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Décisions

CJUE, 7e ch., 17 octobre 2024, n° C-112/23 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

PT Pelita Agung Agrindustri, PT Permata Hijau Palm Oleo

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents de chambre :

M. Biltgen, Mme Arastey Sahún

Juge :

M. Passer (rapporteur)

Avocat général :

M. Emiliou

Avocats :

Me Cornelis, Me Graafsma, Me Dibling

CJUE n° C-112/23 P

16 octobre 2024

LA COUR (septième chambre),

1 Par leur pourvoi, PT Pelita Agung Agrindustri et PT Permata Hijau Palm Oleo demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 14 décembre 2022, PT Pelita Agung Agrindustri et PT Permata Hijau Palm Oleo/Commission (T 143/20, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:811), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2019/2092 de la Commission, du 28 novembre 2019, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de biodiesel originaire d’Indonésie (JO 2019, L 317, p. 42, ci-après le « règlement litigieux »), dans la mesure où il les concerne.

 Le cadre juridique

2 L’article 7 du règlement (UE) 2016/1037 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 55), intitulé « Dispositions générales concernant le calcul », prévoit :

« 1. Le montant de la subvention passible de mesures compensatoires est calculé par unité du produit subventionné exporté vers l’Union [européenne].

En établissant ledit montant, les éléments suivants peuvent être déduits de la subvention totale :

a) tous frais de dossier ou autres coûts nécessairement encourus pour avoir droit à la subvention ou pour en bénéficier ;

b) les taxes à l’exportation, droits ou autres charges prélevés à l’exportation du produit vers l’Union, destinés spécifiquement à la compensation de la subvention.

Lorsqu’une partie intéressée demande une telle déduction, il lui incombe d’apporter la preuve que cette demande est justifiée.

2. Lorsque la subvention n’est pas accordée par référence aux quantités fabriquées produites, exportées ou transportées, le montant de la subvention passible de mesures compensatoires est déterminé en répartissant, de façon adéquate, la valeur de la subvention totale sur le niveau de production, de vente ou d’exportation du produit en question au cours de la période d’enquête.

[...] »

3 L’article 8 de ce règlement, intitulé « Détermination du préjudice », dispose :

« 1. La détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif :

a) du volume des importations faisant l’objet de subventions et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union ; et

b) de l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union.

2. En ce qui concerne le volume des importations faisant l’objet de subventions, on examine s’il y a eu une augmentation notable des importations faisant l’objet de subventions soit en quantités absolues, soit par rapport à la production ou à la consommation dans l’Union. En ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet de subventions sur les prix, on examine s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet de subventions, sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites. Aucun ni même plusieurs de ces facteurs ne constituent nécessairement une base de jugement déterminante.

[...] »

 Les antécédents du litige

4 Les antécédents du litige sont exposés aux points 2 à 18 de l’arrêt attaqué. Pour les besoins du présent pourvoi, ils peuvent être résumés de la façon suivante.

5 Les requérantes sont des sociétés indonésiennes qui produisent et exportent du biodiesel vers l’Union.

6 Le 19 novembre 2013, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement d’exécution (UE) no 1194/2013 instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de biodiesel originaire de l’Argentine et de l’Indonésie (JO 2013, L 315, p. 2), qui a appliqué aux requérantes un droit antidumping définitif.

7 Par arrêt du 15 septembre 2016, PT Pelita Agung Agrindustri/Conseil (T 121/14, EU:T:2016:500), le Tribunal a annulé les articles 1er et 2 de ce règlement dans la mesure où ils concernaient la première des requérantes en pourvoi.

8 Le 25 janvier 2018, dans un rapport intitulé « Union européenne – Mesures antidumping sur le biodiesel en provenance d’Indonésie » [WT/DS 480/R, ci-après le « rapport du groupe spécial “UE-biodiesel (Indonésie)” »], le groupe spécial de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a, en outre, conclu que l’Union avait agi de manière incompatible avec plusieurs dispositions de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1994 et de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI du GATT (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l’« accord antidumping »), figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’OMC (JO 1994, L 336, p. 3).

9 À la suite d’une plainte déposée par le European Biodiesel Board (EBB), la Commission européenne a, par avis publié au Journal officiel de l’Union européenne le 6 décembre 2018 (JO 2018, C 439, p. 16), ouvert une procédure antisubventions concernant les importations de biodiesel originaire d’Indonésie.

10 Le produit visé par l’enquête correspond aux « esters monoalkyles d’acides gras et/ou aux gazoles paraffiniques obtenus par synthèse et/ou hydrotraitement, d’origine non fossile, communément dénommés “biodiesel”, purs ou sous forme de mélange », originaires d’Indonésie (ci-après le « produit concerné »).

11 Le biodiesel produit en Indonésie est principalement de l’ester méthylique d’huile de palme (ci-après l’« EMP »), qui est dérivé de l’huile de palme brute (ci-après l’« HPB »). Le biodiesel produit dans l’Union, en revanche, est essentiellement de l’ester méthylique de colza (ci-après l’« EMC »), mais il est aussi obtenu à partir d’autres matières premières, dont l’HPB.

