CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 19 septembre 2019, n° 18/21309
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Syndicat des Copropriétaires du Parking des Orgues de Flandre (Sté)
Défendeur :
Park Alizès (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mme Soudry, Mme Moreau
Avocats :
Me de Menou, Me Pichavant
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FAITS ET PROCEDURE :
Par acte du 28 décembre 2007, la société Park Alizés a conclu avec le syndicat des copropriétaires du parking des Orgues de Flandre, sis ..., dans le 19ème arrondissement de Paris, représenté par son syndic, la société Immobilière 3F, un contrat de prestation de services portant sur l'exploitation d'un parc de stationnement. Ce contrat, conclu pour dix mois, était renouvelable tacitement par période d'un an, avec possibilité de résiliation par lettre recommandée avec avis de réception envoyée six mois avant le terme annuel.
Un avenant du 9 juin 2008 a prévu qu'à compter du 1er janvier 2009, le syndicat des copropriétaires réglerait à la société Park Alizés 75 % du montant de la redevance, le surplus étant payé par la société Immobilière 3F, en qualité de copropriétaire majoritaire, sans passer par la comptabilité du syndicat des copropriétaires.
Lors de l'assemblée générale des copropiétaires de l'ensemble immobilier des Parkings Les Orgues de Flandre en date du 23 juin 2011, les copropriétaires présents et représentés ont adopté à l'unanimité la résolution n° 20 décidant de résilier dans les plus brefs délais le contrat de sécurité et de nettoyage confié à la société Park Alizés.
La société Nexity Lamy a succédé à la société Immobilière 3F dans les fonctions de syndic.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 29 juin 2011, la société Nexity Lamy a, en sa qualité de syndic, notifié à la société Park Alizés la décision de mettre un terme au contrat le 1er août 2011, sur le fondement des dispositions de l'article L. 136-1, alinéa 2, du code de la consommation. La société Park Alizés a contesté le principe qu'un syndicat des copropriétaires puisse revendiquer le bénéfice de l'article L. '136-1'du code de la consommation et considéré que la lettre de résiliation était nulle et de nul effet.
Par acte du 9 novembre 2011, la société Park Alizés a assigné devant le tribunal de commerce de Paris le syndicat des copropriétaires en nullité de la résiliation et condamnation au paiement de la somme de 149.043,76 euros au titre des redevances contractuelles dues jusqu'au terme de la période de renouvellement du contrat.
Par jugement du 15 septembre 2015, le tribunal de commerce de Paris a condamné le syndicat des copropriétaires à payer à la société Park Alizés la somme de 149.043,76 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2012, retenant que le syndicat des copropriétaires ne pouvait être considéré comme un non professionnel, ne pouvait donc arguer des dispositions de l'article L.136-1'du code de la consommation et devait respecter le préavis de six mois avant chaque terme annuel pour résilier le contrat, et débouté la Park Alizés société de sa demande de dommages et intérêts.
Par arrêt rendu le 27 avril 2017, la cour d'appel de Paris a confirmé ce jugement.
La Cour de cassation, par arrêt rendu le 12 juillet 2018, sur pourvoi formé par le syndicat des copropriétaires, a cassé et annulé l'arrêt rendu le 27 avril 2017 par la cour d'appel de Paris, remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, au motif qu'en retenant le caractère de professionnel du syndicat des copropriétaires, alors que l'intervention à l'acte du 9 juin 2008 de la société 3F Immobilière, en qualité de copropriétaire majoritaire, n'avait pas fait perdre au syndicat des copropriétaires sa qualité de non professionnel lui permettant de se prévaloir de la faculté de résiliation prévue à l'article L.136-1 du code de la consommation, la cour d'appel avait violé cette dernière disposition.
Le syndicat des copropriétaires a saisi la cour de renvoi par déclaration du 25 septembre 2018.
