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Décisions

CA Nîmes, 5e ch. soc., 15 octobre 2024, n° 22/01941

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SPVE (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rouquette-Dugaret

Conseillers :

M. Soriano, Mme Remili

Avocats :

Me Erigozzi, Me Gatta, Me Meffre

Cons. prud'h. Orange, du 11 mai 2022, n°…

11 mai 2022

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

M. [H] [R] indique avoir été salarié de la société [W], et ce à compter du 02 janvier 2018, en qualité de poseur de panneaux photovoltaïques, sans qu'un contrat de travail n'ait été établi.

La société SPVE, société spécialisée dans la fourniture de panneaux photovoltaïques, a fait appel à la société [W], société spécialisée dans les travaux de maçonnerie générale et gros oeuvre de bâtiment, afin de poser lesdits panneaux.

C'est dans le cadre d'un tel contrat que M. [H] [R] intervenait sur un chantier et que, le 08 février 2018, il était victime d'un grave accident du travail : alors qu'il se trouvait sur un toit pour procéder à l'installation de panneaux solaires, il a chuté d'une hauteur de plus de 6 mètres, à l'intérieur du bâtiment voisin.

Le certificat médical de M. [H] [R] a rapporté une durée d'incapacité totale de travail de 90 jours, sauf complications.

Par courrier du 20 février 2018, M. [H] [R] a écrit à la société SPVE afin qu'elle déclare l'accident du travail. La société SPVE lui a répondu par courrier du 28 février 2018 que cette obligation incombait à l'employeur, la société [W].

Au terme de sa déclaration d'accident du travail adressée à la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), M. [H] [R] a déclaré les sociétés SPVE et [W] en qualité de co-employeurs.

Le 16 octobre 2018, la CPAM a reconnu l'accident du travail, suite à une enquête.

La société [W] a fait l'objet de poursuites pénales devant le tribunal correctionnel de Carpentras pour non-respect des règles de sécurité, blessures involontaires et travail dissimulé. Par jugement du 19 septembre 2019, elle a été déclarée coupable des faits reprochés et condamnée à une amende de 5 000 euros.

Un appel a été interjeté par le Ministère public en raison notamment de la décision de relaxe prononcée au profit de M. [X] [W], gérant de fait, des faits d'exécution d'un travail dissimulé et d'emploi de travailleurs sur toiture sur chantier de bâtiments sans respect des règles de sécurité et de M. [B] [W], gérant, des faits de blessures involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence.

Par arrêt du 04 juin 2020, la cour d'appel de Nîmes a déclaré coupables les consorts [W] des infractions reprochées, confirmé les peines prononcées à l'encontre de la société [W] et a prononcé une peine complémentaire d'interdiction d'exercer, pour une durée de 5 ans, l'activité de direction et de gestion d'une entreprise de construction - bâtiments et travaux publics tant à l'encontre de la société que des consorts [W].

Le préjudice de M. [H] [R] a été consolidé le 09 septembre 2019, et son taux d'incapacité permanente partielle (IPP) a été fixé à 15%.

Par requête reçue le 07 février 2020, M. [H] [R] a saisi le conseil de prud'hommes d'Orange, aux fins de voir condamner la société [W] au paiement de plusieurs sommes à caractère indemnitaire, de voir ordonner la résiliation judiciaire de son contrat de travail et de voir dire que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de déclarer la société SPVE en tant que co employeur.

Entre temps, par jugement du 22 juillet 2020, le tribunal de commerce d'Avignon a prononcé la liquidation judiciaire de la société [W] et la SELARL [A] [T] a été désignée comme liquidateur judiciaire.

Par courrier du 14 septembre 2020, il a été procédé au licenciement économique de M. [H] [R].

Par jugement réputé contradictoire du 11 mai 2022, le conseil de prud'hommes d'Orange a :

- Dit et jugé que les SARL [W] et la SARL SPVE sont co-employeurs de M. [H] [R]

- Condamné la SARL [W] à verser à M. [H] [R] les sommes suivantes :

* 393,44 euros à titre de rappel de salaire du 1er février 2018 au 08 février 2018

* 6 814,50 euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 1 297,98 euros à titre d'indemnité de licenciement

* 3 000,00 euros à titre d'indemnité de préavis

* 50 053,48 euros au titre de la privation de M. [H] [R] du droit au bénéfice des indemnités journalières, des indemnités journalières conventionnelles et de prévoyance, pour la période relative à son accident du travail et à sa maladie

* 15 000,00 euros au titre de dommages et intérêts pour perte de chance de règlement de prestations (prévoyance et frais médicaux) en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse de prévoyance

- Ordonné à la SARL [W] de remettre à M. [H] [R] les documents suivants :

* Bulletins de paye des mois de janvier et février 2018

* Bulletins de paye des mois de mars 2018 au jour du licenciement

* Bulletin rectificatif selon les condamnations prononcées

* Documents sociaux : attestation pôle-emploi, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte conforme à la décision prise

- Condamné la SARL [W] à une astreinte de 20 euros par jour de retard et par document à compter de la notification du présent jugement

- Dit que le conseil de prud'hommes se réserve le droit de liquider ladite astreinte

- Condamné la SARL SPVE à relever et garantir la SARL [W] de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre

- Ordonné les frais irrépétibles suivant l'article 37 alinéa 2 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991

- Débouté le jugement commun et opposable aux AGS-CGEA de [Localité 10]

- Condamné la SARL [W] et la SARL SPVE aux entiers dépens de l'instance

Par acte du 08 juin 2022, la SARL SPVE a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date 1er mars 2023, la société SPVE demande à la cour de :

'RECEVOIR l'appel de la SARL SPVE

LA DÉCLARER bien fondée,

En conséquence ;

REFORMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes d'ORANGE en ce qu'il a :

- Dit et Jugé que la SARL [W] et la SARL SPVE sont co-employeurs de Monsieur [R]

- Condamné la SARL SPVE à relever et garantir la SARL [W] de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre

- Ordonné les frais irrépétibles suivant l'article 37 alinéa 2 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991,

- Débouté le jugement commun et opposable aux AGS-CGEA de [Localité 10],

- Condamné la SARL SPVE aux entiers dépens de l'instance.

