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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 11 octobre 2024, n° 23/03717

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Simtech (Sté)

Défendeur :

Pronal (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Marcade, Mme Marques

Avocats :

Me Lautier, Me Lesenechal

TJ Paris, 3e ch. 1re sect., du 12 févr. …

12 février 2015

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 12 février 2015 par le tribunal de grande instance Paris, qui a :

- déclaré la société Simtech irrecevable à agir en contrefaçon de ses brevets FR 428 et FR 284 avant leur transcription au Registre national des brevets le 13 mai 2014,

- en conséquence, déclaré nulle l'ordonnance rendue le 13 mai 2013 et les saisies-contrefaçon subséquentes, l'une réalisée le 15 mai 2013 auprès de la société System Res, l'autre le 16 mai 2013 auprès de la société Pronal,

- déclaré la société Simtech mal fondée en ses demandes en contrefaçon des revendications des brevets FR 428 et FR 284 et l'en a déboutée,

- débouté la société Simtech de ses demandes en concurrence déloyale et parasitaire,

- condamné la société Simtech à payer, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive :

- à la société Pronal la somme de 850 000 euros,

- à la société Strucflex la somme de 350 000 euros,

- condamné la société Simtech aux dépens et au paiement à chacune des sociétés Pronal et Strucflex de la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire à hauteur de la moitié des sommes allouées,

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 4 décembre 2018, qui a

- écarté des débats les deux procès-verbaux de saisie-contrefaçon réalisée les 15 et 16 mai 2013 dans les locaux, respectivement, des sociétés System Res et Pronal, ainsi que leurs annexes (pièces 44 et 45 de l'appelante),

- dit que la société Simtech devra procéder à la destruction de toutes les copies de ces deux procès-verbaux de saisies contrefaçons et de leurs annexes,

- dit n'y avoir lieu de rejeter d'emblée, avant examen au fond, les pièces 33, 51, 57, 59, 60, 62 et 73 de la société Simtech,

- confirmé le jugement déféré si ce n'est en ce qu'il a condamné la société Simtech à payer, à titre de dommages et intérêts, pour procédure abusive :

- à la société Pronal la somme de 850 000 euros,

- à la société Strucflex la somme de 350 000 euros,

Statuant à nouveau,

- condamné la société Simtech à payer à la société Pronal la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral résultant de la légèreté blâmable avec laquelle elle a fait réaliser à son encontre une saisie-contrefaçon qui lui a permis notamment d'accéder à des informations techniques confidentielles de sa concurrente,

- condamné la société Simtech aux dépens d'appel,

- condamné la société Simtech à payer à chacune des sociétés Pronal et Strucflex la somme de 50 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes des sociétés Pronal et Strucflex,

Vu l'arrêt de la cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) du 11 janvier 2023, qui a :

- dit n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi n° C 19-11.670, en tant qu'il est formé par la société Strucflex,

- constaté l'annulation de l'arrêt rendu le 4 décembre 2018, en ses dispositions relatives aux rapports entre les sociétés Simtech et Strucflex, par la cour d'appel de Paris,

- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société Pronal contre la société Simtech, en ce qu'il condamne la société Simtech à payer à la société Pronal la somme de 100 000 euros et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile dans les rapports entre elles, l'arrêt rendu le 4 décembre 2018, entre les sociétés Simtech et Pronal, par la cour d'appel de Paris,

- remis, sur ces points, l'affaire et les sociétés Simtech et Pronal dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée,

- condamné la société Simtech aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Paris dans ses rapports avec la société Strucflex,

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la société Simtech à payer à la société Pronal la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes,

- dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé,

Vu la saisine de la cour de renvoi par la société Simtech le 15 février 2023,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 1er mars 2024 par la société Simtech, demanderesse à la saisine, qui demande à la cour de :

- dire et juger n'être saisie que des chefs de l'arrêt de la cour de Paris du 4 décembre 2018 atteints par la cassation partielle de l'arrêt du 11 janvier 2023, à savoir :

- les demandes de la société)Pronal au titre de la procédure abusive,

- ainsi que la condamnation par la cour d'appel de Paris de la société Simtech à payer à la société Pronal la somme de 100 000 euros de préjudice moral qui résulterait de la légèreté blâmable avec laquelle la saisie-contrefaçon aurait été réalisée au siège de Pronal,

