ADLC, 13 septembre 2024, n° 24-DCC-197
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle exclusif de la société Kindred Group par la société La Française des jeux
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Coeuré
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 14 mai 2024, relatif à la prise de contrôle de la société Kindred Group, société-mère du groupe éponyme, par la société La Française des jeux, formalisée par une offre publique d’achat en date du 19 février 2024 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par la partie notifiante au cours de l’instruction ;
Vu les engagements déposés le 14 mai 2024 et modifiés en dernier lieu le 8 août 2024 par la partie notifiante ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. La Française des jeux est une société anonyme dont le capital est détenu à 20 % par l’État, 15 % par des associations d’anciens combattants, 5 % par Predica, 3 % par Soficoma et 4 % par des salariés, le reliquat du capital étant détenu principalement par des personnes physiques (52 %). Elle forme, avec ses différentes filiales, le groupe FDJ (ci-après « FDJ »). FDJ est principalement actif en matière d’organisation et d’exploitation de jeux de loterie, de paris sportifs et de paris hippiques en France. À cet égard, FDJ bénéficie de droits exclusifs1 pour l’organisation et la gestion des jeux de loterie en France (en points de vente et en ligne) et de paris sportifs en points de vente sous la marque « Parions Sport point de vente ». FDJ exerce également des activités ouvertes à la concurrence (paris sportifs en ligne et poker en ligne), pour lesquelles elle dispose d’agréments de l'Autorité nationale des jeux (ci-après « ANJ »). FDJ propose également des services de paris hippiques en ligne depuis l’acquisition de ZEturf en septembre 20232 et gère une masse mutualisant les enjeux de plusieurs opérateurs de paris hippiques en ligne. Par ailleurs, FDJ propose des services aux points de vente3 ainsi qu’à d’autres opérateurs de jeux d’argent et de hasard à l’international4.
2. Kindred Group (ci-après « Kindred ») est une société anonyme de droit maltais, cotée à la bourse de Stockholm, à la tête du groupe éponyme, lequel est actif dans le secteur des jeux d’argent et de hasard, principalement en Europe. En France, SPS Betting France, société maltaise détenue intégralement par Kindred, est titulaire de trois agréments délivrés par l’ANJ : le premier, pour des paris hippiques en ligne, le deuxième pour des paris sportifs en ligne et le troisième pour du poker en ligne. L’ensemble de ces activités est commercialisé sous la marque Unibet via le site « Unibet.fr ».
3. L’opération consiste en une offre publique d’achat des titres de Kindred, annoncée le [22 janvier 2024 et initiée le 19 février 2024], expirant au plus tard le 19 novembre 2024 et soumise à un seuil de réussite de 90 % des titres de Kindred5. En cas de succès, l’opération conférerait à FDJ le contrôle exclusif de Kindred et de ses filiales. Elle constitue donc une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total mondial hors taxes de plus de 150 millions d’euros (FDJ : 2 723,9 millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2022 ; Kindred : [≥ 150 millions] d’euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises réalise, en France, un chiffre d’affaires total hors taxes supérieur à 50 millions d’euros (FDJ : [≥ 50 millions] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2022 ; Kindred : [≥ 50 millions] d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce, relatives à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
5. L’acquéreur et la cible sont actifs sur les marchés des jeux d’argent et de hasard (ou « jeux et paris »). FDJ propose des jeux de loteries (en points de vente et en ligne), des paris sportifs (en points de vente et en ligne), des paris hippiques en ligne et du poker en ligne, tandis que Kindred propose, exclusivement en ligne, des paris hippiques, des paris sportifs et du poker.
A. LES MARCHÉS DE SERVICES
6. L’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») a eu l’occasion de délimiter les marchés sur lesquels les parties sont actives. Aucune évolution notable n’a été relevée depuis la dernière décision relative à une concentration dans le secteur des jeux et de paris, rendue en septembre 20236. Les développements suivants rappellent ces définitions, reprises dans le cadre de la présente instruction, qui n’ont pas été contestées par la partie notifiante.