Statuant de nouveau,

- CONSTATER que la SARL SPVE n'était pas l'employeur de Monsieur [R]

- CONSTATER qu'il n'est nullement justifié d'une situation de co-emploi

En conséquence,

- METTRE HORS DE CAUSE la SARL SPVE

- DÉBOUTER les AGS CGEA et Monsieur [R] de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre de la SARL SPVE

- FIXER la créance de la SARL SPVE au passif de la SARL [W] représentée par Me [T] à la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC pour les frais irrépétibles en cause d'appel.'

Elle soutient essentiellement que :

- la sous-traitance consiste pour une entreprise donneur d'ordre à transférer une partie de sa fabrication à une autre entreprise dénommée sous-traitante.

Le sous-traitant doit être le seul employeur du personnel utilisé, géré et rémunéré par lui, qu'il encadre et dirige dans l'accomplissement de sa tâche et qui demeure soumis à sa seule autorité.

- le critère déterminant du contrat de travail est l'existence d'un lien de subordination juridique.

Il y a donc co-emploi lorsque le salarié fait reconnaître l'existence d'un tel lien avec l'entreprise utilisatrice ou une autre société qui n'est pourtant pas partie à son contrat de travail.

- il a été conclu en 2018, un contrat de sous-traitance entre la SARL SPVE et la SARL [W], cette dernière agissant en qualité de sous-traitant.

- la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que la nullité du contrat de sous-traitance est relative, de sorte que seul le sous-traitant peut l'invoquer.

- l'AGS ne peut venir invoquer la nullité d'un contrat de sous-traitance.

- l'action en reconnaissance d'un contrat de travail, et donc d'un co-emploi, présente un caractère éminemment personnel, elle ne peut par conséquent être exercée par l'AGS.

Sur l'absence de co emploi entre la SARL [W] et la SARL SPVE

- elle a eu en charge la réalisation d'un chantier situé à Pertuis pour le compte de la SCI CPG, propriétaire du bâtiment sur lequel elle devait intervenir pour la pose de panneaux photovoltaïques.

- elle ne dispose pas d'ouvriers pour la pose de ce matériel.

- c'est donc dans cette perspective qu'elle a conclu avec la SARL [W], un contrat de sous-traitance pour la pose de ces panneaux, signé et paraphé par les deux parties.

- dans le cadre de cette sous-traitance, la SARL [W] avait en charge la pose des panneaux et la gestion de son personnel.

- le prêt de main-d''uvre est considéré comme illicite lorsque trois critères cumulatifs sont présents :

' Il y a un prêt de main-d''uvre de salariés.

' Le contrat porte uniquement sur le prêt de main-d''uvre : il s'agit de l'objet exclusif du contrat.

' Le but du contrat est financier : le prêt de main-'uvre fait l'objet d'une contrepartie financière.

En l'espèce, aucune de ces conditions n'est réunie.

- la SARL [W] avait à sa charge exclusive l'affectation des salariés sur le chantier, et le suivi de l'exécution de la prestation de travail des salariés affectés.

- M. [R] a été auditionné dans le cadre de l'enquête diligentée par la CPAM ensuite de son accident.

A aucun moment, il n'indique que son employeur ou son principal interlocuteur était la SARL SPVE.

- dans le courant de l'année 2018, elle a fait intervenir la SARL [W] sur un autre chantier dénommé « [U] », pour lequel la SARL [W] a établi plusieurs factures, dont une facture n°2018-02-07, d'un montant de 1 500 euros TTC correspondant à la pose de bac acier sur le chantier.

- elle a établi le chèque correspondant, de sorte que le montant de ce chèque ne correspondait nullement au salaire de M. [R].

- la SARL [W] a établi une attestation, le 7 février 2018, au moment de la remise du chèque, dans laquelle elle indique avoir reçu le chèque correspondant au paiement de la facture et avoir sollicité qu'elle ne mette aucun ordre, prétextant qu'elle apposerait le cachet de la société ultérieurement.

- dans une seconde attestation, la SARL [W] indique qu'elle a ensuite remis ce chèque à une tierce personne en remboursement d'une dette personnelle ; le procès-verbal d'audition de M. [B] [W] en attestant également.

- elle n'a jamais remis le chèque en main propre à M. [R], ce dernier ne l'ayant jamais indiqué.

- en tout état de cause, il n'est nullement rapporté la preuve que M [R] était lié à elle par un lien de subordination quel qu'il soit.

- d'ailleurs, les demandes du salarié ont été intégralement dirigées contre la SARL [W].

- la SARL [W] indiquait elle-même dans un courrier adressé à M [R] le 27 février 2018

qu'elle n'était pas son employeur.

