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Décisions

CA Montpellier, 3e ch. civ., 16 juin 2022, n° 16/08307

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Loubet (ès qual.), Clauzel - Loubet (SCP)

Défendeur :

Lou Mazet (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Carlier

Conseillers :

M. Durand, Mme Simon

Avocats :

Me Lasry, Me Nguyen-Phung, Me Pollaud

TGI Béziers, du 14 nov. 2016, n° 13/0175…

14 novembre 2016

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EXPOSE DU LITIGE

La SCI Lou Mazet est une société familiale constituée le 21 août 1991 dont le capital est réparti entre Mme [C] [X] propriétaire de 20% du capital, Mme [K] [L] et M. [T] [X] possédant chacun 40 % des parts, ce dernier étant désigné en qualité de gérant.

Cette société était propriétaire d'un immeuble à [Localité 3] résidence [4].

Par acte du 3 janvier 2006 reçu par Me Loubet notaire associé de la SCP Clauzel-Loubet, la SCI Lou Mazet vendait à Mme [I] [R] pour un montant de 65 000 euros le bien immobilier 'résidence [4]' et le montant du prix était réglé sur le compte de la SCI Lagrange dont le capital est composé des mêmes associés, que la SCI Lou Mazet, mais dont Mme [L] est la gérante.

Les 3 janvier 2006 et 14 avril 2006, M. [T] [X] déposait plainte à l'encontre de Mme [K] [L] pour avoir établi et usé d'une part d'un faux procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire de la SCI Lou Mazet daté du 11 juillet 2005 donnant pouvoir à Mme [L] pour vendre le bien immobilier et d'autre part un document du 3 janvier 2006 au terme duquel M. [T] [X] donne ordre au notaire de verser le prix de vente de l'immeuble à la SCI Lagrange.

Par jugement du 8 octobre 2007, le tribunal correctionnel de Béziers déclarait coupable et condamnait Mme [L] des délits de faux et usage de faux en écriture.

Le 18 juin 2013, la SCI Lou Mazet assignait Me Loubet et la SCP [F] Loubet, notaires, devant le tribunal de grande instance de Béziers en responsabilité civile professionnelle.

Par jugement du 14 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Béziers a :

- dit que Maître [O] Loubet a commis une faute lors de l'établissement de l'acte du 3 janvier 2006 ;

- déclaré Me [O] Loubet responsable du dommage subi par la SCI Lou Mazet, prise en la personne de son représentant légal ;

- condamné solidairement Me [O] Loubet et la SCP Gerard [F] et Jean Luc Loubet Notaires Associés, prise en la personne de son représentant légal, à payer à la SCI Lou Mazet, prise en la personne de son représentant légal, la somme de 65 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel ;

- condamné solidairement Me [O] Loubet et la SCP Gerard [F] et Jean Luc Loubet Notaires Associés, prise en la personne de son représentant légal, à payer à la SCI Lou Mazet, prise en la personne de son représentant légal, une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté Me [O] Loubet et la SCP Gerard Clauzel et [O] Loubet Notaires Associés, prise en la personne de son représentant légal, de leur demande au titre de l' article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné solidairement Me [O] LOUBET et la SCP [Z] [F] et Jean Luc Loubet Notaires Associés, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de la présente instance.

La SCP [F] Loubet et Me [O] Loubet ont relevé appel du jugement le 28 novembre 2016 à l'encontre de la SCI Lou Mazet.

Le 29 novembre 2016, le ministère public a indiqué s'en rapporter.

Vu les conclusions de la SCP Clauzel Loubet et Me Jean-Luc Loubet remises au greffe le 5 juillet 2021 ;

Vu les conclusions de la SCI Lou Mazet remises au greffe le 9 novembre 2021.

MOTIF DE L'ARRÊT

Sur la prescription de l'action,

La SCP [F] Loubet et Me [O] Loubet concluent à l'infirmation du jugement. Ils font ainsi valoir que tant sur le fondement de l'article 1844-17 du code civil que sur le fondement de l'article 2240 du même code, l'action de la SCI Lou Mazet est prescrite, car elle disposait d'un délai de trois ans ou de cinq ans à compter du jugement du tribunal correctionnel de Béziers du 8 octobre 2007 condamnant Mme [L], pour agir en responsabilité contre le notaire, soit au plus tard le 9 octobre 2012, alors que la SCI Lou Mazet n'a saisi le tribunal de grande instance que le 18 juin 2013.