7. Au sein du secteur des jeux et paris, deux types de segmentation sont retenus par l’Autorité.
1. SEGMENTATION DU MARCHÉ DES JEUX ET DE PARIS SELON LEUR OBJET
8. L’Autorité distingue les jeux de hasard des jeux tels que les paris sportifs, les paris hippiques ou le poker7.
9. Les jeux de hasard n’exigent en effet aucune compétence spécifique de la part des joueurs. Leurs chances de gagner reposent « exclusivement sur la réalisation d’événements déterminés par les seules probabilités mathématiques » et sont donc identiques pour tous les joueurs8.
10. Les jeux de paris hippiques, de paris sportifs et de poker font, à l’inverse, « appel à des compétences ou connaissances qui sont spécifiques à chaque type de jeu »9. L’Autorité a également conclu que les « paris hippiques et paris sportifs ne sont pas substituables aux jeux de cercle comme le poker, pas plus qu’ils ne le sont entre eux »10.
2. SEGMENTATION DU MARCHÉ DES JEUX ET DE PARIS SELON LEUR CANAL DE DISTRIBUTION
11. Le législateur français a initialement choisi de poser un principe de prohibition des jeux d’argent et de hasard, de segmenter l’offre par type de jeu et de confier à un opérateur unique, ou à plusieurs s’agissant des casinos, l’organisation de ces différents jeux : FDJ pour les jeux de loterie ainsi que pour les paris sportifs, le PMU pour les paris hippiques, ainsi que les casinos pour les jeux de casino (notamment les jeux de cercle, tels que le poker).
12. Depuis la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, les paris sportifs, les paris hippiques et les jeux de cercle ont été ouverts à la concurrence lorsqu’ils étaient proposés en ligne. L’exercice de ces activités suppose un agrément du régulateur, aujourd’hui l’ANJ.
13. Cette évolution de la réglementation a ainsi conduit l’Autorité à distinguer les marchés des jeux et paris en ligne des marchés des jeux et paris en points de vente.
B. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
14. L’Autorité considère que les marchés des jeux et de paris sont de dimension nationale en raison de l’existence de droits exclusifs nationaux ou d’agréments par une autorité de régulation nationale, de différences fortes de législation entre les pays et de la barrière de la langue11.
III. Analyse concurrentielle
15. Le tableau ci-dessous présente une synthèse des activités de jeux et de paris de FDJ et de Kindred12.
A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX
16. FDJ et Kindred sont toutes deux actives en ligne, en matière de paris sportifs, de paris hippiques et de poker.
17. Les parts de marché de la nouvelle entité et des principaux concurrents sont présentées ci-dessous.
18. Sur le marché des paris sportifs en ligne, la nouvelle entité détiendra une part de marché s’élevant à [20-30] %, qui la placera en troisième position derrière Winamax ([30-40] %) et Betclic ([30-40] %).
19. L’opération n’est donc pas susceptible de conduire à des effets unilatéraux sur ce marché, étant entendu que la part de marché de la nouvelle est inférieure à 25 %, seuil en-deçà duquel l’absence de pouvoir de marché est présumée14.
20. Elle n’est pas non plus susceptible de conduire à des effets coordonnés. En effet, les trois acteurs dominants pourraient difficilement mettre en place une ligne d’action commune compte tenu de l’absence d’homogénéité des produits proposés par les différents opérateurs sur le marché. Il existe une multitude de possibilités de formules et de combinaisons de paris et les cotes et stratégies de cotation peuvent varier d’un opérateur à l’autre sur un pari donné. En outre, il existe un nombre conséquent de formules de paris et cotes proposés chaque jour par chaque opérateur pour chaque événement sportif.
21. En tout état de cause, toute ligne d’action commune serait susceptible d’être remise en cause dans la mesure où il est relevé la présence de plusieurs opérateurs concurrents qui font partie de groupes bénéficiant d’un savoir-faire en matière de cotation et de capacités d’investissements importantes15 ou encore qui sont entrés récemment sur ce marché16, indiquant une absence de barrière significative à l’entrée. Les concurrents pourraient déstabiliser toute tentative de coordination entre les opérateurs dominants. De même, si les parieurs des opérateurs dominants devaient considérer les conditions proposées non satisfaisantes, ils pourraient facilement s’adresser à d’autres opérateurs sans contraintes de coûts ni de délais.
22. Sur le marché des paris hippiques en ligne, la nouvelle entité détiendra une part de marché de [20-30] %, loin derrière le PMU ([70-80] %). L’opération n’est donc pas susceptible de conduire à des effets horizontaux sur ce marché.