En l'état de ses dernières écritures en date du 25 avril 2024 contenant appel incident, M. [H] [R] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Orange en date du 11 mai 2022 en ce qu'il a déclaré les sociétés [W] et SPVE co-employeurs de M. [H] [R],

- Déclarer recevable et bien fondé l'appel incident de M. [H] [R],

- Réformer le jugement en ce qu'il n'a pas :

- Ordonné la résiliation judiciaire du contrat de son travail de M. [H] [R] aux torts de l'employeur,

- Condamné solidairement la société SPVE à l'ensemble des condamnations prononcées,

- Fixé au passif de la société [W] le montant des sommes allouées au

salarié,

- Mentionné dans son dispositif l'indemnité au titre du travail dissimulé ainsi que le montant des frais irrépétibles de première instance,

- Réformer également ledit jugement en ce qu'il a :

- Condamné la SARL [W] à verser à M. [H] [R] les sommes suivantes :

* 393,44 euros à titre de rappel de salaire du 1er février 2018 au 08 février 2018,

* 6.814,50 euros à titre de licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

* 1.297,98 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 3.000,00 euros à titre d'indemnité de préavis,

* 50.053,48 euros au titre de la privation de M. [H] [R] du droit au bénéfice des indemnités journalières, des indemnités journalières conventionnelles et de prévoyance, pour la période relative à son accident du travail et à sa maladie,

* 15.000 euros au titre de dommages et intérêts pour perte de chance de règlement de prestations (prévoyance et frais médicaux) en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse de prévoyance,

* Condamné la SARL [W] et la SARL SPVE aux entiers dépens de l'instance,

- Débouté le jugement commun et opposable aux AGS-CGEA de [Localité 10]

Statuant à nouveau,

- Ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur laquelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner solidairement la société SPVE et la société [W] aux sommes suivantes :

* 393,44 euros à titre de rappel de salaire du 1er février 2018 au 08 février 2018,

* 6.814,50 euros à titre de licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

* 1.297,98 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 3.000,00 euros à titre d'indemnité de préavis,

* 50.053,48 euros à titre de dommages et intérêts au titre de sa privation du droit au bénéfice des indemnités journalières, des indemnités journalières conventionnelles et de prévoyance, pour la période relative à son accident du travail et à sa maladie,

* 15.000 euros au titre de dommages et intérêts pour perte de chance de règlement de prestations (prévoyance et frais médicaux) en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse de prévoyance,

* 11.682 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

* 1.800 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,

- Fixer la créance de M. [H] [R] au passif de la société [W], représentée par la SELARL [T], aux sommes suivantes :

* 393,44 euros à titre de rappel de salaire du 1er février 2018 au 08 février 2018,

* 6.814,50 euros à titre de licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

* 1.297,98 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 3.000,00 euros à titre d'indemnité de préavis,

* 50.053,48 euros à titre de dommages et intérêts au titre de sa privation du droit au bénéfice des indemnités journalières, des indemnités journalières conventionnelles et de prévoyance, pour la période relative à son accident du travail et à sa maladie,

* 15.000 euros au titre de dommages et intérêts pour perte de chance de règlement de prestations (prévoyance et frais médicaux) en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse de prévoyance,

* 11.682 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

* 1.800 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,

- Condamner solidairement la société SPVE au paiement des-dites sommes,

- Déclarer la décision commune et opposable au CGEA-AGS de [Localité 10],

A titre subsidiaire et si par impossible la cour infirmait le jugement en ne considérant pas la société SPVE co-employeur, il est demandé à la cour de statuer à nouveau et de :

- Fixer la créance de M. [H] [R] au passif de la société [W] représentée par la SELARL [T], es qualité de mandataire judiciaire, aux sommes suivantes :

* 393,44 euros à titre de rappel de salaire du 1er février 2018 au 08 février 2018,

* 6.814,50 euros à titre de licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

* 1.297,98 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 3.000,00 euros à titre d'indemnité de préavis,

* 50.053,48 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la privation de M. [H] [R] du droit au bénéfice des indemnités journalières, des indemnités journalières conventionnelles et de prévoyance, pour la période relative à son accident du travail et à sa maladie,

* 15.000 euros au titre de dommages et intérêts pour perte de chance de règlement de prestations (prévoyance et frais médicaux) en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse de prévoyance,

* 11.682 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

* 1.800 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,

- Déclarer l'arrêt commun et opposable au CGEA-AGS de [Localité 10]

Sur les demandes nouvelles de M. [H] [R] en cause d'appel,

Il est demandé à la Cour :

A titre principal, de :

- Fixer la créance de M. [H] [R] au passif de la société [W] représentée par la SELARL [T] à la somme de :

* 20.000 euros au titre de la perte de chance de règlement de la pension d'invalidité,

- Condamner solidairement la société SPVE au paiement de ladite somme,

- Déclarer l'arrêt commun et opposable au CGEA-AGS de [Localité 10],

A titre subsidiaire et en l'absence de co-emploi,

- Fixer la créance M. [H] [R] au passif de la société [W] représentée par la SELARL [T] à la somme de :

* 20.000 euros au titre de la perte de chance de règlement de la pension d'invalidité,

- Déclarer l'arrêt commun et opposable au CGEA-AGS de [Localité 10],

En tout état de cause,

- Fixer la créance de M. [H] [R] au passif de la SARL [W] représentée par la SELARL [T] à la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles en cause d'appel.

