Décisions
CA Angers, ch. a - civ., 15 octobre 2024, n° 20/00499
ANGERS
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
CM/CG
ARRET N°
AFFAIRE N° RG 20/00499 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EUZI
jugement du 27 Février 2020
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAUMUR
n° d'inscription au RG de première instance : 17/00901
ARRET DU 15 OCTOBRE 2024
APPELANTE :
S.C.I. [...]
[Adresse 11]
[Localité 6]
Représentée par Me Nathalie GREFFIER, avocat postulant au barreau d'ANGERS et par Me Olivier GAN, avocat plaidant au barreau de SAUMUR
INTIMES :
S.A.R.L. [...] [V]
[Adresse 13]
[Adresse 13]
[Localité 6]
Représentée par Me Jean-baptiste LEFEVRE de la SELARL 08H08 AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS
S.A. [...] assureur de la SCI [...] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 9]
S.A. [...] assureur de la société [...] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 9]
Représentées par Me Ludovic GAUVIN de la SELARL ANTARIUS AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 1702008
INTIMES SUR APPEL PROVOQUE :
COMPAGNIE GENERALI IARD
[Adresse 3]
[Localité 8]
S.C.A. [...] [...] DE COOPERATIVES AGRICOLES ([...])
[Adresse 1]
[Localité 7]
[...] ([...])
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentées par Me Olivier VAILLANT, avocat postulant au barreau de SAUMUR et par Me Sophie-Charlotte VALTON, substituant Me Michel BELLAICHE, avocats plaidants au barreau de PARIS
Maître [Z] [R], pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la Sté [...] ([...])
[Adresse 2]
[Localité 5]
N'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 24 Octobre 2023 à 14 H 00, Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :
Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
Madame GANDAIS, conseillère
Madame ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Madame LEVEUF
Greffier lors du prononcé : Monsieur DA CUNHA
ARRET : par défaut
Prononcé publiquement le 15 octobre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente et par Tony DA CUNHA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
~~~~
Exposé du litige
Le 6 février 2015, un bâtiment industriel situé [Adresse 12] à [Localité 6], appartenant à la SCI [...] (ci-après la SCI) assurée en qualité de propriétaire non occupant auprès de la SA [...] (ci-après [...]) selon une police «multirisque entreprise» n°6434803504 et donné à bail à la SARL [...] [V] assurée auprès de la SMABTP, a été endommagé, ainsi que le stock de maïs qu'il contenait en vertu d'un contrat de «stockage et manutention» conclu le 26 novembre 2014 entre [...] [V] et la [...] dite [...], filiale de l'[...] dite [...] assurée auprès de la SA Generali iard (ci-après Generali), par la chute d'une grue industrielle sur rails que la SARL [...] dite [...] assurée auprès d'[...] selon une police «responsabilité civile fabricant - négociant» n°6361335404 aurait entrepris de déplacer en la tractant avec une pelleteuse louée sans chauffeur auprès de [...] [V].
Selon procès-verbal de constatations relatives aux causes, circonstances et à l'évaluation des dommages, les experts du cabinet Equad mandaté par l'assureur commun de la SCI et de [...], du cabinet Ciblexperts mandaté par l'assureur de [...] [V] et du cabinet Texa mandaté par l'assureur de l'[...] ont évalué les dommages au bâtiment à la somme de 204 519,86 euros HT (39 481,98 euros au titre des mesures conservatoires et 165 037,88 euros au titre des travaux de réparation, frais de maîtrise d'oeuvre et de SPS inclus) et les dommages au céréales stockées à la somme de 36 184,43 euros HT.
[...] a opposé à [...] l'exclusion de garantie RC prévue à l'article 3.11 des conditions générales de son contrat pour tous préjudices résultant d'événements dans lequel sont impliqués des véhicules terrestres à moteur et a refusé sa garantie en qualité d'assureur de la SCI pour les dommages au bâtiment, tandis que l'[...] a été indemnisée par son assureur sous déduction de la franchise contractuelle.
Par acte d'huissier en date du 21 novembre 2017, la SCI a fait assigner [...] et leur assureur commun devant le tribunal de grande instance, devenu le tribunal judiciaire, de Saumur en responsabilité de [...] sur le fondement de l'article 1384 ancien du code civil et indemnisation de ses préjudices.
Par acte d'huissier en date du 23 novembre 2017, [...] [V] a fait assigner la SCI devant le même tribunal en paiement de ses factures de travaux de réparation urgents.
Par acte d'huissier en date du 27 novembre 2017, [...] a appelé en garantie son assureur.
Suite au prononcé de la liquidation judiciaire de [...] le 3 octobre 2018, la SCI a déclaré sa créance pour un montant de 273 922,80 euros TTC, outre dépens et frais d'avocat, puis appelé en cause Me [R] en qualité de liquidateur judiciaire par acte d'huissier en date du 15 mars 2019, lequel n'a pas constitué avocat.
Les procédures ont été jointes.
En outre, la [...], l'[...] et leur assureur sont intervenus volontairement à l'instance.
