Décisions
CA Douai, ch. 1 sect. 2, 10 octobre 2024, n° 23/03070
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 10/10/2024
****
N° de MINUTE :
N° RG 23/03070 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U7M2
Ordonnance (N° 2022017115)
rendue le 02 mars 2023 par le président du tribunal de commerce de Lille Métropole
APPELANTE
La SARL Sygmacontrol
prise en la personne de son gérant
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Marie Carrel, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉES
La SARL Groupe Bca Entreprises
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 9]
[Localité 8]
représentée par Me Laurent Guilmain, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
La SAS Duchenne et Cabas Ingenierie
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Claire Jouffrey, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
DÉBATS à l'audience publique du 04 juin 2024, après réouverture des débats par mention au dossier, tenue par Catherine Courteille magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, présidente de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Véronique Galliot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2024 après prorogation du délibéré en date du 26 septembre 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 05 février 2024
****
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
En 2021, la société Groupe BCA entreprises a entrepris la construction d'un bâtiment à usage industriel et de bureaux sur un terrain situé [Adresse 9] à [Localité 8].
La maîtrise d''uvre a été confiée à la société Duchenne et Cabas Ingénierie (la société DCI) qui avait une mission complète.
Le lot plomberie-CVC (climatisation, ventilation, évacuation des eaux usées) a été confié à la société Sygmacontrol, le montant du marché était de 60 000 euros TTC.
La déclaration réglementaire d'ouverture du chantier a été déposée le 28 octobre 2022, les travaux ont débuté le 02 novembre 2021 et devaient durer 6 mois.
Des difficultés sont survenues en cours de chantier entre le maître d'ouvrage, le maître d''uvre et les entreprises.
Le 25 mai 2022, une réunion de réception était organisée à l'issue de laquelle le maître d'ouvrage a refusé la réception.
La société Groupe BCA Entreprises a pris possession des lieux le 07 juin 2022, des procès-verbaux de réception ont été signé le 18 juillet 2022 concernant d'autres lots, le procès-verbal de réception concernant le lot de la société Sygmacontrol n'a pas été signé.
Par courrier recommandé avec accusé réception du 14 septembre 2022, la société Groupe BCA Entreprises a, rappelant son refus de réceptionner les travaux réalisés par cet entreprise, a invoquant l la norme NFP-03-001, notifié la résiliation du marché.
La société Groupe BCA Entreprises n'a pas soldé les travaux de la société Sygmacontrol, ni les honoraires du maître d''uvre.
En raison du différend l'opposant aux entreprises pour l'achèvement des travaux et contestant la qualité des travaux réalisés par la société Sygmacontrol, la société Groupe BCA Entreprises a fait procéder à un constat par Me [Y], commissaire de justice, le 05 septembre 2022.
Par acte de commissaire de justice du 04 octobre 2022, la société Groupe BCA Entreprises a fait assigner la société Sygmacontrol et la société DCI devant le juge des référés du tribunal de commerce de Lille aux fins de désignation d'un expert judiciaire.
Par ordonnance du 02 mars 2023, le président du tribunal de commerce de Lille Métropole, statuant en référé a :
- Pris acte des protestations et réserves d'usage des sociétés Sygmacontrol et Duchenne et Cabas Ingénierie
- Désigné expert, Monsieur [L] [E], [Adresse 7] [Localité 6] ([XXXXXXXX01]) avec mission de :
* Convoquer les parties et leurs conseils
' Se faire remettre tous documents et pièces utiles à l'accomplissement de sa mission
' S'adjoindre au besoin tout sapiteur dans une spécialité différente de la sienne après en avoir avisé le juge chargé du contrôle des expertises et les parties
' Prendre connaissance de tous documents contractuels et techniques, tels que plans, devis, marchés et autres
' Se Rendre Sur Les Lieux Sis [Adresse 9] À [Localité 8] après y avoir convoqué les parties
' Examiner les désordres allégués dans l'assignation et les pièces produites à l'appui
' Les décrire, en indiquer la nature, l'importance, la date d'apparition
' Dire si les travaux sont conformes aux règles de l'art et aux documents contractuels
' Se prononcer sur la qualité des matériels posés et dire s'ils sont de qualité équivalente à ceux prévus au contrat
' Fournir tout renseignement de fait permettant à l'arbitre ou au Tribunal de statuer sur les éventuelles responsabilités encourues
' Après avoir exposé ses observations sur la nature des travaux propres à remédier aux désordres, et leurs délais d'exécution, chiffrer, à partir des devis fournis par les parties, éventuellement assistées d'un maître d''uvre, le coût de ces travaux
' Fournir tous éléments de nature à permettre ultérieurement à la juridiction saisie d'évaluer les préjudices de toute nature, directs ou indirects, matériels ou immatériels, résultant des désordres, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état
' Dire si des travaux urgents sont nécessaires soit pour empêcher l'aggravation des désordres et du préjudice qui en résulte, soit pour prévenir les dommages aux personnes ou aux biens ; dans l'affirmative, à la demande d'une partie ou en cas de litige sur les travaux de sauvegarde nécessaires, décrire ces travaux et en faire une estimation sommaire dans un rapport intermédiaire qui devra être déposé aussitôt que possible
' S'expliquer techniquement dans le cadre des chefs de mission ci-dessus énoncés sur les dires et observations des parties qu'il aura recueillis après le dépôt de son pré-rapport et le cas échéant, compléter ses investigations
' Donner son avis sur l'état d'achèvement du bâtiment aux dates des 7/06/2022 et 11/07/2022, dire si à ces date-là le bâtiment était exploitable, c'est-à-dire si y étaient exécutés les ouvrages et installés les éléments d'équipement convenus et indispensables à son utilisation conformément à sa destination
' Dire si les désordres allégués par la société Groupe BCA Entreprises, dans ses écritures et pièces versées à la procédure, étaient visibles les 7/06/2022 et/ou 11/07/2022,
' Apprécier les non-conformités dénoncées par la société Groupe BCA Entreprises aux droits du lot 11 Plomberie CVC confié à la société Sygmacontrol par rapport, tant aux règles de Groupe BCA Entreprises et la société Sygmacontrol,
' Apprécier les non-conformités dénoncées par la société Groupe BCA Entreprises aux droits du lot 11 Plomberie CVC confié à la société Sygmacontrol par rapport, tant aux règles de l'art et aux documents contractuels, qu'aux accords ayant pu intervenir postérieurement entre la société Groupe BCA Entreprises et la société Sygmacontrol
' Faire les comptes entre les parties.