- Condamner solidairement la SARL SPVE au paiement de ladite somme ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Il fait essentiellement valoir que :

- sur le co-emploi

- son unique salaire a été réglé par chèque de la SARL SPVE,

- lors de la déclaration de son accident du travail à la CPAM du 20 février 2018, il a déclaré les deux sociétés,

- il a écrit à la SARL SPVE par courrier recommandé du 20 février 2018 pour qu'elle procède à la déclaration de son accident du travail,

- il ressort de l'enquête CPAM que la propriétaire du bâtiment sur lequel il intervenait avait pour unique interlocuteur la société SPVE et n'avait connaissance d'aucun contrat de sous-traitance,

- lorsqu'elle a eu connaissance de l'accident, la propriétaire du bâtiment a appelé le gérant de la société SPVE qui lui aurait confirmé qu'il s'agit bien d'un 'gars' de chez eux et qu'il n'y avait pas de gravité,

- le contrat de sous-traitance en plus de comporter de nombreuses irrégularités, ne désigne pas expressément l'objet du chantier et notamment le lieu et la nature de l'intervention,

- la société SPVE a loué un engin de levage qu'il a conduit,

- au regard de ces éléments et de l'enquête de la CPAM, le lien de subordination avec la société SPVE est établi,

- sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

- la société [W] l'a embauché sans avoir procédé à sa déclaration préalable à l'embauche.

- la société [W] a par ailleurs manqué à son obligation de sécurité de 'résultat' en lui demandant d'effectuer des travaux sans au préalable prendre les précautions qui s'imposaient pour assurer sa sécurité (absence de mesures individuelles et collectives de protection).

- elle ne l'a pas réglé de son salaire du mois de février 2018 ni remis ses bulletins de paye.

- la violation de ses obligations contractuelles constitue de graves manquements de l'employeur justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.

- sur les autres demandes

- il n'a pas été payé de son salaire pour la période du 1er février au 8 février 2018 (jour de l'accident) pour la somme de 393,44 euros nets.

- la société [W] n'ayant pas déclaré son accident du travail, il n'a pu bénéficier des indemnités journalières de sécurité sociale telles que prévues par la législation sur l'assurance maladie mais également des indemnités conventionnelles telles que stipulées aux articles 6.12 et 6.13 de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment visées par le décret du 1er mars 1962 (c'est-à-dire occupant jusqu'à 10 salariés) du 8 octobre 1990.

- il n'a pu bénéficier d'une prévoyance alors que l'affiliation de l'employeur à un organisme de prévoyance est une obligation conventionnelle (article 11-4 du titre 11 de la convention collective du bâtiment).

- il n'a perçu aucune indemnité complémentaire conventionnelle alors que celles-ci sont prévues par les dispositions de l'article 6.133 1° de la convention collective du bâtiment ni aucune indemnité complémentaire au titre de la prévoyance, cette dernière venant en relais aux indemnités conventionnelles au-delà de 90 jours d'arrêt de travail et en complément des indemnités journalières versées par la sécurité sociale.

- l'employeur a été condamné par le tribunal correctionnel de Carpentras pour travail dissimulé, justifiant sa condamnation sur le fondement de l'article L.8223-1 du code du travail.

- subsidiairement, en l'absence de co-emploi, les sommes réclamées devront être fixées au passif de la société [W].

- sur ses demandes nouvelles en cause d'appel

- il a été consolidé de son accident du travail le 9 septembre 2019.

- un dossier d'invalidité a été déposé le 23 septembre 2022.

Par courrier du 3 octobre 2022, la CPAM lui a notifié un refus de prise en charge qui est directement lié aux manquements de l'employeur lequel n'a pas procédé à sa déclaration.

- il aurait pu prétendre à une pension d'invalidité jusqu'à l'âge de 62 ans.

Son manque à gagner est de 24.964,80 euros.

- cette demande ne pouvait être sollicitée en première instance, le refus lui ayant été notifié postérieurement.

L'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 10], reprenant ses conclusions transmises le 03 mars 2023, demande à la cour de :

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré les sociétés SPVE et [W] co-employeurs et en ce qu'il a condamné la société SPVE à relever et garantir les condamnations prononcées à l'encontre de la société [W],

En conséquence,

- Constater la collusion frauduleuse des deux sociétés SARL SPVE et SARL [W]

- Dire qu'il y a lieu à condamnation solidaire des sociétés SARL SPVE et SARL [W]

- Débouter M. [H] [R] de toutes ses demandes en garantie auprès du CGEA

- Condamner la SARL SPVE à relever et garantir la SARL [W]

- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il n'a pas ordonné les remboursements des sommes avancées par le CGEA à M. [H] [R] par la SARL SPVE sous astreinte de 50 euros par jour,

Si par extraordinaire la cour infirmait le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la SARL SPVE à relever et garantir la SARL [W],

- Dire et juger que l'AGS CGEA ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6 et L 3253-8 du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19, 20 et 21 et L 3253-17 du code du travail,

- Dire et juger que l'obligation de l'AGS CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

- Déclarer la décision opposable à l'AGS CGEA de [Localité 10], es-qualité de gestionnaire de l'AGS, dans les limites prévues aux articles L 3253-6 et L 3253-8 du code du travail et les plafonds prévus aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail,

- Dire et juger que l'AGS CGEA n'est pas tenu de garantir une condamnation éventuelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose que :

- elle a des doutes légitimes sur la qualité du contrat de sous-traitance, doutes soulevés par l'enquêtrice de la CPAM.

- il semble que le contrat de sous-traitance n'ait pas été dénoncé au maître de l'ouvrage de sorte que le sous-traitant, la société [W] n'a pas été agréée conformément à la loi du 31 décembre 1975.

- cette obligation est d'ordre public et est indispensable pour sous-traiter tout ou partie de son marché de travaux.

- cette absence laisse présager la suspicion de collusion frauduleuse des sociétés [W] et SPVE.