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PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le Syndicat des copropriétaires des parkings des orgues des Flandres, par conclusions signifiées le 21 mai 2019, demande à la cour, au visa de l'arrêt rendu le 12 juillet 2018 par la Cour de cassation sous le numéro de pourvoi R 17-21.564, de l'article L. 136-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation, de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
- débouter la société Park Alizés de toutes ses demandes, fins et conclusions, y compris au titre de son appel incident ;
Y ajoutant,
- condamner la société Park Alizés à payer au Syndicat des copropriétaires des Parkings Les Orgues de Flandre la somme de 6.500 euros pour contribution aux frais irrépétibles, par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Il fait valoir que, les dispositions de l'article L.136-1 du code de la consommation étant applicables aux non professionnels, il peut valablement s'en prévaloir ; il ne peut en effet être considéré comme un professionnel dans la mesure où, ayant la personnalité civile et étant dépourvu de toute activité économique génératrice de valeur ajoutée et de tout but lucratif, il ne peut agir que dans la limite de son objet, légalement défini, à savoir la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes ;
Il expose, par ailleurs, que la société Park Alizés a omis d'adresser l'information prévue à l'article L. 136-1 du code de la consommation, ce qui autorisait le syndicat à mettre un terme au contrat sans préavis, tel que cela est prévu par le même article.
La société Park Alizés, par conclusions signifiées le 17 mai 2019, demande à la cour, au visa du contrat de prestation de services, de l'article 24 du règlement de copropriété, des prestations confiées à la société Park Alizés, de l'avenant n° 1 en date du 9 juin 2008, de la directive CEE du 5 avril 1993 transposée par la loi du 1er février 1995 et de l'article L.136-1 ancien du code de la consommation, de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
- condamné le syndicat des copropriétaires du Parking des Orgues de Flandre représenté par son syndic à payer à la société Park Alizés les redevances contractuelles jusqu'au terme de la période de renouvellement du contrat, soit une somme de 149.043,76 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2012 ;
- condamné le syndicat des copropriétaires du Parking des Orgues de Flandre représenté par son syndic en exercice au paiement d'une somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance ;
- recevoir la société Park Alizés en son appel incident ;
- juger que les intérêts sur la somme de 149.043,76 euros porteront eux mêmes intérêts suivant les dispositions de l'article 1343-2 nouveau du code civil ;
- condamner le syndicat des copropriétaires au paiement des intérêts ainsi capitalisés ;
- condamner le syndicat des copropriétaires du Parking des Orgues de Flandre représenté par son syndic en exercice à payer à la société Park Alizés une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- le condamner au paiement d'une somme de 6.000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel et pour ces derniers admettre la SELARL Pichavant Avocat, dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que le syndicat des copropriétaires ne peut être considéré comme un non professionnel dès lors qu'il a une activité économique génératrice de valeur ajoutée, ainsi que cela ressort de l'instruction de l'administration des impôts du 5 mai 1999. Elle précise qu'alors que, selon la Cour de justice de l'Union européenne, seuls les contrats conclus en dehors de toute activité ou finalité d'ordre professionnel relèvent du régime protecteur des consommateurs, le syndicat s'est en l'espèce inscrit dans le cadre de ses compétences, de sorte qu'il ne peut revendiquer le titre de non professionnel.
Elle indique que le syndicat des copropriétaires ne peut arguer des dispositions de l'article L.136-1 ancien du code de la consommation, qu'il devait donc respecter la clause 'X' du contrat qui stipule le respect pour résilier d'un préavis de six mois, ce qui n'a pas été en l'espèce le cas, qu'en conséquence, le contrat conclu avec la société Park Alizés s'est trouvé reconduit.
Elle ajoute que le syndicat des copropriétaires, délégant, a obtenu du syndic professionnel, délégué, de payer une partie de sa dette à la société Park Alizés, délégataire, dans le cadre d'une délégation ; or, en introduisant à ses côtés un second débiteur qui a la qualité de professionnel, le syndicat est incontestablement sorti du cadre de sa mission légale.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.
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MOTIFS :
Considérant que le contrat en date du 3 septembre 2007 conclu entre Syndicat des copropriétaires des Parkings Les Orgues de Flandre et la société Park Alizés stipule, en son article 4, alinéa 2 : 'A compter du 3 juillet 2008 et après accord de l'assemblée des copropriétaires, le présent contrat sera renouvelable par tacite reconduction par période d'un an, sauf résiliation par lettre recommandée avec accusé de réception adressée six mois avant chaque terme et ce, à l'initiative de l'une ou l'autre des parties.' ;
Considérant que, par lettre recommandée avec avis de réception du 29 juin 2011, la société Nexity Lamy a, en sa qualité de syndic de la copropriété, au visa de l'article L. 136-1, alinéa 2, du code de la consommation, notifié à la société Park Alizés sa décision de mettre un terme au contrat le 1er août 2011, en indiquant : 'Ce contrat rentre dans le champ d'application de la loi Chatel du fait des dispositions contractuelles rappelées ci dessus et de ce que le syndicat des copropriétaires peut revendiquer le bénéfice des dispositions du code de la consommation en référence à l'article L 136-1 du code de la consommation, vous auriez donc dû prévenir la possibilité de ne pas reconduire le contrat.' (pièce Syndicat des copropriétaires n°5) ;
Considérant que l'article L. 136-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dispose : 'Le professionnel prestataire de services informe le consommateur par écrit, par lettre nominative ou courrier électronique dédiés, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu'il a conclu avec une clause de reconduction tacite. Cette information, délivrée dans des termes clairs et compréhensibles, mentionne, dans un encadré apparent, la date limite de résiliation.