En l'état de ses dernières conclusions, la SCI a demandé au tribunal, au visa des articles 1382, 1383, 1384, 1134 et 1135 anciens du code civil, L. 124-3 du code des assurances, au titre du sinistre survenu le 6 février 2015, de dire engagée la responsabilité civile délictuelle de [...], de recevoir et déclarer fondée l'action directe contre [...], assureur de [...], et de débouter au besoin cet assureur de toutes ses prétentions contraires, de dire engagée la responsabilité délictuelle de [...] [V], de condamner in solidum [...] et [...] [V] à verser une provision totale de 148 055,42 euros HT et surseoir à statuer dans l'attente des factures définitives des travaux, d'ordonner le paiement des intérêts légaux de retard à la date de l'assignation et leur capitalisation pour le tout ou, au moins, pour les postes arrêtés selon factures [...] du 9 mai 2016 (10 249,58 euros HT), Fabre du 30 juin 2015 (734,40 euros HT) et Locamod du 28 février 2015 (5 998 euros HT), à défaut, de condamner in solidum [...] et [...] [V] à verser la somme de 182 018,98 euros HT plus la TVA applicable au jour du jugement avec indexation sur le coût de la construction à la date des devis, tels qu'arrêtés par les experts, [...] [V] du 24 février 2015 (9 605 euros HT), Justeali du 26 mars 2015 (52 000 euros HT), [...] du 23 février 2015 (21 000 euros HT), Leblanc du 24 février 2015 (66 000 euros HT), M2GB du 17 février 2015 (2 180,88 euros HT) et Ineo du 25 février 2015 (4 424 euros HT), d'ordonner le paiement des intérêts légaux de retard à la date de l'assignation et leur capitalisation et de débouter [...] [V] de sa demande en paiement des travaux de sécurité et de toutes ses autres demandes ; au titre de la mauvaise foi de son propre assureur, de constater les fautes commises par [...] et de condamner celle-ci à lui verser la somme de 10 000 euros ; au titre des demandes de Generali, de dire [...], assureur de [...], et [...], assureur de la concluante, tenues in solidum intégralement de la garantir de toutes les sommes accordées à Generali et ce sans franchise au profit d'[...] ; de condamner tout succombant au besoin in solidum aux entiers dépens incluant ceux afférents à la procédure de référé commerce et à lui payer la somme de 6 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; d'ordonner l'exécution provisoire.
[...] [V] a demandé, à titre principal, de condamner la SCI à lui verser les sommes de 31 536 euros au titre de ses travaux et de 5 000 euros du fait de sa résistance abusive et de débouter la SCI ou toute autre partie, notamment Generali, de ses demandes à son encontre ; à titre subsidiaire, de condamner [...] à la garantir de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre et à lui verser une somme de 31 536 euros au titre de son préjudice ; en tout état de cause, de condamner la SCI, Generali et tout autre succombant à lui verser 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner la SCI et tout autre succombant aux entiers dépens et d'ordonner l'exécution provisoire.
Avant sa mise en liquidation judiciaire, [...] a demandé de condamner son assureur [...] à la garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge au profit de la SCI et à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens distraits selon l'article 699 dudit code.
[...] en qualité d'assureur de la SCI et de [...] a demandé de débouter [...], et éventuellement Me [R] ès qualités, ainsi que la SCI de l'intégralité de leurs demandes dirigées à son encontre ; de dire et juger que le contrat d'assurance souscrit auprès d'elle par [...] n'a pas vocation à s'appliquer, de constater que le sinistre n'est pas lié à l'activité déclarée par [...] et, en tout état de cause, qu'il implique un véhicule terrestre à moteur sous la garde de [...], de dire et juger que l'article 3.1 des conditions générales exclut les préjudices dans lesquels un véhicule terrestre à moteur sous la garde de l'assuré est impliqué et de la mettre hors de cause ; en tout état de cause, de débouter [...] [V], Generali, l'[...] et la [...] de leurs demandes dirigées à son encontre ; de condamner la SCI à lui verser une somme de 3 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive ; de condamner in solidum la SCI et [...] [V] à lui verser une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la SCI ou tout autre contestant aux entiers dépens, dont distraction selon l'article 699 du même code.
Generali, l'[...] et la [...] ont demandé, au visa des articles L.121-12 et L. 124-3 du code des assurances, 329 et 325 du code de procédure civile, 1384 alinéa 1er devenu 1242 alinéa 1er, 1231-1 anciennement 1147 et 1240 anciennement 1382 du code civil et de la loi du 5 juillet 1985, à titre liminaire, de constater qu'elles sont recevables et bien fondées en leur recours au titre de l'indemnité versée à l'[...], suite au sinistre du 6 février 2015, et de la franchise supportée par cette dernière et de les accueillir en leur intervention volontaire ; sur le fond, de dire et juger que le sinistre relève de la responsabilité de [...] en sa qualité de gardien de la grue et de la pelleteuse manutentionnant la grue, que la garantie d'[...] en qualité d'assureur de [...] est mobilisée, cette opération relevant de l'activité professionnelle de l'assurée et l'exclusion relative aux accidents de la circulation n'ayant pas vocation à s'appliquer, que la responsabilité de [...] [V] et celle de la SCI sont également engagées et que la garantie d'[...] en qualité d'assureur de la SCI propriétaire non occupant est mobilisée et, en conséquence, de condamner in solidum [...] en sa double qualité d'assureur de [...] et de la SCI, la SCI et [...] [V] à verser à Generali la somme de 21 184,42 euros et aux sociétés [...] et [...] la somme de 15 000 euros au titre de la franchise, l'une et l'autre majorées des intérêts légaux à compter de leur intervention volontaire ; de condamner les mêmes à leur verser une indemnité de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de leur conseil.
Par jugement réputé contradictoire en date du 27 février 2020, le tribunal a :
- déclaré recevables les interventions volontaires de la société Generali et des sociétés [...] et [...]
- dit que la responsabilité de la société [...] est établie sur le fondement de l'article 1242 alinéa 1
- dit que le sinistre n'entre pas dans le champ de la loi du 5 juillet 1985
- condamné la société [...] en qualité d'assureur [...] (sic) à payer à la SCI [...] la somme de 165 037,88 euros HT majorée de la TVA applicable au jour du jugement avec indexation sur le coût de la construction à la date du 1er janvier suivant les devis soit celui publié 1er janvier 2016 (sic) et celui publié à la date du jugement
- dit que les sommes seront également majorées des intérêts au taux légal à compter du jugement
- dit que la demande de capitalisation est de droit sous réserve qu'il s'agisse d'intérêts dus pour une année entière, et ce à compter du jugement
- condamné la SCI [...] à payer à la société [...] [V] la somme de 31 536 euros au titre de ses travaux et une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive
- condamné la compagnie d'assurance [...] France iard en sa qualité d'assureur de la société [...] à payer à la société Generali la somme de 21 184,42 euros au titre des frais avancés, majoré des intérêts légaux à compter du prononcé du jugement
- condamné [...] France iard en sa qualité d'assureur de la société [...] à payer aux sociétés [...] et [...] la somme de 15 000 euros au titre de la franchise, majorée des intérêts légaux à compter du jugement
- débouté les parties de leurs plus amples demandes
- rappelé en application du nouvel article 514 du code de procédure civile, que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire
- condamné in solidum la société [...] assurance de [...], Me [R] en qualité de liquidateur de la société [...], à payer les sommes de 6 000 euros à la SCI [...] et de 3 000 euros à la société Generali et aux sociétés [...] et [...] au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la SCI [...] à payer à la société [...] [V] somme (sic) de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté les autres parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné in solidum la société [...] assurance de [...], Me [R] en qualité de liquidateur de la société [...], aux entiers dépens comprenant, s'agissant uniquement de [...] Assurance (sic) en outre ceux afférents à la procédure de référés commerce
- condamné la SCI [...] aux dépens concernant l'instance l'opposant à [...] [V].
