Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 13, 8 octobre 2024, n° 21/15026

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Valay-Briere

Conseillers :

Mme d'Ardailhon Miramon, Mme Moreau

Avocats :

Me Ohayon, Me Etevenard, Me Chelly Szulman, Me Thomas Courcel

TJ Paris, du 21 juin 2021, n° 20/03354

21 juin 2021

La Sci du [Adresse 1] (la Sci) qui a pour objet l'acquisition et l'exploitation par bail d'un immeuble situé [Adresse 1] dans le 19ème arrondissement de Paris, a été constituée le 27 avril 1996 entre M. [L] [T] (7 500 parts), son frère [E] [T] (4 500 parts) et leur père [J] [T] (3 000 parts).

Le bien immobilier de la Sci a constitué le domicile conjugal de M. [L] [T], Mme [Z] [P] épouse [T] et leurs enfants.

A la suite de trois actes de donation enregistrés le 19 octobre 2011, le capital social de la Sci a été réparti comme suit :

- M. [L] [T], gérant, 7 500 parts sociales

- Mme [Z] [P] 7 500 parts sociales.

M. [T] et Mme [P] se sont séparés et une ordonnance de non conciliation a été rendue le 21 décembre 2017, leur divorce étant prononcé le 9 mars 2021.

Par acte du 28 août 2017, MM. [J] et [E] [T] ont assigné les époux [T] devant le tribunal de grande instance de Paris en nullité des donations consenties le 19 octobre 2011, laquelle demande a été rejetée par jugement du 11 juillet 2018 confirmé par arrêt de la cour du 27 mai 2020, sauf en ce qu'il a débouté M. [J] [T] de sa demande de nullité de l'acte de donation et de ses demandes subséquentes, le capital de la Sci étant ainsi réparti, en dernier lieu, entre M. [L] [T] (3 000 parts), M. [J] [T] (4 500 parts) et Mme [P] (7500 parts).

Par ordonnance du 21 juin 2018, le juge des référés, après avoir constaté le fonctionnement anormal de la Sci et le risque de péril imminent de celle-ci compte tenu des carences du gérant et de la séparation des époux associés égalitaires, a désigné la Selarl [S] et associés représentée par Me [O] [S] en qualité d'administrateur provisoire de la Sci. Sa mission a été prorogée pour une durée de 12 mois par ordonnance de référé du 29 août 2019.

C'est dans ces circonstances que par acte du 30 mars 2020, Mme [P] a assigné M. [L] [T] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de paiement de sommes au profit de la Sci au titre de ses fautes de gestion et de prononcé de la dissolution de la Sci pour justes motifs. Par acte du 6 novembre 2020, Mme [P] a assigné en intervention forcée M. [J] [T].

Par jugement du 21 juin 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- condamné M. [L] [T] au paiement des sommes suivantes au profit de la Sci du [Adresse 1] :

- 38 400 euros au titre de la période du 1er septembre 2017 au 31 août 2018,

- 32 400 euros à compter du 1er septembre 2018 jusqu'à la libération des lieux par les locataires de M. [L] [T],

- prononcé la dissolution de la Sci du [Adresse 1],

- désigné la Selarl [S] et associés en qualité de liquidateur de la Sci du [Adresse 1],

- fixé le siège de la liquidation au domicile du liquidateur,

- débouté Mme [Z] [P] de toutes ses autres demandes,

- condamné M. [L] [T] au paiement de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

M. [J] [T] et M. [L] [T], qui n'étaient pas représentés devant le tribunal, ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 30 juillet 2021.

Par conclusions notifiées et déposées le 2 novembre 2021, M. [J] [T] et M. [L] [T] demandent à la cour de

- dire recevables et bien fondées leurs conclusions d'appelant,

en conséquence,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter Mme [Z] [P] de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de M. [L] [T],

- dire que M. [L] [T] n'a pas commis de faute de gestion,

- dire n'y avoir lieu à dissolution de la Sci du [Adresse 1],

- inscrire les créances suivantes au passif de la Sci du [Adresse 1], au titre des comptes courants d'associés :

- [J] [T] : 75 373 euros

- [E] [T] : 15 292 euros

- [L] [T] : 461 375 euros

- condamner Mme [Z] [P] à reverser dans l'actif social de la Sci la somme de 137 295 euros (à parfaire),

- condamner Mme [Z] [P] à restituer à la Sci la somme de 8 786 euros,

- désigner Me [I] [X], [Adresse 2], notaire associée et fille de l'ancien président de la chambre des notaires de Paris pour procéder à la vente et au partage du bien de la Sci du [Adresse 1],