La SCI Lou Mazet sollicite la confirmation du jugement. Elle soutient que son action est recevable. Elle précise que la prescription de trois ans de l'article 1844-17 du code civil ne peut s'appliquer et que seule la prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil est applicable dont le délai expirait le 19 juin 2013 postérieurement à l'assignation du 18 juin 2013.

-Sur la prescription de l'article 1844-17 du code civil

En application de l'article 1844-17 du code civil, l'action en responsabilité fondée sur l'annulation de la société ou des actes et délibérations postérieurs à la constitution se prescrit par trois ans à compter du jour où la décision d'annulation est passée en force de chose jugée. La disparition de la cause de nullité ne met pas obstacle à l'exercice de l'action en dommages-intérêts tendant à la réparation du préjudice causé par le vice dont la société, l'acte ou la délibération était entaché. Cette action se prescrit par trois ans à compter du jour où la nullité a été couverte.

La prescription spécifique des dispositions de l'article 1844-17 du code civil, s'applique aux fondateurs et auteurs des actes sociétaires annulés et la prescription commence à courir du jour où la décision d'annulation est passée en force de chose jugée, l'application de cet article supposant nécessairement l'existence d'une décision d'annulation, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

La prescription abrégée des dispositions précités n'est pas applicable au notaire, qui n'a pas rédigé le procès-verbal et le mandat, qui n'ont pas été annulés.

- Sur la prescription de droit commun

Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'article 2222 du code civil dispose que la loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s'applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Aux termes de l'article 26-II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, les dispositions de la loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de ce texte, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

En l'espèce M. [T] [X] dépose plainte contre Mme [K] [L] le 14 avril 2006 après avoir découvert depuis quinze jours, qu'elle avait procédé à la vente de l'immeuble appartenant à la SCI Lou Mazet par acte reçu par Me Loubet du 3 janvier 2006 en produisant deux faux, un procès-verbal d'assemblée et un mandat de payer le prix à une autre société.

Par jugement du 8 octobre 2007, le tribunal correctionnel de Béziers déclare Mme [K] [L] coupable de faux et d'usage de faux en écriture à trois mois d'emprisonnement avec sursis, pour avoir procédé à la rédaction d'un procès-verbal d'assemblée de la SCI Lou Mazet du 11 juillet 2005 et à un pouvoir au nom de M. [T] [X].

Il ressort de l'examen de ces pièces, que M. [T] [X] en qualité de gérant de la SCI Lou Mazet était informé en avril 2006 de la vente effectuée par Mme [K] [L], sa mère, de l'immeuble appartenant à la SCI Lou Mazet, au moyen de faux documents et donc de la manifestation du dommage constituant le point de départ de la prescription.

Le délai de prescription prévu à l'ancien article 2270-1 du code civil qui expirait le 13 avril 2017 était donc toujours en vigueur au jour de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, réduisant ce délai à cinq ans, qui commençait à courir à compter du 19 juin 2008 et expirait le 18 juin 2013 à vingt-quatre heures.

Il s'ensuit que l'assignation signifiée le 18 juin 2013 est intervenue dans le délai de prescription.

En conséquence, la SCP [F] Loubet et Me [O] Loubet sont déboutés de leur demande de la prescription.

Sur la faute du notaire,

La SCP Clauzel-Loubet et Me Loubet sollicite l'infirmation du jugement qui a retenu la faute du notaire. Ils font valoir que tous les documents étaient signés et paraphés et aucun élément ne permettait de douter de la régularité du procès-verbal d'assemblée générale et du mandat, communiqués par Mme [L]. Le notaire n'avait donc pas l'obligation de faire de plus amples investigations et n'a commis aucune faute.

La SCI Lou Mazet sollicite la confirmation du jugement qui a retenu la faute du notaire. Elle fait valoir que le notaire ne s'est pas assuré de la validité de l'acte qu'il a rédigé, des procurations et de la sincérité de la signature sur des procurations sous-seing privé qui lui étaient présentées. Elle indique que le prix de vente dans le PV d'assemblée générale de la SCI Lou Mazet fournit par Mme [L] n'était pas indiqué et le versement du prix était demandé au profit d'un tiers. Ces éléments constituaient des anomalies qui auraient dû amener Me Loubet à vérifier comme il en avait l'obligation, la régularité de la vente du bien litigieux.