- fixé la provision sur les honoraires de l'expert à 3 000 euros à la charge de la société Groupe BCA Entreprises,
- débouté les sociétés Sygmacontrol et DCI de leurs demandes reconventionnelles,
- dite que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles,
- condamné les sociétés DCI et Sygmacontrol aux dépens taxés et liquidés à la somme de 77,72 euros (en ce qui concerne le greffe).
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 04 juillet 2023, la société Sygma control a relevé appel de cette décision.
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 03 janvier 2024, la société Sygmacontrol demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1342 du code civil et des articles 145 et 873 du code de procédure pénale, de :
Réformer l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 2 mars 2023, en ce qu'elle a :
- ordonné une expertise,
- débouté la société Sygmacontrol de ses demandes reconventionnelles
- dit que chacune des parties conserverait a sa charge ses frais irrépétibles,
- Condamne les sociétés Duchenne Et Cabas Ingénierie et Sygmacontrol aux dépens, taxes et liquides a la somme de 77,72 euros en ce qui concerne les frais de greffe.
ET, STATUANT DE NOUVEAU :
- Recevoir l'intégralité des moyens et prétentions de la société Sygmacontrol
- Débouter la Société Groupe BCA Entreprises de sa demande d'expertise judiciaire en raison de l'absence de motif légitime,
SUBSIDIAIREMENT, si un expert était nommé :,
- Acter les protestations et réserves d'usage de la société Sygmacontrol,
- ET compléter la mission de l'expert judiciaire dans les termes suivants :
- Donner son avis sur l'état d'achèvement du bâtiment aux dates des 7/06/2022 et 11/07/2022, dire si à ces dates-là le bâtiment était exploitable, c'est-a-dire si y étaient exécutés les ouvrages et installés les éléments d'équipement convenus et indispensables a son utilisation conformément a sa destination,
- Dire si les désordres allégués par la société Groupe BCA Entreprises , dans ses écritures et pièces versées a la procédure, étaient visibles les 7/06/2022 et/ou 11/07/2022.
- Apprécier les non-conformités dénoncées par la société Groupe BCA Entreprises aux droits du lot 11 Plomberie CVC confie a la société Sygmacontrol par rapport, tant aux règles de l'art et aux documents contractuels, qu'aux accords ayant pu intervenir entre la société Groupe BCA Entreprises et la société Sygmacontrol .
- Faire les comptes entre les parties.
ET, EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- ORDONNER a la Société Groupe BCA Entreprises d'avoir a exécuter son obligation de payer les situations de paiement des mois d'avril et mai 2022 de la société Sygmacontrol en exécution du marche de travaux signe le 1er septembre 2021, et ce, pour faire cesser le trouble manifestement illicite que constitue le refus de paiement ;
A défaut,
- CONDAMNER la Société Groupe BCA Entreprises à payer a la Société Sygmacontrol a somme de 45 600,07 euros TTC a titre provisionnel.
- DEBOUTER La société Groupe BCA Entreprises de toutes ses demandes fins et prétentions,
- CONDAMNER la Société Groupe BCA Entreprises a payer a la Société Sygmacontrol la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Condamner la Société Groupe BCA Entreprises aux entiers dépens.
