Décisions
CA Montpellier, 2e ch. civ., 10 octobre 2024, n° 23/05842
MONTPELLIER
Arrêt
Autre
ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre civile
ARRET DU 10 OCTOBRE 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 23/05842 - N° Portalis DBVK-V-B7H-QBCS
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 NOVEMBRE 2023 JUGE DE LA MISE EN ETAT DE CARCASSONNE
N° RG 19/01430
APPELANTE :
S.C.P. [J] - [Z] prise en la personne de ses deux liquidateurs amiables [I] [J] et [B] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Yves SINSOLLIER de la SELARL SELARL SINSOLLIER-PEREZ, avocat au barreau de NARBONNE
INTIMEE :
LE FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTENEA, ayant pour société de gestion, la société EQUITIS GESTION SAS, société par actions simplifiée dont le siège social est situé [Adresse 4] [Localité 5], immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro B 431 252 121, représentée par son recouvreur la société MCS ET ASSOCIES, société par actions simplifiée, immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 334 537 206, ayant son siège social à [Localité 6] [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, venant aux droits de la SOCIETE GENERALE en vertu d'un bordereau de cession de créances en date du 3 août 2020 soumis aux dispositions du Code Monétaire et financier
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Véronique LAVOYE de la SCP DE MARION-GAJA-LAVOYE-CLAIN-DOMENECH-MEGNIN, avocat au barreau de CARCASSONNE
ordonnance de clôture du 20 Juin 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 JUIN 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre
Madame Nelly CARLIER, Conseiller
Mme Virginie HERMENT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Laurence SENDRA
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 30 août 2012, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a consenti à la SCP [J]-[Z], un contrat de prêt d'investissement pour un montant de 45 000 euros, remboursable sur une durée de sept années, au taux de 3,30 % l'an.
Par exploit d'huissier en date du 16 octobre 2019, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a fait assigner la SCP [J] [Z], prise en la personne de ses liquidateurs en exercice Me [I] [J] et Me [B] [Z], devant le tribunal judiciaire de Carcassonne en remboursernent des sommes restant dues au titre du prêt.
Le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA est intervenu volontairement aux côtés de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE.
La SCP [J] [Z] a saisi le juge de la mise en état afin qu'il dise que le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA ne démontrait pas détenir d'obligation à son encontre, qu'il juge qu'il n'avait pas qualité à agir et qu'il dise et juge que la créance il dont se prévalait était prescrite du fait de la dissolution de la SCP [J] [Z] intervenue le 30 juin 2013.
Aux termes d'une ordonnance rendue le 14 novembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Carcassonne a :
- prononcé la mise hors de cause de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE,
- déclaré irrecevable la demande relative à l'obligation à paiement de la SCP [J] [Z],
- rejeté les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à agir du FONDS COMMUN DE TITRISATION,
- déclaré non prescrite l'action en paiement diligentée par le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA,
- rejeté la demande de sursis à statuer,
- condamné le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA aux dépens de l'incident,
- condamné la SCP [J] [Z] à payer au fonds commun de titrisation CASTANEA une indemnité de 1 500 euros en application de l'artic1e 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 4 décembre 2023, la SCP [J] [Z] a relevé appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.
Par ordonnance rendue en date du 13 décembre 2023, l'affaire a été fixée à l'audience du 27 juin 2024 en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.
Vu les conclusions notifiées le 11 juin 2024 par la partie appelante;
Vu les conclusions notifiées le 19 janvier 2024 par la partie intimée ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 13 décembre 2023 ;
PRETENTIONS DES PARTIES
La SCP [J] [Z] conclut à l'infirmation de l'ordonnance et demande à la Cour statuant à nouveau de :
A titre principal, sur le défaut de qualité à agir :
- constater que le fonds commun de titrisation Castanea ne démontre pas détenir une créance à son encontre,
- constater que le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA ne justifie pas d'une information préalable à son égard,
- constater que le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA, à défaut de notification valable, n'est pas constitué dans la présente instance.