Les obligations du notaire qui tendent à assurer l'efficacité d'un acte instrumenté par lui et qui constituent le prolongement de sa mission de rédacteur d'acte relèvent de sa responsabilité délictuelle, dont son obligation de conseil érigé en devoir légal implicite.

Le notaire, tenu à un devoir d'efficacité et de conseil, doit, lorsqu'il rédige et authentifie un acte, vérifier l'état et la capacité des parties contractantes et de leurs représentants.

Le notaire est tenu, quand une partie est représentée par un mandataire, de vérifier la sincérité au moins apparente de la signature figurant sur la procuration sous seing privé qui lui est présentée et qu'il doit, à cette fin, se faire communiquer des éléments de comparaison qui lui permettent de prendre parti sur ce point.

Si le notaire, recevant un acte en l'état de déclarations erronées d'une partie quant aux faits rapportés, engage sa responsabilité seulement s'il est établi qu'il disposait d'éléments de nature à faire douter de leur véracité ou de leur exactitude, il est, en revanche, tenu, en cas de représentation de cette partie par un mandataire, de vérifier, par toutes investigations utiles, spécialement lorsqu'il existe une publicité légale aisément accessible, les déclarations faites en son nom et qui, par leur nature ou leur portée juridique, conditionnent la validité ou l'efficacité de l'acte qu'il dresse.

La société Lou Mazet est constituée le 21 août 1991 entre Mme [C] [X] associée à hauteur de 20%, Mme [K] [L] et [T] [X] chacun associé à hauteur de 40%, ce dernier étant désigné gérant tel que mentionné sur l'extrait Kbis de la société.

Selon acte notarié des 19 et 31 décembre 1994, la société Lou Mazet, en présence de ses trois associés, se portait acquéreur, par échange d'une maison d'habitation, avec la SCI Le Pioch, du lot six d'une maison en cours d'édification à [Localité 3], dépendant de la résidence [Adresse 5] avec soulte à la charge de la SCI Le Pioch d'un montant de 578 000 francs réglée comptant.

La SCI La Grange est constituée par acte du 29 septembre 2000 entre Mme [C] [X], Mme [K] [L] et [T] [X] et son capital est réparti à hauteur de 50% pour Mme [K] [L] et 25 % pour chacun de ses enfants.

Par acte reçu par Me [O] Loubet notaire associé de la SCP [Z] [F] et Jean-Luc Loubet [Localité 3], La société Lou Mazet cède à Mme [I] [R] le lot six de la résidence [4] située à [Localité 3] au prix de 65 000 euros, faisant suite au compromis signé le 28 juillet 2005, transmis par courrier du 15 septembre 2015, par l'avocat de la SCI Lou Mazet.

L'acte de vente stipule que « la personne morale ci-dessus dénommée sous le vocable vendeur est représentée par Madame [L], gérante de société (..)agissant en sa qualité de gérante de ladite société et en sa qualité de gérante et en vertu des pouvoirs qui lui ont été spécialement conférés aux termes de l'assemblée générale extraordinaire en date du 11 juillet 2005 ».

Au terme de cette assemblée, les associés de la société Lou Mazet donnent à l'unanimité pouvoir à Mme [L] de procéder à la vente de l'ensemble immobilier en cours d'édification à [Localité 3].

A la suite de la plainte déposée le 14 avril 2006, Me Loubet déclare aux policiers « au moment du règlement, je me souviens que Mme [L] m'a dit que le compte bancaire de la société Lou Mazet était clôturé et de faire le paiement au bénéfice de la société « La Grange » m'indiquant qu'ils étaient tous les trois associés. Ne correspondant pas à la procédure habituelle, puisque le paiement doit se faire au bénéfice du vendeur, j'ai demandé à Mme [L] un document attestant de sa demande formulée par tous les trois ».

Ces documents, établis en trois exemplaires, au nom de chacun des associés sont signés le 3 janvier 2006 et stipulent « Je soussigné (..) associé de la SCI Lou Mazet, donne ordre à Me Loubet de verser le prix de vente de l'immeuble de la SCI Lou Mazet à la SCI La Grange ».