12 L’EMP et l’EMC appartiennent tous deux à la catégorie des esters monoalkyles d’acides gras. Le terme « ester » fait référence à la transestérification des huiles végétales, à savoir le mélange de l’huile avec de l’alcool, ce qui produit le biodiesel et, en tant que sous-produit, la glycérine. L’adjectif « méthylique » renvoie au méthanol, l’alcool le plus couramment utilisé dans ce processus. Les esters monoalkyles d’acides gras sont également connus sous le nom d’« esters méthyliques d’acides gras » (ci-après les « EMAG »). Bien que l’EMP et l’EMC soient tous deux des EMAG, ils ont des propriétés physiques et chimiques en partie différentes, et notamment une température limite de filtrabilité (ci-après la « TLF ») différente. La TLF correspond à la température à laquelle un carburant bouche un filtre à carburant, du fait de la cristallisation ou de la gélification de certains de ses composants. Pour l’EMC, la TLF peut être de -14 degrés Celsius (°C) tandis que, pour l’EMP, elle est d’environ 13 °C. Sur le marché, le biodiesel ayant une TLF particulière est souvent désigné par le sigle EMAG X, par exemple EMAG 0 pour le biodiesel ayant une TLF de 0 °C ou EMAG 5 pour le biodiesel ayant une TLF de 5 °C.

13 L’enquête relative aux subventions et au préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er octobre 2017 et le 30 septembre 2018 (ci-après la « période d’enquête »). L’analyse des tendances utiles pour la détermination du préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er janvier 2015 et la fin de la période d’enquête. Le cas échéant, la Commission a également examiné des données postérieures à la période d’enquête.

14 Le 12 août 2019 et le 28 novembre 2019 respectivement, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2019/1344 instituant un droit compensateur provisoire sur les importations de biodiesel originaire d’Indonésie (JO 2019, L 212, p. 1, ci-après le « règlement provisoire »), puis le règlement litigieux.

15 Elle a considéré que les pouvoirs publics indonésiens avaient soutenu l’industrie du biodiesel par le biais de subventions au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement 2016/1037. La Commission a retenu que ce soutien avait eu lieu au moyen de certains programmes. Il s’agissait, notamment, du fait que le Fonds de plantation des palmiers à huile, un organisme public (ci-après le « Fonds »), versait aux producteurs de biodiesel ayant livré du biodiesel à des sociétés désignées en tant qu’« entités de Petrofuel » la différence entre le prix de référence du diesel minéral, payé par ces entités, et le prix de référence du biodiesel fixé par le ministre de l’Énergie et des Ressources minérales. La Commission a aussi retenu que les pouvoirs publics indonésiens avaient chargé les producteurs d’HPB, matière première que les producteurs de biodiesel achetaient afin de la transformer en biodiesel, de fournir cette matière première moyennant une rémunération moins qu’adéquate ou qu’ils leur avaient ordonné de le faire, notamment par le biais de restrictions à l’exportation et du contrôle des prix, par l’intermédiaire du groupe de sociétés publiques PT Perkebunan Nusantara.

16 Le droit compensateur définitif applicable aux requérantes était de 18 %.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

17 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 mars 2020, les requérantes ont introduit un recours tendant à l’annulation du règlement litigieux, dans la mesure où il les concerne.

18 À l’appui de leur recours, les requérantes ont invoqué sept moyens. Seuls le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement 2016/1037 lors de la détermination de la sous-cotation, et la seconde branche du cinquième moyen, tirée d’une erreur manifeste que la Commission aurait commise en répartissant le montant des versements reçus par le Fonds sur le chiffre d’affaires total de leurs ventes de biodiesel, sont pertinents pour l’appréciation des moyens avancés dans le pourvoi.

19 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours.

20 S’agissant de la première branche du premier moyen, tirée de l’absence de prise en compte de l’ensemble des données pertinentes dans la détermination de la sous-cotation, le Tribunal a rejeté les arguments des requérantes concernant tant la première méthode de calcul de la sous-cotation des prix, qui consistait à comparer les importations d’EMP originaire d’Indonésie aux ventes d’EMP produit dans l’Union et qui couvrait environ 20 % de toutes les ventes des producteurs de biodiesel de l’Union retenus dans l’échantillon (points 33 à 41 de l’arrêt attaqué), que la deuxième méthode de calcul, qui consistait à inclure dans les ventes de biodiesel produit dans l’Union comparées aux importations en provenance d’Indonésie les ventes d’EMAG 0 par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon et qui couvrait 55 % de l’ensemble des ventes de l’industrie de l’Union (points 42 à 52 de l’arrêt attaqué), ainsi que la troisième méthode de calcul, qui consistait à comparer les importations de biodiesel en provenance d’Indonésie à l’échelle du pays à l’ensemble des ventes de biodiesel des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon (points 53 à 70 de l’arrêt attaqué). Le Tribunal a également rejeté la seconde branche du premier moyen, tirée de l’absence de détermination de la sous-cotation des prix pour le produit de l’industrie de l’Union dans son ensemble (points 72 à 81 de l’arrêt attaqué) et du fait d’avoir retenu à tort l’existence d’une pression sur les prix (points 83 à 88 de l’arrêt attaqué).