I) Suivant déclaration en date du 17 mars 2020 (instance enregistrée sous le n° RG 20/00499), la SCI a relevé appel de ce jugement en ce qu'il a condamné [...] en qualité d'assureur de [...] à lui payer la somme de 165 037,88 euros HT majorée de la TVA et indexée, a refusé de faire droit à sa demande en paiement de l'intérêt légal de retard à compter de l'assignation avec capitalisation, a omis de statuer (sic) sur sa demande de condamnation d'[...] à lui verser 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'a condamnée à verser à [...] [V] les sommes de 31 536 euros au titre de ses travaux, de 3 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens de l'instance l'opposant à [...] [V] ; intimant [...] [V] et [...].
[...] a conclu à la confirmation du jugement en qualité d'assureur de la SCI et formé appel incident en qualité d'assureur de [...] en faisant délivrer assignation d'appel provoqué le 3 juillet 2020 à Generali et le 6 juillet 2020 au liquidateur de [...], à la [...] et à l'[...].
Seul le liquidateur de [...], cité à domicile, n'a pas constitué avocat.
II) Suivant déclaration en date du 6 avril 2020 (instance enregistrée sous le n° RG 20/00574), [...] en qualité d'assureur de [...] a relevé appel du même jugement en toutes ses dispositions, listées dans l'acte d'appel ; intimant la SCI, [...] [V], le liquidateur de [...], Generali, la [...] et l'[...].
L'appelante a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions le 2 juillet 2020 au liquidateur de [...] qui, cité à domicile, n'a pas constitué avocat.
Generali et les sociétés [...] et [...] ont fait délivrer assignation d'appel provoqué le 30 septembre 2020 à [...] en qualité d'assureur de la SCI.
***
Le conseiller de la mise en état a, par ordonnance rendue le 23 juin 2021 dans le dossier 20/00499, déclaré irrecevables à l'égard de la SCI et de [...] [V] les conclusions remises au greffe le 10 décembre 2020 pour le compte de Generali, de la [...] et de l'[...] et celles notifiées le 8 mars 2021 dans leur intérêt et dit n'y avoir lieu de déclarer irrecevables les conclusions notifiées le 26 février 2021 dans l'intérêt de la SCI ni celles notifiées le 15 mars 2021 dans l'intérêt de [...] [V] puis, par ordonnance en date du 24 novembre 2021, déclaré irrecevables à l'égard d'[...] en qualité d'assureur de [...] et de la SCI les conclusions susvisées de Generali, de la [...] et de l'[...] dans le dossier 20/00499, ordonné la jonction des instances suivies sous les numéros 20/00499 et 20/00574, désormais appelées ensemble sous le premier numéro, et condamné Generali, la [...] et l'[...] in solidum aux dépens de l'incident.
L'ordonnance de clôture initialement prévue pour le 20 septembre 2023 a été reportée au 4 octobre 2023.
Dans ses dernières «conclusions récapitulatives n°2 après jonction et incident» en date du 2 octobre 2023, la SCI [...] demande à la cour de la recevoir et la déclarer fondée en son appel et, y faisant droit, de :
- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande visant son assureur [...] à lui verser 10 000 euros de dommages et intérêts, l'a déboutée de toute demande de condamnation contre [...] [V], l'a condamnée à payer des travaux conservatoires pour 31 536 euros et la somme de 5 000 euros (sic) pour résistance abusive à [...] [V] ainsi que 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, a fixé le montant de la remise en état à 165 037,88 euros HT et a fait partir les intérêts moratoires du jugement rendu
- vu l'irrecevabilité des conclusions des sociétés Generali iard, [...] et [...], confirmer le jugement en ce qu'il a débouté ces sociétés de leurs demandes formées contre elle
- débouter les sociétés Generali iard, [...] et [...] de toutes leurs demandes formées contre elle
- vu la jonction, ensemble l'article 954 alinéa 4 in fine, juger n'y avoir lieu à statuer sur les deux jeux de conclusions récapitulatives déposés au RPVA, le même jour, après rabat de l'ordonnance de clôture, par [...] et Generali, ni sur les deux jeux de conclusions antérieurs au rabat
- vu l'absence d'appel incident d'[...], confirmer le jugement en toutes ses dispositions non contraires à son propre appel
statuant à nouveau,
- vu l'article 6 de la CEDH, annuler le jugement en ce qui concerne sa condamnation à payer [...] [V] avec dommages et intérêts pour résistance abusive, article 700 et dépens et à défaut le réformer sur ces deux points
- au titre de la mauvaise foi de son assureur [...], juger que la compagnie [...] a commis des fautes sur le fondement des articles 1134, 1135 et 1147 anciens du code civil et condamner celle-ci à lui verser la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts
- juger engagée la responsabilité délictuelle de [...] [V] sur le fondement des articles 1382 et 1383 anciens en raison de ses manquements contractuels vis-à-vis de [...]
