que M. [X] fait une erreur terminologique. En effet, l'article 8 alinéa 2 des conditions générales des garanties prévoit qu'après un délai d'un an à compter d'un des événements permettant la mise en jeu de la garantie, l'établissement intervenant qui n'a pas mis en jeu la garantie est réputée de plein droit y avoir renoncé. Cette mise en jeu renvoie donc à une simple information de l'établissement de crédit envers le garant, l'informant par exemple du non respect par le bénéficiaire de ses obligations.

L'intervention en paiement du garant, c'est-à-dire le recouvrement de la créance ou encore le règlement de la perte finale, est prévue à l'article 10 des conditions générales des garanties. Cette intervention du garant n'est envisageable que lorsque toutes les poursuites utiles contre l'emprunteur, ont été épuisés, les garants devant alors régler la perte finale et les intérêts au prorata de leur part de risque (alinéa 9 de l'article 10).

Ainsi l'intervention des garants ne pourra avoir lieu qu'après échec de toutes les poursuites utiles, dont l'action en justice fait partie. La mise en jeu des garanties n'influence, en rien, le montant réclamé par la banque à l'emprunteur.

En tout état de cause, l'article 2 alinéa 5 des conditions générales des garanties énonce expressément que la garantie ne bénéficie qu'à l'établissement intervenant, elle ne pet en aucun cas être invoquée par les tiers, notamment par le bénéficiaire et ses garants pour contester tout ou partie de leur dette.

Cet argument sera donc rejeté.

Sur la possible immixtion de la banque dans la gestion des affaires et le soutien abusif :

M. [X] fait valoir que la Caisse d'Epargne se serait immiscée dans la gestion des affaires de la société [H] [X] plomberie chauffage.

C'est cependant M. [X] qui était bénéficiaire du prêt litigieux. L'éventuelle immixtion de la Caisse d'Epargne dans la gestion de la société [H] [X] plomberie chauffage serait donc sans incidence sur la situation de M. [X] vis à vis de l'établissement prêteur.

En outre, l'immixtion dans la gestion d'une société est l'exercice indu du pouvoir que le droit reconnaît normalement au dirigeant social régulièrement désigné, l'auteur de l'immixtion s'approprie donc un pouvoir de direction sur la société.

Il apparaît que la Caisse d'Epargne a effectué une instruction de dossier pour présenter l'acquéreur et l'objet du financement.

Il en résulte que M. [X], dirigeant de la société, a réussi à stabiliser le déficit financier de sa société, et assurer un résultat positif en 2013. Néanmoins, les fonds propres de la société restent négatifs avec une valeur de -65.000 euros. Ainsi, il est conclu que le financement en augmentation de capital permettra à la société de stabiliser les fonds propres, auquel s'ajouteront les bénéfices à avenir que le résultat positif de 2013 laisse supposer. De ce fait, il existe, pour la banque, un réel espoir de rétablissement de la société.

Pour assurer ce mode de financement, une clause particulière a intégré au contrat. Celle-ci énonce que 'le versement des fonds par chèque de banque à l'ordre de la SARL [H] [X] plomberie chauffage sur demande écrite de l'emprunteur'.

Néanmoins, cette instruction, tout comme cette clause contractuelle litigieuse avait pour seul objet le contrôle de l'emploi des fonds empruntés, ce qui ne correspond pas à la notion d'immixtion. En effet, la disposition en cause n'est pas susceptible de conférer à la banque un pouvoir de direction sur l'activité de son client.

Il n'est par ailleurs pas justifié d'une augmentation de capital de la société [H] [X] Plomberie à la suite de déblocage des fonds. Au 31 décembre 2013 M. [X] disposait d'une compte courant créditeur dans les comptes de la société [H] [X] Plomberie pour près de 84.000 euros. Cette somme laisse supposer que l'apport résultant du prêt a été rentré en comptabilité comme apport en compte courant de M. [X] et non pas comme augmentation de capital. L'accord passé entre M. [X] et la Caisse d'Epargne pour financer une augmentation de capital n'a donc pas été respecté par M. [X] ce qui montre qu'il avait conservé une autonomie de décision quant à l'emploi des fonds provenant de l'emprunt litigieux.

Enfin concernant le soutien abusif, l'article L.650-1 du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur depuis le 15 février 2009 et applicable en l'espèce, dispose que :

Lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.

Pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge.

En l'occurrence, lorsqu'une procédure collective est ouverte, l'article L 650-1 du code de commerce est seul applicable à l'action en responsabilité engagée contre la banque à raison des préjudices subis du fait des concours consentis. Seule la fraude, l'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou la disproportion des garanties prises en contrepartie des concours peuvent justifier la mise en cause de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit. Un tel soutien abusif, lorsqu'il est établi, est sanctionné par la nullité ou la réduction des concours préjudiciables, et non par l'octroi de dommages-intérêts.

En l'absence d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur, la banque ne peut donc pas être poursuivie pour soutien abusif.

Ces arguments doivent donc être rejetés.

Sur la possible violence économique :

M. [X] fait valoir que la Caisse d'Epargne aurait usé de sa dépendance économique pour lui faire signer le prêt.

L'abus de l'état de dépendance étant, en 2013, affirmé par la jurisprudence. La Cour de cassation a estimé que 'seule l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, peut vicier de violence son consentement'.

Ainsi pour établir un tel abus trois conditions doivent être réunies. L'emprunteur doit être dans une situation de dépendance économique, la banque doit abusée de cette dépendance et enfin, cet abus doit permettre l'octroi d'un avantage manifestement excessif.

C'est à celui qui prétend être victime d'un tel abus de le prouver.