- constater que le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA n'a pas notifié la cession de créance.
- réformer l'ordonnance du juge de la mise en état en date du 14 novembre 2023, sur ces points.
A titre subsidiaire :
- constater que l'action du FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA est prescrite pour avoir rompu ses relations contractuelles de manière unilatérale au 24 août 2014,
- réformer l'ordonnance du juge de la mise en état en date du 14 novembre 2023, sur ce point.
A titre extrêmement subsidiaire :
- constater que le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA ne produit qu'une partie des documents à l'appui de ses demandes et qu'il en a été demandé la communication intégrale,
- réformer l'ordonnance du juge de la mise en état en date du 14 novembre 2023, sur ce point
et ordonner le sursis à statuer jusqu'à la communication des pièces.
La SCP [J] [Z] fait valoir que pour justifier de sa qualité à agir le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA doit produire les document établissant la cession de créance dont il se prévaut, ce qu'il ne fait pas, se contentant de produire des documents tronqués.
Le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA doit également justifier, conformément à l'article L 214-172 du code monétaire et financier, en son alinéa 6, de l'information du débiteur de l'entité chargée du recouvrement préalablement à l'introduction de l'action en justice visant au recouvrement, et en l'espèce, l'avis de réception produit ne permet pas d'établir la preuve de l'envoi du courrier du 9 septembre 2020.
Son action est en conséquence irrecevable.
L'appelante soutient que le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA n'est pas partie à l'instance puisqu'il ne s'est pas constitué au sens de l'article 760 du code de procédure civile et qu'aucun acte de constitution n'a été déposée dans le cadre de cette instance. La preuve de l'envoi du courrier du 9 septembre 2020 n'est pas rapportée et la notification de la lettre d'information par notification entre avocats ne permet pas de régulariser la situation.
En ce qui concerne la prescription, l'appelante soutient que le délai de cinq ans a commencé à courir à compter de sa dissolution survenue le 30 juin 2013, la dissolution rendant immédiatement exigibles les sommes éventuellement dues, de sorte que l'action en paiement est prescrite. A tout le moins, le point de départ de la prescription remonte au 24 août 2014, soit 60 jours après le courrier du 24 juin 2014, par lequel la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a cessé unilatéralement toute relation de compte avec la SCP.
Ainsi, l'appelante soutient que la déchéance du terme ne peut être intervenue le 21 juin 2019 comme le premier juge l'a retenu, puisque le compte ne fonctionnait plus depuis le 24 août 2014. Elle ajoute que les relevés bancaires produits correspondent aux besoins de la cause et sont incohérents.
Enfin, elle sollicite un sursis à statuer afin que le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA produise l'intégralité des pièces fondant sa créance, pour lui permettre d'assurer sa défense.
Le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA demande à la cour de :
- débouter la SCP [J] [Z] de son appel et de l'ensemble de ses demandes,
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Carcassonne le 14 novembre 2023,
- condamner la SCP [J] [Z] à payer au FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que son intervention est recevable puisqu'il a déposé des conclusions d'intervention volontaire devant le juge de la mise en état qui ont été notifiées au greffe et aux avocats constitués par message RPVA du 26 janvier 2021.
Il ajoute que la société de gestion est légalement habilitée à représenter le fonds de titrisation par les dispositions de l'article L. 214-172 du code monétaire et financier qui prévoit qu'à tout moment, tout ou partie du recouvrement peut être assuré directement par la société de gestion en tant que représentant légal de l'organisme ou peut être confié par elle à une autre entité désignée à cet effet. La qualité à agir en recouvrement de la créance du fonds commun de titrisation Castanea représenté par sa société de gestion n'est donc pas contestable.