- ainsi que les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire et juger toute autre prétention irrecevable comme ayant été précédemment rejetée par l'arrêt de la cour de Paris du 4 décembre 2018 ayant force de chose jugée sur ces autres prétentions,

- infirmer dans tous les cas le jugement entrepris du 12 février 2015 ce qu'il a condamné Simtech à payer 850 000 euros à la société Pronal à titre de dommages-intérêts,

- infirmer le jugement entrepris du 12 février 2015 en ce qu'il a condamné Simtech à payer une indemnité de 50 000 euros à la société Pronal au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau :

- débouter la société Pronal de ses demandes reconventionnelles au titre de la procédure abusive, et au titre d'un prétendu pillage de son savoir-faire en lien avec les saisies-contrefaçon réalisées,

- en conséquence, ordonner la restitution des sommes versées par la société Simtech à la société Pronal en exécution du jugement de première instance, qui s'élèvent à 450 000 euros, ladite somme portant intérêt au taux légal à compter de la date de paiement desdites sommes par la société Simtech à la société Pronal,

- subsidiairement, si par impossible la cour considérait être régulièrement saisie d'autres demandes reconventionnelles de (la société) Pronal, l'en débouter également dans leur intégralité,

En tout état de cause

- condamner la société Pronal à payer à la société Simtech la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Pronal aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Me Bizollon conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 11 août 2023 par la société Pronal, défenderesse à la saisine qui demande à la cour de :

- débouter la société Simtech de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer le jugement du 12 février 2015 du chef du principe de la condamnation de la société Simtech au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive au bénéfice de la société Pronal,

- confirmer le jugement du 12 février 2015 en ce qu'il a condamné la société Simtech au paiement d'une somme de 50 000 euros au bénéfice de la société Pronal au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement (sic),

Statuant à nouveau après cassation partielle,

- constater qu'il n'a pas été déféré à la demande de sommation de communiquer en date du 12 mai 2014 réitérée en 2018, de la transaction intervenue entre Simtech et System Res, dont il fait expressément référence dans les conclusions de System Res (pièce 74 page 2) et en tirer toute conséquence,

- constater qu'il n'a pas été déféré par Simtech à la sommation de communiquer son chiffre d'affaires réalisé avec la société System Res entre 2013 et 2018, et en tirer toute conséquence,

- dire et juger que les agissements de la société Simtech sont constitutifs d'une faute dans l'exercice de (ses)voies de recours,

- dire et juger que les agissements de la société Simtech ont eu pour effet de priver la société Pronal de son distributeur exclusif et/ou à tout le moins de conduire à une rupture brutale d'une relation commerciale de plus de 10 années,

- dire et juger que les agissements de la société Simtech ont eu pour effet de lui permettre d'accéder à toutes les informations commerciales et de savoir-faire de Pronal au titre des poches à vide et des préhenseurs,

- dire et juger que la société Simtech est tierce complice de la rupture des relations commerciales entre Pronal et System Res,

- dire et juger que les agissements de Simtech sont également constitutifs d'actes de concurrence déloyale,

- condamner la société Simtech au paiement de la somme de 2 658 551 euros (2 049 362 euros + 609 189 euros) au bénéfice des sociétés Pronal au titre de la perte subie en raison de la perte de son réseau de distribution, avec intérêts et capitalisation conformément à l'article 1154 du code civil à compter du 31 aout 2013 date de la rupture du contrat de distribution,

- condamner la société Simtech au paiement de la somme de 1 501 306 euros au titre du gain manqué constitué par la perte de marge sur les ventes de palettiseurs et de poches à vide avec intérêts et capitalisation conformément à l'article 1154 du code civil à compter du 31 aout 2013,

- condamner la société Simtech au paiement de la somme de 500 000 euros au titre de la concurrence déloyale et le pillage du savoir-faire de la société Pronal,

- condamner la société Simtech au paiement de la somme de 250 000 euros pour procédure abusive,

- condamner la société Simtech à payer la somme de 100 000 euros au titre du préjudice moral,

A titre subsidiaire :

- désigner (un) expert avec pour mission de :

- se rendre sur place et se faire communiquer :

- l'ensemble des pièces comptables telles que la comptabilité analytique, les comptes sociaux, comptes de résultat, comptes clients et bilan, annexes et détails du chiffre d'affaires de la sociétés Simtech et notamment le compte client System Res,

