Décisions
CA Amiens, ch. économique, 10 octobre 2024, n° 24/00148
AMIENS
Arrêt
Autre
ARRET
N°
S.A.S. DECATHLON
C/
S.A.S. PROSPORT V
copie exécutoire
le 10 octobre 2024
à
Me Houssier
Me Grall
OG
COUR D'APPEL D'AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 10 OCTOBRE 2024
N° RG 24/00148 - N° Portalis DBV4-V-B7I-I6V5
ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE COMMERCE D'AMIENS DU 20 DECEMBRE 2023
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.S. DECATHLON agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Florence GACQUER CARON, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 65
Ayant pour avocat plaidant Me Bruno HOUSSIER , avocat au barreau de LILLE
ET :
INTIMEE
S.A.S. PROSPORT V agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101
Ayant pour avocats plaidants Me Jean-Christophe GRALL et Me Nadège POLLAK, avocats au barreau de PARIS
***
DEBATS :
A l'audience publique du 13 Juin 2024 devant :
Mme Odile GREVIN, présidente de chambre,
Mme Françoise LEROY-RICHARD, conseillère,
et Mme Valérie DUBAELE, conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi, la présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2024.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 804 du code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Diénéba KONÉ
PRONONCE :
Le 10 Octobre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, présidente de chambre a signé la minute avec Mme Diénéba KONÉ, greffière.
*
* *
DECISION
La société Décathlon France, concepteur fabricant et distributeur d'articles sportifs sous sa propre marque ou sous des marques de fournisseurs exploite 325 magasins en France métropolitaine dont un magasin à [Localité 4] 50 avenue de Grèce à proximité du centre commercial Auchan.
Elle a pour concurrent notable sur le territoire français, le réseau des magasins Intersport détenus par des sociétés qui se sont regroupées en société coopérative de commerçants détaillants à capital variable sous la dénomination Intersport France.
La SAS Prosport V exploite un magasin sous l'enseigne Intersport à [Adresse 2].
Se plaignant de ce que la société Prosport V procédait à des ouvertures fréquentes le dimanche en dehors des dimanches autorisés par la mairie d'[Localité 4], la société Décathlon France a fait dresser plusieurs constats d'huissiers notamment les 10 novembre 2022 et 27 avril 2023.
Par acte d'huissier en date du 7 juillet 2023 la société Décathlon France a fait assigner la société Prosport V devant le juge des référés du tribunal de commerce d'Amiens sur le fondement des articles 873 alinéa 1 et 145 du code de procédure civile aux fins de voir :
- ordonner l'interdiction à la société Prosport V de procéder à une ouverture le dimanche, en employant des salariés ce jour-là, de son magasin exploité sous enseigne Intersport à [Adresse 2], et ce, à chaque fois qu'une telle ouverture n'aura pas été autorisée en amont par arrêté municipal du maire de la commune de [Localité 5], ou tout autre dérogation légale ou réglementaire préalable dont elle devra justifier ;
- ordonner que cette interdiction soit faite sans limitation de durée et qu'elle soit assortie d'une astreinte de 50.000 euros par dimanche d'ouverture réalisé en dehors de toute autorisation par arrêté municipal de la mairie de [Localité 5], ou toute autre dérogation légale ou réglementaire préalable, cette astreinte s'appliquant, comme l'interdiction elle-même, sans limite de durée ;
- ordonner en application de l'article 145 du code de procédure civile à la société Prosport V de communiquer à la société Décathlon France, en ce qui concerne le magasin Intersport exploité à [Localité 5] la liste précise de tous les dimanches durant lesquels le magasin Intersport a ouvert ses portes au public durant les années 2019 à 2023 et le chiffre d'affaires qui a été réalisé par le magasin Intersport lors de chaque dimanche des années 2019 à 2023 où il a été ouvert au public en dehors des dimanches autorisés par le maire de la commune ;
- assortir cette mesure d'instruction d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé le délai calendaire de dix jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, cette astreinte courant, par jour de retard et par manquement, c'est-à-dire à chaque fois que la société Prosport V n'aura pas apporté les éléments justificatifs relatifs à l'une quelconque des dates d'ouverture qu'elle a effectuées entre 2019 et 2023 en dehors de toute autorisation légale ou réglementaire ;
- se réserver la liquidation de l'astreinte ainsi prononcée ;
- de commettre tel commissaire de justice de son choix territorialement compétent avec pour mission de contrôler l'exécution de l'ordonnance à intervenir en ce qui concerne la mesure d'instruction, de collecter et de réunir l'ensemble des informations documents et éléments qui lui seront remis spontanément par la société Prosport V ;
- d'ordonner au commissaire de justice instrumentaire de dresser constat du tout en y annexant l'ensemble des documents et informations transmis et de le remettre à la société Décathlon France dans un délai d'un mois après la signification de l'ordonnance à intervenir ;
- de dire que la société Décathlon France fera l'avance des frais d'intervention du commissaire de justice
En tout état de cause
- ordonner l'exécution de l'ordonnance de référé à intervenir au seul vu de la minute ;
- condamner la société Prosport V à payer à la société Décathlon France une somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Prosport V aux entiers dépens de l'instance, ainsi qu'au remboursement des frais du commissaire de justice instrumentaire avancés par la société Décathlon France.
Par ordonnance de référé en date du 20 décembre 2023 le président du tribunal de commerce d'Amiens a constaté l'absence de trouble illicite et débouté la société Décathlon France de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société Prosport V la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 2 janvier 2024 la SAS Décathlon France a interjeté appel de cette ordonnance de référé.
Aux termes de ses conclusions remises le 3 avril 2024 la société Décathlon France demande à la cour d'infirmer l'ordonnance de référé rendue le 20 décembre 2023 par le président du tribunal de commerce d'Amiens, en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
- D'ordonner l'interdiction à la société Prosport V de procéder à une ouverture le dimanche, en employant des salariés ce jour-là, de son magasin exploité sous enseigne Intersport situé à [Adresse 2], et ce, à chaque fois qu'une telle ouverture n'aura pas été autorisée en amont par arrêté municipal de mairie de [Localité 5], ou tout autre dérogation légale ou réglementaire préalable dont elle devra justifier ;
- D'ordonner que cette interdiction soit faite à la société Prosport V sans limitation de durée et qu'elle soit assortie d'une astreinte de 50.000 euros par dimanche d'ouverture réalisé en dehors de toute autorisation par arrêté municipal du maire de la commune de [Localité 5], ou toute autre dérogation légale ou réglementaire préalable, cette astreinte s'appliquant, comme l'interdiction elle-même, sans limite de durée ;
- D'ordonner en application de l'article 145 du code de procédure civile à la société Prosport V de communiquer à la société Décathlon France, en ce qui concerne le magasin Intersport exploité à [Adresse 2] la liste précise de tous les dimanches durant lesquels le magasin Intersport a ouvert ses portes au public de mai 2019 à 2024 et le chiffre d'affaires qui a été réalisé par le magasin lors de chaque dimanche des années 2019 à 2024 où il a été ouvert au public en dehors des dimanches autorisés par le maire de la commune ;
- D'assortir cette mesure d'instruction d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé le délai calendaire de dix jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, cette astreinte courant, par jour de retard et par manquement, c'est-à-dire à chaque fois que la société Prosport V n'aura pas apporté les éléments justificatifs relatifs à l'une quelconque des dates d'ouverture qu'elle a effectuées entre 2019 et 2024 en dehors de toute autorisation légale ou réglementaire.