L'intimé conclut que par lettre recommandée du 9 septembre 2020, la cession de créance a été portée à la connaissance de la SCP [J] [Z], et que dans l'acte de dépôt de l'acte de cession de créance reçu par Maître [K], notaire, en date du 25 septembre 2020, figure la désignation de la créance détenue envers la SCP [J] [Z] faisant partie du portefeuille cédé. De plus, la notificaton de la cession de créance a été faire par LRAR au siège social de la SCP [J] [Z].
L'intimé soutient que la créance n'est pas prescrite, car la Société générale s'est prévalue de la déchéance du terme le 21 juin 2019 et cette date constitue le point de départ de la prescription. La banque a agi dans le délai de 5 ans qui lui était imparti.
Par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la Cour entend se référer aux dernières écritures des parties ci dessus visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions qu'elles ont développés.
DISCUSSION
Sur la régularité de la procédure devant le juge de la mise en état :
C'est par des motifs pertinents que le premier juge a observé que le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA est intervenu volontairement à la procédure par conclusions régulièrement notifiées, respectant ainsi les dispositions de l'article 66 et 68 alinéa 1 du Code de procédure civile.
Aucune disposition textuelle ne vient contraindre l'intervenant volontaire à formaliser une constitution par un acte séparé de ses conclusions d'intervenant.
La décision sera confirmée en ce qu'elle a jugé l'intervention volontaire régulière.
Sur le défaut de qualité :
Selon les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Il convient de rappeler que la qualité à agir n'est pas subordonnée à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.
En l'espèce, le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA se prévaut d'une cession à son profit par la société générale de la créance que cette dernière détenait contre la SCP [J] [Z]. Elle dispose en conséquence de la qualité à agir à l'encontre de la débitrice, et il lui appartiendra de démontrer devant les juges du fond le bien fondé de sa demande, question de fond qui ne relève pas des pouvoirs du juge de la mise en état.
Sans qu'il y ait lieu d'examiner les conditions de la cession et le caractère fondé de la créance, il convient de confirmer la décision du juge de la mise en état qui a rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité.
Il résulte des dispositions de l'article L 214-172 du code monétaire et financier que la société de gestion, en tant que représentant légal de l'organisme, peut également recouvrer directement toute créance résultant d'un prêt consenti par lui ou en confier, à tout moment, tout ou partie du recouvrement par voie de convention à une autre entité désignée à cet effet, en cas de changement de toute entité chargée du recouvrement en application des premier et
deuxième alinéas, chaque débiteur concerné est informé de ce changement par tout moyen, y compris par acte judiciaire ou extrajudiciaire.
Outre que ce texte n'édicte aucune condition de recevabilité de l'action en justice destinée à obtenir paiement de la créance, il en résulte que la société de gestion représente de droit l'organisme de financement, de sorte que la fin de non recevoir sera rejetée à ce titre.
Sur la prescription :
L'article 2224 du code civil, issu de la loi du 17 juin 2008 dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Le contrat de prêt conclu entre la SCP [J] [Z] et la SOCIETE GENERALE stipulait en son article 12.2.1 que l'emprunteur s'engageait à informer la banque dans un délai de 15 jours de toutes les transformations juridiques le concernant, et en son article 13.1 que les sommes empruntées seront exigibles par anticipation en cas de liquidation amiable.
Selon les dispositions de l'article 1134 du Code civil, les conventions s'exécutent de bonne foi. La société appelante ne justifie pas de l'information de la dissolution faite à sa créancière, sur laquelle ne reposait aucune obligation de s'informer. Il n'est pas contesté que la SCP [J] [Z] a poursuivi le règlement des échéances du prêt au delà de la liquidation, emportant reconnaissance de la dette et absence de réclamation de toute résiliation.
Dès lors, le point de départ de la prescription ne saurait être arrêté à la date de la dissolution du 30 juin 2013.
Si par application des dispositions de l'article 13.2 du contrat liant les parties, la banque pouvait prononcer la résiliation du contrat de prêt en cas d'inexécution par son client d'un autre engagement à son égard, il s'agit d'une simple faculté qui est mise en oeuvre 'si bon lui semble'.