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 11 janvier 2024, la société Duchenne et Cabas ingénierie demande à la cour, au visa de l'article 6 de la CESDH, des articles 16, 145, 455 et 873 al 2 du code de procédure civile et des articles 1103, 1104, 1342 du code civil, de :
- DEBOUTER la SARL Groupe BCA Entreprises de sa demande d'expertise formulée à l'encontre de la société Duchenne et Cabas Ingénierie,
- CONDAMNER la société Groupe BCA Entreprises à payer à la société Duchenne et Cabas Ingénierie (D.C.I) la somme provisionnelle de 6 840 euros TTC, correspondant au montant de la facture de solde de prestation n° F 2022.1154 en date du 1/06/2022,
A titre subsidiaire,
A titre subsidiaire
- PRENDRE acte des protestations et réserves d'usage de la société Duchenne et Cabas Ingenierie (D.C.I) sur la demande d'expertise judiciaire,
- ET DIRE ET JUGER que la mission de l'expert désigné sera complétée des points suivants :
Donner son avis sur l'état d'achèvement du bâtiment aux dates des 7/06/2022 et 11/07/2022, dire si à ces dates-là le bâtiment était exploitable, c'est-à-dire si y étaient exécutés les ouvrages et installées les éléments d'équipement convenus et indispensables à son utilisation conformément à sa destination.
Dire si les désordres dénoncés par la société Groupe Bca Entreprises, dans ses écritures et pièces versées à la procédure, étaient visibles les 7/06/2022 et/ou 11/07/2022.
Apprécier les non-conformités dénoncées par la société Groupe Bca Entreprises aux droits du lot 11 Plomberie CVC confié à la société Sygmacontrol par rapport, tant aux règles de l'art et aux documents contractuels, qu'aux accords ayant pu intervenir postérieurement entre la société la Groupe Bca Entreprises et la société Sygmacontrol.
Donner son avis sur les comptes entre les parties.
- CONDAMNER la société Groupe BCA Entreprises à payer à la société Duchenne et Cabas Ingénierie (D.C.I) une somme de 5 000 euros au titre de frais irrépétibles, par application de l'article 700 du Code de Procédure civile,
CONDAMNER la société Groupe BCA Entreprises aux entiers dépens.
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 30 janvier 2024, la société Groupe BCA Entreprise demande à la cour, au visa des articles 145 et 873 du code de procédure civile, de :
- DIRE recevable mais mal fondée la société Sygmacontrol en son appel principal
- LA DEBOUTER purement et simplement de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
- DIRE recevable mais mal fondée la société DCI en son appel incident
- LA DEBOUTER purement et simplement de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
- CONFIRMER en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal de Commerce de Lille Métropole
Y AJOUTANT
- CONDAMNER in solidum les sociétés Sygmacontrol et DCI à payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers frais et dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions ci-dessus visées.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 05 février 2024.
MOTIVATION
Sur la demande d'expertise
La société Sygmacontrol soutient que l'expertise ne peut apporter d'information utile dès lors qu'elle démontre avoir réalisé des travaux conformes à ce qui était demandé, que des modifications ont été décidées en cours de chantier avec l'accord du maître d'ouvrage, lequel est de mauvaise foi. Elle ajoute que cette mauvaise foi est démontrée par les conditions dans lesquelles sont intervenues la prise de possession et la réception des ouvrages. À titre subsidiaire, elle demande que la mission de l'expert soit complétée.
La société DCI expose que le premier juge s'est contenté de reprendre les conclusions de la société demanderesse. Elle affirme également que la société Groupe BCA Entreprises est de mauvaise foi, que contrairement à ce qu'elle soutient le bâtiment était exploitable dès la fin du mois de mai à telle enseigne qu'elle a pris possession des mieux dès le 07 juin et n'a accepté la réception qu'à la suite d'une mise en demeure lui rappelant que la prise de possession serait considérée comme une réception sans réserves. Elle ajoute que les quelques réserves faites porte d'avantage sur des non-finitions et la position des unités de climatisation. Elle fait valoir que dès lors que la réception a été prononcée sa mission a pris fin qu'aucun grief ne peut lui être fait de sorte qu'il n'est pas justifié de l'utilité de l'attraire à la mesure d'expertise.
La société Groupe BCA Entreprises fait valoir que le chantier ne s'est pas déroulé selon le calendrier prévu, notamment elle devait prendre possession des lieux en mai, ce qui n'a pas été possible. Elle précise que la réception en mai n'a pas été refusée pour toutes les entreprises puisque le lot gros-oeuvre a été réceptionné et que le marché de l'entreprise a été soldé. Elle affirme que les modifications intervenues sur le chantier n'ont pas fait l'objet d'avenants de sorte que les travaux tels que réalisés constituent des non-conformités.
***
Selon l'article 145 du code de procédure civile s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Il appartient au demandeur à la mesure d'instruction de justifier d'un motif légitime, c'est à dire de l'existence d'un litige potentiel en vue duquel il a besoin d'éléments de preuve lui faisant défaut.
Le juge n'a pas à se prononcer dans le cadre de la procédure aux fins d'expertise sur le bien-fondé ou même l'opportunité d'un procès éventuel.
En l'espèce, il ressort des pièces produites qu'un différend a opposé les parties dès avant la réception des ouvrages conduisant au refus de signature du procès-verbal de réception par le maître d'ouvrage qui a déclaré que le bâtiment ne pouvait être exploité.
La société Groupe BCA Entreprises justifie bien par ailleurs de ce qu'ayant cédé ses précédents locaux à la société LIDL qui devait entrer dans les lieux le 19 juin 2022, il lui fallait pouvoir intégrer le nouveau bâtiment fin mai.
