CA Versailles, ch. civ. 1-1, 15 octobre 2024, n° 20/03987
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Cyga Holding (SARL)
Défendeur :
Lindt & Sprüngli (SAS), Splatter Connect Ltd (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Manes
Conseillers :
Mme Cariou, Mme Du Crest
Avocats :
Me Teriitehau, Me Joseph, Me Dumeau, Me Jungbluth, Me Cittadini, Me Catry, Me Dupuis
FAITS ET PROCÉDURE
Par un jugement du 17 avril 2014, le tribunal de commerce de Nanterre a arrêté un plan de cession de la société Circular France au profit de la société Cyga, aux droits de laquelle est venue la société Circular By Kwo.
Par un jugement du 18 juin 2014, la société Circular France a été placée en liquidation judiciaire, la SELARL [P] nommée en qualité de mandataire liquidateur et M. [P] désigné pour conduire les opérations de liquidation.
La société Circular By Kwo a poursuivi l'activité de la société Circular France et émis des factures, notamment au nom de la société Splatter Connect Ltd pour un montant de 12 225 euros et de la société Lindt & Sprüngli pour un montant de 12 471,16 euros.
En réponse à ses demandes de paiement, les sociétés Splatter Connect LTD et Lindt & Sprüngli ont indiqué à la société Circular By Kwo que les sommes avaient été versées sur le compte bancaire de la société Circular France.
Par des courriers des 8 décembre 2014 et 2 février 2015, la société Circular By Kwo, par l'intermédiaire de son conseil, a demandé à M. [P] le remboursement de ces sommes, en vain.
C'est dans ces conditions que par exploit du 7 juillet 2015, elle a fait assigner la SELARL [P] aux fins principalement de condamnation au remboursement des créances encaissées à tort.
Par la suite, elle a fait assigner la société Lindt & Sprüngli et la société Splatter Connect Ltd aux fins principalement de condamnation à des dommages et intérêts pour inexécution de leurs obligations contractuelles.
Les deux instances ont été jointes.
Par un jugement rendu le 12 mars 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
Vu les articles R. 814-84, R. 814-85 et R. 814-86 du code de commerce
- Déclaré recevable l'action de la société Circular By Kwo à l'encontre de la SELARL [P],
Vu les articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article L. 641-13 du code de commerce,
- Débouté la société Circular By Kwo de ses demandes de dommages et intérêts ;
Vu l'article 1371 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et les principes qui régissent l'enrichissement sans cause,
- Débouté la société Circular By Kwo de sa demande de remboursement des sommes encaissées par la SELARL [P] en provenance des sociétés Splatter Connect Ltd et Lindt & Sprüngli ;
- Débouté la société Lindt & Sprüngli de sa demande présentée à l'encontre de la SELARL [P] sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;
Vu les articles 515, 695, 696, 699 et 700 du code de procédure civile,
- Condamné la société Circular By Kwo à payer à la SELARL [P] d'une part, la société Lindt & Sprüngli d'autre part, la somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté la société Circular By Kwo de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société Circular By Kwo aux dépens, dont distraction au profit de Me Bensoussan, avocat de la SELARL [P], conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- Dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du présent jugement.
La société Circular By Kwo a interjeté appel de ce jugement le 13 août 2020 à l'encontre des sociétés Lindt & Sprüngli, [P] et Splatter Connect Ltd.