En l'espèce, si par lettre du 24 juin 2014, la Société Générale a notifié à la SCP [J] [Z] la fin de leur relation de compte, aucune conséquence n'en a été tirée quant à la déchéance du terme du contrat de prêt. Contrairement à ce qui est prétendu par la société appelante, la clôture du compte ne faisait pas obstacle au paiement des échéances du prêt par un autre moyen . La date du 24 juin 2014 ne saurait en conséquence déterminer le point de départ du délai de prescription.
Bien qu'elle ait adressé à la débitrice une lettre de mise en demeure du 28 septembre 2017 par laquelle elle sollicite le règlement des échéances impayées du prêt et les intérêts de retard, ce n'est que le 21 juin 2019, par lettre adressée au siège social de la SCP [J] [Z] que la SOCIETE GENERALE s'est prévalue de la déchéance du terme, rendant en conséquence la totalité de la dette immédiatement exigible.
Le premier juge, qui a relevé que l'action en paiement avait été introduite par la SOCIETE GENERALE le 16 octobre 2019, soit dans le délai de cinq ans de la déchéance du terme, doit être approuvé en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription.
Sur le sursis à statuer :
Selon les dispositions de l'article 378 du Code de procédure civile, la décision de sursis à statuer suspend le cours de l'instance pour le temps où jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine. Hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges apprécient discrétionnairement l'opportunité du sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne justice.
En l'espèce, et rejoignant l'appréciation pertinente du premier juge, les parties ont échangé leurs pièces depuis plusieurs mois et la réclamation de nouvelle production des mêmes pièces, dont le tribunal appréciera la valeur probante, n'est pas judicieuse.
La décision sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :
La SCP [J] [Z], qui succombe au principal en son recours, sera condamnée aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à verser une somme de 2.500 euros au FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, compte tenu de l'équité.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme la décision en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SCP [J] [Z] aux dépens et à payer une somme de 2.500 euros au FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le greffier La présidente
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre civile
ARRET DU 10 OCTOBRE 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 23/05842 - N° Portalis DBVK-V-B7H-QBCS
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 NOVEMBRE 2023 JUGE DE LA MISE EN ETAT DE CARCASSONNE
N° RG 19/01430
APPELANTE :
S.C.P. [J] - [Z] prise en la personne de ses deux liquidateurs amiables [I] [J] et [B] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Yves SINSOLLIER de la SELARL SELARL SINSOLLIER-PEREZ, avocat au barreau de NARBONNE
INTIMEE :
LE FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTENEA, ayant pour société de gestion, la société EQUITIS GESTION SAS, société par actions simplifiée dont le siège social est situé [Adresse 4] [Localité 5], immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro B 431 252 121, représentée par son recouvreur la société MCS ET ASSOCIES, société par actions simplifiée, immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 334 537 206, ayant son siège social à [Localité 6] [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, venant aux droits de la SOCIETE GENERALE en vertu d'un bordereau de cession de créances en date du 3 août 2020 soumis aux dispositions du Code Monétaire et financier
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Véronique LAVOYE de la SCP DE MARION-GAJA-LAVOYE-CLAIN-DOMENECH-MEGNIN, avocat au barreau de CARCASSONNE
ordonnance de clôture du 20 Juin 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 JUIN 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre
Madame Nelly CARLIER, Conseiller
Mme Virginie HERMENT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Laurence SENDRA
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 30 août 2012, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a consenti à la SCP [J]-[Z], un contrat de prêt d'investissement pour un montant de 45 000 euros, remboursable sur une durée de sept années, au taux de 3,30 % l'an.
Par exploit d'huissier en date du 16 octobre 2019, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a fait assigner la SCP [J] [Z], prise en la personne de ses liquidateurs en exercice Me [I] [J] et Me [B] [Z], devant le tribunal judiciaire de Carcassonne en remboursernent des sommes restant dues au titre du prêt.