- juger engagée la responsabilité de [...] [V] sur le fondement du bail souscrit avec elle
- réformer le jugement et débouter [...] [V] de toute demande dirigée contre elle visant à obtenir paiement de travaux conservatoires pour la somme de 31 536 euros avec dommages et intérêts pour résistance abusive et article 700 CPC
- condamner in solidum [...] et [...] [V] à verser une provision de 312 814,88 euros TTC
- ordonner paiement des intérêts légaux de retard à la date de l'assignation du 21 novembre 2017 et capitalisation un an après sur le fondement des articles 1231-7, 1343-2 nouveau, 1154 ancien du code civil
- juger au besoin que «le calcul de l'indexation sera fait à la date de l'assignation afin d'appliquer les intérêts moratoires au montant indexé et ce pour éviter toute difficulté d'exécution ultérieure»
- surseoir à statuer dans l'attente des factures définitives des travaux
- fixer une astreinte contre [...] de 1 000 euros par jour de retard pour son paiement effectif et ce passé le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir
- condamner [...] France iard à rembourser les frais d'huissier (honoraires de résultat) article 10 pour un montant de 5 540 euros et à prendre en charge en appel, au titre des dépens, le commandement délivré le 19 mai 2020
- débouter [...] et [...] [V] de toutes leurs demandes, fins et conclusions d'appel
- condamner tout succombant, au besoin in solidum, aux dépens d'appel et de première instance et à payer 8 900 euros d'article 700.
Dans ses dernières «conclusions récapitulatives n°4» en date du 26 septembre 2023, la SA [...] France iard en qualité d'assureur de [...] demande à la cour de :
- dire la SCI [...] non fondée en son appel, ainsi qu'en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre elle
- infirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives à la concluante du chef des condamnations mises à sa charge en application du contrat d'assurance de la société [...]
- juger que le contrat d'assurance souscrit par la société [...] auprès d'elle n'a pas vocation à s'appliquer
- juger que l'article 3.1 des conditions générales exclut tous les préjudices résultant «d'événements dans lesquels sont impliqués, lorsque l'assuré ou les personnes dont il répond en ont la propriété, la garde, l'usage, ou la conduite, tous véhicules et engins terrestres à moteur, et leurs remorques ou semi-remorques, de la nature de ceux visés à l'article R. 211-4 du code des assurances, qu'ils soient ou non en circulation et alors même qu'ils sont utilisés en qualité d'outils»
en conséquence,
- la mettre hors de cause,
- débouter Me [R] en qualité de liquidateur judiciaire de la société [...], la SCI [...], les sociétés Generali, [...] et [...] de leurs demandes formées à son encontre
- débouter la société [...] [V] des demandes formées à son encontre
- la décharger de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre
- en toute hypothèse, débouter la SCI [...] de sa demande tendant à obtenir la somme de 312 814,88 euros TTC au titre des travaux de reprise et rappeler qu'elle a exécuté la décision en juin 2020, ensuite du commandement de payer à elle délivré
- subsidiairement, juger qu'elle est recevable à opposer les franchises contractuelles applicables de 1 500 euros
- condamner in solidum la SCI [...], les sociétés [...], [...] et Generali à lui verser une indemnité de 7 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
- rejetant toutes prétentions contraires comme non recevables, en tous les cas non fondées, condamner in solidum la SCI [...], les sociétés [...], [...] et Generali, ou tout autre contestant, aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Antarius avocats qui pourra les recouvrer selon l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières «conclusions récapitulatives n°4» en date du 26 septembre 2023, la SA [...] France iard en qualité d'assureur de la SCI demande à la cour de :
- dire la SCI [...] non recevable, en tous les cas non fondée, en son appel dirigée contre elle
- confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives à la concluante
- débouter la SCI [...] de ses demandes formées contre elle
- la mettre hors de cause
- vu l'irrecevabilité des conclusions des sociétés Generali iard, [...] et [...] retenue par le conseiller de la mise en état, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté ces sociétés de leur demande dirigée contre elle
- en toute hypothèse, débouter les sociétés Generali iard, [...] et [...] de leur appel incident dirigé contre elle et débouter la SARL [...] [V] de ses demandes dirigées contre elle
- subsidiairement, juger qu'elle est recevable et bien fondée à opposer ses franchises contractuelles à raison de 10 % du montant du sinistre avec un minimum de 500 euros et un maximum de 2 200 euros
- condamner la SCI [...] à lui verser une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
- rejetant toutes prétentions contraires comme non recevables, en tous les cas non fondées, condamner la SCI [...], ou tout autre contestant, aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Antarius avocats qui pourra les recouvrer selon l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières «conclusions récapitulatives n°2 d'appel suite à jonction» en date du 19 septembre 2023, la SARL [...] [V] demande à la cour de :
à titre principal,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SCI [...] à lui verser une somme de 31 536 euros au titre de ses travaux
- assortir cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2017
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SCI [...] à lui verser par principe une indemnité du fait de sa résistance manifestement abusive mais condamner celle-ci à verser en conséquence une somme de 5 000 euros au lieu de la somme de 3 000 euros ordonnée par le jugement déféré
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné [...] France iard à garantir les dommages imputables à la société [...]
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés [...], [...], Generali ainsi que la SCI [...] de leurs demandes à son encontre
à titre subsidiaire,
- condamner [...] à la garantir de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre, laquelle sera au maximum limitée à 165 037,88 euros HT
- débouter la SCI [...] au titre de l'actualisation des travaux de reprise suite à l'envolée des prix consécutive à la guerre en Ukraine dans la mesure où elle a fait exécuter le jugement déféré et pouvait donc financer les travaux de réfection avant cet événement
- condamner [...] à lui verser une somme de 31 536 euros au titre de son préjudice
en tout état de cause,
- condamner in solidum la SCI [...] et [...] outre tout autre succombant à lui verser 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures d'appel engagées
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SCI [...] à lui verser 3 000 euros sur ce fondement au titre de la procédure de première instance
- condamner la SCI [...] outre tout autre succombant aux entiers dépens.