Les échanges de correspondances de juin 2022 montrent qu'existait un différend entre le maître d'ouvrage, le maître d''uvre et l'entreprise sur la conformité des travaux aux documents contractuels, sur d'éventuels désordres et l'avancement des travaux.
Le procès-verbal de constat du 05 septembre 2022, dressé par Me [Y], commissaire de justice, montre que les blocs de climatisation ne fonctionnent pas et que des odeurs nauséabondes se dégagent des toilettes, ces observations attestent de difficultés persistant.
Dans le courrier de résiliation du 14 septembre 2022 adressé par M. [V] de la société Groupe BCA Entreprises à la société Sygmacontrol, la liste des réclamations faites en mai et juin est reprise.
Le refus de signer le procès-verbal de réception du lot plomberie-CVC et la notification de la résiliation du marché de la société Sygmacontrol pour "tromperie grave" alors que cette dernière revendique avoir achevé des travaux conformes et enfin le refus de solder les travaux justifient bien d'un potentiel litige constitutif d'un motif légitime.
Quant à la société DCI, en sa qualité de maître d''uvre chargé du suivi des travaux et du respect des documents contractuels, sa responsabilité est susceptible d'être recherchée en cas de non-respect des marchés ou en cas de non-conformités non signalées, dès lors il n'y a pas à la mettre hors de cause, le premier juge ayant fait une juste appréciation des éléments de la cause.
L'ordonnance sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a désigné M. [E] en qualité d'expert avec la mission ordonnée par le premier juge, celui-ci ayant complété la mission en tenant compte des demandes des défendeurs.
Sur les demandes de provision
La société Sygmacontrol, sollicite la condamnation de la société Groupe BCA Entreprises à lui payer la somme de 45 600,07 euros TTC correspondant au solde de son marché,
La société DCI demande la condamnation de la société maître d'ouvrage à lui payer la somme de 6 840 euros TTC au titre du solde de ses honoraires, faisant valoir que la réception après avoir été refusée a été prononcée le 11 juillet 2022, mettant fin à sa mission.
La société Groupe BCA Entreprises conteste la demande de provision de la société Sygmacontrol invoquant un manque de sérieux de l'entreprise et indiquant que les blocs de climatisation doivent être déposés. Elle souligne avoir réglé les autres entreprises prouvant ainsi sa bonne foi.
***
Selon l'article 873 du code de procédure civile le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Le contrat de maîtrise d''uvre portait sur une mission complète, le montant des honoraires (hors honoraires de l'architecte) était de 95 000 euros, seul le solde soit 6 840 euros TTC n'a pas été réglé.
Il est constant que le maître d''uvre, dont la mission s'achevait à la réception, a proposé la réception des ouvrages en mai puis juillet 2022, que le maître d'ouvrage a accepté de signer les procès-verbaux de réception à l'exception de celui du lot dont la société Sygmacontrol était titulaire.
Il est également constant que la société Groupe BCA Entreprises a pris possession des lieux le 07 juin 2022.
Si un différend existe entre le maître d'ouvrage, le maître d''uvre et la société Sygmacontrol, il n'en reste pas moins que la société Groupe BCA Entreprises a pris possession des ouvrages et a réceptionné tous les lots à l'exception du lot plomberie ; qu'elle a par ailleurs réglé toutes les situations du maître d''uvre ne retenant que le dernier versement.
Il apparaît en conséquence que l'obligation dont se prévaut la société DCI, n'est pas sérieusement contestable dès lors que la réception a été prononcée sur la base des propositions du maître d''uvre, en conséquence il sera fait droit à la demande de provision à hauteur de 6 840 euros.
S'agissant de la demande de provision de la société Sygmacontrol, le marché passé était d'un montant de 50 000 euros HT soit 60 000 euros TTC, la société justifie, par la production du grand livre comptable, n'avoir perçu que 8 550 euros.
Deux situations ont été visées par le maître d''uvre le 02 juin 2022, la première d'un montant de 16 949,35 euros, correspondant à un avancement de travaux de 42,50 % la seconde d'un montant de 28 650,72 euros correspondant à un avancement de travaux de 90,25 %.
Le procès-verbal de constat montre que la société Sygmacontrol a installé les équipements demandés (VMC, sanitaires), la contestation portant sur la qualité des travaux.
Au vu des éléments produits il apparaît qu'il est justifié par la société Sygmacontrol de l'obligation à paiement à hauteur de 40 000 euros, la société Groupe BCA Entreprises sera en conséquence condamnée à payer à la société Sygmacontrol une provision de 40 000 euros.