- l'intégralité des factures et bons de commandes passés entre Simtech et System Res concernant les produits palettiseurs et poches à vide depuis le 1er septembre 2013,

- donner son avis sur l'avantage économique procuré par le MB 15 par rapport à l'ancienne solution Teflon, valoriser le coût de la recherche sur ce produit mené par Pronal,

- donner son avis sur les préjudices définitifs des sociétés Pronal ET Strucflex au titre de la perte subie, du gain manqué, de la violation de leurs savoir-faire et de la désorganisation de ces deux entreprises depuis le 1er septembre 2013, date de rupture du contrat liant System Res et Pronal,

- se faire assister de tout sachant,

- l'expert devra avant de déposer son rapport, adresser un pré-rapport aux parties leur laissant un délai suffisant pour adresser leurs observations,

- surseoir à statuer sur la fixation du préjudice de la société Pronal jusqu'au dépôt du rapport d'expertise,

- condamner la société Simtech au paiement d'une provision de 500 000 euros au bénéfice de la société Pronal à valoir sur le préjudice définitif qui sera fixé par la cour après dépôt du rapport,

En toute hypothèse,

- condamner enfin la société Simtech à la somme de 75 000 euros au bénéfice de de la société Pronal au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Simtech aux entiers frais et dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu l'ordonnance de clôture rendue 5 juin 2024 ;

SUR CE,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que la société de droit belge Simtech exerce une activité de conception, fabrication et commercialisation de produits à base de tissus enduits de caoutchouc et plastomère ou plastique pour l'industrie et la défense.

Soutenant détenir deux brevets relatifs à certains de ces produits, elle a, après autorisation judiciaire, fait procéder à des saisies-contrefaçon dans les locaux de la société Pronal et de son distributeur, la société System Res. Elle a ensuite poursuivi ces deux sociétés, ainsi que la société de droit tunisien Strucflex, filiale de la société Pronal, en contrefaçon de ses brevets ainsi qu'en concurrence déloyale et parasitaire. Elle s'est par la suite désistée de son action contre la société System Res qui est devenue son distributeur.

Reconventionnellement, les sociétés Pronal et Strucflex ont soutenu que la société Simtech était dépourvue de droits sur les brevets qu'elle revendiquait et demandé la réparation de différents préjudices.

C'est dans ces circonstances qu'ont été rendus le jugement du 12 février 2015 puis l'arrêt de la cour d'appel du 4 décembre 2018 et l'arrêt de cassation partielle du 11 janvier 2023.

A titre liminaire il sera rappelé que conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Par ailleurs il convient de considérer que les mentions dans le dispositif des écritures des parties tendant à voir la cour 'constater' ou 'dire et juger' ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 5 du code de procédure civile mais un résumé des moyens invoqués à l'appui de leurs demandes et qu'il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

Sur l'étendue de la saisine de la cour de renvoi

Dans son arrêt du 11 janvier 2023, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu le 4 décembre 2018, entre les sociétés Simtech et Pronal, par la cour d'appel de Paris, mais seulement en ce qu'il :

- rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société Pronal contre la société Simtech,

- condamne la société Simtech à payer à la société Pronal la somme de 100 000 euros,

- statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile dans les rapports entre elles.

Elle rappelle au visa de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, que :

11. Selon ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La Cour de cassation énonce que :

12. Pour rejeter la demande de dommages et intérêts formée par la société Pronal pour abus du droit d'agir, l'arrêt, après avoir relevé que la société Simtech avait engagé une action en contrefaçon sur la base de brevets sur lesquels elle ne disposait pas de droits opposables à des tiers, retient que l'intention de nuire de cette société n'est pas établie.