23. Sur le marché du poker en ligne, la nouvelle entité détiendra une part de marché de [10- 20] %, derrière Winamax ([60-70] %) et Betclic ([10-20] %).
24. L’opération n’est donc pas susceptible de conduire à des effets unilatéraux sur ce marché.
25. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur les marchés des jeux et paris en ligne.
B. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMÉRAUX
26. La présente opération intervient quelques mois après que FDJ a renforcé sa position dans le secteur des paris en ligne en procédant à l’acquisition de ZEturf (ci-après « l’opération ZEturf »). Cette concentration a eu pour effet de faire entrer FDJ sur le marché des paris hippiques en ligne, seul marché du secteur des jeux en ligne qu’elle n’avait pas encore investi, et d’augmenter sa part de marché en matière de paris sportifs en ligne. L’Autorité avait alors autorisé l’opération ZEturf par sa décision n° 23-DCC-191 du 15 septembre 2023, sous réserve que FDJ respecte un certain nombre d’engagements dans la mesure où la concentration était susceptible d’engendrer des risques d’atteinte à la concurrence par le biais d’effets congloméraux.
27. En effet, si l’opération ZEturf n’emportait pas de risques pour la concurrence du fait de chevauchements d’activités ou de liens verticaux entre FDJ et ZEturf, elle était susceptible d’engendrer des effets congloméraux sur les marchés concurrentiels des jeux et paris en ligne, en raison du lien de connexité entre les activités exercées en monopole par FDJ et les activités de paris sportifs et hippiques en ligne de ZEturf. FDJ aurait eu la capacité et l’incitation à s’appuyer sur sa position monopolistique sur les jeux de loterie en ligne et en points de vente et les paris sportifs en points de vente pour restreindre ou empêcher l’accès et le développement de concurrents sur les marchés des paris sportifs et hippiques en ligne. Un tel comportement comportait un risque de diminuer de manière significative les ventes de paris hippiques et sportifs en ligne des concurrents et ainsi conduire à une réduction de l’offre de jeux concurrentiels.
28. Afin de pallier ce risque, FDJ a souscrit une série d’engagements comportementaux (« engagements ZEturf »), visant, en substance, à séparer les activités sous monopole et l’ensemble de ses activités concurrentielles (paris hippiques en ligne, paris sportifs en ligne et poker en ligne). FDJ a également pris des engagements visant à éviter tout risque de verrouillage de l’accès des concurrents à la masse commune des mises des paris hippiques dont elle a récupéré la gestion dans le cadre de l’opération d’acquisition de ZEturf.
29. La mise en oeuvre de ces engagements est en cours, sous le contrôle d’un mandataire indépendant.
30. Compte tenu de l’activité de Kindred sur les marchés connexes des paris sportifs et hippiques en ligne et du poker en ligne, la présente concentration est susceptible de présenter les mêmes types de risques congloméraux que ceux relevés par l’Autorité dans le cadre de l’examen de l’opération ZEturf.
31. Or, dans la mesure où les engagements ZEturf s’appliquent aux activités d’opérateur de paris hippiques en ligne, de paris sportifs en ligne et de poker en ligne commercialisés en France par FDJ à l’issue de l’opération ZEturf, ils n’intègrent pas l’activité de Kindred. Par conséquent, sans méconnaître les dispositions des engagements en cours, FDJ pourrait lier commercialement les offres de paris hippiques en ligne, de paris sportifs en ligne et de poker en ligne d’Unibet avec ses offres de jeux sous droits exclusifs (loterie, paris sportifs en points de vente). En l’espèce, la nouvelle entité pourrait être tentée d’établir des liens entre les offres de jeux sous monopole proposées par FDJ et celles apportées par la cible qui passeraient par la promotion des paris sportifs et hippiques en ligne et du poker en ligne auprès des joueurs de jeux en monopole (i), la mise en place d’offres commerciales incitant les joueurs de jeux en monopole à jouer aux paris sportifs et hippiques en ligne et au poker en ligne (ii), l’entretien d’une confusion entre les parcours clients des joueurs de jeux en monopole et des joueurs des paris hippiques et sportifs en ligne et de poker en ligne (iii) et l’utilisation d’un compte client unique pour l’ensemble des jeux proposés (iv).