L'ordonnance sera infirmée en ce qui concerne les dépens de première instance et la société Groupe BCA Entreprises sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel,
L'équité commande de débouter les parties de leurs demandes d'indemnités de procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme l'ordonnance en ces dispositions relatives à l'expertise ordonnée ainsi qu'en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles,
Infirme l'ordonnance pour le surplus,
Statuant à nouveau
Condamne la société Groupe BCA Entreprises à payer :
- une provision de 6 840 euros à la société Duchenne et Cabas Ingénierie,
- une provision de 40 000 euros à la société Sygmacontrol,
Y ajoutant,
Condamne la société Groupe BCA Entreprises aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier
Anaïs Millescamps
La présidente
Catherine Courteille
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 10/10/2024
****
N° de MINUTE :
N° RG 23/03070 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U7M2
Ordonnance (N° 2022017115)
rendue le 02 mars 2023 par le président du tribunal de commerce de Lille Métropole
APPELANTE
La SARL Sygmacontrol
prise en la personne de son gérant
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Marie Carrel, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉES
La SARL Groupe Bca Entreprises
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 9]
[Localité 8]
représentée par Me Laurent Guilmain, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
La SAS Duchenne et Cabas Ingenierie
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Claire Jouffrey, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
DÉBATS à l'audience publique du 04 juin 2024, après réouverture des débats par mention au dossier, tenue par Catherine Courteille magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, présidente de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Véronique Galliot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2024 après prorogation du délibéré en date du 26 septembre 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 05 février 2024
****
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
En 2021, la société Groupe BCA entreprises a entrepris la construction d'un bâtiment à usage industriel et de bureaux sur un terrain situé [Adresse 9] à [Localité 8].
La maîtrise d''uvre a été confiée à la société Duchenne et Cabas Ingénierie (la société DCI) qui avait une mission complète.
Le lot plomberie-CVC (climatisation, ventilation, évacuation des eaux usées) a été confié à la société Sygmacontrol, le montant du marché était de 60 000 euros TTC.
La déclaration réglementaire d'ouverture du chantier a été déposée le 28 octobre 2022, les travaux ont débuté le 02 novembre 2021 et devaient durer 6 mois.
Des difficultés sont survenues en cours de chantier entre le maître d'ouvrage, le maître d''uvre et les entreprises.
Le 25 mai 2022, une réunion de réception était organisée à l'issue de laquelle le maître d'ouvrage a refusé la réception.
La société Groupe BCA Entreprises a pris possession des lieux le 07 juin 2022, des procès-verbaux de réception ont été signé le 18 juillet 2022 concernant d'autres lots, le procès-verbal de réception concernant le lot de la société Sygmacontrol n'a pas été signé.
Par courrier recommandé avec accusé réception du 14 septembre 2022, la société Groupe BCA Entreprises a, rappelant son refus de réceptionner les travaux réalisés par cet entreprise, a invoquant l la norme NFP-03-001, notifié la résiliation du marché.
La société Groupe BCA Entreprises n'a pas soldé les travaux de la société Sygmacontrol, ni les honoraires du maître d''uvre.
En raison du différend l'opposant aux entreprises pour l'achèvement des travaux et contestant la qualité des travaux réalisés par la société Sygmacontrol, la société Groupe BCA Entreprises a fait procéder à un constat par Me [Y], commissaire de justice, le 05 septembre 2022.
Par acte de commissaire de justice du 04 octobre 2022, la société Groupe BCA Entreprises a fait assigner la société Sygmacontrol et la société DCI devant le juge des référés du tribunal de commerce de Lille aux fins de désignation d'un expert judiciaire.
Par ordonnance du 02 mars 2023, le président du tribunal de commerce de Lille Métropole, statuant en référé a :
- Pris acte des protestations et réserves d'usage des sociétés Sygmacontrol et Duchenne et Cabas Ingénierie
- Désigné expert, Monsieur [L] [E], [Adresse 7] [Localité 6] ([XXXXXXXX01]) avec mission de :
* Convoquer les parties et leurs conseils
' Se faire remettre tous documents et pièces utiles à l'accomplissement de sa mission
' S'adjoindre au besoin tout sapiteur dans une spécialité différente de la sienne après en avoir avisé le juge chargé du contrôle des expertises et les parties
' Prendre connaissance de tous documents contractuels et techniques, tels que plans, devis, marchés et autres
' Se Rendre Sur Les Lieux Sis [Adresse 9] À [Localité 8] après y avoir convoqué les parties
' Examiner les désordres allégués dans l'assignation et les pièces produites à l'appui
' Les décrire, en indiquer la nature, l'importance, la date d'apparition
' Dire si les travaux sont conformes aux règles de l'art et aux documents contractuels
' Se prononcer sur la qualité des matériels posés et dire s'ils sont de qualité équivalente à ceux prévus au contrat
' Fournir tout renseignement de fait permettant à l'arbitre ou au Tribunal de statuer sur les éventuelles responsabilités encourues
' Après avoir exposé ses observations sur la nature des travaux propres à remédier aux désordres, et leurs délais d'exécution, chiffrer, à partir des devis fournis par les parties, éventuellement assistées d'un maître d''uvre, le coût de ces travaux
' Fournir tous éléments de nature à permettre ultérieurement à la juridiction saisie d'évaluer les préjudices de toute nature, directs ou indirects, matériels ou immatériels, résultant des désordres, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état
' Dire si des travaux urgents sont nécessaires soit pour empêcher l'aggravation des désordres et du préjudice qui en résulte, soit pour prévenir les dommages aux personnes ou aux biens ; dans l'affirmative, à la demande d'une partie ou en cas de litige sur les travaux de sauvegarde nécessaires, décrire ces travaux et en faire une estimation sommaire dans un rapport intermédiaire qui devra être déposé aussitôt que possible
' S'expliquer techniquement dans le cadre des chefs de mission ci-dessus énoncés sur les dires et observations des parties qu'il aura recueillis après le dépôt de son pré-rapport et le cas échéant, compléter ses investigations
' Donner son avis sur l'état d'achèvement du bâtiment aux dates des 7/06/2022 et 11/07/2022, dire si à ces date-là le bâtiment était exploitable, c'est-à-dire si y étaient exécutés les ouvrages et installés les éléments d'équipement convenus et indispensables à son utilisation conformément à sa destination
' Dire si les désordres allégués par la société Groupe BCA Entreprises, dans ses écritures et pièces versées à la procédure, étaient visibles les 7/06/2022 et/ou 11/07/2022,
' Apprécier les non-conformités dénoncées par la société Groupe BCA Entreprises aux droits du lot 11 Plomberie CVC confié à la société Sygmacontrol par rapport, tant aux règles de Groupe BCA Entreprises et la société Sygmacontrol,
' Apprécier les non-conformités dénoncées par la société Groupe BCA Entreprises aux droits du lot 11 Plomberie CVC confié à la société Sygmacontrol par rapport, tant aux règles de l'art et aux documents contractuels, qu'aux accords ayant pu intervenir postérieurement entre la société Groupe BCA Entreprises et la société Sygmacontrol
' Faire les comptes entre les parties.
