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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 10 octobre 2024, n° 22/04033

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Menuiserie - Isolation - Bâtiment (SAS), Selarl WRA (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Barbot

Conseillers :

Mme Cordier, Mme Soreau

Avocats :

Me Camus-Demailly, Me Chevallier-Douaud, Me Veniel

T. com. Dunkerque, du 25 juill. 2022, n°…

25 juillet 2022

FAITS ET PROCEDURE :

Le 16 mars 2020, M. [R] a conclu avec la société Menuiserie isolation bâtiment (la société MIB) un contrat d'agent commercial ayant pour objet la représentation commerciale de cette société en vue de la conclusion de contrats de vente pour son compte, d'une durée indéterminée et fixant le montant des commissions dues à M. [R] à 35 % du montant des opérations réalisées grâce à ses interventions.

Le 22 janvier 2021, la société MIB a procédé à la résiliation de ce contrat, en invoquant des fautes graves commises par M. [R].

Le 29 mai 2021, M. [R] a assigné la société MIB afin qu'il soit jugé que cette résiliation était abusive et de voir condamner la société au paiement d'une indemnité compensatrice, d'une somme correspondant à un mois de préavis et des commissions impayées.

Par un jugement du 25 juillet 2022, le tribunal de commerce de Dunkerque a :

- condamné la société MIB à payer à M. [R] les sommes suivantes :

* 27 713 euros à titre d'indemnité de rupture du contrat ;

* 2 309 euros à titre d'indemnité de préavis ;

* 13 170,98 euros au titre du solde de commissions impayées ;

* et 1 500 euros d'indemnité procédurale ;

- rejeté les demandes de dommages et intérêts complémentaires [l'une formée par M. [R] pour résistance abusive] ;

- rejeté toutes les demandes reconventionnelles ;

- condamné la société MIB aux dépens.

Le 18 août 2022, la société MIB a relevé appel de cette décision, sauf en ce qu'elle rejette les demandes de dommages et intérêts complémentaires.

Les 28 mars et 2 mai 2023, la société MIB a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la société WRA étant désignée en qualité de liquidateur.

PRETENTIONS DES PARTIES :

Par leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 8 septembre 2023, la société MIB et son liquidateur demandent à la cour de :

- déclarer l'appel recevable et bien fondé ;

- juger recevable l'intervention volontaire du liquidateur de la société MIB ;

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions [listées dans le dispositif, p. 20] ;

Statuant de nouveau :

- juger que la rupture du contrat pour faute grave est fondée et justifiée ;

En conséquence,

- rejeter l'ensemble des demandes de M. [R] ;

- condamner M. [R] au paiement de la somme de 4 218,11 euros au titre des commissions indûment perçues ;

- le condamner au paiement de la somme de 3 000 euros à titre d'indemnité procédurale, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 18 octobre 2023, M. [R] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- fixer ses créances au passif de la liquidation judiciaire de la société MIB aux sommes suivantes :

* 27 713 euros à titre d'indemnité de rupture du contrat ;

* 2 309 euros à titre d'indemnité de préavis ;

* 13 170,98 euros au titre du solde de commissions impayées ;

* 1 500 euros au titre de l'indemnité procédurale de première instance ;

* les dépens de première instance ;

* 3 500 euros au titre de l'indemnité procédure pour la procédure d'appel ;

* les dépens d'appel.

MOTIFS :

A titre liminaire, il importe de relever que la déclaration d'appel est limitée en ce qu'elle ne critique pas le chef de dispositif du jugement rejetant les demandes de dommages et intérêts complémentaires, et que l'intimé ne forme pas appel incident sur ce point. Ce chef n'est donc pas dévolu à la cour.

Ensuite, la présente instance, en cours à la date du jugement ouvrant le redressement judiciaire de la société MIB, ensuite mise en liquidation judiciaire, a été régulièrement reprise par l'intervention volontaire de son liquidateur et la déclaration de ses créances par M. [R], conformément à ce qu'exige l'article L. 622-22 du code de commerce.