Par une ordonnance d'incident rendue le 28 octobre 2021, le conseiller chargé de la mise en état a :
- Déclaré irrecevables les demandes formées en cause d'appel par la société Circular By Kwo à l'encontre de la société Splatter Connect Ltd ;
- Condamné la société Circular By Kwo aux dépens de l'incident ;
Par une ordonnance d'incident rendue le 16 février 2023, le conseiller chargé de la mise en état a :
- Dit être incompétent pour statuer sur l'incident présenté par la société Lindt et Sprüngli et sur la demande de recevabilité présentée, à titre subsidiaire, par la société Circular by Kwo, aux droits de laquelle vient la société Cyga Holding ;
- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejeté toutes autres demandes ;
- Dit qu'il sera statué sur les dépens de l'incident dans le cadre de l'instance au fond ;
Par dernières conclusions notifiées le 5 juin 2024, la société Cyga Holding, venant aux droits de la société Circular By Kwo, demande à la cour de :
- Réformer et infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre en date du 12 mars 2020,
Et se faisant,
A titre principal,
- Condamner la société Lindt & Sprüngli à lui verser la somme de 12 471,16 euros, en raison de l'inexécution de son obligation de paiement,
- Condamner la société Splatter Connect Ltd à lui verser la somme de 12 225,00 euros, en raison de l'inexécution de son obligation de paiement,
A titre subsidiaire,
- Condamner la SELARL [P], es qualité de mandataire liquidateur de la société Circular France, à lui verser la somme de 24 696,16 euros, à titre de dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle,
- Condamner la SELARL [P], es qualité de mandataire liquidateur de la société Circular France, à lui verser la somme de 2 500 euros à titre d'indemnisation du préjudice subi du fait de la résistance abusive de la SELARL [P],
A titre infiniment subsidiaire,
- Condamner la SELARL [P], es qualité de mandataire liquidateur de la société Circular France, à lui verser la somme de 24 696,16 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'enrichissement sans cause,
A titre très infiniment subsidiaire,
- Condamner la SELARL [P] à restituer les fonds indument perçus des sociétés Lindt & Sprüngli et Splatter Connect Ltd,
- Condamner les sociétés Lindt & Sprüngli et Splatter Connect Ltd à lui reverser ces fonds.
En tout état de cause,
- Débouter la SELARL [P], es qualité de mandataire liquidateur de la société Circular France, de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- Débouter les sociétés Lindt & Sprüngli et Splatter Connect Ltd et la SELARL [P] de leur demande d'irrecevabilité de ses demandes de la société Cyga Holding à leur encontre, ainsi que de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions,
- Condamner solidairement la SELARL [P], la société Lindt & Sprüngli et la société Splatter Connect Ltd, au paiement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance,
- Condamner solidairement la SELARL [P], la société Lindt & Sprüngli et la société Splatter Connect Ltd, au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- Condamner solidairement la SELARL [P], la société Lindt & Sprüngli et la société Splatter Connect Ltd aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SELARL Minault-Teriitehau agissant par Me Stéphanie Teriitehau, avocat, et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 6 juin 2024, la société [P] demande à la cour de :
Vu les articles 1382 et 1383 du code civil dans leur version applicable au moment des faits ;
Vu l'article L. 641-13 du code de commerce ;
- Confirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions ;
En conséquence :
- Débouter la société Cyga Holding venant aux droits de la société Circular By Kwo de l'ensemble de ses demandes ;
- Débouter les sociétés Lindt & Sprüngli et Splatter Connect Ltd, de l'ensemble de leurs demandes, à l'encontre de la SELARL [P], es-qualité de liquidateur de Circular France
En tout état de cause :
- Condamner la société Cyga Holding venant aux droits de la société Circular By Kwo, ainsi que les sociétés Lindt & Sprüngli et Splatter Connect Ltd à lui verser solidairement la somme de 4 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Circular By Kwo ainsi que les sociétés Lindt & Sprüngli et Splatter Connect Ltd aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 15 mai 2024, la société Splatter Connect Ltd demande à la cour de :
Vu l'ordonnance d'incident rendue par le conseiller de la mise en état le 28 octobre 2021,
Vu le certificat de non déféré de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 28 octobre