13. En statuant ainsi, alors que toute faute dans l'exercice des voies de droit est susceptible d'engager la responsabilité de son auteur, sans qu'il soit nécessaire que soit caractérisé une intention de nuire, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Il résulte de ces énonciations que la saisine de la cour de renvoi est limitée aux chefs atteints par la cassation soit :

- le rejet des demandes reconventionnelles de la société Pronal au titre de la procédure abusive,

- la condamnation de la société Simtech à payer à la société Pronal des dommages intérêts en réparation du préjudice moral au titre de sa légèreté blâmable lors de la saisie-contrefaçon réalisée à son encontre, les dépens et frais irrépétibles, à l'exclusion de toute autre demande et notamment des demandes de la société Simtech relatives à la contrefaçon et à la concurrence déloyale et parasitaire qui ont été définitivement tranchées, ce qui n'est pas contesté. De même, le rejet des demandes indemnitaires de la société Pronal au titre d'un préjudice économique résultant, d'une part, du détournement de clientèle et de la perte de son réseau de distribution et, d'autre part, de la perte de marge sur les ventes des palettiseurs et des poches à vide, par la cour d'appel dans son arrêt du 4 décembre 2018, n'a pas été atteint par la cassation de sorte qu'il est à ce jour irrévocable et que les demandes de la société Pronal formées à ce titre par la société Pronal devant la cour de renvoi sont irrecevables.

A cet égard la société intimée ne saurait utilement se prévaloir des termes du rapport devant la Cour de Cassation dès lors que, dans le dispositif de son arrêt du 4 décembre 2018, la cour d'appel a confirmé le jugement « si ce n'est » « en ce qu'il a condamné la société Simtech à payer à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive des sommes de 850 000 euros à Pronal et « Rejette le surplus des demandes des sociétés Pronal et Strucflex». Elle ne peut pas plus se prévaloir de l'énoncé de l'arrêt la Cour de cassation selon lequel « La cassation prononcée du chef de dispositif rejetant un chef de demande formé au titre de l'abus du droit d'agir en justice de la société Simtech dispense d'examiner les autres griefs du pourvoi n° C 19-11.670, ainsi que le pourvoi n° D 19-14.822, qui attaque un chef de dispositif s'y rattachant par un lien de dépendance nécessaire. » dès lors que ce lien de dépendance nécessaire est celui qui existe entre le pourvoi de la société Pronal et celui de la société Simtech.

Sur la procédure abusive

La société Pronal incrimine le pillage de son savoir-faire en lien avec la réalisation de la saisie-contrefaçon dans ses locaux et sollicite à ce titre la condamnation de la société Simtech à lui verser la somme de 500 000 euros à titre de dommages intérêts ; elle incrimine également le contexte et la conduite de la procédure par la société Simtech et sollicite en outre la somme de 250 000 euros à titre de dommages intérêts.

Après avoir rappelé que la société Simtech a déposé le 13 mai 2013 une requête aux fins saisie-contrefaçon indiquant qu'elle était titulaire des brevets FR 284 et FR 428, que les saisies contrefaçons ont été pratiquées les 15 et 16 mai 2013 et que le 14 juin 2013 une assignation en contrefaçon, concurrence déloyale et parasitisme lui a été délivrée, la société Pronal fait valoir en substance que par la voie de la saisie-contrefaçon, la société Simtech a pu obtenir les plans et toutes les informations confidentielles de sa fabrication actuelle notamment des poches à vide et en particulier sur l'utilisation de matériaux innovants tel que le Mb 15 substituable au téflon, qu'en appréhendant également les plans de fabrication, elle a eu accès à l'ensemble de son savoir-faire, tant au titre du process de fabrication, du choix des matériaux, de l'assemblage que des détails de fixation, et que grâce à ces informations, elle a pu déposer un brevet conjointement avec la société System Res.

Elle ajoute que la procédure menée par la société Simtech est abusive dès lors que cette dernière n'a pas éclairé les juges sur la situation réelle de concurrence entre les sociétés Simtech, Pronal et Strucflex, qu'elle a joué la confusion sur sa dénomination et n'avait pas publié la cession des brevets qu'elle a opposés, que la procédure a été initiée en représailles par son dirigeant à raison de poursuites pénales dont il a fait l'objet et que la société Simtech a produit en appel les pièces relatives aux saisies-contrefaçon qui ont été annulées ainsi qu'un procès-verbal d'huissier dressé par la société System Res à sa demande, que la société Simtech adopte le mensonge comme système de défense et a volontairement résisté aux sommations de communiquer.