En application de ce texte, la présente cour d'appel a donc le pouvoir de trancher toutes les contestations soulevées par les parties dans ce litige, mais elle ne pourra que constater et fixer les éventuelles créances antérieures au jugement d'ouverture détenues par M. [R] à l'égard de la société MIB.

1°- Sur l'intervention volontaire

La recevabilité de l'intervention volontaire du liquidateur de la société MIB n'est pas contestée. Il y a donc lieu d'en donner acte au liquidateur.

2°- Sur les demandes formées par M. [R] au titre des indemnités de rupture et de préavis

En droit, d'abord, l'article L. 134-11 du code de commerce dispose que :

Un contrat à durée déterminée qui continue à être exécuté par les deux parties après son terme est réputé transformé en un contrat à durée indéterminée.

Lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. Les dispositions du présent article sont applicables au contrat à durée déterminée transformé en contrat à durée indéterminée. Dans ce cas, le calcul de la durée du préavis tient compte de la période à durée déterminée qui précède.

La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil.

Les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts. Si elles conviennent de délais plus longs, le délai de préavis prévu pour le mandant ne doit pas être plus court que celui qui est prévu pour l'agent.

Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure.

Il résulte de ce texte s'il est conclu à durée indéterminée, que le contrat d'agence peut être rompu à tout moment, sauf à respecter un préavis.

La partie qui met fin à un contrat d'agence à durée indéterminée doit donc respecter un préavis, ou payer une indemnité compensatrice de préavis (V. not. Com. 27 sept. 2023, n° 22-20605). En effet, lorsque l'agent subit une brusque rupture de son contrat, il a droit au versement d'une indemnité spécifique qui peut s'ajouter à l'indemnité de fin de contrat, prévue à l'article L. 134-12, et qui sera ci-après évoquée (Com. 4 févr. 2014, n° 12-14466).

Ensuite, aux termes de l'article L. 134-12 du même code :

En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.

Les ayants droit de l'agent commercial bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent.

Par exception, cependant, l'article L. 134-13, 1°, dispose que cette indemnité de rupture n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial .

Il en découle que la faute grave est exclusive du versement de l'indemnité de préavis comme de l'indemnité de rupture.

Depuis 2022, la Cour de cassation juge que « l'agent commercial qui a commis un manquement grave, antérieurement à la rupture du contrat, dont il n'a pas été fait état dans la lettre de résiliation et a été découvert postérieurement à celle-ci par le mandant, de sorte qu'il n'a pas provoqué la rupture, ne peut être privé de son droit à indemnité » (sommaire de Com. 16 nov. 2022, n° 21-17.423, publié- Solution confirmée par Com. 13 avr. 2013, n° 21-23076). L'idée qui fonde cette nouvelle jurisprudence est que la faute grave doit avoir été la cause de la rupture du contrat.

La jurisprudence définit la faute grave comme celle « qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel » (V. l'arrêt de principe Com. 15 oct. 2002, n° 00-18.122 - et aussi : Com. 24 mai 2011, n° 10-16.969 ; Com. 12 févr. 2013, n° 12-12.371 ; Com. 9 juill. 2013, n° 11-23.528 ; Com. 9 juin 2015, n° 14-14.396 ; Com. 20 janv. 2021, n° 19-11.644 ; Com., 29 juin 2022, n° 20-13228).

Par exemple, commet une faute grave :

- l'agent commercial qui se désintéresse de la commercialisation des produits et refuse de se plier aux méthodes de vente du mandant (Com. 28 nov. 2000, n° 97-22482) ;

- l'agent qui refuse de suivre les instructions du mandant (Com. 20 févr. 2001, n° 98-13656) ;

- l'agent commercial qui produit un faux contrat d'agent commercial pour obtenir les commissions et indemnités qu'il réclamait (Com. 29 nov. 2011, n° 10-25874) ;

- l'agent commercial qui consent, à plusieurs reprises, à des clients des offres promotionnelles et des rabais excédant le mandat qui lui avait été confié et sans y avoir été préalablement autorisé, le mandant l'ayant systématiquement rappelé à l'ordre, en vain, en raison de ce non-respect du contrat d'agence (Com. 19 oct. 2022, n° 20-22510).