32. La partie notifiante estime que les engagements ZEturf, en les étendant aux activités de Kindred, suffiraient à pallier des risques d’effets congloméraux identiques.
33. Toutefois, les tests de marché des engagements réalisés par l’Autorité auprès des concurrents des parties ont révélé la nécessité de compléter les engagements en cours depuis la réalisation de l’opération ZEturf, le 29 septembre 2023.
IV. Les engagements
A. LES ENGAGEMENTS EN COURS (OPÉRATION ZETURF)
Engagement n° 1 : maintien des conventions de mutualisation (accès des concurrents de paris hippiques en ligne à la masse commune)
34. FDJ s’est engagée à donner à tout opérateur agréé en France pour l’offre de paris hippiques en ligne qui lui en ferait la demande, un accès dans des conditions objectives et non discriminatoires à la masse commune de mises des paris hippiques en ligne qu’elle gère et à poursuivre l’exécution des conventions de mutualisation en cours, aux conditions en vigueur au 29 septembre 2023. En outre, FDJ s’est engagée à ne pas cesser de mutualiser ses mises de paris hippiques en ligne au sein de la masse commune ouverte aux opérateurs tiers. Cet engagement est pris pour une durée de cinq ans à compter du 29 septembre 2023, renouvelable une fois.
Engagement n° 2 : absence d’exploitation des activités en points de vente physique pour le développement des jeux concurrentiels
35. FDJ s’est engagée à s’abstenir de pratiquer toute promotion de ses jeux concurrentiels dans les points de vente de son réseau et à ne pas éditer de crédits de jeux ou autres bonus utilisables sur ses offres de jeux concurrentiels à partir des terminaux de prise de jeux installés dans les points de vente agréés de son réseau (engagement n° 2a : « absence de promotion commerciale ciblant les joueurs de jeux sous droits exclusifs »).
36. FDJ s’est engagée à proposer ses offres de jeux concurrentiels sur un ou plusieurs site(s) internet de jeux et sur une ou plusieurs application(s) distincts des sites internet et applications pouvant être utilisés par les joueurs en appui des activités en points de vente, et à ne pas prévoir de page d’accueil commune. FDJ s’est également engagée à n’intégrer sur les sites internet et applications pouvant être utilisés par les joueurs en appui des activités en points de vente aucune passerelle qui permettrait au joueur d’accéder directement à un site internet ou à une application de jeu dédié(e) à des jeux concurrentiels, et inversement (engagement n° 2b : « maintien de parcours clients distincts »).
Engagement n° 3 : absence d’exploitation des activités de loterie en ligne pour le développement des jeux concurrentiels
37. FDJ s’est engagée à s’abstenir de mettre en oeuvre toute action commerciale (par exemples, communication promotionnelle, cadeaux de bienvenue, bonus ou avantages) qui ciblerait ou viserait spécifiquement des joueurs de loterie en ligne, identifiés par FDJ comme tels, en vue de les inciter à jouer aux jeux concurrentiels (engagement n° 3a : « absence de promotion commerciale ciblant les joueurs de loterie en ligne »).
38. FDJ s’est engagée à proposer ses offres de jeux concurrentiels sur un ou plusieurs site(s) internet de jeu ou sur une ou plusieurs application(s) distincts des sites internet et applications de jeu de loterie en ligne, et à ne pas prévoir de page d’accueil commune. FDJ s’est également engagée à n’intégrer sur les sites internet et applications de loterie en ligne aucune passerelle qui permettrait au joueur d’accéder directement à un site internet ou à une application de jeu dédié(e) à des jeux concurrentiels, et inversement (engagement n° 3b « maintien de parcours clients distincts »).
39. FDJ s’est engagée à créer et/ou maintenir un compte-joueur (y inclus le porte-monnaie associé) propre à la loterie en ligne, à l’exclusion de tout jeu concurrentiel, ainsi qu’un compte-joueur (y inclus le porte-monnaie associé) propre aux jeux concurrentiels, à l’exclusion de toute activité sous droits exclusifs. FDJ s’est également engagée à n’intégrer aucune passerelle directe entre le compte-joueur propre à la loterie en ligne (et, le cas échéant, toute autre activité sous droits exclusifs) et tout compte-joueur ou espace numérique dédié aux jeux concurrentiels. Les étapes et les délais de ce processus de séparation des comptes-joueurs, qui n’excèdent pas 30 mois au total à compter du 29 septembre 2023 (« période transitoire »), sont détaillés aux points 34 à 36 des engagements ZEturf (engagement n° 3c : « séparation des comptes-joueurs »).