- condamner Mme [Z] [P] à payer à M. [L] [T] la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [Z] [P] aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées et déposées le 1er février 2022, Mme [Z] [P] divorcée [T] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- prononcé la dissolution judiciaire de la Sci,

- désigné la Selarl [S] et associés en qualité de liquidateur judiciaire de la Sci,

- fixé le siège social de la liquidation judiciaire au domicile du liquidateur,

- condamné M. [L] [T] à payer à la Sci diverses sommes au titre de l'occupation des lieux,

- condamné M. [L] [T] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- constater la faute de gestion commise par M. [T] qui a consenti un bail d'habitation à des conditions anormales au détriment de l'intérêt social,

- condamner M. [L] [T] au paiement des sommes suivantes au profit de la Sci :

- 38 400 euros au titre de la période du 1er septembre 2017 au 31 août 2018 ;

- 32 400 euros par an à compter du 1er septembre 2018 jusqu'à la libération des lieux par les locataires, titulaires du bail consenti par M. [L] [T],

' dire et juger qu'elle aurait pu percevoir une somme de 642,83 euros par mois à compter du mois de septembre 2017 au titre des loyers lui revenant, source de revenus dont M. [L] [T] l'a sciemment privée,

- condamner M. [L] [T] au paiement de la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- condamner M. [L] [T] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La Selarl [S] et associés, en qualité de liquidateur de la Sci, qui a constitué avocat, n'a pas conclu.

SUR CE :

Sur la responsabilité de M. [L] [T] au titre des actes accomplis en sa qualité de gérant :

Sur la faute de gestion :

Le tribunal a jugé que M. [T] avait commis une faute de gestion en concluant, en septembre 2017, un bail d'habitation du bien appartenant à la Sci sans en informer Mme [P] et contenant des clauses contraires à l'intérêt social, soit :

- un loyer de 500 euros très inférieur à la valeur locative du bien loué d'une surface réelle de 120 m², évaluée à 2 700 euros, et insuffisant pour permettre le remboursement du prêt immobilier,

- une franchise de loyers durant une année accordée en contrepartie de travaux d'amélioration ou de mise en conformité alors que des travaux ont été entrepris peu avant la conclusion du bail,

- l'occupation d'une partie du bien par M. [T] sans contrepartie financière,

- l'absence de clause de solidarité dans le bail consenti au profit de deux locataires,

- le versement du loyer sur le compte de M. [T] et non pas de la Sci.

Les appelants soutiennent que :

- M. [T] n'a pu informer Mme [P] de la conclusion de ce bail à une époque où la communication était impossible en raison de leur séparation conflictuelle, mais l'a informée lors de la procédure judiciaire de toutes les activités en cours de la Sci,

- il était convenu le stockage des effets personnels et mobiliers représentant des dizaines de m3 et appartenant aux époux [T] et à leurs trois enfants, en sorte que doit être soustraite une somme de 920 euros mensuelle,

- les conditions négociées pour un bail de 3 ans, soit la réalisation de travaux d'un montant de 30 000 euros en contrepartie d'une année de franchise de loyers puis le paiement les deux années suivantes d'un loyer mensuel de 500 euros, qui correspondent à un loyer mensuel moyen de 1 167 euros, ne sont pas des conditions anormales contraires aux intérêts sociaux, en comparaison avec la valeur locative retenue par le tribunal qui doit être ramenée à 1920 euros mensuels compte tenu de la surface louée de 80 m² et non pas 112 m²,

- le prêt immobilier pour l'acquisition du bien a été soldé en décembre 2010 et Mme [P] n'a pris aucun engagement au titre des lignes de crédit travaux conclues antérieurement à son association au sein de la Sci, laquelle n'a jamais été en défaut de paiement des prêts,

- les travaux de rafraichissment réalisés par les locataires ne sont pas comparables à ceux antérieurs,

- M. [L] [T] n'a jamais occupé, même partiellement, la maison depuis la conclusion du bail,

- la confusion des comptes de M. [L] [T] et de la Sci qui a pu exister n'a jamais porté atteinte aux intérêts de la Sci ni participé à l'enrichissement personnel de M. [T] qui n'en a tiré aucun profit, dès lors que depuis 1996, les virements du montant du crédit se font tous du compte personnel de M. [L] [T] vers le compte de la Sci, qu'il intervient en permanence pour protéger les intérêts de la société et que depuis 2019, consécutivement à la désignation d'un administrateur provisoire, les virements au crédit de la Sci se font directement sur le compte de celle-ci.