- De commettre tel commissaire de justice de son choix territorialement compétent, avec pour mission de contrôler l'exécution de l'ordonnance à intervenir en ce qui concerne la mesure d'instruction, de collecter et de réunir l'ensemble des informations, documents et éléments qui lui seront remis spontanément par la société Prosport V ;
- D'ordonner au commissaire de justice instrumentaire de dresser constat du tout, en y annexant l'ensemble des documents et informations transmis, et de le remettre à la société Décathlon France dans un délai d'un mois après la signification de l'ordonnance à intervenir ;
- D'ordonner que la société Décathlon France fera l'avance des frais d'intervention du commissaire de justice.
En tout état de cause :
- De débouter la société Prosport V de son appel incident, et de l'ensemble de ses prétentions en toutes fins, demandes et conclusions ;
- De condamner la société Prosport V à payer à la société Décathlon France une somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
- De condamner la société Prosport V aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au remboursement des frais du commissaire de justice instrumentaire avancés par la société Décathlon France.
Aux termes de ses conclusions remises le 3 avril 2024 la société Prosport V demande à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et de débouter la société décathlon France de l'ensemble de ses demandes. A titre subsidiaire dans l'hypothèse d'une infirmation de la décision si une mesure d'interdiction était prononcée elle demande que toute mesure d'interdiction soit limitée à un délai de trois mois à compter du prononcé de la décision à intervenir et de dire qu'à défaut de saisine du juge du fond par la SA Décathlon France dans ce délai la mesure sera levée de plein droit.
Si une mesure d'instruction était ordonnée elle demande qu'elle soit limitée à ce qui est légalement admissible et par ailleurs demande à son tour que soit ordonnée une mesure d'instruction afin que la société Décathlon France soit tenue de communiquer en ce qui concerne son magasin d'[Localité 4] la liste précise de tous les dimanches durant lesquels il a ouvert ses portes au public entre 2019 et 2023 ainsi que le chiffre d'affaires réalisé par ce magasin lors de chacun de ces dimanches, cette mesure étant assortie d'une astreinte d'un montant de 500 euros par jour de retard passé le délai de trente jours à compter de la signification de l'ordonnance et courant par jour de retard et par manquement.
Elle demande à la cour en tout état de cause de condamner la société Décathlon France à lui payer une somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel et de la condamner au paiement des entiers dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 avril 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes de la société Décathlon France
La SA Décathlon France soutient que ses demandes relèvent bien de la compétence du juge des référés dès lors que l'ouverture le dimanche par un commerçant en dehors de toute autorisation légale constitue un acte de concurrence déloyale envers ses concurrents de la même branche commerciale et un trouble manifestement illicite justifiant la mesure d'interdiction sollicitée.
Elle fait valoir que la preuve de l'existence d'ouvertures dominicales illicites peut être rapportée par tous moyens notamment au travers de publicités effectuées par le commerçant et qu'elle produit à ce titre des constats d'huissier afin d'établir que le magasin Intersport sis [Adresse 2] a ouvert le dimanche en dehors des dates autorisées par la municipalité.
Elle conteste l'existence d'un arrêté préfectoral ayant classé le centre commercial dans lequel se situe le magasin Intersport de [Localité 5] en tant que zone commerciale au sens des articles L 3132-25-1 et L 3132-25-2 du code du travail et fait valoir que la preuve n'en est pas rapportée par la société Prosport V et plus encore elle conteste la possibilité de déroger de plein droit aux règles relatives au repos dominical sans arrêté préfectoral du seul fait que les critères de qualification de zone commerciale seraient réunis. Elle ajoute que l'existence de l'accord collectif en date du 6 novembre 2017 nécessaire pour ouvrir le dimanche dans leur branche d'activité n'est pas suffisant en lui-même pour déroger aux dimanches autorisés par le maire.
Elle précise que le juge des référés n'a pas à limiter dans le temps l'interdiction d'ouvrir le dimanche dès lors qu'il s'agit de respecter la loi ni à imposer la saisine du juge du fond dans un délai contraint.
Elle indique encore qu'aucun texte ni aucune mesure gouvernementale n'ont été pris par le législateur ou le gouvernement durant la crise sanitaire pour créer des dérogations spécifiques au repos dominical sur la commune de [Localité 5].
Elle conteste avoir toléré les ouvertures dominicales de la société Prosport V durant plusieurs années mais explique avoir découvert au fur et à mesure à compter de 2022 les ouvertures illicites des différents magasins et fait observer en outre qu'un trouble manifestement illicite qui perdure n'en devient pas pour autant licite et que chaque nouvelle infraction constitue en elle-même un trouble manifestement illicite alors que la société Prosport a poursuivi ses ouvertures illicites même après que des procédures aient été engagées à l'encontre de sociétés soeurs et même après la délivrance à son encontre de l'assignation en référé et notamment les 27 août et 3 septembre 2023.
S'agissant de la mesure d'instruction sollicitée avant tout procès elle soutient que sa demande est légitime puisque la concurrence déloyale se matérialisant par de multiples ouvertures dominicales non autorisées lui occasionne un préjudice significatif qui réside dans la captation de clientèle et de chiffre d'affaires et qu'elle est ainsi en droit de voir établir l'ampleur exacte de l'avantage économique que son concurrent s'est ainsi octroyé avant de saisir le juge du fond d'une demande d'indemnisation. Elle ajoute que la production de la liste exacte des ouvertures dominicales depuis 2019 et des chiffres d'affaires réalisés est légale et légitime, les données chiffrées n'étant pas en sa possession et ne pouvant être obtenues autrement et que le prononcé d'une astreinte est nécessaire pour garantir l'effectivité de la mesure d'instruction dès lors que la société Prosport V a récemment effacé ses publications sur Facebook concernant les ouvertures dominicales en 2022 .
Elle rappelle enfin que le secret des affaires n'est pas un obstacle à l'organisation d'une mesure d'instruction dès lors que l'atteinte n'est pas disproportionnée et que si l'intérêt légitime du demandeur est démontré la notion de secret des affaires doit s'effacer.
La société Prosport V expose que la société Décathlon France perdant des parts de marché depuis 2018 a engagé une guerre judiciaire à l'encontre du réseau Intersport en multipliant les procédures sur requête et en référé notamment au regard des ouvertures dominicales alors même qu'elle les pratique également y compris en dehors de la liste établie par les maires.
Elle fait valoir que les demandes présentées par la société Décathlon échappent à la compétence du juge des référés dès lors que ce n'est que dans l'hypothèse d'une violation manifeste et non équivoque de la règle de droit que le juge des référés peut prendre des mesures visant à faire cesser la situation de trouble manifestement illicite alors qu'en l'espèce l'évidence est manifestement absente au regard de la grande diversité de décisions intervenues en France sur ces demandes.
Elle soutient par ailleurs qu'en l'absence de violation de la réglementation les ouvertures dominicales du magasin Intersport sis à [Adresse 2] entre 2019 et 2023 et à venir ne présentent pas les caractéristiques d'un trouble manifestement illicite.
Elle soutient que le repos dominical fait l'objet de différentes dérogations mais que la société Décathlon France ne se réfère qu'aux dérogations accordées par le maire et ajoute aux dérogations géographiques des conditions pour en dénier l'application.