40. FDJ s’est engagée, à l’issue de la période transitoire, à séparer les bases de données de clientèle et les équipes commerciales habilitées à y accéder (engagement n° 3d).
41. FDJ s’est engagée, à l’issue de la période transitoire, à constituer et exploiter des comptes de réseaux sociaux concernant ses offres de jeux concurrentiels qui soient distincts de ceux portant sur ses offres de jeux sous droits exclusifs (engagement n° 3e).
42. FDJ a par ailleurs pris un engagement spécifique à la période transitoire durant laquelle elle doit maintenir les comptes-joueurs permettant de jouer aux jeux commercialisés sous les marques « ZEbet » et « ZEturf » séparés des comptes-joueurs non encore conformes aux conditions prévues aux points 32 à 34 des engagements ZEturf. Engagement n° 4 : filialisation des jeux concurrentiels
43. FDJ s’est engagée à poursuivre une démarche entamée afin d’organiser ses activités de jeux concurrentiels au sein d’une ou plusieurs filiale(s) dédiée(s) dans un délai de 30 mois à compter du 29 septembre 2023.
Engagement n° 5 : formation des équipes commerciales
44. FDJ s’est engagée à mettre en place un dispositif de formation de toutes les équipes employées par FDJ pour la promotion des jeux sous droits exclusifs et des jeux concurrentiels, ainsi que pour l’animation du réseau des activités en points de vente, concernant le respect des engagements n° 2 et n° 3.
45. Les engagements n° 2, 317, 4 et 5 ont été pris pour toute la durée du droit de FDJ de commercialiser les jeux sous droits exclusifs, soit pour une durée maximale de 25 ans à compter du 23 mai 2019.
B. LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS DANS LE CADRE DE LA PRÉSENTE OPÉRATION
46. FDJ a présenté le 14 mai 2024 une proposition d’engagements reprenant l’intégralité des termes des engagements ZEturf en les étendant aux activités de Kindred en France.
47. Le contenu de cette version des engagements a fait l’objet d’un test de marché auprès des opérateurs tiers et d’organismes professionnels, qui ont estimé que les engagements proposés n’étaient pas suffisants pour répondre aux problèmes de concurrence identifiés.
48. Le 22 juillet 2024, FDJ a présenté une nouvelle proposition d’engagements, dont le contenu a été soumis à nouveau à un test de marché.
49. Le 8 août 2024, FDJ a présenté une ultime proposition d’engagements qui a été jugée suffisante par l’Autorité pour répondre aux préoccupations de concurrence soulevées par l’opération. Ces engagements reprennent et complètent les engagements ZEturf : ils couvrent donc également les activités du groupe ZEturf acquises en 2023. Ils ont été pris par FDJ SA pour le compte de l’ensemble des sociétés du groupe FDJ.
50. Les engagements du 8 août 2024 sont donc ceux présentés dans les développements qui suivent. Leur texte, joint en annexe, fait partie intégrante de la présente décision. Engagement n° 1 : maintien des conventions de mutualisation (accès des opérateurs concurrents de paris hippiques en ligne à la masse commune)
51. Cet engagement, similaire à l’engagement ZEturf n° 1 décrit au paragraphe 34 ci-avant, est pris pour une durée de 5 ans à compter de la date de réalisation de la présente opération. Il est éventuellement renouvelable une fois. Engagement n° 2 : absence d’exploitation des activités sous droits exclusifs en points de vente pour le développement des jeux concurrentiels
52. Cet engagement est similaire à l’engagement ZEturf n° 2 décrit aux paragraphes 35 et 36 ciavant en incluant, dans les jeux concurrentiels concernés, les activités de Kindred Group en France sous la marque Unibet et les activités du groupe ZEturf sous les marques ZEturf et ZEbet, ainsi que toute éventuelle autre activité d’opérateur de jeux d’argent et de hasard de FDJ en France entrant dans le champ de l’interdiction prévue aux articles L. 320-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, qui serait éventuellement à l’avenir libéralisée et ouverte à tout opérateur agréé par l’ANJ. Engagement n° 3 : absence d’exploitation des activités sous droits exclusifs en ligne pour le développement des jeux concurrentiels
53. Cet engagement est similaire à l’engagement ZEturf n° 3 décrit aux paragraphes 37 à 42 ciavant en incluant dans les jeux concurrentiels concernés les mêmes activités détaillées au paragraphe précédent.