Dans leurs dernières «conclusions d'intimées après jonction contenant un appel incident» en date du 19 septembre 2023, la SA Generali iard, la [...] et l'[...] demandent à la cour, au visa des articles 121-12 (sic) et L. 124-3 du code des assurances, 1384 alinéa 1 devenu 1242 alinéa 1, 1231-1 anciennement 1147 et 1240 anciennement 1382 du code civil et de la loi du 5 juillet 1985, de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevables leurs interventions volontaires, condamné la compagnie [...] en qualité d'assureur [...] à payer à la société Generali la somme de 21 184,42 euros au titre des frais avancés, majorée des intérêts légaux à compter du prononcé du jugement et aux sociétés [...] et [...] la somme de 15 000 euros majorée de même et condamné in solidum [...], assureur de [...], Me [R] en qualité de liquidateur de la société [...] à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du CPC et à supporter les dépens
- infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes dirigées contre [...] [V], la SCI [...] et [...] France iard en qualité d'assureur de la SCI [...]
statuant à nouveau,
- déclarer recevables leur appel incident dirigé à l'encontre de la société [...] [V] et de la SCI [...] et leur appel provoqué dirigé à l'encontre d'[...] en qualité d'assureur de la SCI [...]
- dire et juger que la responsabilité de la société [...] [V] et celle de la SCI [...] sont également engagées
- dire et juger que la garantie de la compagnie [...] en qualité d'assureur de la SCI [...] propriétaire non occupant est mobilisée
- en conséquence, condamner in solidum la compagnie [...] France iard, en sa double qualité d'assureur de la société [...] et de la SCI [...], la SCI [...] et la société [...] [V] à verser à la compagnie Generali iard la somme de 21 184,42 euros majorée des intérêts légaux et aux sociétés [...] et [...] la somme de 15 000 euros au titre de la franchise supportée par cette dernière (sic) et majorée des intérêts légaux
en tout état de cause,
- débouter toute partie des demandes dirigées à leur encontre
- condamner [...] outre tout autre succombant à leur verser une indemnité de 5 000 euros en sus de celle de 3 000 euros accordée par le tribunal au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des articles 455 et 494 du code de procédure civile, aux dernières conclusions susvisées.
Sur ce,
A titre liminaire, il convient de relever que le jugement n'est nullement critiqué en ce qu'il a déclaré recevables les interventions volontaires de Generali, la [...] et l'[...], y compris par [...] en qualité d'assureur de [...] bien que sa déclaration d'appel principal ait visé toutes les dispositions du jugement, de sorte que cette disposition ne peut qu'être confirmée.
Sur l'irrecevabilité des conclusions de l'assureur de [...], des conclusions de l'assureur de la SCI, des conclusions de la [...], l'[...] et leur assureur et de leurs appels incident et provoqué
Contrairement à ce que soutient la SCI, la jonction des instances d'appel, simple mesure d'administration judiciaire n'ayant pas pour effet de créer une procédure unique, n'oblige nullement les parties à conclure par un seul et même jeu d'écritures dans les instances jointes.
Au demeurant, [...] en qualité d'assureur de [...] a systématiquement conclu depuis la jonction ordonnée le 24 novembre 2021, y compris après le report de l'ordonnance de clôture, par un seul et même jeu d'écritures concernant les deux instances jointes 20/00499 et 20/00574 et il en va de même d'[...] en qualité d'assureur de la SCI.
Si, en appel, [...] a toujours pris simultanément deux jeux de conclusions, l'un en qualité d'assureur de [...], l'autre en qualité d'assureur de la SCI, il n'y a là aucune anomalie empêchant de déterminer, comme le prétend la SCI, quelles sont les conclusions sur lesquelles la cour d'appel doit statuer en application de l'article 954 alinéa 4 du code de procédure civile prévoyant que les parties reprennent, dans leurs dernières conclusions, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures et qu'à défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
En effet, [...] est partie à chacune des instances d'appel jointes en deux qualités, d'une part, comme assureur de [...], qualité en laquelle elle est intimée sur l'appel principal de la SCI dans le dossier 20/00499 et appelante principale dans le dossier 20/00574, d'autre part, comme assureur de la SCI, qualité en laquelle elle est intimée sur l'appel principal de la SCI dans le dossier 20/00499 et intimée suite à l'assignation d'appel provoqué que lui ont fait délivrer Generali et les sociétés [...] et [...] dans le dossier 20/00574.
Or [...] en qualité d'assureur de [...] et [...] en qualité d'assureur de la SCI sont deux parties distinctes, bien qu'il s'agisse d'une seule et même personne morale, de sorte que la cour d'appel doit statuer sur les dernières conclusions déposées par chacune.
Si un risque de confusion a pu exister, il est d'abord le fait de la SCI dont la déclaration d'appel ne précise pas en quelle qualité [...] est intimée même si elle vise des dispositions la concernant en qualité d'assureur de [...] et en qualité d'assureur de la SCI.
C'est à tort que la SCI affirme en page 26 de ses conclusions, au sujet des conclusions d'[...], qu''Il n'est nullement répondu sur l'action directe qui a été intentée par la concluante ni formé appel incident au sujet des condamnations prononcées à ce titre' car, tandis qu'[...] en qualité d'assureur de la SCI a toujours conclu à la confirmation du jugement entrepris en ses dispositions la concernant, [...] en qualité d'assureur de [...] a toujours contesté devoir garantie au titre des conséquences dommageables du sinistre et demandé au dispositif de ses conclusions, que ce soit comme appelante principale ou comme intimée sur l'appel principal de la SCI, l'infirmation du jugement entrepris en ses dispositions 'relatives à la société [...] France IARD, es qualité d'assureur de la société [...]', formant ainsi appel incident dans le dossier 20/00499 bien qu'elle n'ait ajouté à ce dispositif la précision selon laquelle l'infirmation est sollicitée 'du chef des condamnations mises à sa charge en application du contra d'assurance de la société [...] ([...])' qu'à partir de ses conclusions notifiées le 28 décembre 2022.
À cet égard, il doit être rappelé que la règle tirée des articles 542 et 954 du code de procédure civile, selon laquelle lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, a été posée par la Cour de cassation pour la première fois dans un arrêt publié rendu le 17 septembre 2020 (2ème chambre civile, pourvoi n°18-23.626) et ne s'applique qu'aux instances introduites par une déclaration d'appel postérieure à cet arrêt ainsi qu'aux appels incidents formés dans de telles instances, alors que les déclarations d'appel de la SCI et d'[...] en qualité d'assureur de [...] datent, respectivement, du 17 mars 2020 et du 6 avril 2020.