Elle soutient ainsi qu'au titre des dérogations géographiques figurent les zones commerciales au sein desquelles les établissements peuvent donner le repos hebdomadaire à leurs salariés par roulement et que ces zones commerciales au sens de l'article L 3132-20-1 du code du travail sont des zones caractérisées par une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes.
Elle fait valoir surtout que les dérogations géographiques sont accordées de plein droit dès que les conditions sont réunies sans qu'une autorisation administrative soit requise sous la seule condition que les établissements situés dans la zone commerciale soient couverts par un accord collectif.
Elle fait valoir que le magasin intéressé se situe dans la zone commerciale Grand A [Localité 4] dont l'importance lui permet de bénéficier de la dérogation et que ses salariés bénéficient de l'accord collectif du 6 novembre 2017 relatif aux contreparties du travail dominical et qu'en conséquence ses ouvertures dominicales sont parfaitement licites.
Elle ajoute que pendant la crise sanitaire le gouvernement a incité les commerçants à déroger de manière exceptionnelle à la réglementation en matière d'ouverture dominicale et qu'il ne peut ainsi être fait droit aux demandes concernant les années 2020 à 2022.
Elle précise par ailleurs que dès lors que la situation à l'origine du trouble allégué perdure depuis des années sans avoir été dénoncée par la partie qui s'estime victime de ces agissements, il ne peut y avoir de trouble illicite.
Enfin elle fait valoir que la mesure d'interdiction doit être limitée dans le temps dans l'attente d'une décision sur le fond, afin de demeurer provisoire sous peine de remettre en cause l'absence d'autorité de la chose jugée d'une ordonnance de référé et de porter une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce.
S'agissant de la mesure d'instruction elle fait valoir que celle-ci ne doit pas pallier la carence du demandeur dans l'administration de la preuve et qu'elle doit reposer sur un motif légitime, être circonscrite aux faits litigieux dont peut dépendre la solution du litige et enfin être limitée dans son objet et dans le temps à ce qui est strictement nécessaire pour établir la preuve des faits litigieux.
Elle soutient que cette demande est illégitime et n'a pour but que de lui porter préjudice mais également qu'elle est inutile compte tenu des constats d'huissier déjà établis.
Elle considère que la société Décathlon ne cherche qu'à déstabiliser les adhérents du réseau Intersport et à obtenir la communication d'informations stratégiques dès lors que ses actions en référé ne sont jamais suivies d'action au fond.
Elle reproche également à la société Décathlon France de ne pas justifier de la vraisemblance d'un préjudice.
Elle rappelle que les mesures d'instruction ne doivent pas par ailleurs porter atteinte de manière disproportionnée au secret des affaires et estime que la demande de la société Décathlon France n'est pas suffisamment déterminée et n'est pas limitée à ce qui est strictement nécessaire à la solution du litige dès lors que la mesure sollicitée donnerait à la société Décathlon des informations commerciales relatives à son concurrent très sensibles et des informations sur le marché de l'ouverture dominicale qui relèvent du secret des affaires.
* Sur la demande d'interdiction d'ouverture du magasin Intersport les dimanches non autorisés
Selon l'article 873 du code de procédure civile, le président peut dans les mêmes limites et même en présence d'une contestation sérieuse prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Il est admis que le fait pour un employeur d'ouvrir son établissement sans y être autorisé de droit ou pouvoir se prévaloir d'une dérogation effective au repos dominical constitue un trouble manifestement illicite.
Il est également admis que le fait pour un employeur d'ouvrir le dimanche en dehors de toute autorisation légale constitue une rupture d'égalité entre concurrents de la même branche commerciale et donc un acte de concurrence déloyale.
L'existence d'un trouble manifestement illicite fonde alors la compétence du juge des référés.
Il résulte des articles L 3132-25 et suivants du code du travail et de l'article L 3126 alinéa 1 du même code que dans les établissements de commerce de détail où le repos hebdomadaire a lieu normalement le dimanche, ce repos dominical peut être supprimé certains dimanches désignés pour chaque commerce de détail par décision du maire, le nombre de ces dimanches ne pouvant excéder douze par année civile.
En dehors de ces 'dimanches du maire' il existe d'autres dérogations correspondant à quatre zones dérogatoires dans lesquelles il est possible d'accorder le repos hebdomadaire aux salariés par roulement et ce notamment dans les zones commerciales, catégorie invoquée par la société Prosport V.
En application de l'article L 3132-25-1 du code du travail, les établissements de vente au détail situés dans les zones commerciales caractérisées par une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel.
Toutefois en application de l'article L 3132-25-2 du code du travail la demande de délimitation ou de modification d'une telle zone commerciale est transmise par le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale si le périmètre de la zone excède le territoire d'une seule commune, au représentant de l'Etat dans la région qui va délimiter ou modifier ces zones après différents avis.
Ainsi il appartient au représentant de l'Etat dans la Région de définir l'existence une zone commerciale visée par ces articles.
Dès lors qu'existe une telle zone l'établissement de commerce de détail qui est situé dans cette zone et dont les salariés sont couverts par un accord collectif bénéficie d'une dérogation sans avoir besoin d'une autorisation administrative.
Ainsi il ne suffit pas qu'une zone dans laquelle est implanté un commerce remplisse les critères de l'article L 3132-20-1 du code du travail définissant une zone commerciale pour que ce commerce bénéficie de plein droit d'une dérogation au repos dominical encore faut-il notamment que cette zone soit créée et délimitée par un arrêté préfectoral selon la procédure définie à l'article L 3132-25-2 du code du travail.
Il est produit aux débats notamment deux constats d'huissier en date des 10 novembre 2022 et 27 avril 2023 démontrant que la société Prosport V a ouvert le dimanche en dehors des autorisations de la mairie de [Localité 5] à maintes reprises et au moins à 45 reprises depuis janvier 2019 jusqu'en septembre 2023.
Ces ouvertures ne sont pas contestées par la société Prosport V qui argue du bénéfice d'une dérogation liée à la situation du magasin dans une zone commerciale et de dérogations exceptionnelles accordées durant la crise sanitaire et le 9 juillet 2023.
Il appartient cependant à celui qui se prévaut du bénéfice d'une dérogation de droit au repos dominical d'en justifier.
Or il n'est en l'espèce aucunement établi que le magasin de [Localité 5] soit situé dans une zone commerciale délimitée par un arrêté préfectoral.
Au contraire la société Décathlon France produit un courrier de la direction départementale de l'emploi du travail et des solidarités de la préfecture de la Somme en date du 19 décembre 2023 indiquant qu'aucun arrêté préfectoral n'a délimité de zone commerciale dans le département de la Somme.
Il n'est pas davantage justifié de dérogations exceptionnelles notamment par arrêté préfectoral.
Il est ainsi établi que la société Prosport V a ouvert son magasin certains dimanches non inclus dans la liste des ouvertures dominicales autorisées.
La violation évidente de la réglementation applicable en matière d'ouverture dominicale est ainsi caractérisée.
Au regard de la multiplicité et de la persistance des ouvertures dominicales par la société Prosport V alors que celles-ci n'étaient pas préalablement autorisées l'existence d'un trouble manifestement illicite est établie dans la mesure où il soumet des entreprises de la même branche commerciale à une concurrence déloyale nécessairement préjudiciable pour celles qui respectent la législation et donc la fermeture dominicale et la perte de chiffre d'affaires qu'elle implique.