Mme [P] fait valoir que le bail a été consenti dans des conditions anormales, sans solliciter préalablement l'autorisation de l'assemblée générale, selon un formalisme et des conditions financières critiquables, soulignant que :

- la nature et le quantum des travaux prétendument réalisés par les locataires en contrepartie d'une exonération de loyers ne sont pas justifiés,

- le bail mentionne une surface habitable de 112 m² dont 52 m² réservés au stockage d'effets personnels appartenant au bailleur mais aucun espace de stockage n'est identifié et la surface est volontairement minorée, étant de 160 m²,

- le loyer mensuel de 500 euros est ridicule, son montant au regard du marché locatif étant de 3000 euros pour une surface minorée de 112 m²,

- les mouvements financiers sont totalement incohérents avec le bail transmis, puisque les loyers exigibles à l'issue de l'année de franchise ont été curieusement versés par M. [T] à la Sci,

- contrairement à ses allégations, M. [T] ne règle pas seul la totalité du prêt,

- M.[T] qui a d'abord nié l'existence d'un contrat de bail a encaissé personnellement les loyers sans les rembourser à la Sci,

- M. [T], qui a dérobé l'ensemble des effets personnels de son épouse et de ses enfants, sans jamais leur permettre de les récupérer, ne peut sérieusement opposer la nécessité de les stocker.

Selon l'article 1848 du code civil, 'Dans les rapports entre associés, le gérant peut accomplir tous les actes de gestion que demande l'intérêt de la société. S'il y a plusieurs gérants, ils exercent séparément ces pouvoirs, sauf le droit qui appartient à chacun de s'opposer à une opération avant qu'elle ne soit conclue. Le tout, à défaut de dispositions des statuts sur le mode d'administration'.

L'article 1850 du code civil dispose que 'Chaque gérant est responsable individuellement envers la société et envers les tiers, soit des infractions aux lois et règlements, soit de la violation des statuts, soit des fautes commises dans sa gestion'.

L'article 1843-5 du code civil prévoit que 'Outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, un ou plusieurs associés peuvent intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société ; en cas de condamnation, les dommages et intérêts sont alloués à la société.

Est réputée non écrite toute clause des statuts ayant pour effet de subordonner l'exercice de l'action à l'avis préalable ou à l'autorisation de l'assemblée ou qui comporterait par avance renonciation à l'exercice de cette action.

Aucune décision de l'assemblée des associés ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour la faute commise dans l'accomplissement de leur mandat'.

Le bail consenti le 28 septembre 2017 pour une durée de trois ans renouvelable par tacite reconduction, par M. [L] [T] en sa qualité de gérant de la Sci, prévoit une exonération de loyers durant un an moyennant la réalisation par les locataires de travaux d'amélioration (lessivage, peinture, rénovation...) sans préciser la nature exacte de ces travaux, ni leur objet, ni leur montant à hauteur de 30 000 euros, alors que les photographies versées aux débats par Mme [P], qui ne sont pas discutées, établissent que le bien était en très bon état. M. [T] ne justifie pas de l'état dégradé des lieux à la suite de leur mise en location sur une plateforme. Interrogé par l'administrateur, M. [T] n'a pas été en mesure de préciser la nature des travaux effectués par le locataire et n'en justifie pas davantage devant la cour, aucune facture n'étant en particulier versée aux débats et la seule attestation du père de la locataire dépourvue de tout justificatif ne présentant aucun caractère probant.

Le bail mentionne une ' surface habitable de 112 m² (dont 52 m² réservés au stockage d'effets personnels appartenant au bailleur) salle de jeux décomptée', soit une surface minorée, la maison étant de 160 m². M. [T] n'établit pas, ainsi qu'il l'affirme, que la surface louée était en réalité de 86,2 m² tandis que la partie réservée au bailleur était de 79,8 m². Le loyer de 500 euros mensuels ne correspond pas à la valeur locative du bien qui constitue une maison d'habitation avec box et terrasses, que la surface louée soit de 160 ou 112 m², une agence immobilière évaluant à 500 euros la location de la salle de jeux et à 2 500 euros la location du surplus du bien.

L'attestation de la locataire du 28 juillet 2020 mentionnant 'posséder en consignation le mobilier et les effets personnels de la famille [T] [L]' représentant un 'montant de frais de garde de 920 euros par mois à déduire de notre loyer', est inopérante car dépourvue de tout caractère probant. Il n'est ainsi pas établi que M. [T] aurait stocké des effets non pas personnels mais familiaux dans une partie du bien, et il n'a été consenti aucun bail par la Sci à M. [T] à ce titre.