La charge de la preuve de la faute grave incombe au mandant qui s'en prévaut (Com. 15 oct. 2002, n° 00-18122 ; Com. 8 févr. 2011, n° 10-30527 ; Com. 9 juill. 2013, n° 11-23528).

En l'espèce, le contrat d'agence commerciale a été conclu à durée indéterminée, ainsi que le précise l'article II, qui prévoit, en son premier alinéa, que chacune des parties pourra y mettre fin à tout moment, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, moyennant un préavis d'un mois pour la première année d'exécution, deux mois pour la deuxième année commencée, trois mois à partir de la troisième année commencée et, dans son second alinéa, que :

Conformément aux articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce et au caractère d'intérêt commun du présent mandat, la résiliation du contrat par le mandant, si elle n'est pas justifiée par une faute grave de l'agent [...], ouvrira droit au profit de ce dernier [...] à une indemnité compensatrice du préjudice subi, calculée selon les usages de la profession d'agent commercial.

L'article IV, alinéa 1, du contrat d'agence, intitulé « rémunération », stipule que :

En contrepartie des services fournis par l'agent commercial [...], celui-ci percevra une commission de 35 % du montant des opérations HT réalisées auprès du mandant grâce à ses interventions, si celles-ci ont respecté les modalités prévues à l'article III.

L'article III, dénommé « modalités d'exécution du contrat », précise en particulier que :

En exécution du mandat qui lui est confié, M. [R] sera chargé de promouvoir au nom et pour le compte de la société les produits suivants :

- menuiseries PVC-Bois-Alu

- portes-fenêtres, volets roulants

- portes de garage

- systèmes de chauffage

- systèmes d'isolation des habitations

- et tous autres produits que la société déciderait de commercialiser.

Le mandant mettra à sa disposition toute la documentation utile (tarifs, barèmes, prospectus, ...).

[...]

Le mandant tiendra l'agent commercial régulièrement informé de l'évolution de ses tarifs et conditions générales de vente, de façon que ce denier soit toujours en mesure de les répercuter auprès de la clientèle.

[...]

Pour s'opposer au versement de toute indemnité de préavis ou de rupture, la société MIB et son liquidateur prétendent que la rupture du contrat a pour origine des fautes graves imputables à M. [R], ce que ce dernier dément.

Il résulte de sa lettre du 22 janvier 2021 que la société MIB fondait sa résiliation du contrat sur la commission de fautes graves par M. [R], en arguant notamment de deux séries de faits distincts :

- d'abord, l'émission de factures (sous-entendu de commissions) concernant des bons de commande émis par un autre agent commercial, en l'occurrence un dénommé M. [K] ;

- ensuite, les plaintes de divers clients concernant le comportement de M. [R], formulées par écrit et jointes à la lettre de résiliation.

Sur la première faute, M. [R] la conteste, en soutenant que les factures dont il demande le paiement correspondent bien « à des commandes effectuées par lui-même » et que, si les devis ont été effectués par un tiers, M. [K], responsable technique, c'est lui, M. [R], qui a réalisé la prospection et la découverte du client (p. 4 de ses conclusions).

Il ressort des pièces versées aux débats que M. [R] demande le paiement de commissions au titre de travaux exécutés chez Mme [S], correspondant à sa facture n° 17 (sa pièce n° 11-12), dont il a demandé vainement le paiement par deux lettres de relance envoyées avant la résiliation du contrat, les 16 décembre 2020 et 4 janvier 2021 (v. ses pièces n° 2 et 3).