Le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA est intervenu volontairement aux côtés de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE.
La SCP [J] [Z] a saisi le juge de la mise en état afin qu'il dise que le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA ne démontrait pas détenir d'obligation à son encontre, qu'il juge qu'il n'avait pas qualité à agir et qu'il dise et juge que la créance il dont se prévalait était prescrite du fait de la dissolution de la SCP [J] [Z] intervenue le 30 juin 2013.
Aux termes d'une ordonnance rendue le 14 novembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Carcassonne a :
- prononcé la mise hors de cause de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE,
- déclaré irrecevable la demande relative à l'obligation à paiement de la SCP [J] [Z],
- rejeté les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à agir du FONDS COMMUN DE TITRISATION,
- déclaré non prescrite l'action en paiement diligentée par le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA,
- rejeté la demande de sursis à statuer,
- condamné le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA aux dépens de l'incident,
- condamné la SCP [J] [Z] à payer au fonds commun de titrisation CASTANEA une indemnité de 1 500 euros en application de l'artic1e 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 4 décembre 2023, la SCP [J] [Z] a relevé appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.
Par ordonnance rendue en date du 13 décembre 2023, l'affaire a été fixée à l'audience du 27 juin 2024 en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.
Vu les conclusions notifiées le 11 juin 2024 par la partie appelante;
Vu les conclusions notifiées le 19 janvier 2024 par la partie intimée ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 13 décembre 2023 ;
PRETENTIONS DES PARTIES
La SCP [J] [Z] conclut à l'infirmation de l'ordonnance et demande à la Cour statuant à nouveau de :
A titre principal, sur le défaut de qualité à agir :
- constater que le fonds commun de titrisation Castanea ne démontre pas détenir une créance à son encontre,
- constater que le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA ne justifie pas d'une information préalable à son égard,
- constater que le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA, à défaut de notification valable, n'est pas constitué dans la présente instance.
- constater que le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA n'a pas notifié la cession de créance.
- réformer l'ordonnance du juge de la mise en état en date du 14 novembre 2023, sur ces points.
A titre subsidiaire :
- constater que l'action du FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA est prescrite pour avoir rompu ses relations contractuelles de manière unilatérale au 24 août 2014,
- réformer l'ordonnance du juge de la mise en état en date du 14 novembre 2023, sur ce point.
A titre extrêmement subsidiaire :
- constater que le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA ne produit qu'une partie des documents à l'appui de ses demandes et qu'il en a été demandé la communication intégrale,
- réformer l'ordonnance du juge de la mise en état en date du 14 novembre 2023, sur ce point
et ordonner le sursis à statuer jusqu'à la communication des pièces.
La SCP [J] [Z] fait valoir que pour justifier de sa qualité à agir le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA doit produire les document établissant la cession de créance dont il se prévaut, ce qu'il ne fait pas, se contentant de produire des documents tronqués.
Le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA doit également justifier, conformément à l'article L 214-172 du code monétaire et financier, en son alinéa 6, de l'information du débiteur de l'entité chargée du recouvrement préalablement à l'introduction de l'action en justice visant au recouvrement, et en l'espèce, l'avis de réception produit ne permet pas d'établir la preuve de l'envoi du courrier du 9 septembre 2020.
Son action est en conséquence irrecevable.
L'appelante soutient que le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA n'est pas partie à l'instance puisqu'il ne s'est pas constitué au sens de l'article 760 du code de procédure civile et qu'aucun acte de constitution n'a été déposée dans le cadre de cette instance. La preuve de l'envoi du courrier du 9 septembre 2020 n'est pas rapportée et la notification de la lettre d'information par notification entre avocats ne permet pas de régulariser la situation.