Il convient en conséquence de faire cesser ce trouble illicite en interdisant à la société Prosport V de procéder à l'ouverture de son magasin exploité sous l'enseigne Intersport sis à [Adresse 2], le dimanche en employant des salariés, et ce chaque fois que cette ouverture n'aura pas été autorisée en amont par arrêté municipal ou toute autre dérogation légale ou réglementaire préalable dont elle devra justifier.
S'agissant de faire respecter la loi et compte tenu de la possibilité de bénéficier d'autorisations
préalables il ne sera pas fait droit à la demande de limitation dans le temps de cette interdiction.
En effet outre le fait qu'il ne saurait y avoir d'assimilation entre ce qui est provisoire au sens de la matière des référés et ce qui est temporaire et que l'article 873 alinéa 1 du code de procédure civile n'exige pas que la mesure ordonnée pour faire cesser un trouble manifestement illicite soit temporaire le remède à un trouble illicite résultant du non-respect d'une loi s'imposant à tous et sans limitation de durée, n'a pas à être limité dans le temps.
De même il n'y a pas lieu de prévoir que l'interdiction sera levée de plein droit à défaut de saisine du juge du fond dans un délai contraint.
La persistance des ouvertures non autorisées y compris postérieurement à la procédure de première instance et à l'introduction de la procédure d'appel justifie d'assortir cette interdiction d'une astreinte suffisamment dissuasive à hauteur de 50000 euros par dimanche d'ouverture réalisé sans aucune autorisation.
La cour se réservera la liquidation de l'astreinte.
Il convient en conséquence d'infirmer la décision de première instance.
* Sur la mesure d'instruction
Selon l'article 145 du code de procédure civile s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
La mesure demandée dans ce cadre doit être en lien avec un litige potentiel entre les parties et justifiée par la recherche ou la conservation d'une preuve susceptible d'être utilisée dans le litige.
La mesure ordonnée doit être utile et améliorer la situation probatoire du demandeur et son résultat doit être de nature à influer sur le contenu et le fondement du litige.
Constituent des mesures légalement admissibles des mesures d'instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi.
Le motif légitime est en l'espèce établi dès lors qu'il s'agit pour la société Décathlon France qui peut justifier d'ouvertures dominicales non autorisées grâce à des publicités d'obtenir la liste complète des ouvertures illicites et de mesurer le préjudice que cette possible concurrence déloyale lui a fait subir alors même que la société Prosport V ne conteste pas les ouvertures illicites du dimanche.
Par ailleurs la règle de l'article 146 du code de procédure civile selon laquelle aucune mesure d'instruction ne peut être accordée pour pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve ne s'applique pas lorsque le juge est saisi sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.
De surcroît la mesure sollicitée ne vise pas à pallier la carence de la société Décathlon dans l'administration de la preuve dès lors que celle-ci justifie de nombre d'ouvertures du magasin en dehors des dimanches autorisés mais également de l'effacement par la société Prosport V de ses publications relatives aux ouvertures dominicales et ce alors même que celle-ci ne conteste pas les ouvertures du dimanche non autorisées qui lui sont reprochées.
Par ailleurs la communication sollicitée limitée aux dimanches ouverts illégalement n'est pas de nature à porter une atteinte disproportionnée au secret des affaires.
Elle s'avère en revanche utile dans la perspective d'un litige potentiel à intervenir entre les parties en ce qu'elle permet à la société Décathlon d'apprécier l'importance exacte des manquements imputés à la société Prosport V mais également de recueillir des éléments relatifs à l'appréciation du préjudice par elle subi.
Il convient en conséquence d'ordonner à la société Prosport V de communiquer à la société Décathlon en ce qui concerne son magasin exploité sous l'enseigne Intersport sis à [Adresse 2], la liste précise de tous les dimanches durant lesquels ce magasin a été ouvert au public de l'année 2019 à septembre 2024 et le chiffre d'affaires réalisé par le magasin chaque dimanche de cette même période durant lesquels il a été ouvert en dehors des autorisations du maire et ce sous astreinte de 1000 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt et pendant une durée de trois mois.
Il y a lieu de confier le contrôle de cette mesure à un commissaire de justice dans les conditions précisées au dispositif.
Sur les demandes de la société Prosport V
La société Prosport V sollicite que soit ordonnée à l'encontre de la Société Décathlon France la même mesure d'instruction et ce par mesure d'équité et en raison des comportements déloyaux mis en oeuvre par celle-ci et ce afin de lui permettre de se défendre utilement dans le cadre de la procédure au fond en ayant connaissance du chiffre d'affaires réalisé par la société Décathlon France sur un dimanche d'ouverture de son magasin, le tout sous astreinte.
La société Décathlon relève que la notion d'équité n'est pas visée par l'article 145 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la société Prosport V ne justifie d'aucun motif légitime dès lors qu'elle n'établit aucune ouverture dominicale illicite du magasin Décathlon d'[Localité 4] et donc aucun trouble manifestement illicite. Elle conteste également l'existence d'ouvertures dominicales illicites dans d'autres magasins Décathlon qui au demeurant situés dans d'autres communes et pour la plupart dans d'autres départements ne sauraient être considérés comme des concurrents.
La société Prosport V n'établit aucunement les manquements du magasin Décathlon d'[Localité 4] quant aux ouvertures dominicales et dès lors ne justifie d'aucun motif légitime appuyant sa demande de communication de pièces, l'équité ne pouvant constituer ce motif légitime.
Il convient de la débouter de cette demande.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il convient de condamner la société Prosport V aux entiers dépens de première instance et d'appel sans qu'il y ait lieu d'y inclure les frais d'intervention du commissaire de justice qui seront avancés par la société Décathlon France et de la condamner au paiement d'une somme de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement et contradictoirement par mise à disposition de la décision au greffe,
Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Fait interdiction à la société Prosport V de procéder à une ouverture le dimanche en employant des salariés, de son magasin exploité sous l'enseigne Intersport et sis à [Adresse 2] et ce à chaque fois que l'ouverture n'aura pas été autorisée au préalable par le maire de la commune de [Localité 5] ou toute autre dérogation légale ou réglementaire dont la société Prosport V devra justifier ;
Dit que cette interdiction sera assortie d'une astreinte provisoire d'un montant de 50000 euros par dimanche d'ouverture réalisé en dehors de toute autorisation préalable ;
Ordonne la production par la société Prosport V s'agissant du magasin exploité sous l'enseigne Intersport et sis à [Adresse 2] :
- de la liste de tous les dimanches durant lesquels le magasin a été ouvert au public entre 2019 et septembre 2024
- le montant du chiffre d'affaires réalisé durant les dimanches d'ouverture non autorisée par le maire sur la même période ;
Dit que cette obligation sera assortie d'une astreinte provisoire de 1000 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt et ce pendant une durée de trois mois ;
Dit que la mesure sera contrôlée par un commissaire de justice la SCP Prissaint. Macquet qui sera chargé de collecter et de réunir l'ensemble des informations documents et éléments qui seront remis par la société Prosport V et d'en dresser constat et de le remettre à la société Décathlon dans un délai de quatre mois à compter de la signification de la présente décision ;
Dit que la société Décathlon fera l'avance des frais d'intervention du commissaire de justice ;
Dit que la cour se réserve le contentieux de la liquidation des astreintes ;
Déboute la société Prosport V de ses demandes ;
Condamne la société Prosport V aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce non compris les frais d'intervention du commissaire de justice ;
Condamne la société Prosport V à payer à la société Décathlon France la somme de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière, La Présidente,
N°
S.A.S. DECATHLON
C/
S.A.S. PROSPORT V
copie exécutoire
le 10 octobre 2024
à
Me Houssier
Me Grall
OG
COUR D'APPEL D'AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 10 OCTOBRE 2024
N° RG 24/00148 - N° Portalis DBV4-V-B7I-I6V5
ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE COMMERCE D'AMIENS DU 20 DECEMBRE 2023
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.S. DECATHLON agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Florence GACQUER CARON, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 65
Ayant pour avocat plaidant Me Bruno HOUSSIER , avocat au barreau de LILLE
ET :
INTIMEE
S.A.S. PROSPORT V agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101
Ayant pour avocats plaidants Me Jean-Christophe GRALL et Me Nadège POLLAK, avocats au barreau de PARIS
***
DEBATS :
A l'audience publique du 13 Juin 2024 devant :
Mme Odile GREVIN, présidente de chambre,
Mme Françoise LEROY-RICHARD, conseillère,
et Mme Valérie DUBAELE, conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi, la présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2024.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 804 du code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Diénéba KONÉ
PRONONCE :
Le 10 Octobre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, présidente de chambre a signé la minute avec Mme Diénéba KONÉ, greffière.