21 S’agissant de la seconde branche du cinquième moyen, le Tribunal a considéré, d’une part, au point 226 de l’arrêt attaqué, que, en répartissant les montants des subventions non seulement sur les ventes sur le marché indonésien mais aussi sur les ventes à l’exportation, la Commission a agi conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2016/1037 ainsi qu’à sa communication intitulée « Calcul du montant des subventions dans le cadre des enquêtes antisubventions » (JO 1998, C 394, p. 6), étant donné que ces subventions ne sont pas accordées par référence aux quantités fabriquées, produites et exportées ou transportées et ne sont pas des subventions à l’exportation. D’autre part, au point 234 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que la Commission n’avait pas violé son obligation de motivation s’agissant de l’argument que l’une des requérantes avait fait valoir à titre subsidiaire lors de la procédure administrative et selon lequel le montant des subventions devrait être réparti sur son chiffre d’affaires total, incluant tant le biodiesel que les autres produits.

 Les conclusions des parties devant la Cour

22 Les requérantes demandent à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ainsi que le règlement litigieux et de condamner la Commission aux dépens afférents tant à la procédure en première instance qu’à celle de pourvoi ou,

– à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de réserver les dépens afférents tant à la procédure en première instance qu’à celle de pourvoi.

23 La Commission demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi et

– de condamner les requérantes aux dépens de la procédure.

24 L’EBB conclut dans le même sens que la Commission.

 Sur le pourvoi

25 À l’appui de leur pourvoi, les requérantes soulèvent six moyens, tirés, les quatre premiers, des erreurs de droit commises par le Tribunal dans l’interprétation de l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement 2016/1037 ainsi que d’une dénaturation des éléments de preuve produits devant lui dans ce contexte, le cinquième, d’une dénaturation par le Tribunal des éléments de preuve produits devant lui dans le contexte de l’application de l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement, et, le sixième, tiré, d’une part, d’une erreur dans l’interprétation de leur grief tiré de la violation, par la Commission, de son obligation de motivation ainsi que, d’autre part, d’une erreur de droit dans l’interprétation de cet article 7, paragraphe 2.

 Sur les trois premiers moyens

 Argumentation des parties

26 Dans le cadre du premier moyen, les requérantes soutiennent que, aux points 85 à 87 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, d’une part, mal interprété l’article 8, paragraphe 2, du règlement 2016/1037 et, d’autre part, dénaturé les éléments de preuve produits devant lui. Premièrement, au lieu de s’assurer que la pression sur les prix, constatée par la Commission, était « forte », le Tribunal se serait borné à rechercher s’il existait une simple pression sur les prix. Selon les requérantes, une différence de 0,21 point de pourcentage entre la baisse des coûts de production de 4,35 % et la baisse des prix de vente de l’industrie de l’Union de 4,56 %, relevées par le Tribunal au point 86 de l’arrêt attaqué, ne peut pas constituer une forte pression sur les prix. Deuxièmement, le Tribunal aurait ignoré le fait que, entre la période d’enquête et la période postérieure à celle-ci, il n’y avait pas eu de pression sur les prix, ce qui ressortirait du tableau figurant au point 85 de l’arrêt attaqué.

27 À l’appui de leur deuxième moyen, les requérantes soutiennent que, en confirmant, aux points 48 à 51 de l’arrêt attaqué, la deuxième méthode de calcul de la sous-cotation des prix, le Tribunal a interprété de manière erronée ou a ignoré les conclusions du rapport du groupe spécial « UE-biodiesel (Indonésie) », que le juge de l’Union serait, conformément à la jurisprudence, tenu de prendre en compte aux fins de l’interprétation et de l’application de l’accord antidumping. Ces conclusions auraient concerné un ajustement identique à celui effectué dans le règlement litigieux, la seule différence étant que, dans le cadre de l’enquête ayant donné lieu à ce rapport, le prix des importations indonésiennes avait été ajusté à la hausse alors que, dans ce règlement, le prix de vente de l’EMAG 0 de l’industrie de l’Union a été ajusté à la baisse. Dans la mesure où le Tribunal a écarté lesdites conclusions du groupe spécial en affirmant que la situation du marché a évolué par rapport à celle qui les avait motivées, puisque, à présent, l’industrie de l’Union produit également de l’EMP, les requérantes font observer, d’une part, que la part de la production d’EMP dans les ventes prises en considération dans le cadre de la deuxième méthode de calcul ne s’élève qu’à 20 % et, d’autre part, que la situation du marché, en tant notamment qu’elle concerne la part des ventes d’EMAG 0 de l’industrie de l’Union, n’a pas changé. Ainsi, le Tribunal aurait dénaturé les conclusions du groupe spécial ou, à titre subsidiaire, n’aurait pas indiqué pourquoi il les avait ignorées.