- fixé la provision sur les honoraires de l'expert à 3 000 euros à la charge de la société Groupe BCA Entreprises,
- débouté les sociétés Sygmacontrol et DCI de leurs demandes reconventionnelles,
- dite que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles,
- condamné les sociétés DCI et Sygmacontrol aux dépens taxés et liquidés à la somme de 77,72 euros (en ce qui concerne le greffe).
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 04 juillet 2023, la société Sygma control a relevé appel de cette décision.
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 03 janvier 2024, la société Sygmacontrol demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1342 du code civil et des articles 145 et 873 du code de procédure pénale, de :
Réformer l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 2 mars 2023, en ce qu'elle a :
- ordonné une expertise,
- débouté la société Sygmacontrol de ses demandes reconventionnelles
- dit que chacune des parties conserverait a sa charge ses frais irrépétibles,
- Condamne les sociétés Duchenne Et Cabas Ingénierie et Sygmacontrol aux dépens, taxes et liquides a la somme de 77,72 euros en ce qui concerne les frais de greffe.
ET, STATUANT DE NOUVEAU :
- Recevoir l'intégralité des moyens et prétentions de la société Sygmacontrol
- Débouter la Société Groupe BCA Entreprises de sa demande d'expertise judiciaire en raison de l'absence de motif légitime,
SUBSIDIAIREMENT, si un expert était nommé :,
- Acter les protestations et réserves d'usage de la société Sygmacontrol,
- ET compléter la mission de l'expert judiciaire dans les termes suivants :
- Donner son avis sur l'état d'achèvement du bâtiment aux dates des 7/06/2022 et 11/07/2022, dire si à ces dates-là le bâtiment était exploitable, c'est-a-dire si y étaient exécutés les ouvrages et installés les éléments d'équipement convenus et indispensables a son utilisation conformément a sa destination,
- Dire si les désordres allégués par la société Groupe BCA Entreprises , dans ses écritures et pièces versées a la procédure, étaient visibles les 7/06/2022 et/ou 11/07/2022.
- Apprécier les non-conformités dénoncées par la société Groupe BCA Entreprises aux droits du lot 11 Plomberie CVC confie a la société Sygmacontrol par rapport, tant aux règles de l'art et aux documents contractuels, qu'aux accords ayant pu intervenir entre la société Groupe BCA Entreprises et la société Sygmacontrol .
- Faire les comptes entre les parties.
ET, EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- ORDONNER a la Société Groupe BCA Entreprises d'avoir a exécuter son obligation de payer les situations de paiement des mois d'avril et mai 2022 de la société Sygmacontrol en exécution du marche de travaux signe le 1er septembre 2021, et ce, pour faire cesser le trouble manifestement illicite que constitue le refus de paiement ;
A défaut,
- CONDAMNER la Société Groupe BCA Entreprises à payer a la Société Sygmacontrol a somme de 45 600,07 euros TTC a titre provisionnel.
- DEBOUTER La société Groupe BCA Entreprises de toutes ses demandes fins et prétentions,
- CONDAMNER la Société Groupe BCA Entreprises a payer a la Société Sygmacontrol la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Condamner la Société Groupe BCA Entreprises aux entiers dépens.