*
* *
DECISION
La société Décathlon France, concepteur fabricant et distributeur d'articles sportifs sous sa propre marque ou sous des marques de fournisseurs exploite 325 magasins en France métropolitaine dont un magasin à [Localité 4] 50 avenue de Grèce à proximité du centre commercial Auchan.
Elle a pour concurrent notable sur le territoire français, le réseau des magasins Intersport détenus par des sociétés qui se sont regroupées en société coopérative de commerçants détaillants à capital variable sous la dénomination Intersport France.
La SAS Prosport V exploite un magasin sous l'enseigne Intersport à [Adresse 2].
Se plaignant de ce que la société Prosport V procédait à des ouvertures fréquentes le dimanche en dehors des dimanches autorisés par la mairie d'[Localité 4], la société Décathlon France a fait dresser plusieurs constats d'huissiers notamment les 10 novembre 2022 et 27 avril 2023.
Par acte d'huissier en date du 7 juillet 2023 la société Décathlon France a fait assigner la société Prosport V devant le juge des référés du tribunal de commerce d'Amiens sur le fondement des articles 873 alinéa 1 et 145 du code de procédure civile aux fins de voir :
- ordonner l'interdiction à la société Prosport V de procéder à une ouverture le dimanche, en employant des salariés ce jour-là, de son magasin exploité sous enseigne Intersport à [Adresse 2], et ce, à chaque fois qu'une telle ouverture n'aura pas été autorisée en amont par arrêté municipal du maire de la commune de [Localité 5], ou tout autre dérogation légale ou réglementaire préalable dont elle devra justifier ;
- ordonner que cette interdiction soit faite sans limitation de durée et qu'elle soit assortie d'une astreinte de 50.000 euros par dimanche d'ouverture réalisé en dehors de toute autorisation par arrêté municipal de la mairie de [Localité 5], ou toute autre dérogation légale ou réglementaire préalable, cette astreinte s'appliquant, comme l'interdiction elle-même, sans limite de durée ;
- ordonner en application de l'article 145 du code de procédure civile à la société Prosport V de communiquer à la société Décathlon France, en ce qui concerne le magasin Intersport exploité à [Localité 5] la liste précise de tous les dimanches durant lesquels le magasin Intersport a ouvert ses portes au public durant les années 2019 à 2023 et le chiffre d'affaires qui a été réalisé par le magasin Intersport lors de chaque dimanche des années 2019 à 2023 où il a été ouvert au public en dehors des dimanches autorisés par le maire de la commune ;
- assortir cette mesure d'instruction d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé le délai calendaire de dix jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, cette astreinte courant, par jour de retard et par manquement, c'est-à-dire à chaque fois que la société Prosport V n'aura pas apporté les éléments justificatifs relatifs à l'une quelconque des dates d'ouverture qu'elle a effectuées entre 2019 et 2023 en dehors de toute autorisation légale ou réglementaire ;
- se réserver la liquidation de l'astreinte ainsi prononcée ;
- de commettre tel commissaire de justice de son choix territorialement compétent avec pour mission de contrôler l'exécution de l'ordonnance à intervenir en ce qui concerne la mesure d'instruction, de collecter et de réunir l'ensemble des informations documents et éléments qui lui seront remis spontanément par la société Prosport V ;
- d'ordonner au commissaire de justice instrumentaire de dresser constat du tout en y annexant l'ensemble des documents et informations transmis et de le remettre à la société Décathlon France dans un délai d'un mois après la signification de l'ordonnance à intervenir ;
- de dire que la société Décathlon France fera l'avance des frais d'intervention du commissaire de justice
En tout état de cause
- ordonner l'exécution de l'ordonnance de référé à intervenir au seul vu de la minute ;
- condamner la société Prosport V à payer à la société Décathlon France une somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Prosport V aux entiers dépens de l'instance, ainsi qu'au remboursement des frais du commissaire de justice instrumentaire avancés par la société Décathlon France.
Par ordonnance de référé en date du 20 décembre 2023 le président du tribunal de commerce d'Amiens a constaté l'absence de trouble illicite et débouté la société Décathlon France de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société Prosport V la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 2 janvier 2024 la SAS Décathlon France a interjeté appel de cette ordonnance de référé.
Aux termes de ses conclusions remises le 3 avril 2024 la société Décathlon France demande à la cour d'infirmer l'ordonnance de référé rendue le 20 décembre 2023 par le président du tribunal de commerce d'Amiens, en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
- D'ordonner l'interdiction à la société Prosport V de procéder à une ouverture le dimanche, en employant des salariés ce jour-là, de son magasin exploité sous enseigne Intersport situé à [Adresse 2], et ce, à chaque fois qu'une telle ouverture n'aura pas été autorisée en amont par arrêté municipal de mairie de [Localité 5], ou tout autre dérogation légale ou réglementaire préalable dont elle devra justifier ;
- D'ordonner que cette interdiction soit faite à la société Prosport V sans limitation de durée et qu'elle soit assortie d'une astreinte de 50.000 euros par dimanche d'ouverture réalisé en dehors de toute autorisation par arrêté municipal du maire de la commune de [Localité 5], ou toute autre dérogation légale ou réglementaire préalable, cette astreinte s'appliquant, comme l'interdiction elle-même, sans limite de durée ;
- D'ordonner en application de l'article 145 du code de procédure civile à la société Prosport V de communiquer à la société Décathlon France, en ce qui concerne le magasin Intersport exploité à [Adresse 2] la liste précise de tous les dimanches durant lesquels le magasin Intersport a ouvert ses portes au public de mai 2019 à 2024 et le chiffre d'affaires qui a été réalisé par le magasin lors de chaque dimanche des années 2019 à 2024 où il a été ouvert au public en dehors des dimanches autorisés par le maire de la commune ;
- D'assortir cette mesure d'instruction d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé le délai calendaire de dix jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, cette astreinte courant, par jour de retard et par manquement, c'est-à-dire à chaque fois que la société Prosport V n'aura pas apporté les éléments justificatifs relatifs à l'une quelconque des dates d'ouverture qu'elle a effectuées entre 2019 et 2024 en dehors de toute autorisation légale ou réglementaire.