54. FDJ a par ailleurs repris son engagement spécifique à la période transitoire en précisant qu’à compter de la date de réalisation de la présente opération et jusqu’au 29 mars 2025 au plus tard, elle maintiendra les comptes-joueurs permettant de jouer en France aux jeux commercialisés sous les marques ZEbet, ZEturf et Unibet séparés des comptes-joueurs FDJ non encore conformes aux conditions prévues par l’engagement n° 3c (« séparation des comptes-joueurs FDJ »).
Engagement n° 4 : filialisation des jeux concurrentiels
55. Cet engagement est similaire à l’engagement ZEturf n° 4 décrit au paragraphe 43 : FDJ s’engage à poursuivre sa démarche entamée afin d’organiser ses activités de jeux concurrentiels au sein d’une ou plusieurs filiale(s) dédiée(s) au plus tard le 30 juin 2025.
Engagement n° 5 : séparation des marques
56. Il s’agit d’un nouvel engagement pris par FDJ pour répondre à des observations de tiers interrogés dans le cadre des tests de marché réalisés par l’Autorité.
57. FDJ s’engage à ce que toutes les offres de jeux concurrentiels soient, à terme, commercialisées sous une ou plusieurs marque(s) propre(s) aux jeux concurrentiels et ne comportant pas de racine commune ou de logo commun avec les marques FDJ, Parions Sport Point de Vente ou avec toute autre marque sous laquelle FDJ commercialiserait en France ses jeux sous droits exclusifs.
58. FDJ s’engage à ce que cet engagement soit effectif au plus tard le 31 mars 2026, compte tenu de l’existence de nombreux préalables (délais de lancement de marques, processus de migration) que FDJ considère ne pouvoir mettre en oeuvre qu’à l’issue de la phase de séparation effective des comptes-joueurs FDJ (engagement n° 3c).
59. Dans l’intervalle, FDJ s’engage à maintenir des offres de jeux concurrentiels sous les marques Unibet et ZEturf et à ne pas :
- associer sa ou ses marque(s) propre(s) aux jeux concurrentiels (y compris leur logo) aux communications commerciales ou promotionnelles (y compris dans le cadre de partenariats sportifs) portant sur ses jeux sous droits exclusifs ou sur ses marques de jeux sous droits exclusifs ;
- inversement, à ne pas associer la marque FDJ, Parions Sport Point de Vente ou toute autre marque sous laquelle FDJ commercialiserait en France ses jeux sous droits exclusifs (y compris leur logo), aux communications commerciales ou promotionnelles (y compris dans le cadre de partenariats sportifs) portant sur ses jeux concurrentiels ou sur sa ou ses marque(s) de jeux concurrentiels ;
- à ne pas faire référence aux activités de FDJ en matière de jeux sous droits exclusifs dans les communications commerciales ou promotionnelles (y compris dans le cadre de partenariats sportifs) portant sur ses jeux concurrentiels ou sur sa ou ses marque(s) propre(s) aux jeux concurrentiels.
60. L’engagement prévoit en son paragraphe 52 des exceptions motivées par l’absence de séparations effectives à la date de réalisation de la présente opération.
Engagement n° 6 : formation des équipes commerciales
61. Cet engagement est similaire à l’engagement ZEturf n° 5, décrit au paragraphe 44, en incluant dans son champ les jeux commercialisés en France sous les marques ZEturf, ZEbet et Unibet et en prévoyant de premières sessions de formation à destination des futures équipes commerciales actuellement employées par Kindred dans les trois mois suivant la date de réalisation de la présente opération.
C. APPRÉCIATION DES ENGAGEMENTS PROPOSÉS
62. Par leur objet, ces engagements permettent, comme les engagements ZEturf, de prévenir efficacement tout risque de mise en oeuvre d’une stratégie conglomérale de la part de FDJ, qui lierait ses offres de jeux sous droits exclusifs et les offres de jeux concurrentiels de Kindred, sur les marchés des paris hippiques et sportifs en ligne et du poker en ligne.