Il n'est par ailleurs prévu aucun dépôt de garantie ni aucune clause de solidarité entre les locataires. L'acte mentionne que le versement de loyers doit être établi par chèque à l'ordre de M. [L] [T] sans que ce dernier justifie en avoir remboursé le paiement à la Sci dès leur perception, les versements n'étant intervenus au profit de la société qu'à compter de 2020 sur initiative de l'administrateur provisoire de celle-ci.

M. [L] [T] ne fait pas utilement valoir avoir souscrit un prêt et assumer le paiement de charges de la Sci, ni le défaut de versement à la Sci par Mme [P] de loyers perçus au titre de location du bien via une plateforme alors que celle-ci indique que les loyers ont été versés sur un compte joint du couple, ces éléments, à les considérer caractérisés, devant être inscrits dans la comptabilité de la société mais ne l'exonérant aucunement de l'obligation de restituer à la Sci les fonds lui revenant. La détention par M. [L] [T] d'un compte courant d'associé qui serait créditeur est également inopérante.

Ce bail est donc contraire à l'intérêt social ainsi que l'a jugé le tribunal.

M. [L] [T] n'a en outre aucunement informé Mme [P] de la conclusion de ce bail, ayant au contraire nié l'existence d'un tel acte et ne l'ayant reconnue que lorsque lui a été opposé le nom figurant sur la boîte aux lettres. La circonstance que le couple était séparé à l'époque ne le dispensait pas de son obligation d'information au moment de la souscription du bail.

La faute de gestion de M. [L] [T] est donc caractérisée.

Sur les préjudices :

Le tribunal a jugé que la faute de gestion de M. [L] [T] avait privé la Sci de revenus locatifs mensuels à compter du 1er septembre 2017 et jusqu'à la libération effective des lieux et condamné M. [T] à indemniser la Sci de ce chef en se basant sur une valeur locative de 2 700 euros pour le bien outre 200 euros mensuels pour la location du box conformément à la demande de Mme [P].

Il a débouté Mme [P] de :

- sa demande de distribution de revenus d'associés, à défaut d'en justifier l'existence,

- sa demande de réparation d'un préjudice moral, les violences alléguées relevant de la procédure de divorce et l'impossibilité de vendre l'actif de la Sci résultant davantage de la mésentente des associés que de la faute de gestion du gérant.

Les appelants sollicitent la confirmation de la décision de ce chef.

Mme [P] fait valoir que :

- avec un loyer de 3 200 euros mensuels, étant propriétaire de la moitié du capital social, elle pourrait prétendre à une distribution de dividendes de 642,83 euros par mois ((3 200 -1914,35) /2) soit 7 713,90 euros par an à compter du 1er septembre 2017,

- les divers agissements de M. [T] lui ont causé un préjudice moral.

Le tribunal a pertinemment fixé le loyer sur la base des pièces versées aux débats et jugé qu'il n'était pas en l'état justifié que Mme [P] pouvait prétendre à la distribution de dividendes

Enfin, il n'est justifié aucun préjudice moral de Mme [P] en lien causal avec la faute de gestion de M. [T], les griefs allégués par elle relevant de leurs relations conflictuelles.

Sur la demande de dissolution de la Sci :

Le tribunal a accueilli cette demande en ce que :

- M. [L] [T] se comporte comme s'il était le seul associé de la Sci sans rendre de compte à ses associés et notamment Mme [P], ne convoque pas les associés, ne tient pas les comptes sociaux ni n'effectue les déclarations fiscales, et fait systématiquement obstruction à la mission de l'administrateur provisoire,

- les époux sont en instance de divorce conflictuelle et leur mésentente aboutit à la paralysie de la Sci au point qu'un administrateur provisoire a été désigné.

Les appelants s'opposent à la dissolution alors que :

- la Sci a pu fonctionner jusqu'à ce jour malgré ses difficultés, grâce à l'action de M. [T],

- la Sci a également pour associé M. [J] [T],

- dissoudre la Sci est à ce stade inopportun, les opérations de compte-liquidation-partage du régime des époux n'ayant pas encore été réalisées ni même débuté, alors que le bien immobilier qui a été le domicile conjugal des époux [T] constitue l'essentiel de l'actif à partager dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial,

- la dissolution ne sera prononcée qu'après que les époux dont le divorce a été prononcé pourront reconstituer l'actif à partager, et certainement pas aux conditions expéditives souhaitées par Mme [P],

- l'absence de faute de gestion, la paralysie supposée de la société et l'inopportunité d'une dissolution avant toute opération de comptes entre les époux font obstacle au prononcé d'une dissolution de la Sci à ce jour.