La société Simtech réfute toute faute de sa part dans le fait d'avoir engagé une action à l'encontre de la société Pronal ; elle fait valoir, également en substance, que seule une erreur de procédure a voué à l'échec son action en contrefaçon alors qu'elle est dûment propriétaires des brevets en cause, qu'elle n'a dissimulé aucun élément, que la présente action est sans lien avec la procédure pénale engagée à l'encontre de M. [H] et que la production de procès-verbaux n'est pas plus fautive. Sur le grief relatif au pillage du savoir-faire de la société Pronal, elle indique que les allégations de cette dernière quant au brevet déposé conjointement avec la société System Res sont mal fondées, qu'aucun détournement de savoir-faire sur le produit MB15 n'est caractérisé de par les saisies-contrefaçon qui ont été réalisées, ledit savoir-faire n'étant en tout état de cause pas établi.

Ceci étant exposé, il est constant que la société Simtech a engagé une procédure en contrefaçon sur la base de brevets sur lesquels elle ne disposait pas de droits opposables à des tiers en raison de l'absence d'inscription de la cession de ces brevets au registre tenu par l'INPI et a fait pratiquer dans ces conditions une saisie-contrefaçon à l'encontre de la société Pronal.

Pour autant, si la saisie-contrefaçon constitue une mesure d'une exceptionnelle gravité puisque ouvrant l'accès, de façon non contradictoire, à des locaux, des produits et des documents d'une société concurrente, force est de constater en l'espèce que cette saisie-contrefaçon a été autorisée par ordonnance présidentielle du 13 mai 2013 et qu'il n'est pas allégué ni a fortiori établi qu'elle n'a pas été exécutée dans les termes de l'ordonnance. Par ailleurs, la société Simtech était bien titulaire des brevets FR 2 742 428 et FR 98 03631, seules les cessions à son profit intervenues le 19 janvier 2005 ayant été inscrites au Registre national des brevets le 13 mai 2014, soit postérieurement à la requête en saisie-contrefaçon. A cet égard la société Simtech n'est pas contredite lorsqu'elle indique avoir produit aux débats l'extrait du registre belge des sociétés la concernant, mentionnant précisément sa date de création postérieure à celle du dépôt des brevets concernés, ce qui selon elle aurait permis à la société Strucflex de découvrir l'erreur commise par son précédent conseil. Il n'est nullement démontré par ailleurs de lien entre la présente procédure et la procédure pénale engagée à l'encontre de son dirigeant M. [H] en qualité de représentant de la société Musthane, procédure qui au demeurant a abouti le 11 juin 2015 à un arrêt de la cour d'appel de Douai constatant l'acquisition de la prescription au jour du dépôt de plainte avec constitution de partie civile de la société Pronal et le renvoi de M. [H] des fins de la poursuite, ainsi qu'à un arrêt de la Cour de cassation du 4 octobre 2016 rejetant le pourvoi. Enfin la production par la société Simtech des procès-verbaux de saisie-contrefaçon et du procès-verbal établi dans les locaux de la société System Res ne caractérise pas plus une faute de cette dernière dès lors que la société Pronal elle-même se prévaut des mesures de saisies-contrefaçon pour reprocher à la société Simtech d'avoir eu accès à son savoir-faire et à des informations confidentielles. Sur ce point la société Pronal soutient que par la voie des saisies contrefaçons, la société Simtech a pu obtenir ses plans et des informations confidentielles de fabrication en particulier sur l'utilisation du MB15 matériau qui serait innovant car substituable au téflon, et que c'est grâce à ces informations que la société System Res a pu permettre à la société Simtech de déposer un brevet conjointement avec elle quelques semaines après la rupture du contrat de distribution, lequel est issu de la recherche et du développement Pronal depuis 2004 sur les systèmes de fermeture des poches par joints.

Il a été dit que la saisie-contrefaçon a été dûment autorisée et que sa finalité n'a pas été détournée. S'agissant des documents appréhendés, il doit être relevé qu'à la demande de la société Pronal, la cour d'appel a, dans son arrêt du 4 décembre 2018, dit que la société Simtech devra procéder à la destruction de toutes les copies des deux procès-verbaux de saisie-contrefaçon des 15 et 16 mai 2013 et de leurs annexes. A ce jour, la teneur des documents saisis est donc ignorée par la cour de renvoi et la société Pronal ne peut tirer du seul argument de la réalisation de la saisie-contrefaçon une appréhension du secret des affaires et de son savoir-faire pas plus qu'elle ne peut se prévaloir au même titre du fait que son dirigeant aurait biffé sur les documents saisis certaines informations qu'il considérait comme confidentielles dès lors que ces documents ont été détruits. Pour le même motif, il n'est pas établi que des détails de fabrication et/ou des plans ont été révélés à la société Simtech.