2021,
A titre principal :
- Prendre acte de ce que le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les demandes formées par la société Cyga Holding venant aux droits de la société Circular By Kwo à son encontre ;
En conséquence,
- Déclarer irrecevables toutes demandes maintenues par la société Cyga Holding venant aux droits de la société Circular By Kwo dans ses conclusions signifiées le 16 novembre 2022 ;
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 12 mars 2020 en toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire :
- Juger que le paiement opéré de bonne foi par elle d'un montant de 12 225 euros entre les mains de la société Circular France l'a valablement libérée à l'égard de ses obligations auprès de la société Circular By Kwo ;
- Débouter la société Cyga Holding venant aux droits de la société Circular By Kwo de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre de la société Splatter Connect Ltd ;
A titre très subsidiaire, si la cour estimait que le paiement opéré ne l'a pas libéré de ses obligations à l'égard de la société Circular By Kwo :
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 12 mars 2020 en ce qu'il a rejeté la demande de la société Circular By Kwo de remboursement des sommes encaissées par la société [P] en provenance de la société Splatter Connect Ltd ;
Statuant à nouveau :
- Juger que le paiement opéré par la société Splatter Connect Ltd entre les mains de la société Circular France, représentée par son liquidateur, la société [P], constitue un paiement indu sujet à répétition ;
- Déclarer recevable et bien fondée l'action en répétition de l'indu exercée par la société Splatter Connect Ltd à l'encontre de la société [P] ;
- Condamner la société [P] à la répétition de la somme de 12 225 euros directement entre les mains de la société Circular By Kwo ;
- Débouter la société Cyga Holding venant aux droits de la société Circular By Kwo de l'ensemble des demandes formulées à l'encontre de la société Splatter Connect Ltd ;
- Débouter la société [P] es qualité de liquidateur judiciaire de la société Circular France de ses demandes formulées à l'encontre de la société Splatter Connect Ltd ;
En tout état de cause,
- Débouter la société Cyga Holding venant aux droits de la société Circular By Kwo de l'ensemble des demandes formulées à l'encontre de la société Splatter Connect Ltd ;
- Condamner solidairement la société Cyga Holding venant aux droits de la société Circular By Kwo et [P] à régler à la société Splatter Connect Ltd la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner solidairement les sociétés Cyga Holding venant aux droits de la société Circular By Kwo et [P] aux entiers dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SELARL LX Paris-Versailles-Reims en application de l'article 699 du code procédure civile.
Par d'uniques conclusions notifiées le 16 novembre 2022, la société Lindt & Sprüngli demande à la cour de :
Vu les articles 1235, 1240 et 1376 anciens du code civil ;
Vu les articles 122, 564 et 700 du code de procédure civile ;
Vu le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre en date du 12 mars 2020 ;
Vu les pièces produites et dénoncées ;
Vu la jurisprudence précitée ;
A titre principal :
- Juger que l'ensemble des demandes formulées par Circular By Kwo à l'encontre de Lindt & Sprüngli sont irrecevables, s'agissant de demandes nouvelles soulevées pour la première fois en cause d'appel ;
- Débouter Circular By Kwo de l'ensemble des demandes formulées à l'encontre de Lindt & Sprüngli ;
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre en date du 12 mars 2020 en toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire, si la cour estimait recevables les demandes de Circular By Kwo formulées à son encontre :
- Juger que le paiement opéré de bonne foi par Lindt & Sprüngli d'un montant de 12 471,16 euros entre les mains de Circular France, représentée par son liquidateur [P] l'a valablement libérée à l'égard de ses obligations au titre des prestations fournies par Circular By Kwo ;
- Débouter Circular By Kwo de l'ensemble des demandes formulées à son encontre et notamment de sa demande de condamnation au paiement d'un montant de 12 471,16 euros en dommages-intérêts ;
A titre infiniment subsidiaire, si la cour estimait que le paiement opéré d'un montant de 12 471,16 euros entre les mains de Circular France ne l'a pas valablement libérée de ses obligations à l'égard de Circular By Kwo au titre des prestations fournies :