- De commettre tel commissaire de justice de son choix territorialement compétent, avec pour mission de contrôler l'exécution de l'ordonnance à intervenir en ce qui concerne la mesure d'instruction, de collecter et de réunir l'ensemble des informations, documents et éléments qui lui seront remis spontanément par la société Prosport V ;
- D'ordonner au commissaire de justice instrumentaire de dresser constat du tout, en y annexant l'ensemble des documents et informations transmis, et de le remettre à la société Décathlon France dans un délai d'un mois après la signification de l'ordonnance à intervenir ;
- D'ordonner que la société Décathlon France fera l'avance des frais d'intervention du commissaire de justice.
En tout état de cause :
- De débouter la société Prosport V de son appel incident, et de l'ensemble de ses prétentions en toutes fins, demandes et conclusions ;
- De condamner la société Prosport V à payer à la société Décathlon France une somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
- De condamner la société Prosport V aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au remboursement des frais du commissaire de justice instrumentaire avancés par la société Décathlon France.
Aux termes de ses conclusions remises le 3 avril 2024 la société Prosport V demande à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et de débouter la société décathlon France de l'ensemble de ses demandes. A titre subsidiaire dans l'hypothèse d'une infirmation de la décision si une mesure d'interdiction était prononcée elle demande que toute mesure d'interdiction soit limitée à un délai de trois mois à compter du prononcé de la décision à intervenir et de dire qu'à défaut de saisine du juge du fond par la SA Décathlon France dans ce délai la mesure sera levée de plein droit.
Si une mesure d'instruction était ordonnée elle demande qu'elle soit limitée à ce qui est légalement admissible et par ailleurs demande à son tour que soit ordonnée une mesure d'instruction afin que la société Décathlon France soit tenue de communiquer en ce qui concerne son magasin d'[Localité 4] la liste précise de tous les dimanches durant lesquels il a ouvert ses portes au public entre 2019 et 2023 ainsi que le chiffre d'affaires réalisé par ce magasin lors de chacun de ces dimanches, cette mesure étant assortie d'une astreinte d'un montant de 500 euros par jour de retard passé le délai de trente jours à compter de la signification de l'ordonnance et courant par jour de retard et par manquement.
Elle demande à la cour en tout état de cause de condamner la société Décathlon France à lui payer une somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel et de la condamner au paiement des entiers dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 avril 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes de la société Décathlon France
La SA Décathlon France soutient que ses demandes relèvent bien de la compétence du juge des référés dès lors que l'ouverture le dimanche par un commerçant en dehors de toute autorisation légale constitue un acte de concurrence déloyale envers ses concurrents de la même branche commerciale et un trouble manifestement illicite justifiant la mesure d'interdiction sollicitée.
Elle fait valoir que la preuve de l'existence d'ouvertures dominicales illicites peut être rapportée par tous moyens notamment au travers de publicités effectuées par le commerçant et qu'elle produit à ce titre des constats d'huissier afin d'établir que le magasin Intersport sis [Adresse 2] a ouvert le dimanche en dehors des dates autorisées par la municipalité.
Elle conteste l'existence d'un arrêté préfectoral ayant classé le centre commercial dans lequel se situe le magasin Intersport de [Localité 5] en tant que zone commerciale au sens des articles L 3132-25-1 et L 3132-25-2 du code du travail et fait valoir que la preuve n'en est pas rapportée par la société Prosport V et plus encore elle conteste la possibilité de déroger de plein droit aux règles relatives au repos dominical sans arrêté préfectoral du seul fait que les critères de qualification de zone commerciale seraient réunis. Elle ajoute que l'existence de l'accord collectif en date du 6 novembre 2017 nécessaire pour ouvrir le dimanche dans leur branche d'activité n'est pas suffisant en lui-même pour déroger aux dimanches autorisés par le maire.
Elle précise que le juge des référés n'a pas à limiter dans le temps l'interdiction d'ouvrir le dimanche dès lors qu'il s'agit de respecter la loi ni à imposer la saisine du juge du fond dans un délai contraint.
Elle indique encore qu'aucun texte ni aucune mesure gouvernementale n'ont été pris par le législateur ou le gouvernement durant la crise sanitaire pour créer des dérogations spécifiques au repos dominical sur la commune de [Localité 5].
Elle conteste avoir toléré les ouvertures dominicales de la société Prosport V durant plusieurs années mais explique avoir découvert au fur et à mesure à compter de 2022 les ouvertures illicites des différents magasins et fait observer en outre qu'un trouble manifestement illicite qui perdure n'en devient pas pour autant licite et que chaque nouvelle infraction constitue en elle-même un trouble manifestement illicite alors que la société Prosport a poursuivi ses ouvertures illicites même après que des procédures aient été engagées à l'encontre de sociétés soeurs et même après la délivrance à son encontre de l'assignation en référé et notamment les 27 août et 3 septembre 2023.
S'agissant de la mesure d'instruction sollicitée avant tout procès elle soutient que sa demande est légitime puisque la concurrence déloyale se matérialisant par de multiples ouvertures dominicales non autorisées lui occasionne un préjudice significatif qui réside dans la captation de clientèle et de chiffre d'affaires et qu'elle est ainsi en droit de voir établir l'ampleur exacte de l'avantage économique que son concurrent s'est ainsi octroyé avant de saisir le juge du fond d'une demande d'indemnisation. Elle ajoute que la production de la liste exacte des ouvertures dominicales depuis 2019 et des chiffres d'affaires réalisés est légale et légitime, les données chiffrées n'étant pas en sa possession et ne pouvant être obtenues autrement et que le prononcé d'une astreinte est nécessaire pour garantir l'effectivité de la mesure d'instruction dès lors que la société Prosport V a récemment effacé ses publications sur Facebook concernant les ouvertures dominicales en 2022 .
Elle rappelle enfin que le secret des affaires n'est pas un obstacle à l'organisation d'une mesure d'instruction dès lors que l'atteinte n'est pas disproportionnée et que si l'intérêt légitime du demandeur est démontré la notion de secret des affaires doit s'effacer.
La société Prosport V expose que la société Décathlon France perdant des parts de marché depuis 2018 a engagé une guerre judiciaire à l'encontre du réseau Intersport en multipliant les procédures sur requête et en référé notamment au regard des ouvertures dominicales alors même qu'elle les pratique également y compris en dehors de la liste établie par les maires.
Elle fait valoir que les demandes présentées par la société Décathlon échappent à la compétence du juge des référés dès lors que ce n'est que dans l'hypothèse d'une violation manifeste et non équivoque de la règle de droit que le juge des référés peut prendre des mesures visant à faire cesser la situation de trouble manifestement illicite alors qu'en l'espèce l'évidence est manifestement absente au regard de la grande diversité de décisions intervenues en France sur ces demandes.
Elle soutient par ailleurs qu'en l'absence de violation de la réglementation les ouvertures dominicales du magasin Intersport sis à [Adresse 2] entre 2019 et 2023 et à venir ne présentent pas les caractéristiques d'un trouble manifestement illicite.
Elle soutient que le repos dominical fait l'objet de différentes dérogations mais que la société Décathlon France ne se réfère qu'aux dérogations accordées par le maire et ajoute aux dérogations géographiques des conditions pour en dénier l'application.