La [...], l'[...] et leur assureur Generali ont également conclu après la jonction et le report de l'ordonnance de clôture par un seul et même jeu d'écritures concernant les deux instances 20/00499 et 20/00574, enregistré dans le dossier ouvert sous le premier numéro, et non deux comme l'affirme la SCI.
Quand bien même auraient-elles pris deux jeux d'écritures distincts, un dans chaque instance jointe, ce qu'elles ont le droit de faire dès lors que la jonction ne crée pas une procédure unique, cela n'empêcherait nullement de déterminer sur quelles conclusions la cour d'appel doit statuer en application de l'article 954 alinéa 4 du code de procédure civile puisqu'elle devrait alors statuer sur chacune.
Par ailleurs, comme l'observent exactement Generali, la [...] et l'[...], leurs conclusions d'intimées contenant appel incident des 10 décembre 2020 et 8 mars 2021 n'ont été déclarées irrecevables par le conseiller de la mise en état en application des articles 910 et 911 du code de procédure civile que dans le dossier 20/00499 ouvert sur l'appel de la SCI, et non dans le dossier 20/00574 ouvert sur l'appel d'[...] en qualité d'assureur de [...].
Dans le cadre du dossier 20/00574, elles ont conclu pour la première fois en formant appel incident le 24 septembre 2020, soit moins de trois mois après avoir reçu notification des conclusions de l'appelante le 29 juin 2020 et de celles de la SCI le 21 septembre 2020 et avant de recevoir notification de celles de [...] [V], puis ont fait signifier leurs conclusions par huissier au liquidateur judiciaire de [...], co-intimé non constitué, le 30 septembre 2020 et fait assigner en appel provoqué [...] en qualité d'assureur de la SCI le même jour, sans qu'aucune irrecevabilité tirée des articles 909, 910 et 911 du même code ne leur ait été opposée au stade de la mise en état.
Il se déduit du principe selon lequel la jonction ne crée pas une procédure unique que l'autorité de chose jugée attachée aux ordonnances du conseiller de la mise en état des 23 juin et 24 novembre 2021 ayant déclaré irrecevables leurs conclusions dans le dossier 20/00499, notamment à l'égard de la SCI et d'[...] en qualité d'assureur de la SCI, est sans incidence sur la recevabilité de leurs conclusions dans le dossier 20/00574 contrairement à ce que soutient expressément [...] en qualité d'assureur de la SCI et à ce que semble considérer la SCI sans développer de moyen identifiable au soutien de sa prétention tendant, vu l'irrecevabilité des conclusions de Generali, la [...] et l'[...], à confirmer le jugement en ce qu'il a débouté celles-ci de leurs demandes à son encontre.
Cependant, il apparaît que l'assignation en appel provoqué que Generali, la [...] et l'[...] ont fait délivrer à [...] en qualité d'assureur de la SCI qui, à la différence du liquidateur judiciaire de [...], n'avait pas été précédemment intimée dans le dossier 20/00574 l'a été au-delà du délai de trois mois imparti par l'article 909 du code de procédure civile, lequel est arrivé à expiration le 29 septembre 2020 sans être prorogé d'un mois dans les conditions prévues par l'article 911 du même code qui ne concerne que la signification des conclusions aux personnes déjà attraites dans la procédure d'appel.
Les parties ayant été invitées en cours de délibéré à présenter leurs observations sur l'irrecevabilité de cet appel provoqué, soulevée d'office par la cour d'appel, ont fait usage de cette faculté, d'une part, les conseils respectifs de la SCI et de [...] [V] qui ont indiqué s'en rapporter, d'autre part, celui de Generali, la [...] et l'[...] qui a indiqué que sa seule explication à ce qui semble être une erreur de 24 heures réside dans les multiples échanges de conclusions et que ses conclusions d'intimés sollicitant principalement la confirmation du jugement et subsidiairement la condamnation notamment de la SCI et de son assureur ont été régularisées dans les temps procéduraux.
Il y a donc lieu de déclarer d'office irrecevable l'appel provoqué formé par Generali, la [...] et l'[...] à l'égard d'[...] en qualité d'assureur de la SCI le lendemain de l'expiration du délai de l'article 909 en dehors de tout cas de force majeure.