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre en date du 12 mars 2020 en ce qu'il a rejeté :
* la demande de restitution de la somme de 12 471,16 euros formulée par Lindt & Sprüngli à l'encontre de [P], en sa qualité de liquidateur de Circular France, le jugement ayant retenu un fondement autre que celui soulevé par Lindt & Sprüngli dans le cadre de sa demande de restitution présentée en première instance ;
* la demande de Circular By Kwo de remboursement des sommes encaissées par [P], en sa qualité de liquidateur de Circular France, en provenance de Lindt & Sprüngli ;
Et statuant à nouveau :
- Juger que le paiement entre les mains de Circular France, représentée par son liquidateur [P], constitue un paiement indu sujet à répétition ;
- Juger que son action en répétition de l'indu à l'encontre de [P] est recevable et valablement fondée ;
- Condamner [P], en sa qualité de liquidateur de Circular France, à la restitution de la somme de 12 471,16 euros directement entre ses mains ;
- Ordonner la restitution de la somme de 12 471,16 euros par [P] directement entre les mains de Circular By Kwo ;
- Débouter Circular By Kwo de l'ensemble des demandes formulées à son encontre et notamment la demande de condamnation au paiement d'un montant de 12 471,16 euros en dommages-intérêts, cette somme devant être restituée directement par [P] ;
En tout état de cause,
- Condamner solidairement Circular By Kwo et [P] à lui verser une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner solidairement Circular By Kwo et [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 13 juin 2024.
SUR CE, LA COUR,
Sur les limites de l'appel
Le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la société Circular By Kwo à l'encontre de la SELARL [P],
Cette disposition est désormais irrévocable.
Les autres dispositions du jugement sont toutes querellées.
Sur les demandes en paiement formées par la société Circular Holding à l'encontre de la société Splatter Connect Ltd
Par ordonnance rendue le 28 octobre 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les demandes formées en cause d'appel par la société Circular By Kwo, aux droits de laquelle vient la société Cyga Holding, à l'encontre de la société Splatter Connect Ltd.
Cette ordonnance n'a pas été déférée à la cour, ce que la société Cyga Holding ne conteste pas. Elle ne peut donc plus être contestée.
Dans ces conditions, la société Cyga Holding sera déclarée irrecevable en ses demandes à l'encontre de la société Splatter Connect Ltd.
Sur les demandes en paiement formées par la société Circular Holding à l'encontre de la société Lindt & Sprüngli
Moyens des parties
La société Lindt & Sprüngli s'oppose à la demande en paiement présentée par la société Cyga Holding au visa de l'article 564 du code de procédure civile. Elle fait en effet valoir que devant les premiers juges, les demandes étaient uniquement dirigées à l'encontre de la SELARL [P].
La société Cyga Holding n'a pas répliqué à ce moyen.
Appréciation de la cour
En application de l'article 564 du code de procédure civile ' A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait '
En application de l'article 565 du même code, ' Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent '.
Il n'est pas contesté que la société Circular By Kwo, aux droits de laquelle vient la société Cyga Holding, n'a présenté en première instance, dans ses dernières conclusions, aucune demande à l'encontre de la société Lindt & Sprungli.
Le droit d'intimer en appel tous ceux qui ont été parties en première instance n'emporte pas celui de présenter des prétentions à l'encontre de parties contre lesquelles l'appelant n'a pas conclu en première instance (Civ. 3ème, 24 mai 2017, 15/27302 P. ).
Certes, la demande en paiement tend aux mêmes fins que les prétentions formées en première instance. Cependant, n'étant pas dirigée contre la même partie, l'exception prévue à l'article précité ne peut pas trouver à s'appliquer.
Dès lors, la demande en paiement formée par la société Cyga Holding à l'encontre de la société Lindt & Sprüngli qui n'est susceptible de se rattacher à aucune prétention émise contre cette société en première instance, est radicalement irrecevable.
Sur les demandes de dommages et intérêts dirigées contre la SELARL [P]
Pour rejeter la demande de dommages et intérêts, le tribunal a considéré que la SELARL [P] n'avait commis aucune faute en recevant le paiement ou en refusant de procéder au remboursement des sommes versées par erreur au motif qu'elles ne correspondaient à aucune des créances mentionnées à l'article L 641-13 du code de commerce.