Ces travaux ont fait l'objet de devis établis les 2 avril, 3 avril, 25 mai et 27 mai 2020.

Or, alors que M. [R] reconnaît lui-même (p. 5, § 1) qu'en pratique, lorsqu'il était à l'origine d'une vente, la secrétaire de la société MIB mentionnait sur les devis que la vente était réalisée par lui-même, les quatre devis ci-dessus désignés portent tous la mention « Rep : [K] [I] », l'abréviation « rep. » s'entendant comme le mot « représentant » (v. les pièces n° 8 de M. [R]).

Pour tenter de faire la preuve de ce que, malgré cette mention, ces opérations auraient été « réalisées grâce à ses interventions», tel que l'exige l'article IV ci-dessus reproduit, M. [R] se prévaut, premièrement, de copies de SMS (sa pièce n° 17), mais ceux-ci sont non datés et, surtout, leur origine est invérifiable.

En outre, M. [R] produit une lettre établie au nom de Mme [S] (sa pièce n° 9). Néanmoins, outre la circonstance qu'il ressort de cette lettre que la cliente serait la mère de la belle-fille de M. [R], ce qui fait douter de l'impartialité de ce témoin, en tout état de cause, cette lettre est dactylographiée et non signée, ni accompagnée d'une copie de la carte d'identité du prétendu scripteur. Rien ne permet donc d'affirmer que cet écrit émanerait bien de Mme [S]. En considération de ces éléments, la cour estime que cette pièce ne revêt aucun caractère probant.

La cour observe, au demeurant, que sur les pièces n° 15 et 16 communiquées par M. [R], et qui correspondent, pour la première, à une copie du devis du 3 avril 2020 n° 20200403 concernant Mme [S], pour l'autre, à une copie d'un devis concernant un autre client (M. [X]), la mention« Rep : [K] », figurant sur les copies dactylographies communiquées par les appelants, a été purement et simplement effacée et remplacée par la mention manuscrite suivante : « vente réalisée par [W] [R] », sans qu'il soit démontré que, tel que le soutient ce dernier (pp. 5 et 10 de ses conclusions), cette mention eût été apposée par la secrétaire de la société MIB, et non par lui-même.

Il résulte de tout ce qui précède que non seulement M. [R] ne démontre pas avoir permis la réalisation des opérations conclues entre la société MIB et Mme [S], mais qu'en outre, ces opérations ont été conclues par l'entremise d'une autre personne que lui.

Il s'ensuit qu'en demandant indûment à la société MIB le paiement de commissions afférentes à ces opérations, M. [R] a commis une faute qui doit être qualifiée de grave.

Cette faute grave suffit, à elle seule, à justifier le rejet de ses demandes d'indemnités de préavis et de rupture formées par M. [R].

Ce n'est donc qu'à titre surabondant qu'il sera statué sur la seconde faute alléguée par les appelants.

A titre liminaire, il sera rappelé que selon une jurisprudence ancienne et constante, le formalisme prévu à l'article 202 code de procédure civile, concernant les attestations en justice, n'est pas prescrit à peine de nullité et lorsqu'une attestation n'est pas établie conformément aux prescriptions de ce texte, les juges du fond apprécient souverainement la valeur probante de l'attestation irrégulière (v. en ce sens : Civ. 1re, 29 avr. 1981, n° 80-11172, publié ; Civ. 2e, 23 janv. 1985, pb de retour à la ligne n° 83-13796, publié ; Civ. 2e, 20 mars 2003, n° 01-11083, publié ; Civ. 2e, 13 mars 2008, n° 08-60267 ; Civ. 2e, 13 oct. 2016, n° 15-21.548).

Il appartient donc à la cour d'examiner les attestations produites par les appelants, peu important qu'elles ne soient pas conformes à l'article 202 précité.