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 11 janvier 2024, la société Duchenne et Cabas ingénierie demande à la cour, au visa de l'article 6 de la CESDH, des articles 16, 145, 455 et 873 al 2 du code de procédure civile et des articles 1103, 1104, 1342 du code civil, de :
- DEBOUTER la SARL Groupe BCA Entreprises de sa demande d'expertise formulée à l'encontre de la société Duchenne et Cabas Ingénierie,
- CONDAMNER la société Groupe BCA Entreprises à payer à la société Duchenne et Cabas Ingénierie (D.C.I) la somme provisionnelle de 6 840 euros TTC, correspondant au montant de la facture de solde de prestation n° F 2022.1154 en date du 1/06/2022,
A titre subsidiaire,
A titre subsidiaire
- PRENDRE acte des protestations et réserves d'usage de la société Duchenne et Cabas Ingenierie (D.C.I) sur la demande d'expertise judiciaire,
- ET DIRE ET JUGER que la mission de l'expert désigné sera complétée des points suivants :
Donner son avis sur l'état d'achèvement du bâtiment aux dates des 7/06/2022 et 11/07/2022, dire si à ces dates-là le bâtiment était exploitable, c'est-à-dire si y étaient exécutés les ouvrages et installées les éléments d'équipement convenus et indispensables à son utilisation conformément à sa destination.
Dire si les désordres dénoncés par la société Groupe Bca Entreprises, dans ses écritures et pièces versées à la procédure, étaient visibles les 7/06/2022 et/ou 11/07/2022.
Apprécier les non-conformités dénoncées par la société Groupe Bca Entreprises aux droits du lot 11 Plomberie CVC confié à la société Sygmacontrol par rapport, tant aux règles de l'art et aux documents contractuels, qu'aux accords ayant pu intervenir postérieurement entre la société la Groupe Bca Entreprises et la société Sygmacontrol.
Donner son avis sur les comptes entre les parties.
- CONDAMNER la société Groupe BCA Entreprises à payer à la société Duchenne et Cabas Ingénierie (D.C.I) une somme de 5 000 euros au titre de frais irrépétibles, par application de l'article 700 du Code de Procédure civile,
CONDAMNER la société Groupe BCA Entreprises aux entiers dépens.
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 30 janvier 2024, la société Groupe BCA Entreprise demande à la cour, au visa des articles 145 et 873 du code de procédure civile, de :
- DIRE recevable mais mal fondée la société Sygmacontrol en son appel principal
- LA DEBOUTER purement et simplement de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
- DIRE recevable mais mal fondée la société DCI en son appel incident
- LA DEBOUTER purement et simplement de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
- CONFIRMER en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal de Commerce de Lille Métropole
Y AJOUTANT
- CONDAMNER in solidum les sociétés Sygmacontrol et DCI à payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers frais et dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions ci-dessus visées.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 05 février 2024.
MOTIVATION
Sur la demande d'expertise
La société Sygmacontrol soutient que l'expertise ne peut apporter d'information utile dès lors qu'elle démontre avoir réalisé des travaux conformes à ce qui était demandé, que des modifications ont été décidées en cours de chantier avec l'accord du maître d'ouvrage, lequel est de mauvaise foi. Elle ajoute que cette mauvaise foi est démontrée par les conditions dans lesquelles sont intervenues la prise de possession et la réception des ouvrages. À titre subsidiaire, elle demande que la mission de l'expert soit complétée.
La société DCI expose que le premier juge s'est contenté de reprendre les conclusions de la société demanderesse. Elle affirme également que la société Groupe BCA Entreprises est de mauvaise foi, que contrairement à ce qu'elle soutient le bâtiment était exploitable dès la fin du mois de mai à telle enseigne qu'elle a pris possession des mieux dès le 07 juin et n'a accepté la réception qu'à la suite d'une mise en demeure lui rappelant que la prise de possession serait considérée comme une réception sans réserves. Elle ajoute que les quelques réserves faites porte d'avantage sur des non-finitions et la position des unités de climatisation. Elle fait valoir que dès lors que la réception a été prononcée sa mission a pris fin qu'aucun grief ne peut lui être fait de sorte qu'il n'est pas justifié de l'utilité de l'attraire à la mesure d'expertise.
La société Groupe BCA Entreprises fait valoir que le chantier ne s'est pas déroulé selon le calendrier prévu, notamment elle devait prendre possession des lieux en mai, ce qui n'a pas été possible. Elle précise que la réception en mai n'a pas été refusée pour toutes les entreprises puisque le lot gros-oeuvre a été réceptionné et que le marché de l'entreprise a été soldé. Elle affirme que les modifications intervenues sur le chantier n'ont pas fait l'objet d'avenants de sorte que les travaux tels que réalisés constituent des non-conformités.
***
Selon l'article 145 du code de procédure civile s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Il appartient au demandeur à la mesure d'instruction de justifier d'un motif légitime, c'est à dire de l'existence d'un litige potentiel en vue duquel il a besoin d'éléments de preuve lui faisant défaut.
Le juge n'a pas à se prononcer dans le cadre de la procédure aux fins d'expertise sur le bien-fondé ou même l'opportunité d'un procès éventuel.
En l'espèce, il ressort des pièces produites qu'un différend a opposé les parties dès avant la réception des ouvrages conduisant au refus de signature du procès-verbal de réception par le maître d'ouvrage qui a déclaré que le bâtiment ne pouvait être exploité.
La société Groupe BCA Entreprises justifie bien par ailleurs de ce qu'ayant cédé ses précédents locaux à la société LIDL qui devait entrer dans les lieux le 19 juin 2022, il lui fallait pouvoir intégrer le nouveau bâtiment fin mai.