Moyens des parties
La société Cyga Holding soutient que la SELARL [P] a commis une faute en refusant de rembourser des sommes qu'elle savait ne pas être destinées à la société Circular France.
La SELARL [P] soutient que la réalité des virements bancaires sur le compte de la société Circular France ne serait pas démontrée et qu'à les supposer avérés, ils ont été effectués spontanément par les sociétés Lindt & Sprungli et Splatter Connect Ltd, sans intervention de sa part. Enfin, elle ajoute que la créance revendiquée par la société Cyga Holding ne remplit aucune des conditions de l'article L641-13 du code de commerce.
Appréciation de la cour
En application de l'article 1382 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Par ailleurs, en application de l'article L 641-13 du code de commerce, ' I.-Sont payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire :
- si elles sont nées pour les besoins du déroulement de la procédure ou du maintien provisoire de l'activité autorisé en application de l'article L. 641-10 ;
- si elles sont nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant le maintien de l'activité ou en exécution d'un contrat en cours régulièrement décidée après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, s'il y a lieu, et après le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ;
- ou si elles sont nées des besoins de la vie courante du débiteur, personne physique.
En cas de prononcé de la liquidation judiciaire, sont également payées à leur échéance, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire mentionnées au I de l'article L. 622-17 ".
C'est par des motifs exacts, adoptés par la cour, que le tribunal a débouté la société Cyga Holding de ses demandes à l'encontre de la SELARL [P].
Il sera ajouté que les sommes en cause ont été versées par virement bancaire, et non par chèque qui aurait été encaissé par l'administrateur, et qu'il n'est pas démontré que la SELARL [P] aurait eu la possibilité de refuser ledit virement.
Il n'est pas non plus contesté que les virements litigieux ont été opérés à l'initiative des sociétés Splatter Connect Ltd et Lindt & Sprungli, sans la moindre intervention de la SELARL [P].
Enfin, l'article L641-13 du code de commerce détermine de façon limitative quelles sont les créances qui peuvent être réglées par le liquidateur.
La créance qui résulterait d'un paiement indu ne répond effectivement à aucun des critères énoncés par cet article.
Par conséquent, la SELARL [P] n'a pas commis de faute en refusant de procéder au remboursement des sommes indûment versées.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Circular by Kwo, aux droits de laquelle vient la société Cyga France, de sa demande de dommages et intérêts fondées sur la faute de la SELARL [P].
Sur la demande fondée sur l'enrichissement sans cause
Le tribunal a rejeté la demande présentée sur le fondement de l'enrichissement sans cause au motif qu'il s'agit d'une procédure subsidiaire qui n'est ouverte qu'en l'absence de toute autre action.
Moyens des parties
La société Cyga Holding fait valoir que lorsque le fondement d'une demande est écarté parce que les conditions ne sont pas remplies, la demande subsidiaire fondée sur l'enrichissement sans cause est recevable.
La SELARL [P] conclut à la confirmation du jugement pour les motifs retenus par le tribunal. Sur le fond de l'action, elle n'a présenté aucune observation.
Appréciation de la cour
En application de l'article 1371 ancien du code civil, dans sa version applicable à l'espèce, ' Les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l'homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties'.
Il résulte de la jurisprudence qui s'est construite à partir de cet article que l'action fondée sur l'enrichissement sans cause est effectivement une action subsidiaire, ce qui a été confirmé avec la réforme de 2016 du droit des contrats (article 1303-3 du code civil).
Néanmoins, lorsqu'une autre action était ouverte au créancier mais ne pouvait aboutir parce que les conditions de cette autre action n'étaient pas réunies, notamment lorsqu'une action en responsabilité civile était envisageable mais que la faute n'était pas démontrée, l'action sur le fondement de l'enrichissement sans cause était recevable sans faire échec à son caractère subsidiaire (Civ.1ère, 4 mai 2017, 16-15.563 ; Civ.1ère, 3 juin 199795.13568).