63. Sur les marchés des paris hippiques, FDJ a repris son engagement de maintenir des conventions de mutualisation (accès des concurrents de paris hippiques en ligne à la masse commune) en précisant désormais les informations que la société qui gère la masse commune devra quotidiennement mettre à disposition aux opérateurs signataires d’une convention de mutualisation.
64. FDJ s’engage par ailleurs à séparer clairement l’exploitation de ses deux types d’activités (concurrentielles/sous droits exclusifs), que ce soit dans les promotions commerciales, les parcours clients, les comptes-joueurs et les bases de clientèle, afin qu’ils soient propres à chaque activité. FDJ s’engage également à ne pas utiliser les informations collectées auprès de sa clientèle de jeux sous droits exclusifs pour inciter cette même clientèle à jouer aux jeux concurrentiels, notamment aux paris sportifs en ligne. Ainsi, toute utilisation croisée de ses bases de clientèle est écartée. En outre, il est prévu que les équipes employées pour la promotion des jeux sous droits exclusifs et des jeux concurrentiels seront rapidement formées, dans les trois mois suivant la date de réalisation de l’opération de concentration.
65. S’agissant plus particulièrement des comptes-clients, tout joueur devra ouvrir un compteclient pour chaque type d’activité (jeux sous droits exclusifs ou jeux concurrentiels). Il ne sera pas possible de s’inscrire en complément à l’offre de jeux sous droits exclusifs ou à celle des jeux concurrentiels et les versements ou gains effectués sur un compte client ouvert pour une activité de jeux sous droits exclusifs ne pourront être transférés sur un compte client ouvert pour une activité de jeux concurrentiels et inversement.
66. L’engagement de filialisation des activités vient renforcer la séparation des activités de jeux exercées en monopole et de jeux ouverts à la concurrence et son entrée en vigueur a été avancée par rapport à celle initialement prévue (soit le 29 mars 2026) dans les engagements ZEturf puisque cet engagement doit désormais être mis en oeuvre le 30 juin 2025 au plus tard.
67. FDJ a par ailleurs pris un nouvel engagement pour répondre à plusieurs observations de répondants au test de marché. S’agissant des marques utilisées par FDJ pour les paris sportifs en point de vente et pour les partis sportifs en ligne, FDJ s’engage, le 31 mars 2026 au plus tard, à ce que les offres de jeux concurrentiels soient commercialisées sous une ou plusieurs marques propres aux jeux concurrentiels et ne comportant pas de racine commune ou de logo commun avec les marques FDJ (et notamment Parions Sport Point de Vente) correspondant aux offres de jeux sous droits exclusifs.
68. Cet engagement de séparation des marques, ainsi que celles visant à ne pas opérer des communications commerciales ou promotionnelles croisées, permettront d’éviter tout risque de confusion dans l’esprit des joueurs entre les activités sous droits exclusifs et les activités concurrentielles, plus particulièrement s’agissant des paris sportifs, et d’afficher clairement la séparation entre les deux types d’activités, alors que la présente opération va permettre à FDJ de doubler sa part de marché en matière de paris sportifs en ligne.
69. L’Autorité considère que ces engagements sont proportionnés car ils visent à remédier aux risques spécifiquement identifiés comme étant soulevés par l’opération. De plus, ils prévoient des modalités opérationnelles encadrant leur mise en oeuvre et prévoient un dispositif de contrôle adéquat.
70. S’agissant plus particulièrement de l’entrée en vigueur de la séparation des comptes-joueurs mixtes (engagement n° 3c), plusieurs répondants au test de marché sur les engagements dénoncent le caractère tardif de son entrée en vigueur (le 29 mars 2025 au plus tard). Cependant, au regard des développements informatiques importants à mettre oeuvre pour mener à bien cette séparation, la date d’entrée en vigueur de cet engagement est adaptée au cas présent et n’a pas fait l’objet d’un délai supplémentaire par rapport à celui que FDJ s’est engagé à respecter en septembre 2023 dans le cadre de l’opération ZEturf. En effet, la séparation des comptes-joueurs non mixtes doit être mise en oeuvre au plus tard le 29 septembre 2024 et la séparation des comptes joueurs mixtes doit l’être au plus tard le 29 mars 2025.