Lorsque cette information ne lui a pas été adressée conformément aux dispositions du premier alinéa, le consommateur peut mettre gratuitement un terme au contrat, à tout moment à compter de la date de reconduction. Les avances effectuées après la dernière date de reconduction ou, s'agissant des contrats à X indéterminée, après la date de transformation du contrat initial à X déterminée, sont dans ce cas remboursées dans un délai de trente jours à compter de la date de résiliation, déduction faite des sommes correspondant, jusqu'à celle ci, à l'exécution du contrat. A défaut de remboursement dans les conditions prévues ci dessus, les sommes dues sont productives d'intérêts au taux légal.
Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice de celles qui soumettent légalement certains contrats à des règles particulières en ce qui concerne l'information du consommateur.
Les trois alinéas précédents ne sont pas applicables aux exploitants des services d'eau potable et d'assainissement. Ils sont applicables aux consommateurs et aux non professionnels.' ;
Considérant que les non professionnels peuvent bénéficier de ce texte ;
Considérant que doit être considérée comme un non professionnel toute personne morale qui agit à des fins n'entrant pas dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ; que la mission du syndicat de propriétaires, telle que définie par l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 relative au statut de la copropriété des immeubles bâtis - qui dispose : 'La collectivité des copropriétaires d'un même ensemble immobilier est constituée en un syndicat, qui a la personnalité civile. (...) Il a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes. (...)' - ne relève d'aucune activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole et est exclusive de tout but lucratif ; que, s'il ressort de l'instruction fiscale n° 3A-3-99 (parue au Bulletin officiel des impôts le 5 mai 1999) relative aux règles de TVA et de taxe sur les salaires applicables aux syndicats de copropriétaires gérant des immeubles ou des résidences avec services, invoquée par la société Park Alizés, que le syndicat des copropriétaires a une activité économique, ce seul élément est insuffisant à en faire un professionnel ; qu'un syndicat de propriétaires n'est, dès lors, pas un professionnel au sens des dispositions du code de la consommation ;
Considérant que, si le syndicat a décerné un mandat de représentation au syndic de copropriété Immobilière 3F, puis Nexity Lamy, ce mandat a donné au syndic le pouvoir d'agir pour le mandant et en son nom ; que, le mandat délivré à un professionnel étant sans effet sur l'engagement du non professionnel, la représentation d'un syndicat de copropriétaires par un syndic professionnel ne fait pas perdre au syndicat sa qualité de non professionnel ; que le syndicat est, dans ces conditions fondé à invoquer le bénéfice de l'article L.136-1 du code de la consommation ;
Considérant que la société Park Alizés ne conteste pas avoir omis d'adresser l'information prévue au 1° alinéa de l'article L. 136-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable ; que le syndicat des copropriétaires était en conséquence autorisé à mettre en oeuvre les dispositions du 2° alinéa de ce même article afin de mettre un terme au contrat sans être tenu à un quelconque préavis de rupture ; que la cour déboutera de sa demande présentée au titre des redevances contractuelles dues jusqu'au terme de la période de renouvellement du contrat et infirmera en ce sens le jugement entrepris ; que la société Park Alizés, qui succombe, sera également déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, le jugement étant confirmé en ce qu'il a débouté Park Alizés de cette demande ;
Considérant que l'équité commande de condamner la société Park Alizés à payer au Syndicat des copropriétaires des Parkings Les Orgues de Flandre la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté la SAS Park Alizés de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Statuant à nouveau ;
DEBOUTE la SAS Park Alizés de ses demandes ;
CONDAMNE la SAS Park Alizés à payer au Syndicat des copropriétaires des Parkings Les Orgues de Flandre la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS Park Alizés aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.