Sur les causes du sinistre et les responsabilités encourues
Motifs du jugement
Le tribunal a considéré :
- pour retenir la responsabilité de [...] sur le fondement de l'article 1242 alinéa 1er du code civil au titre des dommages causés tant à la SCI qu'aux sociétés [...] et [...], que le gérant de [...] qui a entrepris le déplacement de la grue, au mépris des règles de prudence et de sécurité élémentaires en décidant de la tracter au moyen du bras d'une pelleteuse louée, avait l'usage, la direction et le contrôle de la grue et que le sinistre n'entre pas dans le champ d'application de la loi du 5 juillet 1985 dès lors que la grue était, au moment de l'accident, dépourvue de moteur et installée sur rail et que la pelleteuse qui la tractait avec son bras articulé et les élingues était utilisée dans sa fonction outil et non dans sa fonction déplacement
- pour débouter la SCI de sa demande à l'encontre de [...] [V] en qualité de locataire de ses locaux (responsabilité contractuelle), qu'aucun manquement contractuel ne peut être reproché à [...] [V] qui a produit le contrat de bail lui faisant obligation en tant que locataire de s'assurer contre les incendies, explosions, dégâts des eaux, calamités naturelles, ainsi que les conditions particulières et générales «multirisques locaux professionnels» desquels il ressort que sont garantis les dommages provenant de la chute d'appareils aériens, des chocs liés à un véhicule terrestre à moteur et que la garantie de son assureur la SMABTP ne pouvait être mobilisée dans ce contexte
- pour débouter la SCI de sa demande à l'encontre de [...] [V] en qualité de loueur du tractopelle (responsabilité délictuelle), que le sinistre ne relève pas de la loi du 5 juillet 1985, le tractopelle ayant été utilisé dans sa seule fonction tractage et non déplacement, et que [...] [V] ne peut engager sa responsabilité pour faute du fait de la faute d'imprudence d'un tiers tel que [...], propriétaire de la grue, qui engage sa propre responsabilité sur le fondement de l'article 1242 alinéa 2 (sic) du code civil
- pour débouter Generali, la [...] et l'[...] de leurs demandes à l'encontre de [...] [V], que [...] [V], locataire de la SCI et liée à l'[...] (sic) par un contrat de stockage et de manutention qui est un contrat de dépôt prévoyant une obligation de moyen à l'égard du dépositaire dans la garde de la chose déposée, a en tant que locataire immédiatement écrit au propriétaire le jour des faits pour la mise en protection du bâtiment, des céréales par un bâchage provisoire et ne peut ainsi se voir reprocher une faute au titre du contrat dès lors que la responsabilité en incombait à [...] (sic), qu'il ne peut pas davantage lui être reproché de n'avoir pas assuré la grue dont elle n'était ni propriétaire ni locataire, ni le tractopelle dont l'implication dans l'accident qui ne relève pas de la loi du 5 juillet 1985 n'est pas démontrée, que, subrogée de son assurée, Generali ne dispose pas de plus de droits que celle-ci qui aux termes du contrat avait la charge de l'assurance des marchandises et renoncé à tout recours contre le prestataire, que l'argument relatif à l'action directe contre la SMABTP est sans objet car cette assurance n'est pas attraite à la cause et que la responsabilité tant contractuelle que délictuelle de [...] [V] ne saurait donc être retenue
- pour débouter Generali, la [...] et l'[...] de leurs demandes à l'encontre de la SCI et de son assureur, qu'il n'est pas démontré une faute de la SCI dans l'aggravation du sinistre car une réunion d'expertise s'est tenue très vite, une partie de la récolte a été transférée pour être protégée et des travaux ont été commandés en urgence auprès de [...] [V] et que l'origine du sinistre est due à la responsabilité pour faute (sic) de [...].
Moyens des parties
La SCI expose que la grue, inerte au moment des faits car les moteurs lui permettant de se déplacer sur les rails étaient démontés, est tombée lors de sa manipulation par sa propriétaire [...] au moyen du bras articulé de la pelleteuse que celle-ci avait louée auprès de [...] [V] en vue de son évacuation du site et qui elle-même ne se déplaçait pas.
Elle fait valoir que :
- [...] [V] engage sa responsabilité contractuelle en qualité de preneur à bail, d'une part, pour avoir manqué à son obligation de restituer les locaux, lorsqu'elle a quitté les lieux, dans le même état qu'ils lui ont été donnés à bail, sauf cas de force majeure non caractérisé en l'espèce, et de prendre en charge toutes les mesures conservatoires au besoin pour le compte de qui il appartiendra, d'autre part, pour s'être abstenue, alors qu'elle est assurée en qualité de gardienne de l'immeuble pour son compte et celui du propriétaire auprès de la SMABTP selon l'attestation d'assurance versée aux débats, soit de mettre en oeuvre son assurance, soit de contester un refus de garantie de son assureur dont tout laisse penser qu'il est à la manoeuvre, caché derrière elle
- [...] [V] engage sa responsabilité délictuelle en qualité de loueur du tractopelle pour avoir manqué à son obligation d'information et de conseil, doublée d'une obligation de se renseigner, à l'égard de sa co-contractante [...] sur l'absence d'assurance souscrite pour cet engin de chantier loué sans chauffeur, ce qui n'est pas une activité commerciale courante de [...] [V], et sur les dangers liés à l'utilisation de la pelleteuse pour tracter une grue sur rail alors qu'elle n'ignorait ni la qualité de propriétaire de la grue de [...] ni l'usage que le gérant de celle-ci comptait faire de la pelleteuse et que le déplacement de la grue, prévu au contrat de sous-location, a été effectué dans son intérêt
- l'assureur qui garantit notamment la responsabilité délictuelle de [...] recherchée sur le fondement de l'article 1384 ancien du code civil mélange les genres au sujet de leurs gérants respectifs qui étaient lors des faits M. [I] (sic) pour [...] et M. [B] pour elle et inverse la charge de la preuve en remettant en cause les éléments factuels contenus dans le procès-verbal signé par les divers experts d'assurance sur les circonstances du sinistre telles qu'elles résultent des déclarations du gérant de [...] alors qu'il lui appartient de prouver le contraire
- les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 sont inapplicables à l'accident dont la cause ne résulte pas du mouvement d'un véhicule terrestre à moteur car il n'a pas été occasionné par le déplacement de la grue qui, inerte, est tombée parce que reliée au bras de la pelleteuse qui l'a fait se mouvoir
- elle ne saurait engager sa propre responsabilité sur le fondement de l'article 1719 du code civil dans la mesure où ce texte n'oblige pas le bailleur à faire des travaux conservatoires, lesquels ne sont pas des travaux d'entretien destinés à durer dans le temps, où, si retard il y a, il est le fait de [...] [V] qui a effectué ces travaux et où l'assureur de l'[...] qui n'a pas engagé de travaux conservatoires permettant de protéger ses grains bien qu'elle soit également gardienne de l'immeuble en sa qualité de sous-locataire ne peut rien réclamer en application de l'adage «Nemo auditur».
[...] en qualité d'assureur de [...] expose, à l'instar d'[...] en qualité d'assureur de la SCI, que la grue installée sur la propriété de la SCI à proximité du bâtiment a chuté alors que le gérant de [...] aurait entrepris de la tracter en vue de son démontage, son dispositif de translation sur rails étant en panne, au moyen d'une élingue reliée à une pelleteuse louée auprès de [...] [V] et que cette élingue trop sollicitée s'est sectionnée.