28 Dans le cadre de leur troisième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a dénaturé les conclusions du rapport du groupe spécial de l’OMC, du 25 septembre 2013, intitulé « Chine – Mesures antidumping et compensatoires visant les produits à base de poulet de chair en provenance des États-Unis » (WT/DS 427/R), et d’autres décisions pertinentes de l’OMC ainsi que certains arrêts des juridictions de l’Union, lorsqu’il a entériné, au point 62 de l’arrêt attaqué, la troisième méthode de calcul de la sous-cotation des prix et a imposé aux requérantes, au point 63 de cet arrêt, une obligation de démontrer qu’un ajustement des prix était nécessaire. En effet, il ressortirait de ces décisions et de ces arrêts que l’obligation qui incombe à l’autorité chargée de l’enquête de veiller à ce que les produits comparés soient comparables aux fins du calcul de la sous-cotation des prix est absolue et n’est assortie d’aucune réserve, et qu’aucune exigence supplémentaire en matière de preuve ne pèse sur les requérantes aux fins de démontrer quels ajustements sont nécessaires afin de garantir une comparaison équitable.

29 La Commission et l’EBB concluent au rejet de ces moyens.

 Appréciation de la Cour

30 Conformément à l’article 8, paragraphe 1, du règlement 2016/1037, la détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif, d’une part, du volume des importations faisant l’objet de subventions et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union et, d’autre part, de l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union.

31 Aux termes du paragraphe 2 de cet article, en ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet de subventions sur les prix, on examine s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet de subventions, sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites.

32 À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, il ressort d’une jurisprudence constante que les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques et politiques qu’elles doivent examiner de telle sorte que le contrôle juridictionnel de ce large pouvoir d’appréciation doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (arrêt du 12 mai 2022, Commission/Hansol Paper, C 260/20 P, EU:C:2022:370, point 58 et jurisprudence citée).

33 L’examen de l’existence d’une sous-cotation des prix et d’une pression sur ceux-ci étant une question économiquement complexe pour laquelle le règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21), n’impose aucune méthode particulière, la Commission jouit, dès lors, d’un large pouvoir d’appréciation à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2022, Commission/Hansol Paper, C 260/20 P, EU:C:2022:370, point 99).

34 En l’espèce, il découle des considérants 292 à 300 du règlement provisoire et des considérants 234 à 271 du règlement litigieux que la Commission a utilisé les trois méthodes évoquées au point 20 du présent arrêt pour établir l’existence d’une sous-cotation notable des prix de l’Union par les importations indonésiennes de biodiesel au cours de la période d’enquête.

35 Aux considérants 301 et 325 à 329 du règlement provisoire ainsi qu’aux considérants 342 à 351 du règlement litigieux, la Commission a également examiné si les prix de l’industrie de l’Union étaient déprimés par les importations faisant l’objet de subventions. Dans ce cadre, elle a estimé, notamment, que le marché du biodiesel était un marché de produits de base sensible aux prix et que, sur un tel marché, une sous-cotation des prix d’environ 10 % exerçait une forte pression à la baisse sur les prix. Elle a ajouté que, en raison de cette pression sur les prix, l’industrie de l’Union n’avait pas pu bénéficier de la baisse des coûts au cours de la période d’enquête, car elle avait dû répercuter intégralement cette baisse sur ses clients pour éviter une perte de part de marché encore plus importante et que, en conséquence, l’industrie de l’Union n’avait pas pu améliorer sa marge bénéficiaire insatisfaisante en raison de la pression exercée sur les prix par des quantités importantes d’importations à bas prix faisant l’objet de subventions dans une situation de marché par ailleurs favorable.

36 S’agissant, en premier lieu, de la deuxième méthode de calcul de la sous-cotation des prix, les requérantes soutiennent que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a dénaturé le rapport du groupe spécial « UE-biodiesel (Indonésie) » ou n’a pas indiqué pourquoi il avait ignoré ce rapport.

37 Dans ce rapport, qui concernait le droit antidumping institué par le règlement d’exécution no 1194/2013, mentionné au point 6 du présent arrêt, le groupe spécial de l’OMC a considéré, notamment, au point 7.157, que, « [m]ême s’il se peut que l’EMP en provenance d’Indonésie et le biodiesel mélangé ayant une TLF de 0 [°C] soient tous deux en concurrence pour ce qui est des ventes aux sociétés qui mélangent le biodiesel avec du diesel minéral, cela ne change rien au fait que les autorités de l’[Union] n’ont pas expliqué si la comparaison entre les ventes d’EMP et de biodiesel mélangé ayant une TLF de 0 [°C] avait été faite à un niveau de comparaison approprié, compte tenu du fait que l’EMP était un intrant pour les mélanges, y compris le biodiesel ayant une TLF de 0 [°C] ». Le groupe spécial a ajouté, au point 7.158 dudit rapport, que, « [m]ême si les autorités de l’[Union] ont apporté un ajustement au prix de l’EMP indonésien pour tenir compte des niveaux de TLF différents du biodiesel indonésien et du biodiesel de l’[Union], nous sommes d’avis que cet ajustement n’est pas suffisant pour rendre compte de la complexité dans les rapports de concurrence entre l’EMP et le biodiesel mélangé ayant une TLF de 0 [°C], étant donné que l’EMP indonésien est un intrant pour le biodiesel mélangé, y compris le biodiesel mélangé ayant une TLF de 0 [°C] ».