- le fait d'avoir établi le seul chèque de salaire à M. [R] permet à lui seul d'avoir un doute tant sur l'identité réelle de l'employeur que sur les responsabilités de chacune des sociétés.

- le contrat de sous-traitance n'est pas conforme aux obligations légales et ne permet pas d'identifier clairement l'employeur sur ce chantier.

- en cas de contrat de sous-traitance déclaré pourvu d'illicéité, il est constant que le donneur d'ordre devient l'employeur.

- il est étonnant que la police d'écriture utilisée ainsi que la taille de la police dans les courriers

émanant tant de la société SPVE que de la société [W] soit la même.

- au terme du procès-verbal de constatation établi par l'assurance maladie et alors qu'il interrogeait M. [C], gérant de la société SPVE, ce dernier tenait des propos confus et contradictoires à l'enquêtrice au sujet de l'accident de M. [R].

- en conséquence, le CGEA ne pourra en aucun cas être appelé en garantie.

- la société SPVE, co-employeuse et in bonis, devra procéder au remboursement des sommes avancées par l'UNEDIC AGS CGEA de [Localité 10] puisqu'elle ne fait l'objet d'aucune procédure collective.

Par acte du 5 août 2022, la SARL SPVE a fait signifier à la Selarl [T] [A], en qualité de mandataire liquidateur de la SARL [W], sa déclaration d'appel.

La SELARL [T] [A] ès qualités n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 06 décembre 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 30 avril 2024. L'affaire a été fixée à l'audience du 30 mai 2024, puis renvoyée à celle du 27 juin 2024.

MOTIFS

Sur le co-emploi

M. [R] sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu que la SARL [W] et la SARL SPVE étaient co-employeurs, reprenant l'argumentation figurant dans la décision.

La notion de co-emploi suppose établie, soit que le salarié exécutait le contrat de travail sous la subordination conjointe des deux sociétés, soit qu'il existe entre les sociétés une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion permanente dans la gestion économique et sociale de l'une par rapport à l'autre, conduisant à une perte totale d'autonomie d'action de la seconde société par rapport à la première.

L'existence d'un contrat de travail se caractérisant par le lien de subordination instauré entre l'employeur et le salarié, des personnes, juridiquement distinctes, peuvent être qualifiées de co-employeurs lorsque, en raison d'une confusion d'intérêts, d'activités ou de direction existant entre elles, elles se trouvent détenir ensemble le pouvoir de direction sur le salarié.

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs, le contrat de travail étant caractérisé par l'existence d'une prestation de travail, d'une rémunération et d'un lien de subordination entre l'employeur et le salarié, ce dernier étant de ce fait soumis au pouvoir disciplinaire de celui pour lequel il travaille.

Il est admis qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en apporter la preuve.

Il peut y avoir co-emploi lorsque, dans le cadre d'un même contrat de travail, le salarié est dans un rapport de subordination avec plusieurs employeurs.

Le co-emploi peut également être reconnu lorsqu'il existe une confusion d'intérêts, d'activité ou de direction entre l'employeur du salarié et une autre personne physique ou morale.

Le « co-emploi juridique » permet de constater l'existence de co-employeurs en cas de double lien de subordination constaté par le fait qu'une pluralité d'employeur exerce, sur un même salarié, les prérogatives de l'employeur. Cette situation de co-emploi suppose d'établir le lien de subordination unissant un salarié à une société prétendument co-employeur.

Il convient de rappeler que le lien de subordination se caractérise par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

C'est sur le salarié qui invoque le co-emploi et notamment le lien de subordination que repose la charge de la preuve.

En l'espèce, M. [R] invoque un seul contrat avec la société [W], de sorte que soutenant être lié avec une autre personne morale que celle qui l'a embauché, en l'état la société SPVE, il doit alors rapporter la preuve d'un lien de subordination juridique, lequel selon une définition constante est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

M. [R] évoque les éléments suivants, retenus par les premiers juges :

- l'unique salaire qui lui a été versé a été réglé par chèque de la SARL SPVE,

- lors de la déclaration de son accident du travail à la CPAM en date du 20 février 2018, il a déclaré les deux sociétés,

- il a écrit à la SARL SPVE par courrier recommandé du 20 février 2018 pour qu'elle procède à la déclaration de son accident du travail,

- il ressort de l'enquête CPAM que la propriétaire du bâtiment sur lequel il intervenait avait pour unique interlocuteur la société SPVE et n'avait connaissance d'aucun contrat de sous-traitance,

- lorsqu'elle a eu connaissance de l'accident, la propriétaire du bâtiment a appelé le gérant de la société SPVE qui lui aurait confirmé qu'il s'agit bien d'un gars de chez eux et qu'il n'y avait pas de gravité,

- le contrat de sous-traitance communiqué par la société SPVE, en plus de comporter de nombreuses irrégularités, ne désigne pas expressément l'objet du chantier et notamment le lieu et la nature de l'intervention,

- la société SPVE a loué un engin de levage qu'il a conduit.

Le chèque de 1500 euros

La société appelante indique que le chèque litigieux ne correspond pas au salaire de M. [R] mais à une facture de la société [W].

Elle produit aux débats les éléments suivants :

- le marché de travaux conclu avec la société [W] concernant le chantier '[U]' devant être livré le 29 décembre 2017 pour un montant total de 5200 euros HT pour les travaux suivants :

Installation photovoltaïque : 3600 euros

Pose bac acier : 1500 euros

- la facture de la société [W] d'un montant de 1500 euros TTC pour la 'pose bac acier'.

- la copie du chèque de 1500 euros portant la date du 7 février 2018, le nom du bénéficiaire n'étant pas indiqué.