Elle soutient ainsi qu'au titre des dérogations géographiques figurent les zones commerciales au sein desquelles les établissements peuvent donner le repos hebdomadaire à leurs salariés par roulement et que ces zones commerciales au sens de l'article L 3132-20-1 du code du travail sont des zones caractérisées par une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes.
Elle fait valoir surtout que les dérogations géographiques sont accordées de plein droit dès que les conditions sont réunies sans qu'une autorisation administrative soit requise sous la seule condition que les établissements situés dans la zone commerciale soient couverts par un accord collectif.
Elle fait valoir que le magasin intéressé se situe dans la zone commerciale Grand A [Localité 4] dont l'importance lui permet de bénéficier de la dérogation et que ses salariés bénéficient de l'accord collectif du 6 novembre 2017 relatif aux contreparties du travail dominical et qu'en conséquence ses ouvertures dominicales sont parfaitement licites.
Elle ajoute que pendant la crise sanitaire le gouvernement a incité les commerçants à déroger de manière exceptionnelle à la réglementation en matière d'ouverture dominicale et qu'il ne peut ainsi être fait droit aux demandes concernant les années 2020 à 2022.
Elle précise par ailleurs que dès lors que la situation à l'origine du trouble allégué perdure depuis des années sans avoir été dénoncée par la partie qui s'estime victime de ces agissements, il ne peut y avoir de trouble illicite.
Enfin elle fait valoir que la mesure d'interdiction doit être limitée dans le temps dans l'attente d'une décision sur le fond, afin de demeurer provisoire sous peine de remettre en cause l'absence d'autorité de la chose jugée d'une ordonnance de référé et de porter une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce.
S'agissant de la mesure d'instruction elle fait valoir que celle-ci ne doit pas pallier la carence du demandeur dans l'administration de la preuve et qu'elle doit reposer sur un motif légitime, être circonscrite aux faits litigieux dont peut dépendre la solution du litige et enfin être limitée dans son objet et dans le temps à ce qui est strictement nécessaire pour établir la preuve des faits litigieux.
Elle soutient que cette demande est illégitime et n'a pour but que de lui porter préjudice mais également qu'elle est inutile compte tenu des constats d'huissier déjà établis.
Elle considère que la société Décathlon ne cherche qu'à déstabiliser les adhérents du réseau Intersport et à obtenir la communication d'informations stratégiques dès lors que ses actions en référé ne sont jamais suivies d'action au fond.
Elle reproche également à la société Décathlon France de ne pas justifier de la vraisemblance d'un préjudice.
Elle rappelle que les mesures d'instruction ne doivent pas par ailleurs porter atteinte de manière disproportionnée au secret des affaires et estime que la demande de la société Décathlon France n'est pas suffisamment déterminée et n'est pas limitée à ce qui est strictement nécessaire à la solution du litige dès lors que la mesure sollicitée donnerait à la société Décathlon des informations commerciales relatives à son concurrent très sensibles et des informations sur le marché de l'ouverture dominicale qui relèvent du secret des affaires.
* Sur la demande d'interdiction d'ouverture du magasin Intersport les dimanches non autorisés
Selon l'article 873 du code de procédure civile, le président peut dans les mêmes limites et même en présence d'une contestation sérieuse prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Il est admis que le fait pour un employeur d'ouvrir son établissement sans y être autorisé de droit ou pouvoir se prévaloir d'une dérogation effective au repos dominical constitue un trouble manifestement illicite.
Il est également admis que le fait pour un employeur d'ouvrir le dimanche en dehors de toute autorisation légale constitue une rupture d'égalité entre concurrents de la même branche commerciale et donc un acte de concurrence déloyale.
L'existence d'un trouble manifestement illicite fonde alors la compétence du juge des référés.
Il résulte des articles L 3132-25 et suivants du code du travail et de l'article L 3126 alinéa 1 du même code que dans les établissements de commerce de détail où le repos hebdomadaire a lieu normalement le dimanche, ce repos dominical peut être supprimé certains dimanches désignés pour chaque commerce de détail par décision du maire, le nombre de ces dimanches ne pouvant excéder douze par année civile.
En dehors de ces 'dimanches du maire' il existe d'autres dérogations correspondant à quatre zones dérogatoires dans lesquelles il est possible d'accorder le repos hebdomadaire aux salariés par roulement et ce notamment dans les zones commerciales, catégorie invoquée par la société Prosport V.
En application de l'article L 3132-25-1 du code du travail, les établissements de vente au détail situés dans les zones commerciales caractérisées par une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel.
Toutefois en application de l'article L 3132-25-2 du code du travail la demande de délimitation ou de modification d'une telle zone commerciale est transmise par le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale si le périmètre de la zone excède le territoire d'une seule commune, au représentant de l'Etat dans la région qui va délimiter ou modifier ces zones après différents avis.
Ainsi il appartient au représentant de l'Etat dans la Région de définir l'existence une zone commerciale visée par ces articles.
Dès lors qu'existe une telle zone l'établissement de commerce de détail qui est situé dans cette zone et dont les salariés sont couverts par un accord collectif bénéficie d'une dérogation sans avoir besoin d'une autorisation administrative.
Ainsi il ne suffit pas qu'une zone dans laquelle est implanté un commerce remplisse les critères de l'article L 3132-20-1 du code du travail définissant une zone commerciale pour que ce commerce bénéficie de plein droit d'une dérogation au repos dominical encore faut-il notamment que cette zone soit créée et délimitée par un arrêté préfectoral selon la procédure définie à l'article L 3132-25-2 du code du travail.
Il est produit aux débats notamment deux constats d'huissier en date des 10 novembre 2022 et 27 avril 2023 démontrant que la société Prosport V a ouvert le dimanche en dehors des autorisations de la mairie de [Localité 5] à maintes reprises et au moins à 45 reprises depuis janvier 2019 jusqu'en septembre 2023.
Ces ouvertures ne sont pas contestées par la société Prosport V qui argue du bénéfice d'une dérogation liée à la situation du magasin dans une zone commerciale et de dérogations exceptionnelles accordées durant la crise sanitaire et le 9 juillet 2023.
Il appartient cependant à celui qui se prévaut du bénéfice d'une dérogation de droit au repos dominical d'en justifier.
Or il n'est en l'espèce aucunement établi que le magasin de [Localité 5] soit situé dans une zone commerciale délimitée par un arrêté préfectoral.
Au contraire la société Décathlon France produit un courrier de la direction départementale de l'emploi du travail et des solidarités de la préfecture de la Somme en date du 19 décembre 2023 indiquant qu'aucun arrêté préfectoral n'a délimité de zone commerciale dans le département de la Somme.
Il n'est pas davantage justifié de dérogations exceptionnelles notamment par arrêté préfectoral.
Il est ainsi établi que la société Prosport V a ouvert son magasin certains dimanches non inclus dans la liste des ouvertures dominicales autorisées.
La violation évidente de la réglementation applicable en matière d'ouverture dominicale est ainsi caractérisée.
Au regard de la multiplicité et de la persistance des ouvertures dominicales par la société Prosport V alors que celles-ci n'étaient pas préalablement autorisées l'existence d'un trouble manifestement illicite est établie dans la mesure où il soumet des entreprises de la même branche commerciale à une concurrence déloyale nécessairement préjudiciable pour celles qui respectent la législation et donc la fermeture dominicale et la perte de chiffre d'affaires qu'elle implique.