38 À cet égard, il ressort certes de la jurisprudence de la Cour que la primauté des accords internationaux conclus par l’Union sur les textes de droit dérivé de l’Union commande d’interpréter ces derniers, dans la mesure du possible, en conformité avec ces accords (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C 891/19 P, EU:C:2022:38, point 31 et jurisprudence citée).

39 En outre, la Cour a déjà jugé que le principe de droit international général de respect des engagements contractuels (pacta sunt servanda), consacré à l’article 26 de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331), implique que le juge de l’Union doit, aux fins de l’interprétation et de l’application de l’accord antidumping, tenir compte de l’interprétation des différentes dispositions de cet accord que l’organe de règlement des différends de l’OMC a adoptée (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C 891/19 P, EU:C:2022:38, point 32 et jurisprudence citée).

40 En l’espèce, si le rapport du groupe spécial « UE-biodiesel (Indonésie) » portait sur une autre période d’enquête et sur un autre acte des autorités compétentes, comportant les motifs qui lui sont propres, de sorte que les conclusions figurant dans ce rapport ne sauraient être transposées en tant que telles à la présente affaire, ce rapport concernait néanmoins le même produit en provenance du même pays tiers. De ce fait, ces conclusions peuvent être pertinentes dans le cadre de l’examen du règlement litigieux.

41 Néanmoins, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a tenu compte, aux points 42 à 52 de l’arrêt attaqué, du rapport du groupe spécial « UE-biodiesel (Indonésie) » en considérant, en particulier, premièrement, que la Commission avait souligné, à juste titre, aux considérants 251 et 252 du règlement litigieux, que la structure de l’industrie de l’Union, qui désormais produit également de l’EMP, avait changé et que la situation du marché avait ainsi été modifiée par rapport à celle qui avait motivé l’analyse figurant dans ce rapport et, deuxièmement, qu’il ressort des considérants 254 et 297 du règlement litigieux que la Commission avait dûment pris en compte dans son analyse tant l’utilisation de l’EMP et de l’EMAG 0 que les relations concurrentielles entre ces deux produits.

42 En effet, d’une part, si c’est à juste titre que les requérantes relèvent que la deuxième méthode de calcul de la sous-cotation des prix ne portait pas que sur une comparaison de l’EMP importé d’Indonésie avec l’EMP produit par l’industrie de l’Union, celle-ci étant, en outre, déjà couverte par la première méthode de calcul, il n’apparaît pas manifestement erroné de considérer que le fait, relevé par le Tribunal au point 48 de l’arrêt attaqué, que l’industrie de l’Union produit désormais également de l’EMP constituait un élément pertinent même dans le cadre de l’analyse des relations concurrentielles entre l’EMAG 0 produit par l’industrie de l’Union et l’EMP importé, étant donné, notamment, que, ainsi qu’il découle du considérant 297 du règlement provisoire dont le contenu a été rappelé au point 50 de l’arrêt attaqué, l’EMAG 0 inclut souvent jusqu’à 20 % d’EMP.

43 D’autre part, comme l’a relevé le Tribunal dans ce point 50 de l’arrêt attaqué, la Commission a, dans les règlements provisoire et litigieux, expliqué pourquoi elle estimait que la comparaison entre les ventes d’EMP et celles d’EMAG 0 avait été considérée comme appropriée. Or, les requérantes ne contestent pas ces explications, mais se bornent à renvoyer au rapport du groupe spécial « UE-biodiesel (Indonésie) » dans lequel ce groupe a critiqué l’absence, dans l’enquête ayant donné lieu à ce rapport, de telles explications.

44 En ce qui concerne, en deuxième lieu, la troisième méthode de calcul de la sous-cotation des prix, dans le cadre de laquelle la Commission a comparé toutes les importations du produit concerné en provenance des producteurs-exportateurs indonésiens à toutes les ventes de biodiesel des producteurs de l’Union sans ajustement du prix, il y a lieu de relever que ni l’article 8, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement 2016/1037 ni aucune autre disposition de ce règlement n’indique que la Commission doit procéder à de tels ajustements aux fins de la détermination du préjudice.

45 Certes, aux termes de l’article 8, paragraphe 1, du règlement 2016/1037, la détermination de l’existence d’un préjudice doit comporter un examen objectif.

46 À cet égard, toutefois, force est de constater que les requérantes ne démontrent pas que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qu’il a considéré, au point 62 de l’arrêt attaqué, après avoir rappelé au point 57 le rapport du groupe spécial de l’OMC visé au point 28 du présent arrêt, que la décision de la Commission de ne pas procéder à des ajustements des prix, dans le cadre de la troisième méthode de calcul, avait été fondée sur des éléments objectifs, à savoir la complexité des relations concurrentielles entre les biodiesels à différents niveaux de TLF, la différence dans les conditions de marché pour les biodiesels à différents niveaux de TLF et l’absence de corrélation directe entre le niveau de TLF et le prix.