En ce qui concerne la prescription, l'appelante soutient que le délai de cinq ans a commencé à courir à compter de sa dissolution survenue le 30 juin 2013, la dissolution rendant immédiatement exigibles les sommes éventuellement dues, de sorte que l'action en paiement est prescrite. A tout le moins, le point de départ de la prescription remonte au 24 août 2014, soit 60 jours après le courrier du 24 juin 2014, par lequel la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a cessé unilatéralement toute relation de compte avec la SCP.
Ainsi, l'appelante soutient que la déchéance du terme ne peut être intervenue le 21 juin 2019 comme le premier juge l'a retenu, puisque le compte ne fonctionnait plus depuis le 24 août 2014. Elle ajoute que les relevés bancaires produits correspondent aux besoins de la cause et sont incohérents.
Enfin, elle sollicite un sursis à statuer afin que le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA produise l'intégralité des pièces fondant sa créance, pour lui permettre d'assurer sa défense.
Le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA demande à la cour de :
- débouter la SCP [J] [Z] de son appel et de l'ensemble de ses demandes,
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Carcassonne le 14 novembre 2023,
- condamner la SCP [J] [Z] à payer au FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que son intervention est recevable puisqu'il a déposé des conclusions d'intervention volontaire devant le juge de la mise en état qui ont été notifiées au greffe et aux avocats constitués par message RPVA du 26 janvier 2021.
Il ajoute que la société de gestion est légalement habilitée à représenter le fonds de titrisation par les dispositions de l'article L. 214-172 du code monétaire et financier qui prévoit qu'à tout moment, tout ou partie du recouvrement peut être assuré directement par la société de gestion en tant que représentant légal de l'organisme ou peut être confié par elle à une autre entité désignée à cet effet. La qualité à agir en recouvrement de la créance du fonds commun de titrisation Castanea représenté par sa société de gestion n'est donc pas contestable.
L'intimé conclut que par lettre recommandée du 9 septembre 2020, la cession de créance a été portée à la connaissance de la SCP [J] [Z], et que dans l'acte de dépôt de l'acte de cession de créance reçu par Maître [K], notaire, en date du 25 septembre 2020, figure la désignation de la créance détenue envers la SCP [J] [Z] faisant partie du portefeuille cédé. De plus, la notificaton de la cession de créance a été faire par LRAR au siège social de la SCP [J] [Z].
L'intimé soutient que la créance n'est pas prescrite, car la Société générale s'est prévalue de la déchéance du terme le 21 juin 2019 et cette date constitue le point de départ de la prescription. La banque a agi dans le délai de 5 ans qui lui était imparti.
Par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la Cour entend se référer aux dernières écritures des parties ci dessus visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions qu'elles ont développés.
DISCUSSION
Sur la régularité de la procédure devant le juge de la mise en état :
C'est par des motifs pertinents que le premier juge a observé que le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA est intervenu volontairement à la procédure par conclusions régulièrement notifiées, respectant ainsi les dispositions de l'article 66 et 68 alinéa 1 du Code de procédure civile.
Aucune disposition textuelle ne vient contraindre l'intervenant volontaire à formaliser une constitution par un acte séparé de ses conclusions d'intervenant.
La décision sera confirmée en ce qu'elle a jugé l'intervention volontaire régulière.
Sur le défaut de qualité :
Selon les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Il convient de rappeler que la qualité à agir n'est pas subordonnée à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.
En l'espèce, le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA se prévaut d'une cession à son profit par la société générale de la créance que cette dernière détenait contre la SCP [J] [Z]. Elle dispose en conséquence de la qualité à agir à l'encontre de la débitrice, et il lui appartiendra de démontrer devant les juges du fond le bien fondé de sa demande, question de fond qui ne relève pas des pouvoirs du juge de la mise en état.
Sans qu'il y ait lieu d'examiner les conditions de la cession et le caractère fondé de la créance, il convient de confirmer la décision du juge de la mise en état qui a rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité.