- l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 4 juin 2020, chambre correctionnelle, ayant reconnu les consorts [W] [B] et [X] coupables du délit de blessures involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence et des délits de travail dissimulé et d'emploi de travailleurs sur toiture sur chantier de bâtiments sans respect des règles de sécurité, suite à l'accident de M. [R], la cour reprenant les déclarations de ce dernier en ces termes :

'[H] [R] précisait dans son audition du 13 septembre 2018 qu'il avait été embauché au mois de janvier 2018 par [X] [W] pour conduire le fourgon de la société [W] et poser des panneaux photovoltaïques, moyennant une rémunération de 80 euros par jour. Il affirmait avoir réclamé en vain son contrat de travail et s'être vu remettre un chèque de 1500 euros de la Sarl SPVE pour laquelle la société [W] travaillait en sous-traitance, en règlement de son salaire du mois de janvier.'

- le procès-verbal d'audition de la CPAM du 15 mai 2018 suite à l'accident de M. [R], concernant M. [B] [W] qui indique :

'Question : Avez vous remis un chèque à Monsieur [R] '

Réponse : Mon père lui devait de l'argent. Il lui a remis un chèque de la société SPVE qui était destinée à la SARL [W]. Je me suis 'embrouillé' avec mon père par rapport à cela. Je ne sais pas quand ce chèque a été encaissé. J'ai écrit un courrier à Monsieur [R] par rapport à cette erreur.'

- une attestation de M. [B] [W] du 7 février 2018, dactylographiée :

'Je soussigné, [B] [W], atteste recevoir ce jour le chèque n°1105398 d'un montant de 1500 € (mille cinq cent euros) en règlement d'un acompte du chantier [U], correspondant à ma facture n°2018-02-07.

J'ai expressément demandé à recevoir ce chèque sans ordre et m'engage ainsi à apposer le cachet de ma société dès mon retour au bureau.'

- une attestation de M. [B] [W] du 27 février 2018, dactylographiée :

'Je soussigné, [B] [W], vous informe que par erreur, en remboursement d'une dette personnelle, j'ai remis à une tierce personne le chèque n°1105298 d'un montant de 1500 € (mille cinq cent euros) que j'avais reçu de votre part en règlement de ma facture n°2018-02-07 pour le chantier [U].'

La cour relève une divergence dans les déclarations de M. [B] [W] qui indique à l'enquêteur de la CPAM que c'est son père qui a remis le chèque litigieux à M. [R], puis qui atteste avoir remis personnellement ledit chèque à une tierce personne.

Par ailleurs, M. [R] a reconnu dans le cadre de l'enquête pénale avoir reçu un chèque de 1500 euros de la Sarl SPVE en règlement de son salaire du mois de janvier.

Il apparaît à la lecture des procès-verbaux de la CPAM suite à l'accident de M. [R] que ce dernier travaillait dans le bâtiment appartenant à Mme [F] le 8 février 2018, la société SPVE confirmant le marché passé avec celle-ci.

La société appelante produit le marché de travaux '[F]' conclu avec la société [W], daté du 1er mars 2018, pour une livraison le 26 janvier 2018, la livraison étant curieusement prévue avant la signature du marché.

L'AGS-CGEA évoque dans ses écritures une collusion frauduleuse entre les sociétés [W] et SPVE sans en tirer de conséquences juridiques puisqu'elle demande la confirmation du jugement notamment en ce qu'il a déclaré les sociétés SPVE et [W] co-employeurs, une éventuelle collusion frauduleuse entre ces sociétés n'entraînant pas de facto une situation de co-emploi pour les salariés de l'une ou l'autre des sociétés.

Dès lors, la seule remise du chèque litigieux par la société [W] à M. [R] ne peut être assimilée à du co-emploi.

Il en sera de même concernant :

- le courriers adressés par M. [R] à la société SPVE pour qu'elle procède à la déclaration de son accident du travail,

- la déclaration d'accident du travail à la CPAM en date du 20 février 2018 dans laquelle M. [R] a déclaré les deux sociétés,

ces éléments ne permettant pas de retenir l'existence d'un lien de subordination avec la société SPVE eu égard à la définition de celui-ci, alors que cette société a répondu à M. [R] pour lui indiquer qu'il ne faisait pas partie de son personnel et qu'elle n'était pas son employeur.

Le contrat de sous-traitance

L'article 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 (JO 3 janv. 1976) modifié par la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 (JO 12 déc.) définit le contrat de sous-traitance comme « l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage ».

La sous-traitance de marché définie par l'article 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 (JO 3 janv. 1976) suppose l'intervention de trois contractants : le maître de l'ouvrage créancier initial de la prestation sous-traitée, l'entrepreneur principal débiteur initial de ladite prestation et le sous-traitant exécutant matériel de celle-ci.

L'application de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 (JO 3 janv. 1976) suppose donc un lien direct entre le contrat d'entreprise conclu entre l'entrepreneur principal et le maître de l'ouvrage et le contrat de sous-traitance qui doit porter sur tout ou partie du contrat d'entreprise ou une partie du marché public.

La notion de sous-traitance est aussi indissociablement liée à l'apport d'un savoir-faire spécial du sous-traitant se rattachant à l'exécution de l'ouvrage.

En l'espèce, la société SPVE soutient qu'elle fournit des panneaux solaires mais n'en assure pas la pose, n'ayant pas de personnel qualifié pour ce faire.

Par ailleurs, l'article 3 alinéa 1er de la loi du 31 décembre 1975 prévoit que « L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande ».

