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Cass. 2e civ., 17 octobre 2024, n° 22-13.938

COUR DE CASSATION

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Cassation

Cass. 2e civ. n° 22-13.938

17 octobre 2024

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 octobre 2024

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 958 F-B

Pourvoi n° E 22-13.938

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 OCTOBRE 2024

La société [3], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 22-13.938 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2022, rectifié le 15 mars 2022, par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, protection sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ au procureur général près la cour d'appel de Grenoble, domicilié en son [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Rhône-Alpes, après débats en l'audience publique du 11 septembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 mars 2022), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2015 à 2017, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Rhône-Alpes (l'URSSAF) a notifié à la société [3] (la société) une lettre d'observations, puis une mise en demeure, portant notamment sur la contribution des entreprises fabriquant, important ou distribuant des dispositifs médicaux, des cellules et tissus de corps humains, des produits de santé et des prestations de services et d'adaptation associées, prévue par les articles L. 245-5-1 et suivants du code de la sécurité sociale.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, troisième, pris en ses deux dernières branches, et quatrième moyens

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « qu'en application de L. 245-5-2, 1°, du code de la sécurité sociale, n'entrent dans l'assiette de la contribution instituée par l'article L. 245-5-1 que les rémunérations versées à leurs salariés intervenant en France aux fins de présenter, promouvoir ou vendre les produits et prestations mentionnés par cette disposition, par les entreprises qui sont redevables de cette contribution ou par celles que ces dernières chargent de procéder à ces opérations ; qu'en application de l'article L. 245-5-2, 4° du même code, n'entrent dans l'assiette de la contribution instituée par l'article L. 245-5-1 que les prestations externalisées de même nature que celles mentionnées notamment au 1° ; qu'en retenant qu'il résultait de l'article L. 245-5-1, 4°, du code de la sécurité sociale que les commissions versées à des agents commerciaux de l'entreprise entraient dans l'assiette de la contribution, quand seules sont incluses les prestations externalisées de même nature que celles mentionnées aux 1° à 3° à hauteur du montant hors taxe facturé, ce dont il résulte que seuls les prestations sous-traitées à des prestataires externes entrent en considération dans l'assiette de la contribution, la cour d'appel a violé l'article L. 245-5-1 du code la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article L. 245-5-2, 1°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, applicable au litige, qu'entrent dans l'assiette de la contribution instituée par l'article L. 245-5-1 du même code les rémunérations de toutes natures des personnes, qu'elles soient ou non salariées des entreprises redevables de la contribution, qui interviennent en France aux fins de promotion, de présentation ou de vente des produits et prestations inscrits aux titres Ier et III de la liste prévue à l'article L. 165-1.

6. Selon l'article L. 245-5-2, 4°, de ce code, la contribution est assise sur les charges comptabilisées au titre des prestations externalisées de même nature que celles mentionnées, notamment, au 1°, à hauteur du montant hors taxe facturé.

7. Il résulte de la combinaison de ces textes que les commissions versées par une entreprise redevable de ladite contribution aux agents commerciaux qu'elle charge des activités de promotion, de présentation ou de vente des produits et prestations inscrits aux titres Ier et III de la liste prévue à l'article L. 165-1 entrent dans l'assiette de cette contribution.

8. L'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les activités d'un agent commercial constituent des prestations externalisées de présentation, promotion et vente de produits ou prestations de l'entreprise pour le compte de laquelle il négocie ou conclut des contrats. Il constate que la société ne peut ignorer le total exact des commissions qu'elle a servies à ses agents commerciaux en application des stipulations des mandats qu'elle leur a donnés. Il ajoute qu'eu égard à l'objet de la contribution, il n'y a pas lieu de distinguer ce mode contractuel d'externalisation des prestations de la conclusion d'un contrat d'entreprise ou de sous-traitance.

9. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que les commissions versées aux agents commerciaux chargés des activités de promotion, de présentation ou de vente des produits et prestations pour le compte de la société entraient dans l'assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux.

10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

11. La société fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'article L. 245-5-1 du code de la sécurité sociale institue au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie une contribution des entreprises assurant la fabrication, l'importation ou la distribution en France de dispositifs médicaux ; que faute de dérogation expresse au principe de territorialité de la législation de sécurité sociale, seuls les frais de congrès scientifique ou publicitaires et des manifestations de même nature exposés sur le territoire national entrent dans l'assiette de cette contribution ; qu'en retenant néanmoins que les frais de congrès à l'étranger devaient intégrer l'assiette de calcul de la contribution, la cour d'appel a violé les articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2, 3°, du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 245-5-2, 3°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, applicable au litige :

12. Il résulte de ce texte que n'entrent dans l'assiette de la contribution instituée par l'article L. 245-5-1 du même code que les frais de congrès scientifiques ou publicitaires et des manifestations de même nature organisés sur le territoire français.

13. Pour dire que les frais de congrès à l'étranger doivent intégrer l'assiette de la contribution, l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que la société ne justifie pas du principe de territorialité qu'elle allègue et que l'abattement de 75 % des frais de congrès prévu par la loi tient compte de l'organisation de ces manifestations hors du territoire national. Il retient que, s'agissant de dispositions législatives dérogatoires du droit commun, elles sont d'interprétation stricte et que le juge ne saurait distinguer là où la loi ne distingue pas.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il :
- dit n'y avoir lieu à transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité,
- déclare recevable l'appel interjeté,
- dit que les commissions des agents commerciaux doivent intégrer l'assiette de calcul de la contribution,
- constate que la société [3] ne justifie pas que les commissions comportent la rémunération des activités de matériovigilance et de suivi technique,
l'arrêt rendu le 15 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne l'URSSAF de Rhône-Alpes aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Rhône-Alpes et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille vingt-quatre.