En l'occurrence, il résulte d'une attestation sur l'honneur établie par M. et Mme [G] le 17 décembre 2020 (pièce n° 9 des appelants), confirmée par une lettre du 31 août 2021 (pièce n° 13) et une autre adressée à l'ANAH le 20 juillet 2021 (pièce n° 19), que M. [R] a assuré à ces clients qu'ils pourraient bénéficier des primes « Engie » et « ma prime rénov » et qu'il se chargerait de l'intégralité des démarches administratives concernant le montant des dossiers nécessaires à l'obtention de ces primes. M. [R] avait même, à l'appui de ses dires, créé un compte sur l'ordinateur personnel de ces clients, tout en déclarant ne pouvoir finaliser la demande tant que la prime Engie ne serait pas versée. Et après ce versement au début de l'année 2021, ces clients ont sollicité M. [R], en vain, et en définitive, ils justifient n'avoir pu bénéficier de la « prime rénov », en raison de l'impossibilité de reprendre la procédure administrative à la suite de la réinitialisation de leur compte, créé par M. [R].

Ces éléments sont confortés par l'attestation établie par une autre cliente de la société MIB, Mme [Z] (pièce n° 10 des appelants), de laquelle il résulte que celle-ci a conclu avec ladite société plusieurs contrats par l'entremise de M. [R] et qu'elle a été trompée par ce dernier, qui lui a notamment affirmé que la moitié du montant du coût des travaux, représentant un total de 120 000 euros, serait pris en charge par des aides de l'Etat (crédit d'impôt, taxe carbone, prime Engie, etc.). Or, tel ne fut pas le cas, de sorte que cette cliente se trouvait dans une situation financière « très compliquée », le budget prévu ayant été largement dépassé.

Il résulte de ces éléments que, même si M. [R] n'était contractuellement pas tenu d'établir les dossiers administratifs destinés à l'obtention des aides étatiques par les clients, cet agent a, par son comportement, indûment laissé accroire à des clients qu'ils avaient droit à des aides financières et qu'il se chargerait personnellement d'effectuer les démarches administratives en ce sens. Ce comportement déceptif à l'égard de la clientèle de la société MIB est, lui aussi, constitutif d'une autre faute grave, exclusive du droit de M. [R] à une indemnité de préavis comme à une indemnité de rupture.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société MIB au paiement des sommes de 27 713 euros au titre de l'indemnité de rupture du contrat et 2 309 euros au titre de l'indemnité de préavis.

3°- Sur la demande formée par M. [R] au titre du solde de commissions prétendument impayées

M. [R] prétend d'abord que la société MIB ne lui a pas payé les commissions correspondant à ses factures n° 17, 13 et 14, puis, détaillant son argumentation sur chacune des factures litigieuses, il fait référence, ensemble, aux factures « n° 16 et 17 », correspondant à ses pièces n° 11-11 et 11-12 (cf. p. 6 de ses conclusions).

La référence à la facture n° 16 procède manifestement d'une erreur matérielle, dans la mesure où il résulte de la pièce n° 11-11 invoquée que cette facture-là porte la mention manuscrite, apposée en oblique, « annulée - Déjà réglée. »

La cour déduit donc des écritures de M. [R] que celui-ci ne réclame en réalité le paiement de commissions qu'au titre des trois factures, celles numérotées 17, 13 et 14.

- Sur la facture n° 17 :

Il a déjà été exposé, ci-dessus, en quoi cette facture n'est pas due, M. [R] ne justifiant pas de ce que ce sont ces interventions qui seraient à l'origine des ventes conclues avec Mme [S].

Aucune commission n'est donc due à M. [R] à ce titre.

- Sur la facture n° 13 :

Cette facture correspond à des travaux réalisés au profit de M. [Z].

Les devis produits par M. [R] (ses pièces n° 13) portent bien la mention de ce dernier en tant que représentant, donc comme étant à l'origine des opérations réalisées avec ce client.

Pour s'opposer néanmoins au paiement des commissions dues à ce titre par M. [R], la société MIB et son liquidateur affirment en substance (p. 9 à 12 de leurs conclusions) que l'agent ne s'est pas conformé au taux de marge, contrairement à ce que lui impose l'article III du contrat.