Les échanges de correspondances de juin 2022 montrent qu'existait un différend entre le maître d'ouvrage, le maître d''uvre et l'entreprise sur la conformité des travaux aux documents contractuels, sur d'éventuels désordres et l'avancement des travaux.
Le procès-verbal de constat du 05 septembre 2022, dressé par Me [Y], commissaire de justice, montre que les blocs de climatisation ne fonctionnent pas et que des odeurs nauséabondes se dégagent des toilettes, ces observations attestent de difficultés persistant.
Dans le courrier de résiliation du 14 septembre 2022 adressé par M. [V] de la société Groupe BCA Entreprises à la société Sygmacontrol, la liste des réclamations faites en mai et juin est reprise.
Le refus de signer le procès-verbal de réception du lot plomberie-CVC et la notification de la résiliation du marché de la société Sygmacontrol pour "tromperie grave" alors que cette dernière revendique avoir achevé des travaux conformes et enfin le refus de solder les travaux justifient bien d'un potentiel litige constitutif d'un motif légitime.
Quant à la société DCI, en sa qualité de maître d''uvre chargé du suivi des travaux et du respect des documents contractuels, sa responsabilité est susceptible d'être recherchée en cas de non-respect des marchés ou en cas de non-conformités non signalées, dès lors il n'y a pas à la mettre hors de cause, le premier juge ayant fait une juste appréciation des éléments de la cause.
L'ordonnance sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a désigné M. [E] en qualité d'expert avec la mission ordonnée par le premier juge, celui-ci ayant complété la mission en tenant compte des demandes des défendeurs.
Sur les demandes de provision
La société Sygmacontrol, sollicite la condamnation de la société Groupe BCA Entreprises à lui payer la somme de 45 600,07 euros TTC correspondant au solde de son marché,
La société DCI demande la condamnation de la société maître d'ouvrage à lui payer la somme de 6 840 euros TTC au titre du solde de ses honoraires, faisant valoir que la réception après avoir été refusée a été prononcée le 11 juillet 2022, mettant fin à sa mission.
La société Groupe BCA Entreprises conteste la demande de provision de la société Sygmacontrol invoquant un manque de sérieux de l'entreprise et indiquant que les blocs de climatisation doivent être déposés. Elle souligne avoir réglé les autres entreprises prouvant ainsi sa bonne foi.
***
Selon l'article 873 du code de procédure civile le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Le contrat de maîtrise d''uvre portait sur une mission complète, le montant des honoraires (hors honoraires de l'architecte) était de 95 000 euros, seul le solde soit 6 840 euros TTC n'a pas été réglé.
Il est constant que le maître d''uvre, dont la mission s'achevait à la réception, a proposé la réception des ouvrages en mai puis juillet 2022, que le maître d'ouvrage a accepté de signer les procès-verbaux de réception à l'exception de celui du lot dont la société Sygmacontrol était titulaire.
Il est également constant que la société Groupe BCA Entreprises a pris possession des lieux le 07 juin 2022.
Si un différend existe entre le maître d'ouvrage, le maître d''uvre et la société Sygmacontrol, il n'en reste pas moins que la société Groupe BCA Entreprises a pris possession des ouvrages et a réceptionné tous les lots à l'exception du lot plomberie ; qu'elle a par ailleurs réglé toutes les situations du maître d''uvre ne retenant que le dernier versement.
Il apparaît en conséquence que l'obligation dont se prévaut la société DCI, n'est pas sérieusement contestable dès lors que la réception a été prononcée sur la base des propositions du maître d''uvre, en conséquence il sera fait droit à la demande de provision à hauteur de 6 840 euros.
S'agissant de la demande de provision de la société Sygmacontrol, le marché passé était d'un montant de 50 000 euros HT soit 60 000 euros TTC, la société justifie, par la production du grand livre comptable, n'avoir perçu que 8 550 euros.
Deux situations ont été visées par le maître d''uvre le 02 juin 2022, la première d'un montant de 16 949,35 euros, correspondant à un avancement de travaux de 42,50 % la seconde d'un montant de 28 650,72 euros correspondant à un avancement de travaux de 90,25 %.
Le procès-verbal de constat montre que la société Sygmacontrol a installé les équipements demandés (VMC, sanitaires), la contestation portant sur la qualité des travaux.
Au vu des éléments produits il apparaît qu'il est justifié par la société Sygmacontrol de l'obligation à paiement à hauteur de 40 000 euros, la société Groupe BCA Entreprises sera en conséquence condamnée à payer à la société Sygmacontrol une provision de 40 000 euros.
L'ordonnance sera infirmée en ce qui concerne les dépens de première instance et la société Groupe BCA Entreprises sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel,
L'équité commande de débouter les parties de leurs demandes d'indemnités de procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme l'ordonnance en ces dispositions relatives à l'expertise ordonnée ainsi qu'en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles,
Infirme l'ordonnance pour le surplus,
Statuant à nouveau
Condamne la société Groupe BCA Entreprises à payer :
- une provision de 6 840 euros à la société Duchenne et Cabas Ingénierie,
- une provision de 40 000 euros à la société Sygmacontrol,
Y ajoutant,
Condamne la société Groupe BCA Entreprises aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier
Anaïs Millescamps
La présidente
Catherine Courteille