71. S’agissant de l’entrée en vigueur de la séparation des marques et logos (engagement n° 5), plusieurs répondants au test de marché sur les engagements dénoncent également une entrée en vigueur trop tardive (le 31 mars 2026 au plus tard). Cependant, au regard des délais liés aux engagements ZEturf concernant la séparation des comptes, préalable nécessaire au regroupement des activités de jeux concurrentiels dans une ou plusieurs filiales dédiées, aux processus de migrations des comptes-joueurs sur plusieurs plateformes successives et aux différents développements informatiques nécessaires à cet effet, la date d’entrée en vigueur de cet engagement est adaptée au cas présent.
72. Enfin, ces engagements s’appliqueront pendant toute la durée du droit de FDJ de commercialiser les jeux sous droits exclusifs, soit pour une durée maximale de 25 ans à compter du 23 mai 2019.
73. Compte tenu de l’ensemble des éléments qui précèdent, l’Autorité considère que les engagements proposés par FDJ sont suffisants pour lever tout risque d’atteinte à la concurrence sur les marchés concernés.
DÉCIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 24-018 est autorisée sous réserve des engagements décrits aux paragraphes 34 à 73 ci-dessus et annexés à la présente décision.
NOTES
1 Droits attribués pour une durée de 25 ans à compter du 22 mai 2019. Article 15 de l’ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d’argent et de hasard.
2 Décision de l’Autorité n° 23-DCC-191 du 15 septembre 2023 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe ZEturf par la société La Française des jeux.
3 Il s’agit de services d’encaissement pour compte de tiers au sein des points de vente faisant partie du réseau de FDJ, d’intermédiation pour la commercialisation de services dématérialisés et d’une activité de commercialisation de solutions de caisse à destination de la restauration hors foyer et des tabacs-presse (voir notamment à cet égard la décision de l’Autorité n° 22-DCC-219 du 14 novembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Aleda par la société Française des jeux).
4 Il s’agit de services d’accompagnement en matière d’opération de paris sportifs (plateforme, opération de la technologie, gestion de l’offre de paris, gestion du risque), ainsi que de distribution de jeux digitaux, exclusivement pour des opérateurs à l’étranger.
5 FDJ conserve la possibilité de lever cette condition dans l’éventualité où ce seuil de 90 % ne serait pas atteint à l’issue de la période d’offre.
6 Décision de l’Autorité n° 23-DCC-191 précitée.
7 Avis de l’Autorité n° 11-A-02 du 20 janvier 2011 relatif au secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, décisions n° 14-D-04 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des paris hippiques en ligne par le PMU et n° 23-DCC- 191 précitée.
8 Décision du Conseil de la concurrence n° 00-D-50 du 15 mai 2001 relative à des pratiques mises en oeuvre par la société La Française des Jeux dans les secteurs de la maintenance informatique et du mobilier de comptoir.
9 Avis de l’Autorité n° 11-A-02 précité et les décisions de l’Autorité n° 14-D-04 et n° 23-DCC-191 précitées.
10 Décision de l’Autorité n° 14-D-04 précitée.
11 Décisions de l’Autorité n° 22-DCC-219, n° 14-D-04 et n° 23-DCC-191 précitées.
12 Les activités exercées par les parties sont signalées par la couleur bleue.
13 Les jeux de loterie proposés par FDJ concernent à la fois les jeux de tirage (Euromillions, Keno, etc.) et les jeux de grattage (Illiko, etc.).
14 Paragraphe 624 des lignes directrices de l’Autorité relatives au contrôle des concentrations.
15 Tels que les groupes Flutter Entertainment (Poker Stars), GCV Holdings/Entain (Bwin).
16 L’ANJ a délivré :
- en 2022, trois nouveaux agréments : aux sociétés Vbet France SAS (marque Vbet), BCFR1 (marque Partouche Sport) et BCFR2 (marque Barrierebet) ;
- en 2023, deux nouveaux agréments, aux sociétés Betsson France SAS (marque Betsson) et France-Pari.
17 À l’exception de l’engagement spécifique à la période transitoire décrit au paragraphe 41 des engagements ZEturf.
* Rectification d’erreur matérielle