Dans ces conditions, bien que la société Cyga Holding puisse agir en responsabilité civile contre la société Circular France, représentée par son liquidateur la SELARL [P], ne rend pas l'action fondée sur l'enrichissement sans cause irrecevable.
Sur le fond, la société Cyga Holding demande à la cour de condamner la société [P], ès qualités de liquidateur de la société Circular France, au paiement de la somme de 24 696,16 euros, à titre de dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle.
La cour comprend que la demande est dirigée contre la société Circular France, représentée par son liquidateur, et non contre la SELARL [P] à titre personnel.
La société Circular France étant en liquidation judiciaire, les demandes en paiement à son égard sont irrecevables.
La demande peut s'analyser en une demande d'inscription au passif de la liquidation. Néanmoins pour être recevable, le créancier doit avoir au préalable déclaré sa créance entre les mains du liquidateur.
Par message RPVA du 20 septembre 2024, la cour a invité la société Cyga Holding à justifier de cette déclaration et demandé aux autres parties de faire valoir leurs observations dans l'hypothèse d'une absence de celle-ci.
Par message en réponse du 25 septembre 2024, la société Circular France a indiqué ne pas y avoir procédé.
Les autres parties n'ont formulé aucune observation.
La société Cyga Holding ne justifiant pas d'une déclaration de créance entre les mains du liquidateur à hauteur des sommes dont elle réclame le paiement, sera déclamée irrecevable en sa demande.
Sur la résistance abusive de la SELARL [P]
Compte tenu de la solution apportée au litige, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Cyga Holding de sa demande de dommages et intérêts fondée sur la résistance abusive.
Sur les demandes fondées sur la répétition de l'indu présentées par la société Splatter Connect Ltd et Lindt & Sprungli
Les sociétés Splatter Connect Ltd et Lindt & Sprungli sollicitent, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où les demandes formées à leur encontre par la société Cyga Holding ne seraient pas déclarées irrecevables, d'ordonner le remboursement des sommes qu'elles ont versées par la société [P] directement entre les mains de la société Circular By Kwo sur le fondement de la répétition de l'indu.
Il sera rappelé que les demandes formées contre ces deux sociétés ayant été déclarées irrecevables, la cour n'a pas à examiner cette prétention subsidiaire.
C'est donc en vain que la société Cyga Holding entend s'associer à la demande en répétition de l'indû. En outre, cette action n'étant ouverte qu'à celui qui a payé et non à celui qui attendait le paiement, la société Cyga n'est pas recevable à l'exercer elle-même.
Sur les demandes accessoires
Le sens du présent arrêt commande de confirmer les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La société Cyga Holding supportera les dépens de l'instance qui pourront être recouvrés directement en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il est équitable de la condamner à verser aux sociétés Splatter Connect Ltd et Lindt & Sprüngli la somme de 2 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les demandes présentées par la SELARL [P].
La société Cyga Holding, partie perdante, sera également déboutée de sa demande sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, dans les limites de l'appel, et mis à disposition
DÉCLARE la société Cyga Holding irrecevable en ses demandes dirigées contre la société Splatter Connect Ltd,
DÉCLARE la société Cyga Holding irrecevable en ses demandes dirigées contre la société Lindt & Sprungli,
DÉCLARE la société Cyga Holding irrecevable en sa demande sur le fondement de l'enrichissement sans cause,
DÉCLARE la société Cyga Holding irrecevable en sa demande sur le fondement de la répétition de l'indû,
CONFIRME le jugement entrepris,
Y ajoutant ;
CONDAMNE la société Cyga Holding aux dépens de la procédure d'appel,
DIT qu'ils pourront être recouvrés directement en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Cyga Holding à payer à la société Splatter Connect Ltd et Lindt & Sprüngli la somme de 2 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,;
DÉBOUTE la SELARL [P] et la société Cyga Holding de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.