L'alinéa 2 de l'article 3 ajoutant que « Lorsque le sous-traitant n'aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, l'entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l'encontre du sous-traitant ».

Il en résulte que le sous-traitant pourra seul invoquer la nullité du contrat.

En l'espèce, l'AGS-CGEA émet des doutes sur le contrat de sous-traitance, tenant notamment à l'absence d'acceptation du sous-traitant par le maître de l'ouvrage, seule le sous-traitant pouvant se prévaloir de cette carence.

Par ailleurs, l'AGS-CGEA soutient encore que cette absence de dénonciation laisse présager la suspicion d'une collusion frauduleuse entre les deux sociétés, ce qui est indépendant de toute notion de co-emploi.

Les premiers juges ont encore retenu que le contrat de sous-traitance communiqué par la société SPVE en plus de comporter de nombreuses irrégularités, sans pour autant les détailler, ne désigne pas expressément l'objet du chantier et notamment le lieu et la nature de l'intervention.

Il n'est pas contestable que l'écrit n'est pas exigé dans le cadre d'un contrat de sous-traitance hors contrat de construction de maison individuelle, le contrat de sous-traitance dans cette dernière hypothèse devant comporter des énonciations obligatoires.

Ce faisant, les irrégularités soulevées ne sont d'aucun intérêt pour la solution du litige, alors que M. [R] a indiqué dans le cadre de l'enquête pénale suite à son accident du travail que la société [W] intervenait sur le chantier litigieux en qualité de sous-traitant.

L'enquête CPAM

Il ressort effectivement de l'enquête CPAM que la propriétaire du bâtiment sur lequel M. [R] intervenait, lorsqu'elle a eu connaissance de l'accident, a appelé le gérant de la société SPVE qui lui aurait confirmé qu'il s'agissait bien de quelqu'un de chez eux mais qu'il s'agissait d'un accident sans gravité.

Le gérant de la société SPVE explique qu'il pensait que c'était le fils de M. [W], l'enquête de la CPAM ajoutant 'beaucoup de confusions et de propos contradictoires sont tenus par M. [C] à ce moment là et il tente de contourner la question'.

Il ressort encore des différents procès-verbaux de la CPAM qu'aucun employé de la société SPVE n'était présent sur le chantier de Mme [F], seuls les consorts [W] y travaillant, ainsi que M. [R].

Ce dernier ne peut en conséquence soutenir avoir reçu des directives de la part de la société SPVE dans le cadre du pouvoir de subordination.

La société SPVE a loué un engin de levage que M. [R] a conduit

La société SPVE a effectivement loué un engin de levage auprès de Régis location le 16 février 2018 jusqu'au 19 février 2018, soit postérieurement à l'accident de M. [R] qui n'a pu conduire cet engin, contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges.

Aucune conséquence juridique sur l'existence d'un lien de subordination entre la société SPVE et M. [R] ne saurait en conséquence en être déduit.

Il s'évince des explications développées supra que M. [R] ne démontre aucunement l'existence d'un lien de subordination avec la société SPVE, le premier ne démontrant pas avoir exécuté un travail sous l'autorité de cette société, qui n'était pas présente sur le chantier, ni avoir reçu des ordres et des directives de celle-ci.

Le jugement querellé sera dans ces circonstances réformé en ce qu'il a retenu une situation de co-emploi entre les sociétés [W] et SPVE et a condamné cette dernière à relever et garantir la première des condamnations prononcées à son encontre.

M. [R] sera débouté de ses demandes présentées à l'encontre de la SARL SPVE.

Sur l'appel incident de M. [R]

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

M. [R] soutient que les premiers juges ont retenu des manquements graves de l'employeur à ses obligations contractuelles justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts du premier sans l'indiquer dans le dispositif de la décision rendue.

Il est constant que la société [W] n'a pas déclaré M. [R], ne l'a pas réglé de ses salaires et n'a pas respecté son obligation de sécurité ainsi qu'il résulte de l'arrêt de la cour d'appel de céans, en sa chambre correctionnelle, rendu le 4 juin 2020, justifiant ainsi la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec effet au 14 septembre 2020, date du licenciement de M. [R].

Tenant cette omission de statuer, le jugement sera complété sur ce point.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

Les motifs du jugement comportent la condamnation de la SARL [W] au paiement de la somme de 11682 euros à ce titre, mais sans la reprendre dans le dispositif de sorte qu'il conviendra de fixer ladite somme à la liquidation judiciaire de cette société.

Tenant cette omission de statuer, le jugement sera complété sur ce point.

Sur les frais irrépétibles

Les motifs du jugement comportent l'allocation à M. [R] d'une somme de 1800 euros avec application des dispositions de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, sans le reprendre dans le dispositif.

Il convient de réparer cette omission et de fixer ladite somme au passif de la liquidation judiciaire de la société [W].

Sur la demande de fixation au passif de la société [W]

Les demandes financières du salarié ont été justement arbitrées par les premiers juges et ne font l'objet d'aucune contestation de la part de l'AGS-CGEA de sorte qu'il y a lieu de faire droit à la demande de fixation desdites sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société [W].

Sur la demande nouvelle de M. [R]

M. [R] sollicite le paiement de la somme de 20000 euros à titre de perte de chance de règlement de la pension d'invalidité pour la première fois en cause d'appel.

M. [R] soutient sur ce point que :

- il a été consolidé de son accident du travail le 9 septembre 2019.

- il a rencontré d'autres problèmes de santé nécessitant l'établissement d'arrêts de travail pour maladie.