Or, il ne résulte d'aucune des pièces versées aux débats que la société MIB aurait communiqué à M. [R] des taux de marge distincts de ceux appliqués dans les devis ayant donné lieu à la facturation litigieuse.

Au surplus, tel que le relève à juste titre M. [R], il résulte des devis en cause que ceux-ci ont été établis par « K. [J] », ou encore « [B] », et non par M. [R] lui-même.

Le grief tiré du non-respect des taux de marge n'étant pas démontré, il est donc dû à M. [R], au titre de cette facture, la somme de 4 214,48 euros.

- Sur la facture n° 14 :

La facture n° 14 correspond à des travaux effectués chez M. [F].

L'article IV du contrant précise, concernant le paiement de la rémunération due à l'agent, que :

S'il s'agit d'un paiement au comptant, l'agent percevra la moitié de sa commission à la fin du délai de rétractation et acompte encaissé, la deuxième moitié de la commission à la fin des travaux.

[...]

Les commissions ne seront considérées comme définitivement acquises qu'après le paiement intégral par le client [...] du prix convenu lors de la commande.

M. [R] expose que les travaux correspondants ont été achevés et que ce client a soldé le prix le 17 février 2021, mais que seul un acompte lui a été versé par la société MIB, le solde restant dû s'élève à la somme de 1 452,50 euros (p. 8 de ses conclusions).

Les appelants ne contestent pas ces éléments ni, dès lors, que la société MIB est débitrice de ce solde, mais estiment que cette somme doit être compensée avec les sommes dues par M. [R] (p. 12 de leurs conclusions).

Le solde de commissions de 1 452,50 euros est donc dû à M. [R] au titre de cette facture, indépendamment, à ce stade, de toute compensation.

Au total, le solde de commissions dues à M. [R] s'élève donc à la somme de 5 666,58 euros (4 214,48 + 1 452,50).

Le jugement entrepris, qui a condamné la société MIB à payer la somme de 13 170,98 euros au titre des commissions impayées, sera donc infirmé de ce chef.

4°- Sur la demande relative aux commissions indues prétendument versées à M. [R]

Les appelants font valoir que M. [R] a perçu, au total, la somme de 4 218,11 euros de commissions indues, ce que l'agent dément.

- Sur la commission indue de 375 euros relative à la facture n° 7 « [X] » :

Cette facture, qui s'élève à 750 euros, correspond à des travaux exécutés pour le client M. [X]. M. [R] a reçu, à ce titre, un acompte de 375 euros.

Les appelantes font valoir que la commande a été effectuée non par M. [R], mais par M. [K], de sorte que le premier n'a pas droit à cette commission, indûment versée (pp. 17-18 de leurs conclusions).

Le devis afférent à ces travaux, daté du 15 juin 2020, porte uniquement la mention « Rep. : [K] [I] », sans aucune référence à M. [R] (pièce n° 8 des appelants).

Si M. [R] produit (pièce n° 7) un document intitulé « appel de commissions », signé par le directeur de la société MIB et concernant un « parrainage » concernant le client M. [X], force est néanmoins de constater qu'aucun élément ne permet de rattacher cette pièce à la facture de commissions litigieuse : cet appel de commissions ne comporte aucune date ni ne précise la nature des produits vendus, et fait uniquement état d'un prix de vente théorique ne correspondant pas au montant du devis précité.

Dans ces conditions, n'étant pas démontré que M. [R] serait à l'origine de l'opération conclue avec M. [X], l'acompte sur commission qu'il a perçu à ce titre (soit 375 euros) était indu.

- Sur la commission de 1 307,11 euros au titre de la facture n° 10 :

Cette facture de commissions, d'un montant total de 2 614,22 euros, correspond au client M. [L]. M. [R] reconnaît avoir reçu le paiement de ces commissions. De fait, cette facture, versée aux débats, porte la mention manuscrite « acquittée ».