Si la société Pronal produit néanmoins un rapport Oseo et une attestation de Mme [G], responsable matériau au sein de la société, ces éléments sont insuffisants à démontrer un quelconque savoir-faire sur l'utilisation d'un matériau dénommé MB15 par la société Pronal elle-même ; la société Simtech reconnait que cette référence pouvait être lue sur certains plans de poches saisis, mais fait valoir à juste titre qu'elle ne pouvait au vu de cette simple mention en appréhender la signification technique, seul le courriel de M. [I], expert judiciaire nommé dans le cadre d'une procédure annexe en responsabilité concernant un client de la société System Res, en date du 14 mai 2014, a en réalité révélé la composition du MB15 et Mme [G] indique elle-même dans l'attestation précitée que « En janvier 2011, nous avons donc acheté à la société Pennel une bobine de film que nous avons dénommé chez Pronal « film MB15 » (film Matériau Barrière 15µ) ». Il n'est en outre ni allégué ni a fortiori établi que la société Simtech a fabriqué ou vendu des poches à vide avec un film MB15.

En conséquence il n'est démontré aucun savoir-faire qui aurait profité à la société Simtech à la suite des opérations de saisie-contrefaçon réalisées dans les locaux de la société Pronal et cette dernière ne démontre pas plus par les attestations et le compte-rendu interne qu'elle produit, lequel a pour titre « Cadres en silicone première génération », que l'invention objet de la demande de brevet international du 14 octobre 2014 qui porte sur un « procédé pour la fermeture étanche d'un contenant à parois souples destiné à être dépressurisé » aurait été mise au point dans ses locaux et que ladite demande de brevet aurait ensuite été déposée conjointement par les sociétés System Res et Simtech à son préjudice.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Pronal n'établit nullement une captation par la société Simtech, de par la réalisation d'opérations de saisie-contrefaçon dans ses locaux, d'un secret des affaires et/ou d'un savoir- faire.

Il n'est donc démontré aucune faute de la société Simtech dans l'exercice ni de la saisie-contrefaçon ni de la procédure en contrefaçon de brevet susceptible d'engager sa responsabilité et la société Pronal, qui ne caractérise pas autre chose qu'une mauvaise appréciation de ses droits par la société demanderesse ou le droit d'ester en justice ou encore le fait d'opposer des moyens de défense, sera déboutée de l'ensemble de ses demandes de dommages-intérêts formées au titre de la procédure abusive.

Le jugement doit donc être infirmé sur ce point.

Sur le préjudice moral

Reprenant les mêmes arguments, la société Pronal sollicite paiement de la somme de 100 000 euros à l'encontre de la société Simtech « au titre de son préjudice moral et à la désorganisation induite par les menaces d'actions en contrefaçon à l'encontre de son distributeur exclusif, la société System Res ».

Or dans son arrêt du 4 décembre 2018, la cour d'appel, après avoir considéré qu'aucun acte de pression fautif de la société Simtech n'était démontré vis-à-vis de la société System Res, cette démonstration ne pouvant résulter de l'information portée à la connaissance du distributeur d'un risque de contrefaçon - quand bien même cette contrefaçon n'a pas été reconnue dans le cadre de la présente procédure - ou du désistement de la société Simtech à l'égard de la société System Res et de l'instauration de relations contractuelles entre les deux sociétés intervenue ultérieurement, a rejeté les demandes indemnitaires de la société Pronal formées notamment à ce titre, et le rejet de ces demandes non atteint par la cassation partielle est devenu définitif.

Sur les autres demandes

Le présent arrêt valant titre, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société Simtech en restitution des sommes versés à la société Pronal en exécution du jugement.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

En cause d'appel chacune des parties conservera à sa charge ses propres frais et dépens comprenant ceux de l'arrêt cassé.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans la limite de la saisine après cassation partielle,

Infirme le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société Simtech à payer à la société Pronal la somme de 850 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive.

Le confirme en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Déboute la société Pronal de l'intégralité de sa demande reconventionnelle en dommages intérêts.

Dit que chacune des parties conservera à sa charge ses propres frais et dépens d'appel qui comprendront ceux de l'arrêt cassé.