Le tribunal correctionnel de Béziers condamne Madame [K] [L] le 8 octobre 2007 pour avoir rédigé et fait usage d'un procès-verbal d'assemblée générale des associés de la société Lou Mazet le 11 juillet 2005, alors que son gérant M. [T] [X] n'y participait pas et en confectionnant un pouvoir à son nom en signant à sa place.

Il résulte de ces constatations, que le notaire a reçu la vente le 3 janvier 2006, du bien immobilier propriété de la société Lou Mazet, représentée par Madame [K] [L] désignée en qualité de gérante de la société et selon pouvoir donné par un procès-verbal d'assemblée établi frauduleusement par cette dernière.

Contrairement à ce que soutiennent la SCP Clauzel-Loubet et Me Loubet si le notaire, recevant un acte en l'état de déclarations erronées d'une partie quant aux faits rapportés, n'engage sa responsabilité que s'il est établi qu'il disposait d'éléments de nature à faire douter de leur véracité ou de leur exactitude, il est, cependant, tenu de vérifier, par toutes investigations utiles, spécialement lorsqu'il existe une publicité légale aisément accessible, les déclarations faites par le vendeur et qui, par leur nature ou leur portée juridique, conditionnent la validité ou l'efficacité de l'acte qu'il dresse.

Il ressort des pièces produites, que Me Loubet a commis une faute :

-d'une part en mentionnant la représentation de la société Lou Mazet par Mme [L] en qualité de gérante, sur la base de ses déclarations, alors que la consultation, nécessaire, de l'extrait Kbis de la société, lui permettait de constater que le gérant de la société était M. [T] [X] ;

-d'autre part en ne procédant pas à la simple vérification des signatures et paraphes tant du procès-verbal que des mandats de régler à une autre société, alors que leur simple comparaison avec les paraphes et signatures des statuts qui sont manifestement différents, montrent des incohérences, qui étaient de nature à faire douter de leur véracité, par une simple lecture, même pour une personne non avertie.

S'agissant des procurations ordonnant le transfert du prix à la SCI La Grange, personne morale distincte de la SCI Lou Mazet, que le notaire ne pouvait accepter en l'état, la nature irrégulière de l'opération devait également attirer son attention, alors que ces mandats étaient donnés sur de simples documents dactylographiés, sans aucune mention manuscrite et sans document d'identité avec des signatures, qui ne correspondaient pas à celle figurant sur les statuts.

Il n'est produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le jugement qui a retenu la faute du notaire qui a manqué à son obligation de contrôle, en présence d'une demande de nature à éveiller ses soupçons.

En conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le préjudice et le lien de causalité

La SCP Clauzel-Loubet et Me Loubet concluent à l'infirmation du jugement qui les a condamnés à régler à la SCI Lou Mazet la somme de 65 000 euros. Ils font valoir l'absence de preuve d'un préjudice certain en relation directe de causalité avec la faute de SCP Clauzel-Loubet et Me Loubet. Ils soutiennent que la SCI Lou Mazet ne justifie pas avoir exercé de recours pour obtenir le remboursement des sommes versées sur le compte de la SCI La Grange et que le préjudice lié à un prix de vente dérisoire ne peut être retenu, le notaire n'ayant aucune obligation de vérification de conformité du prix avec le bien vendu, dont le prix fixé apparaissait, par ailleurs conforme aux caractéristiques de l'immeuble objet de la cession, qui n'a fait l'objet d'aucune action en annulation.

La SCI Lou Mazet sollicite à titre incident à la condamnation la SCP Clauzel-Loubet et Me Loubet à lui verser la somme de 228 489,77 euros de dommages et intérêts pour la perte de propriété de l'immeuble, considérant que si Me Loubet n'avait pas manqué à son obligation de contrôle, la vente n'aurait pas été formalisée et la SCI Lou Mazet n'aurait pas perdu la propriété du bien litigieux.

Il est constant que la responsabilité civile délictuelle suppose un lien de cause à effet entre le préjudice et le fait dommageable. Celui-ci doit avoir été la cause génératrice du dommage.

Le lien causal, qui est un élément autonome de la responsabilité, doit être établi par le demandeur.

La circonstance qu'un notaire ait manqué à son devoir d'assurer l'efficacité de l'acte instrumenté n'implique pas nécessairement qu'il en résulte un préjudice.

En l'espèce la SCI Lou Mazet acquiert le bien de la résidence les Amandines et ses droits immobiliers les 19 et 31 décembre 1994 pour le prix évalué à la somme de 722 222 francs (110 068 euros).