Il convient en conséquence de faire cesser ce trouble illicite en interdisant à la société Prosport V de procéder à l'ouverture de son magasin exploité sous l'enseigne Intersport sis à [Adresse 2], le dimanche en employant des salariés, et ce chaque fois que cette ouverture n'aura pas été autorisée en amont par arrêté municipal ou toute autre dérogation légale ou réglementaire préalable dont elle devra justifier.
S'agissant de faire respecter la loi et compte tenu de la possibilité de bénéficier d'autorisations
préalables il ne sera pas fait droit à la demande de limitation dans le temps de cette interdiction.
En effet outre le fait qu'il ne saurait y avoir d'assimilation entre ce qui est provisoire au sens de la matière des référés et ce qui est temporaire et que l'article 873 alinéa 1 du code de procédure civile n'exige pas que la mesure ordonnée pour faire cesser un trouble manifestement illicite soit temporaire le remède à un trouble illicite résultant du non-respect d'une loi s'imposant à tous et sans limitation de durée, n'a pas à être limité dans le temps.
De même il n'y a pas lieu de prévoir que l'interdiction sera levée de plein droit à défaut de saisine du juge du fond dans un délai contraint.
La persistance des ouvertures non autorisées y compris postérieurement à la procédure de première instance et à l'introduction de la procédure d'appel justifie d'assortir cette interdiction d'une astreinte suffisamment dissuasive à hauteur de 50000 euros par dimanche d'ouverture réalisé sans aucune autorisation.
La cour se réservera la liquidation de l'astreinte.
Il convient en conséquence d'infirmer la décision de première instance.
* Sur la mesure d'instruction
Selon l'article 145 du code de procédure civile s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
La mesure demandée dans ce cadre doit être en lien avec un litige potentiel entre les parties et justifiée par la recherche ou la conservation d'une preuve susceptible d'être utilisée dans le litige.
La mesure ordonnée doit être utile et améliorer la situation probatoire du demandeur et son résultat doit être de nature à influer sur le contenu et le fondement du litige.
Constituent des mesures légalement admissibles des mesures d'instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi.
Le motif légitime est en l'espèce établi dès lors qu'il s'agit pour la société Décathlon France qui peut justifier d'ouvertures dominicales non autorisées grâce à des publicités d'obtenir la liste complète des ouvertures illicites et de mesurer le préjudice que cette possible concurrence déloyale lui a fait subir alors même que la société Prosport V ne conteste pas les ouvertures illicites du dimanche.
Par ailleurs la règle de l'article 146 du code de procédure civile selon laquelle aucune mesure d'instruction ne peut être accordée pour pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve ne s'applique pas lorsque le juge est saisi sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.
De surcroît la mesure sollicitée ne vise pas à pallier la carence de la société Décathlon dans l'administration de la preuve dès lors que celle-ci justifie de nombre d'ouvertures du magasin en dehors des dimanches autorisés mais également de l'effacement par la société Prosport V de ses publications relatives aux ouvertures dominicales et ce alors même que celle-ci ne conteste pas les ouvertures du dimanche non autorisées qui lui sont reprochées.
Par ailleurs la communication sollicitée limitée aux dimanches ouverts illégalement n'est pas de nature à porter une atteinte disproportionnée au secret des affaires.
Elle s'avère en revanche utile dans la perspective d'un litige potentiel à intervenir entre les parties en ce qu'elle permet à la société Décathlon d'apprécier l'importance exacte des manquements imputés à la société Prosport V mais également de recueillir des éléments relatifs à l'appréciation du préjudice par elle subi.
Il convient en conséquence d'ordonner à la société Prosport V de communiquer à la société Décathlon en ce qui concerne son magasin exploité sous l'enseigne Intersport sis à [Adresse 2], la liste précise de tous les dimanches durant lesquels ce magasin a été ouvert au public de l'année 2019 à septembre 2024 et le chiffre d'affaires réalisé par le magasin chaque dimanche de cette même période durant lesquels il a été ouvert en dehors des autorisations du maire et ce sous astreinte de 1000 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt et pendant une durée de trois mois.
Il y a lieu de confier le contrôle de cette mesure à un commissaire de justice dans les conditions précisées au dispositif.
Sur les demandes de la société Prosport V
La société Prosport V sollicite que soit ordonnée à l'encontre de la Société Décathlon France la même mesure d'instruction et ce par mesure d'équité et en raison des comportements déloyaux mis en oeuvre par celle-ci et ce afin de lui permettre de se défendre utilement dans le cadre de la procédure au fond en ayant connaissance du chiffre d'affaires réalisé par la société Décathlon France sur un dimanche d'ouverture de son magasin, le tout sous astreinte.
La société Décathlon relève que la notion d'équité n'est pas visée par l'article 145 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la société Prosport V ne justifie d'aucun motif légitime dès lors qu'elle n'établit aucune ouverture dominicale illicite du magasin Décathlon d'[Localité 4] et donc aucun trouble manifestement illicite. Elle conteste également l'existence d'ouvertures dominicales illicites dans d'autres magasins Décathlon qui au demeurant situés dans d'autres communes et pour la plupart dans d'autres départements ne sauraient être considérés comme des concurrents.
La société Prosport V n'établit aucunement les manquements du magasin Décathlon d'[Localité 4] quant aux ouvertures dominicales et dès lors ne justifie d'aucun motif légitime appuyant sa demande de communication de pièces, l'équité ne pouvant constituer ce motif légitime.
Il convient de la débouter de cette demande.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il convient de condamner la société Prosport V aux entiers dépens de première instance et d'appel sans qu'il y ait lieu d'y inclure les frais d'intervention du commissaire de justice qui seront avancés par la société Décathlon France et de la condamner au paiement d'une somme de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement et contradictoirement par mise à disposition de la décision au greffe,
Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Fait interdiction à la société Prosport V de procéder à une ouverture le dimanche en employant des salariés, de son magasin exploité sous l'enseigne Intersport et sis à [Adresse 2] et ce à chaque fois que l'ouverture n'aura pas été autorisée au préalable par le maire de la commune de [Localité 5] ou toute autre dérogation légale ou réglementaire dont la société Prosport V devra justifier ;
Dit que cette interdiction sera assortie d'une astreinte provisoire d'un montant de 50000 euros par dimanche d'ouverture réalisé en dehors de toute autorisation préalable ;
Ordonne la production par la société Prosport V s'agissant du magasin exploité sous l'enseigne Intersport et sis à [Adresse 2] :
- de la liste de tous les dimanches durant lesquels le magasin a été ouvert au public entre 2019 et septembre 2024
- le montant du chiffre d'affaires réalisé durant les dimanches d'ouverture non autorisée par le maire sur la même période ;
Dit que cette obligation sera assortie d'une astreinte provisoire de 1000 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt et ce pendant une durée de trois mois ;
Dit que la mesure sera contrôlée par un commissaire de justice la SCP Prissaint. Macquet qui sera chargé de collecter et de réunir l'ensemble des informations documents et éléments qui seront remis par la société Prosport V et d'en dresser constat et de le remettre à la société Décathlon dans un délai de quatre mois à compter de la signification de la présente décision ;
Dit que la société Décathlon fera l'avance des frais d'intervention du commissaire de justice ;
Dit que la cour se réserve le contentieux de la liquidation des astreintes ;
Déboute la société Prosport V de ses demandes ;
Condamne la société Prosport V aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce non compris les frais d'intervention du commissaire de justice ;
Condamne la société Prosport V à payer à la société Décathlon France la somme de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière, La Présidente,