Il résulte des dispositions de l'article L 214-172 du code monétaire et financier que la société de gestion, en tant que représentant légal de l'organisme, peut également recouvrer directement toute créance résultant d'un prêt consenti par lui ou en confier, à tout moment, tout ou partie du recouvrement par voie de convention à une autre entité désignée à cet effet, en cas de changement de toute entité chargée du recouvrement en application des premier et
deuxième alinéas, chaque débiteur concerné est informé de ce changement par tout moyen, y compris par acte judiciaire ou extrajudiciaire.
Outre que ce texte n'édicte aucune condition de recevabilité de l'action en justice destinée à obtenir paiement de la créance, il en résulte que la société de gestion représente de droit l'organisme de financement, de sorte que la fin de non recevoir sera rejetée à ce titre.
Sur la prescription :
L'article 2224 du code civil, issu de la loi du 17 juin 2008 dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Le contrat de prêt conclu entre la SCP [J] [Z] et la SOCIETE GENERALE stipulait en son article 12.2.1 que l'emprunteur s'engageait à informer la banque dans un délai de 15 jours de toutes les transformations juridiques le concernant, et en son article 13.1 que les sommes empruntées seront exigibles par anticipation en cas de liquidation amiable.
Selon les dispositions de l'article 1134 du Code civil, les conventions s'exécutent de bonne foi. La société appelante ne justifie pas de l'information de la dissolution faite à sa créancière, sur laquelle ne reposait aucune obligation de s'informer. Il n'est pas contesté que la SCP [J] [Z] a poursuivi le règlement des échéances du prêt au delà de la liquidation, emportant reconnaissance de la dette et absence de réclamation de toute résiliation.
Dès lors, le point de départ de la prescription ne saurait être arrêté à la date de la dissolution du 30 juin 2013.
Si par application des dispositions de l'article 13.2 du contrat liant les parties, la banque pouvait prononcer la résiliation du contrat de prêt en cas d'inexécution par son client d'un autre engagement à son égard, il s'agit d'une simple faculté qui est mise en oeuvre 'si bon lui semble'.
En l'espèce, si par lettre du 24 juin 2014, la Société Générale a notifié à la SCP [J] [Z] la fin de leur relation de compte, aucune conséquence n'en a été tirée quant à la déchéance du terme du contrat de prêt. Contrairement à ce qui est prétendu par la société appelante, la clôture du compte ne faisait pas obstacle au paiement des échéances du prêt par un autre moyen . La date du 24 juin 2014 ne saurait en conséquence déterminer le point de départ du délai de prescription.
Bien qu'elle ait adressé à la débitrice une lettre de mise en demeure du 28 septembre 2017 par laquelle elle sollicite le règlement des échéances impayées du prêt et les intérêts de retard, ce n'est que le 21 juin 2019, par lettre adressée au siège social de la SCP [J] [Z] que la SOCIETE GENERALE s'est prévalue de la déchéance du terme, rendant en conséquence la totalité de la dette immédiatement exigible.
Le premier juge, qui a relevé que l'action en paiement avait été introduite par la SOCIETE GENERALE le 16 octobre 2019, soit dans le délai de cinq ans de la déchéance du terme, doit être approuvé en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription.
Sur le sursis à statuer :
Selon les dispositions de l'article 378 du Code de procédure civile, la décision de sursis à statuer suspend le cours de l'instance pour le temps où jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine. Hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges apprécient discrétionnairement l'opportunité du sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne justice.
En l'espèce, et rejoignant l'appréciation pertinente du premier juge, les parties ont échangé leurs pièces depuis plusieurs mois et la réclamation de nouvelle production des mêmes pièces, dont le tribunal appréciera la valeur probante, n'est pas judicieuse.
La décision sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :
La SCP [J] [Z], qui succombe au principal en son recours, sera condamnée aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à verser une somme de 2.500 euros au FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, compte tenu de l'équité.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme la décision en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SCP [J] [Z] aux dépens et à payer une somme de 2.500 euros au FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le greffier La présidente