Le bien, désigné dans l'acte reçu par Maître Loubet, le 3 janvier 2006, comme « une maison d'habitation comprenant quatre pièces cuisine salle de bain deux wc pour une superficie approximative de 95,67 mètres carré » est revendu au terme de l'acte reçu par Maître Loubet, le 3 janvier 2006, par la société Lou Mazet représentée par Mme [L] au prix de 65 000 euros, l'acte mentionnant « ledit lot est actuellement en mauvais état. Les parties déclarant que le prix de vente a été fixé en considération de ce mauvais état ».

Dans le procès-verbal d'audition du 12 juillet 2006, Me Loubet précise qu'il a effectué le paiement au bénéfice de la société La Grange et que trois mois après la vente, il a reçu M. [T] [X] qui lui a confirmé ne pas avoir été informé de cette vente par sa mère.

Dans la plainte qu'il a déposé le 14 avril 2006, M. [T] [X] précise avoir découvert la vente quinze jours plus tôt et que l'acquéreur avait revendu l'immeuble immédiatement.

Au terme de l'expertise amiable qu'il produit, le bien est évalué en valeur 2006 entre 200 000 et 245 000 euros.

Il résulte de ce qui précède que M. [T] [X] a été informé de la vente et de ses conditions seulement trois mois après sa signature.

M. [T] [X] déclare que la maison a été vendue le 4 juin 2017, par l'acquéreur, au prix de 260 000 euros, sans en justifier, ni d'aucune action en annulation, ni en remboursement de prix ou d'insolvabilité de la SCI La Grange.

Si il est établi que la SCI Lou Mazet n'a pas reçu le prix de vente de l'immeuble au moment de la vente, que le notaire reconnaît avoir réglé à la SCI La Grange, il n'est produit aucun des comptes de cette société, ni de ceux de SCI Lou Mazet justifiant de l'absence de remboursement du prix par cette dernière, ni du caractère définitif du préjudice.

Concernant la valeur du bien en 2006, si l'expertise privée évalue le prix sur la base de maisons de surfaces proches, les ventes retenues par l'expert vont de 74 081 euros pour 96 m2 et 180 m2 de terrain, avec des travaux à prévoir, à 273 036 euros avec un terrain de 323 m2 pour un bien en bon état et 235 000 euros avec 424 m2 de terrain, l'acte de vente du bien de la SCI Lou Mazet, mentionne expressément que le bien est en mauvais état et dans la plainte qu'il a déposée le 14 avril 2013, le gérant de la SCI Lou Mazet déclare que le bien depuis son acquisition n'était pas achevé et qu'il était au stade « hors d'eau », ce qui n'est pas pris en compte par l'expert pour son évaluation.

Comme le retient à juste titre le jugement, il n'est pas établi que le prix du bien était inférieur au prix de vente, ni que le bien resté en l'état hors d'eau pendant douze années, sans occupation, avait conservé sa valeur fixée en 1994.

Il s'ensuit que la SCI Lou Mazet ne rapporte pas la preuve dont elle a la charge, de la réalité et du caractère certain du préjudice dont elle demande réparation, ni du lien de causalité avec la faute commise par le notaire, à défaut de justification de tentative de recouvrement ou de demande de restitution du prix réglé à l'autre société.

Le seul versement du prix à une société soeur ne peut constituer, en l'absence de production de tout justificatif établissant l'impossibilité de récupération du prix ou l'insolvabilité de la société débitrice, un préjudice réparable à la charge du notaire.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné solidairement Me [O] Loubet et la SCP [Z] [F] et [O] Loubet à régler à la SCI Lou Mazet la somme de 65 000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement ;

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a déclaré Me [O] Loubet responsable du dommage subi par la SCI Lou Mazet, prise en la personne de son représentant légal et condamné solidairement Me [O] Loubet et la SCP [Z] [F] et [O] Loubet à régler à la SCI Lou Mazet la somme de 65 000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice ;

Déboute la SCI Lou Mazet de l'ensemble de ses demandes ;

Déboute Me [O] Loubet et la SCP Gérard Clauzel et [O] Loubet de leurs autres demandes ;

Condamne solidairement Me [O] Loubet et la SCP [Z] [F] et [O] Loubet aux dépens d'appel ;

Dit n'y avoir lieu au bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.