47 En effet, compte tenu de ces éléments, dont la véracité, ainsi que le relève la Commission, n’est pas contestée par les requérantes, la troisième méthode de calcul de la sous-cotation des prix, qui compare l’ensemble des importations du produit concerné à l’ensemble des ventes de biodiesel dans l’Union sans ajustement et qui, par ailleurs, s’inscrit dans le cadre d’un calcul complexe qui comprend deux autres méthodes de calcul, n’apparaît pas manifestement contraire à l’exigence d’un examen objectif, prévue à l’article 8, paragraphe 1, du règlement 2016/1037.

48 Dans ces conditions, il ne saurait, en outre, être reproché au Tribunal, comme le font les requérantes dans le cadre du présent pourvoi, d’avoir considéré, au point 63 de l’arrêt attaqué, que, dans ce contexte, il appartenait aux requérantes de démontrer que les ajustements qu’elles sollicitaient étaient, en l’occurrence, nécessaires.

49 S’agissant, en troisième lieu, des arguments des requérantes relatifs à l’examen, par la Commission puis par le Tribunal, de la question de savoir si les importations faisant l’objet de subventions ont eu pour effet de déprimer les prix de l’industrie de l’Union, il convient de relever qu’il découle du libellé même de l’article 8, paragraphe 2, du règlement 2016/1037 qu’une sous-cotation notable du prix est présumée avoir cet effet.

50 En effet, conformément à cette disposition, aux fins de la détermination du préjudice, la Commission doit examiner, en ce qui concerne l’effet sur les prix, « s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet de subventions, sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites ».

51 Il s’ensuit que, dès lors qu’une sous-cotation notable du prix est constatée, cela suffit pour conclure que les importations du produit en question ont pour effet de déprimer sensiblement les prix de l’industrie de l’Union ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites.

52 Par conséquent, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort des points 36 à 48 du présent arrêt, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en ce qui concerne l’examen des deuxième et troisième méthodes de calcul de la sous-cotation des prix, de sorte que la conclusion opérée par la Commission au considérant 271 du règlement litigieux, selon laquelle les importations en provenance d’Indonésie au cours de la période d’enquête avaient entraîné une sous-cotation sensible des prix de l’industrie de l’Union, doit être considérée comme valide, les arguments des requérantes relatifs à l’examen, par la Commission puis par le Tribunal, de la question de savoir si les prix de l’industrie de l’Union étaient déprimés par les importations faisant l’objet de subventions ne sauraient, de ce fait, prospérer.

53 En tout état de cause, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, premièrement, le Tribunal n’a pas ignoré le libellé de l’article 8, paragraphe 2, du règlement 2016/1037 qu’il a reproduit fidèlement au point 27 de l’arrêt attaqué, tout en se référant à une « forte pression à la baisse sur les prix » aux points 84 et 308 de cet arrêt.

54 Deuxièmement, la circonstance, invoquée à titre principal par les requérantes, que, entre l’année 2017 et la période d’enquête, la différence entre la baisse des coûts de production (de 4,35 %) et la baisse des prix de vente de l’industrie de l’Union (de 4,56 %) a été limitée à 0,21 point de pourcentage n’est pas à même de démontrer de façon manifeste une dénaturation, par le Tribunal, des éléments qui lui ont été soumis.

55 En particulier, ainsi que le relèvent la Commission et l’EBB, il découle des tableaux 9 et 14 du règlement provisoire, premièrement, que la part de marché des producteurs de l’Union est passée de 91,6 % en 2017 à 81,5 % au cours de la période d’enquête, ce qui a coïncidé avec la hausse soudaine des importations faisant l’objet de subventions au cours de cette période et, deuxièmement, que la rentabilité de l’industrie de l’Union s’est élevée à 0,8 % du chiffre d’affaires en 2017 et au cours de ladite période.

56 Compte tenu de tous ces éléments, il n’apparaît pas manifestement erroné de considérer que les importations du produit concerné ont eu pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites.

57 Par conséquent, les premier à troisième moyens doivent être rejetés.

 Sur le quatrième moyen

 Argumentation des parties

58 Selon les requérantes, dès lors que les trois premiers moyens du présent pourvoi démontrent que c’est à tort que le Tribunal a confirmé le bien-fondé des deuxième et troisième méthodes de calcul de la sous-cotation des prix, la conclusion tirée au point 80 de l’arrêt attaqué, selon laquelle c’est sans commettre d’erreur que la Commission avait « calculé la sous-cotation des prix d’abord pour 20 %, ensuite pour 55 % et finalement pour l’ensemble des ventes des producteurs de l’Union » et selon laquelle elle n’avait donc procédé à aucune extrapolation à partir des constatations faites sur la base de 20 % des ventes de l’Union, doit être écartée. En outre, même si la Cour entérinait la deuxième méthode de calcul, le Tribunal a, selon les requérantes, erronément interprété l’article 8, paragraphe 1, du règlement 2016/1037, en affirmant, au point 81 de l’arrêt attaqué, que, « [à] supposer que la Commission se soit, à tort, fondée sur la troisième méthode de calcul de la sous-cotation, l’argumentation des requérantes ne pourrait davantage prospérer » étant donné que « l’utilisation de deux autres méthodes a permis à la Commission d’évaluer l’importance de la sous-cotation pour 55 % des ventes des producteurs de l’Union, c’est-à-dire une majorité des ventes, représentative de la situation sur l’ensemble du marché ». En effet, il découlerait de la jurisprudence de la Cour ainsi que, par analogie, de l’article 2, paragraphe 4, du règlement 2016/1036, qu’une sous-cotation des prix de seulement 7,4 % établie pour une moitié des ventes de l’industrie de l’Union, alors que l’autre moitié de ces ventes a été ignorée, ne constitue pas une base objective fondée sur des éléments de preuve positifs pour établir une sous-cotation globale des prix ou des effets globaux sur les prix.