- en raison de sa pathologie, un dossier d'invalidité a été déposé le 23 septembre 2022.

Par courrier du 3 octobre 2022, la CPAM lui a notifié un refus administratif au motif qu'il ne

remplissait pas les conditions d'ouverture de droit à l'assurance, à savoir :

- avoir effectué au moins 600 heures de travail salarié ou assimilé au cours des 12 mois

ou 365 jours précédant la date d'examen du droit ou avoir cotisé sur un salaire au moins égal à 2030 fois le SMIC horaire au 1er janvier qui précède immédiatement le début de cette période.

- ce refus de prise en charge est directement lié aux manquements de l'employeur lequel n'a pas procédé à sa déclaration.

L'article 564 du code de procédure civile prévoit que 'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

En l'espèce, il apparaît que la notification de la CPAM intervient postérieurement à la décision rendue par le conseil de prud'hommes de sorte que la demande présentée par le salarié est recevable.

Il apparaît encore à la lecture de la décision de la commission de recours amiable du 12 janvier 2023 que le rejet de la demande de pension d'invalidité n'est en aucun cas lié à un manquement de la société [W] mais pour les motifs suivants :

' Dans le cas présent, les droits à pension d'invalidité sont appréciés à la date de réception de la demande, soit au 23 septembre 2022.

De ce fait, la période de référence prise en compte pour l'étude des droits à pension d'invalidité s'établit :

- du 1er septembre 2021 au 31 août 2022 durant laquelle 600 heures de travail salarié ou assimilé sont exigées,

- du 1er septembre 2021 au 31 août 2022 durant laquelle l'assuré doit avoir cotisé sur un salaire de 2 030 fois la valeur du salaire minimum de croissance, soit 2030 x SMIC horaire 2021 (10.25) = 20807.50

En l'espèce, les conditions définies par l'article R 313-5 du Code de la Sécurité Sociale ne sont donc pas remplies, dans la mesure où au cours de la période du 1er septembre 2021 au 31 août 2022 :

- vous présentez uniquement des arrêts maladie non indemnisables par la Caisse,

- vous percevez l'Allocation Adulte Handicapé (AAH).

La perception de l'Allocation Adulte Handicapé (AAH) ainsi que la présentation d'arrêts de travail au titre de la maladie non indemnisables par la Caisse ne confèrent pas de droits pour le bénéficie d'une pension d'invalidité et ne sont pas assimilables à des heures de salariat.

Ainsi, la condition des 600 heures travaillées ou assimilées n'est donc pas remplie, et les salaires cotisés sont égales à 0 euros donc inférieurs à 20 807.50 euros (2030 x le smic horaire).'

La cour observe que le défaut de déclaration de l'employeur évoqué par M. [R] n'a aucun lien avec le rejet de sa demande de pension d'invalidité, la période devant être prise en compte étant celle du 1er septembre 2021 au 31 août 2022, après son licenciement suite à la liquidation judiciaire de la société [W].

De surcroît, M. [R] ne produit aucun élément sur ses recherches d'emploi et n'indique aucunement ne pas être en capacité de travailler.

En conséquence, il convient de rejeter la demande présentée par M. [R] de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt réputé contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,

Réforme le jugement rendu le 11 mai 2022 par le conseil de prud'hommes d'Orange en ce qu'il a :

- Dit et jugé que les SARL [W] et la SARL SPVE sont co-employeurs de M. [H] [R]

- condamné la SARL SPVE à relever et garantir la SARL [W] de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre

- Débouté le jugement commun et opposable aux AGS-CGEA de [Localité 10]

- Condamné la SARL [W] et la SARL SPVE aux entiers dépens de l'instance

Le confirme pour le surplus

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant,

Déboute M. [H] [R] de ses demandes présentées à l'encontre de la SARL SPVE,

Réparant l'omission de statuer du conseil de prud'hommes, prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail liant M. [H] [R] à la SARL [W] aux torts de l'employeur, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec effet au 14 septembre 2020,

Fixe à la liquidation judiciaire de la SARL [W] les créances de M. [H] [R] :

* 393,44 euros à titre de rappel de salaire du 1er février 2018 au 08 février 2018

* 6 814,50 euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 1 297,98 euros à titre d'indemnité de licenciement

* 3 000,00 euros à titre d'indemnité de préavis

* 50 053,48 euros au titre de la privation de M. [H] [R] du droit au bénéfice des indemnités journalières, des indemnités journalières conventionnelles et de prévoyance, pour la période relative à son accident du travail et à sa maladie

* 15 000,00 euros au titre de dommages et intérêts pour perte de chance de règlement de prestations (prévoyance et frais médicaux) en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse de prévoyance

Réparant l'omission de statuer du conseil de prud'hommes, fixe les sommes suivantes à la liquidation judiciaire de la SARL [W] :

* 11682 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

* 1800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile avec application des dispositions de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991,

Dit que ces sommes seront inscrites par le mandataire liquidateur sur l'état des créances de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société,

Dit qu'en application des articles L 622-28 et L 641-3 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,

Déclare le présent opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 10],

Dit que l'intervention de l'AGS-CGEA de [Localité 10] se fera dans les limites des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan de la mise en 'uvre du régime d'assurances des créances des salaires que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément des articles L 3253-8, L 3253-17 et D 3253-5 du Code du travail,

Dit que l'AGS CGEA de [Localité 10] ne garantit pas la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déclare recevable la demande de M. [H] [R] au titre de la perte de chance de règlement de la pension d'invalidité et l'en déboute,

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.

Arrêt signé par la président et par le greffier.