Mme [P] sollicite la confirmation de la décision de ce chef compte tenu de la disparition de l'affectio societatis entre associés, des fautes de gestion commises par M. [T] qui a au demeurant renouvelé le bail à des conditions désavantageuses et n'a pas exécuté le jugement afin de tenter de maintenir une pression sur elle, aucune communication n'étant possible entre eux, et de la paralysie de la société devenue ingérable en raison de volontés d'associés inconciliables.

Selon l'article 1844-7, 5° du code civil :

"La société prend fin (...)

Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société."

La faute de gestion de M. [L] [T] au titre de la mise en location du bien immobilier de la Sci et du défaut de convocation d'assemblées générales et la mésentente manifeste entre M. [T] et son ex-épouse consacrant une perte d'affectio societatis, paralysent le fonctionnement de la Sci au titre de laquelle les décisions ne peuvent plus être prises compte tenu de la participation de M. [L] [T] et Mme [P] au capital social. Les premiers juges ont pertinemment ordonné la dissolution de la société, peu important le cours des opérations de liquidation partage entre les ex-époux.

Sur les comptes courants d'associés :

Les appelants font valoir que :

- compte tenu de la situation comptable de la société eu égard aux comptes courants respectifs de chacun des associés, doivent être inscrites au passif de la société les sommes correspondant aux apports en compte courant de chacun des associés en vue de la liquidation de la Sci,

- la négation et la dissimulation par Mme [Z] [P] de ces comptescourants ne peuvent être considérées que comme une renonciation de cette dernière à son compte courant d'associé, artificiellement reconstitué sur la base de déclarations généreuses de M. [L] [T].

Mme [P] réplique que :

- cette demande de remboursement de compte courant d'associé est irrecevable comme étant nouvelle en cause d'appel, et faute de qualité et d'intérêt à agir de MM. [L] et [J] [T] au nom de M. [E] [T] qui n'est pas dans la cause,

- il n'est justifié d'aucun compte courant d'associé ni d'aucune créance en compte courant d'associé,

- elle ne saurait être condamnée au remboursement de son compte courant d'associé créditeur.

Outre que MM. [L] et [J] [T] n'ont pas qualité à solliciter l'inscription au passif de la société d'une créance en compte courant d'associé de M. [E] [T] qui n'est pas partie à la procédure, ils ne justifient pas être eux mêmes détenteurs d'une créance en compte courant d'associé sur la base du rapport de l'expert comptable mandaté par M. [T], daté des 22 avril et 19 mai 2021, sans que la reconstitution des comptes de 1996 à 2010 soit assortie des pièces justificatives et alors qu'aucun compte courant associé n'a jusqu'alors été inscrit en comptabilité et qu'il n'en a jamais été fait état, notamment à l'occasion des donations de parts sociales et lors de la procédure de divorce.

De même, Mme [P] soutient avec exactitude qu'elle ne saurait être tenue au remboursement de sa prétendue créance en compte courant d'associé.

Ces demandes doivent donc être rejetées.

Sur la demande de restitution de loyers Airbnb :

Les appelants sollicitent la condamnation de Mme [P] à restituer à la Sci la somme de 8 786 euros perçue à titre de loyers à la suite de la mise en location sur la plateforme Airbnb.

Mme [P] soulève l'irrecevabilité de cette demande, tant à défaut d'avoir été formée en première instance, qu'en raison de sa prescription, les faits remontant à 2016, et conclut au mal fondé de cette demande, les loyers ayant été perçus sur le compte joint des époux durant leur mariage et ayant permis le financement de travaux chez les parents de M. [T].

Les appelants ne justifiant aucunement du détournement de loyers de la Sci en 2016 au bénéfice de Mme [P] qui partageait alors la vie commune avec M. [T] avec lequel elle occupait le bien de la Sci, sont mal fondés en leur demande.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

M. [L] [T] est condamné aux dépens d'appel et à payer à Mme [P] une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

Déboute M. [J] [T] et M. [L] [T] de leur demande de restitution par Mme [Z] [P] divorcée [T] à la Sci [Adresse 1] d'une somme de 8 786 euros au titre des loyers perçus en raison de la location du bien immobilier de celle-ci sur une plateforme,

Déboute M. [J] [T] et M. [L] [T] de leurs demandes d'inscription de leurs créances en comptes courant d'associés et de celle de M. [E] [T] au passif de la Sci [Adresse 1] et de leur demande de remboursement par Mme [Z] [P] divorcée [T] à ladite société d'une somme de 137 295 euros au titre de son compte courant d'associé,

Condamne M. [L] [T] à payer à Mme [Z] [P] divorcée [T] une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [L] [T] aux dépens d'appel.