Article 9 du code de procédure civile dans sa version en vigueur depuis le 1 janvier 1976 et applicable en l'espèce :

Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

La société [H] [X] Plomberie Chauffage était dans une situation de trésorerie difficile lorsque le prêt a été octroyé. Sa situation financière était cependant en voie d'amélioration. Ce n'est qu'en début d'année 2015 que la société a été placée en liquidation judiciaire. On peut noter qu'au 31 décembre 2014 le compte courant de M. [X] dans les comptes de sa société n'était plus créditeur que de près de 49.000 euros. Au cours de l'année 2014 il avait ainsi pu recevoir près de 35.000 euros au titre de remboursement de son compte courant. De même, le résultat de l'exercice clos au 31 décembre 2013 était négatif de près de 8.000 euros, celui de l'exercice clos au 31 décembre 2014 était positif de près de 11.000 euros. La situation était en voie d'amélioration. La Caisse d'Epargne n'a pas fait pression sur M. [X] pour exploiter une situation irrémédiablement compromise.

M. [X] n'établit pas la violence économique dont il se prévaut.

Cette demande doit être rejetée.

En tout état de cause, la fautes qu'aurait pu commettre la Caisse d'Epargne ne permettent que de se résoudre en éventuel paiement de dommages intérêts, et non pas en rejet des demandes de paiement formées par la Caisse d'Epargne.

Sur la demande en condamnation de la Caisse d'Epargne :

M. [X] fait valoir qu'en vertu des différents manquements qu'il a relevés, il est fondé à solliciter la condamnation de la caisse d'avoir à lui verser une somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Il apparaît néanmoins, que les manquements relevés par l'emprunteur ne sont pas établis.

Il y a donc lieu de rejeter cette demande.

Sur l'indemnité de recouvrement :

M. [X] fait valoir que la clause fixant une indemnité conditionnelle de recouvrement devrait être analysée comme une clause pénale.

La clause insérée dans un contrat de prêt bancaire prévoyant l'attribution d'une indemnité forfaitaire correspondant à une fraction du capital restant dû en cas d'exigibilité anticipée ou d'ordre amiable ou judiciaire sanctionnant le défaut ou le retard de paiement, constitue une clause pénale que le juge commissaire, conformément aux dispositions de l'article 1152 ancien du code civil, peut réduire si elle est manifestement excessive.

Article 1152 du code civil, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016 et applicable en l'espèce :

Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

Le caractère manifestement excessif de la clause pénale résulte de la disproportion manifeste entre l'importance du préjudice effectivement subi par celui qui l'invoque et le montant conventionnellement fixé.

Est interdite toute clause qui modifie les conditions de poursuite d'un contrat en cours en diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur du seul fait de son placement en procédure collective. Il importe peu que la clause discutée concerne l'indemnité forfaitaire d'exigibilité ou la majoration des intérêts prévus au contrat, le principe précité étant applicable à tout type de clause. Ainsi, la clause pénale qui prévoit une majoration du taux d'intérêt en cas de retard est valable si elle n'est pas prévue pour le seul cas où l'emprunteur serait placé en procédure collective.

Les indemnités dites de recouvrement sont définies comme suit aux conditions générales : 'Toute somme exigible et non payée à bonne date ainsi que tout frais et débours qui seraient avancés par le prêteur à l'occasion du présent prêt, supporteront de plein droit des intérêts de retard au taux du prêt majoré de trois points, sans qu'aucune mise en demeure soit nécessaire'.

Ainsi stipulée, cette clause apparaît à la fois comme un moyen de contraindre l'emprunteur à l'exécution spontanée, moins coûteuse pour lui, et comme l'évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par le prêteur du fait de l'obligation d'engager une procédure, ce dont il résulte qu'elle doit être qualifiée de clause pénale, par là même susceptible de modération par le juge s'il l'estime manifestement excessive.

Tel est le cas en l'espèce dès lors qu'elle vient s'ajouter à une majoration d'intérêt de trois points, déjà très coûteuse pour un débiteur en difficulté.

Il convient en conséquence de réduire l'indemnité de défaillance réclamée à la somme de 500 euros par application de l'article 1152 ancien du code civil, outre intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2022, date de l'assignation valant sommation de payer.

Sur la capitalisation des intérêts :

La capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière est de droit dès lors qu'elle est demandée.

En tout état de cause, au vu des circonstances, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à cette demande.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de condamner M. [X], partie succombante, aux dépens d'appel et de rejeter les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

- Retranche les dispositions du dispositif du jugement qui ont :

- Condamné Mme [X] à payer à la Caisse d'Epargne les sommes suivantes :

- 3.210,06 euros au titre des échéances impayées avec intérêts de retard au taux contractuel (5%) majoré de trois points à compter du 20 décembre 2017 jusqu'à parfait paiement,

- 31.441,11 euros au titre du capital restant dû au 10 décembre 2017 avec un taux contractuel (5%) majoré de trois points à compter du 20 décembre 2017 jusqu'à parfait paiement,

- Condamné Mme [X] aux entiers dépens de l'instance,

- Dit que le présent arrêt sera transcrit en marge ou à la suite de la décision rectifiée,

- Infirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Caisse d'Epargne et de prévoyance Bretagne Pays de Loire de sa demande d'indemnité de défaillance à hauteur de 1.572,06 euros,

- Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant :

- Condamne M. [X] à payer à la société Caisse d'Epargne et de prévoyance Bretagne Pays de Loire la somme de 500 euros au titre de l'indemnité de défaillance, outre intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2022,

- Rejette les autres demandes des parties,

- Condamne M. [X] aux dépens d'appel.