59 La Commission et l’EBB contestent cette argumentation.

 Appréciation de la Cour

60 Ainsi qu’il découle du point 58 du présent arrêt, le quatrième moyen dépend entièrement du bien-fondé des deuxième et troisième moyens. En effet, il repose sur l’hypothèse, avancée par les requérantes dans le cadre de leurs deuxième et troisième moyens, que c’est à tort que le Tribunal a confirmé le bien-fondé des deuxième et troisième méthodes de calcul de la sous-cotation des prix.

61 Partant, dans la mesure où les deuxième et troisième moyens doivent être rejetés, il y a lieu de rejeter également le quatrième.

 Sur le cinquième moyen

 Argumentation des parties

62 Les requérantes soutiennent que, en déclarant, au point 226 de l’arrêt attaqué, que « les subventions n’éta[ie]nt pas accordées par référence aux quantités fabriquées, produites, exportées ou transportées » – ce qui l’aurait conduit à conclure, à tort, que le recours à la méthode de répartition prévue à l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2016/1037 était juridiquement correct –, le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve produits devant lui. En effet, il ressortirait des points 189 et 220 de l’arrêt attaqué que le Tribunal était saisi d’éléments de preuve attestant que les versements effectués au titre du régime du Fonds avaient été accordés par référence aux quantités transportées ou livrées par les requérantes.

63 Les requérantes ajoutent que le fait que la communication de la Commission intitulée « Calcul du montant des subventions dans le cadre des enquêtes antisubventions » prévoit que, « [p]our les subventions autres qu’à l’exportation, les ventes totales (intérieures et à l’exportation) doivent être utilisées comme dénominateur, puisque ces subventions sont accordées tant sur les ventes intérieures que sur les ventes à l’exportation » n’enlèverait rien à l’impossibilité de recourir à une répartition fondée sur « le niveau de production, de vente ou d’exportation du produit en question », la Commission ne pouvant pas se départir, dans ce contexte, du texte de rang supérieur, en l’occurrence de l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2016/1037.

64 La Commission ainsi que l’EBB concluent au rejet de ce moyen.

 Appréciation de la Cour

65 Conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2016/1037, lorsque la subvention n’est pas accordée par référence aux quantités fabriquées produites, exportées ou transportées, le montant de la subvention passible de mesures compensatoires est déterminé en répartissant, de façon adéquate, la valeur de la subvention totale sur le niveau de production, de vente ou d’exportation du produit en question au cours de la période d’enquête.

66 Par leur argumentation, les requérantes remettent en cause la confirmation, par le Tribunal, de l’existence, en l’espèce, de l’hypothèse sur laquelle repose cette disposition.

67 À cet égard, il convient toutefois de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen et des arguments qu’elle n’a pas soulevés devant le Tribunal reviendrait à l’autoriser à saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. En effet, dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens et aux arguments débattus devant les premiers juges (arrêt du 8 novembre 2016, BSH/EUIPO, C 43/15 P, EU:C:2016:837, point 43 et jurisprudence citée).

68 Or, force est de constater que, devant le Tribunal, les requérantes n’ont formulé aucun argument qui aurait visé, d’une manière claire et précise, à contester l’existence de l’hypothèse sur laquelle repose l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2016/1037, alors que la Commission avait expressément fait état de l’existence de cette hypothèse aux considérants 194 à 196 du règlement litigieux, en réponse à un argument d’une autre partie intéressée.

69 Aux points 132 à 135 de leur requête en première instance, les requérantes se sont, au contraire, contentées de faire valoir que la Commission avait commis une erreur manifeste en répartissant les versements du Fonds sur leur chiffre d’affaires total issu du biodiesel, estimant que celle-ci avait méconnu leur argument selon lequel ces versements ne peuvent être répartis que sur les ventes effectuées sur le marché national et non sur les exportations vers l’Union, étant donné que seules ces ventes avaient justifié lesdits versements.

70 Dans ces conditions, les requérantes ne peuvent, d’une part, reprocher au Tribunal d’avoir fondé son examen du cinquième moyen qu’elles avaient invoqué en première instance sur l’existence, en l’espèce, de l’hypothèse mentionnée au point 66 du présent arrêt et, d’autre part, soulever des arguments tirés de l’inexistence de cette hypothèse, pour la première fois, devant la Cour.