Cependant, les appelantes affirment que M. [R] a bénéficié d'un indu, dans la mesure où il aurait perçu à ce titre deux virements, dont le total excède le montant des commissions dues : l'un de 1 307,11 euros effectué le 18 septembre 2021, l'autre de 2 614,22 euros (v. leurs conclusions, p. 18).

En application de l'article 1353 du code civil, il appartient à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement qu'il invoque.

La pièce n° 12 produite par les appelantes (et qui ne correspond pas à l'extrait de pièce inséré directement en page 19 de leurs conclusions) ne démontre pas que la société MIB aurait payé à M. [R] un acompte de 1 307,11 euros le 18 septembre 2020.

Aucun indu n'est donc démontré à ce titre.

- Sur la commission perçue au titre de la facture « n° 16 & 17 » :

Ces factures concernent des travaux réalisés chez Mme [S],

Or, pour les motifs détaillés précédemment, M. [R] ne démontre pas que ce serait grâce à ses interventions que les opérations réalisées avec cette client auraient été conclues.

M. [R] reconnaît qu'à ce titre, il a perçu une partie de la commission, les 9 juin et 15 septembre 2020 (p. 10 de ses conclusions), et la pièce n° 18 de l'appelante confirme l'existence de deux virements de 1 968 euros opérés à ces deux dates au profit de M. [R] concernant ces factures.

L'indu est donc caractérisé à ce titre et s'élève à la somme totale de 3 936 euros.

En conséquence, le montant des commissions indûment versées s'élèvent à la somme totale de 4 311 euros (375 +3 936). Néanmoins, dans les motifs comme dans le dispositif de leurs conclusions d'appel (p. 19 et p. 20), les appelants ne revendiquent qu'une créance de 4 218,11 euros, dont il y a lieu de tenir compte, afin de se conformer à l'objet du litige tel qu'il résulte de ces conclusions.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté « toutes les demandes reconventionnelles. »

***

En définitive, en compensant les sommes réciproquement dues par les parties, comme le font eux-mêmes les appelants (p. 12 de leurs conclusions), M. [R] reste créancier à l'égard de la société MIB de la somme totale de 1 448,47 euros (5 666,58 - 4 218,11), qui doit être fixée au passif de la procédure collective de la société MIB, désormais en liquidation judiciaire.

Dès lors, doit être rejetée la demande des appelants tendant à la condamnation de M. [R] au paiement de la somme de 4 218,11 euros au titre des commissions indûment perçues.

5°- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Chacune des parties succombant en partie dans ses prétentions, chacune d'elles conservera la charge de ses propres dépens et de frais de procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de la déclaration d'appel,

- DONNE ACTE à la société WRA, agissant en qualité de liquidateur de la société Menuiserie isolation bâtiment, de son intervention volontaire ;

- INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Et statuant de nouveau,

- REJETTE les demandes de M. [R] tendant à voir fixer au passif ses créances au titre de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial qu'il a conclu avec la société Menuiserie isolation bâtiment le 16 mars 2020 ;

- DIT que M. [R] est créancier de commissions à concurrence de la somme totale de 5 666,58 euros à l'égard de la société Menuiserie isolation bâtiment ;

- DIT que M. [R] est débiteur, à l'égard de la société Menuiserie isolation bâtiment, de la somme de 4 218,114 euros au titre de commissions indûment perçues ;

- En conséquence, après compensation entre ces créances réciproques, FIXE la créance de M. [R] au passif de la société Menuiserie isolation bâtiment à la somme de 1 448,47 euros .

- REJETTE la demande de la société Menuiserie isolation bâtiment et de la société WRA, en qualité de liquidateur de cette société, tendant à la condamnation de M. [R] au paiement de commissions indûment perçues ;

- DIT que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposés en première instance et en appel ;

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, REJETTE les demandes.