71 Le cinquième moyen doit, dès lors, être rejeté comme étant irrecevable.

 Sur le sixième moyen

 Argumentation des parties

72 Les requérantes font valoir que le Tribunal a erronément interprété leur requête en première instance en affirmant, au point 228 de l’arrêt attaqué, qu’elles avaient soutenu « que, en ne répondant pas, dans le règlement [litigieux], à leur argument selon lequel le montant de la subvention aurait dû être réparti sur leur chiffre d’affaires total, la Commission a[vait] violé son obligation de motivation ». En réalité, ainsi qu’il découlerait du point 134 de cette requête, le grief des requérantes, tiré de la violation de l’obligation de motivation, aurait porté sur le fait que les versements du Fonds avaient été répartis sur les ventes vers l’Union et non sur la circonstance qu’ils ne l’avaient pas été sur le chiffre d’affaires total.

73 Par ailleurs, l’argument des requérantes, consistant à faire valoir, à titre subsidiaire, que, si les versements perçus pour les seules ventes de biodiesel sur le marché intérieur indonésien peuvent être répartis sur les ventes de biodiesel à l’exportation « parce que l’argent est fongible », alors la répartition de ces versements doit se faire sur toutes les ventes, serait non pas un simple argument de procédure, mais un argument de fond. À cet égard, compte tenu de la locution qualificative « de façon adéquate » dans le texte de l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2016/1037, en concluant, au point 227 de l’arrêt attaqué, que « l’approche consistant à prendre en compte le chiffre d’affaires total des ventes du biodiesel [étai]t appropriée et [qu’elle] n’appara[issai]t donc pas manifestement erronée », sans même rechercher si ou pourquoi elle l’était, le Tribunal aurait procédé à une interprétation et à une application erronées de cet article 7, paragraphe 2.

74 La Commission et l’EBB contestent ces arguments.

 Appréciation de la Cour

75 Ainsi que le relèvent les requérantes dans le cadre de la première branche du présent moyen résumée au point 72 du présent arrêt, il découle du point 134 de la requête en première instance que le grief des requérantes tiré de la violation, par la Commission, de l’obligation de motivation portait, en effet, sur le fait que les versements du Fonds avaient été répartis sur les ventes vers l’Union et non sur la circonstance qu’ils ne l’avaient pas été sur le chiffre d’affaires total, incluant tant le biodiesel que les autres produits.

76 C’est pourtant par rapport à ce dernier aspect que le Tribunal a, aux points 228 à 234 de l’arrêt attaqué, examiné puis rejeté le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation.

77 Il convient, cependant, de rappeler que, si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit de l’Union, mais que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, le pourvoi doit être rejeté (arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C 594/18 P, EU:C:2020:742, point 47 et jurisprudence citée).

78 Or, malgré l’erreur relevée au point 76 du présent arrêt, le Tribunal a fourni une réponse suffisante et correcte aux deux arguments sous-tendant le présent moyen quant à leur fond. En effet, il a considéré à juste titre, premièrement, au point 226 de l’arrêt attaqué que, dans la mesure où les subventions n’étaient pas accordées par référence aux quantités fabriquées, produites, exportées ou transportées, la Commission, en répartissant les montants de ces subventions sur le chiffre d’affaires total généré par les ventes, au cours de la période d’enquête, du produit concerné, à savoir le biodiesel, s’est conformée à l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2016/1037. En outre, c’est également à juste titre que le Tribunal a relevé, deuxièmement, au point 231 de l’arrêt attaqué, qu’il apparaissait clairement à la lecture du considérant 81 du règlement provisoire, dont l’analyse a été confirmée par le règlement litigieux, que la répartition avait eu lieu conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2016/1037 qui prévoit la répartition de la valeur de la subvention totale sur le niveau de production de vente ou d’exportation du « produit en question », en l’espèce donc le biodiesel.

79 En effet, il découle du libellé même de l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2016/1037 que, dans l’hypothèse prévue par cette disposition, le montant de la subvention passible de mesures compensatoires doit être déterminé en répartissant la valeur de la subvention totale sur le niveau de production, de vente ou d’exportation du « produit en question », à l’exclusion donc d’autres produits éventuellement vendus par les entreprises concernées. En outre, il n’apparaît pas manifestement erroné de considérer, ainsi que l’a fait le Tribunal au point 226 de l’arrêt attaqué, que les versements du Fonds ne limitaient pas leurs effets sur le marché intérieur indonésien, mais constituaient un soutien apporté aux producteurs de biodiesel et pouvaient également leur conférer un avantage sur les ventes à l’exportation.

80 Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter également le sixième moyen et, partant, le pourvoi dans son intégralité.

 Sur les dépens

81 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

82 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

83 En l’espèce, les requérantes ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission et l’EBB, conformément aux conclusions de ces derniers.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête :

1) Le pourvoi est rejeté.

2) PT Pelita Agung Agrindustri et PT Permata Hijau Palm Oleo sont condamnées à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne et par le European Biodiesel Board.