Elle fait valoir que :
- les circonstances du sinistre ne sont pas clairement établies, étant rappelé que M. [B], gérant de la SCI, est également associé de [...] qu'il a créée avec M. [E] le 17 juin 2014 et dont il est devenu le gérant en décembre 2015 ; en effet, il reste à démontrer que [...] a, comme elle le déclarait, racheté la grue aux enchères dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Ets [B], précédent locataire du bâtiment sinistré, et déplacé la grue, ce que [...] [V] s'était engagée à faire selon le contrat de sous-location, engagement pour le moins étonnant sauf à considérer que la grue faisait partie de la location qui lui a été consentie, en vertu d'un bail non produit, et appartenait ainsi à la SCI, alors que le tribunal a pris pour acquis que le gérant de [...] a déplacé la grue dans le cadre de l'activité de [...] sur la base des seules déclarations de celle-ci et de la SCI, contredites par [...] [V] qui, au lendemain du sinistre, écrivait le 6 février 2015 à la SCI 'Vous avez démonté votre grue', sans qu'ait été produit l'acte d'acquisition de la grue que le gérant commun de la SCI et de [...] est pourtant à même de verser aux débats
- sous cette réserve, l'accident est survenu lors du déplacement de la grue à l'aide d'un véhicule terrestre à moteur, à savoir une pelleteuse louée sans chauffeur par [...], les deux engins de chantier étant alors en mouvement, et met donc en cause un véhicule placé sous la garde de son assurée et soumis, contrairement à ce qu'a considéré le tribunal, aux dispositions de la loi du 5 juillet 1985 puisque ce n'est pas la fonction outil de la pelleteuse qui est en cause mais sa fonction déplacement, le conducteur de la pelleteuse ayant, pour tracter la grue, c'est-à-dire la tirer, arrimé les engins l'un à l'autre au moyen d'une élingue attachée d'un côté à la base de la grue et de l'autre au bras de la pelleteuse puis mis en tension l'élingue en effectuant une marche arrière sans procéder à une opération de levage avec le bras de la pelleteuse.
[...] [V] expose que la grue installée sur des rails et entreposée à proximité du bâtiment industriel est tombée alors que [...] aurait entrepris de la déplacer à l'aide d'un câble relié à une pelleteuse louée auprès d'elle.
Elle fait valoir que :
- en qualité de locataire du local, ayant à répondre, selon l'article 1732 du code civil, des dégradations ou pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins de prouver qu'elles ont eu lieu sans sa faute, et non que les dommages relèvent d'un cas de force majeure, elle ne saurait engager sa responsabilité car la chute de la grue est exclusivement imputable à [...] dont le gérant est le même que celui de la SCI et elle n'a pas commis de faute en louant un tractopelle dès lors qu'elle n'avait pas été informée de l'usage attendu, qu'il n'est pas démontré que ce tractopelle ait un quelconque lien avec la chute de la grue survenue en la seule présence de [...], sans témoin, qu'il appartenait uniquement à celle-ci de prendre des précautions et que le sinistre était irrésistible pour elle qui n'a pas participé à la manipulation de la grue ; en tout état de cause, la SCI avec laquelle elle était liée par un contrat de bail ne peut lui opposer une prétendue qualité de gardien qui suppose de rechercher sa responsabilité sur le plan délictuel et de justifier d'un manquement de sa part, inexistant en l'espèce ; en outre, elle n'a pas manqué à ses obligations en matière d'assurance car la garantie souscrite auprès de la SMABTP est conforme au bail qui l'obligeait à garantir l'immeuble uniquement contre les risques d'incendie, d'explosion, de dégâts des eaux ou de calamités naturelles et il ne peut pas lui être reproché de ne pas avoir assigné son assureur dès lors que les garanties couvrant les dommages provenant de la chute d'appareils aériens et les chocs liés à un véhicule terrestre ne sont pas mobilisables pour la chute d'une grue ayant vocation à se déplacer sur rails, d'autant qu'il appartenait à la SCI d'exercer l'action directe prévue par l'article L. 124-3 du code des assurances si elle estimait une garantie mobilisable
- en qualité de propriétaire du tractopelle, elle n'engage pas non plus sa responsabilité dans la mesure où la SCI qui admet justement que le sinistre n'est pas constitutif d'un accident de la circulation ne peut lui reprocher un défaut d'assurance, où, n'étant pas informée de l'usage qui serait fait de son engin loué sans accessoires (câbles ou autres), il ne lui incombait pas d'informer [...] sur la nécessité de s'assurer, où les circonstances du sinistre ne sont pas établies, de sorte qu'il n'est pas démontré que la grue est tombée du fait d'un défaut de manoeuvre du tractopelle lui-même ou de son bras, aucune présomption d'implication n'existant en l'absence de contact, où il n'appartenait qu'à [...], et non à elle, d'assurer l'engin de chantier pour le faire circuler conformément à l'article L. 211-1 du code des assurances, outre que la souscription d'une telle assurance est indifférente car le bâtiment de la SCI n'a pas été dégradé par le tractopelle mais par la grue qui ne peut être considérée comme une remorque au sens de ce texte et de la loi Badinter du 5 juillet 1985, de sorte que sont seules applicables les dispositions du code civil concernant la garde des choses, qui désignent [...] comme gardien de la grue, où, à supposer que la grue constitue une remorque, seule sa propriétaire [...] avait vocation à l'assurer, et non elle s'agissant d'un bien ne faisant pas l'objet de la location, et où la grue n'a pas été déplacée dans son intérêt, le déplacement prévu au contrat de sous-location ne s'étant pas avéré nécessaire ni par elle mais par un tiers ayant commis des fautes dont elle n'a pas à répondre ; la SCI ne justifie donc d'aucun manquement contractuel qu'elle pourrait invoquer, en tant que tiers au contrat de location sans chauffeur, à son encontre sur le fondement de la responsabilité contractuelle
- la [...], l'[...] et Generali qui, subrogée dans les droits de son assurée, dispose des mêmes droits que celle-ci ne peuvent rechercher sa responsabilité dès lors qu'aux termes du contrat de stockage, l'[...] a renoncé à tout recours contre elle au titre des marchandises stockées, qu'il appartenait donc à Generali d'engager un recours contre l'assureur de la concluante sans pouvoir lui faire de reproche à cet égard, qu'en toute hypothèse, elle n'est ni locataire ni gardienne de la grue rachetée par [...] à une société [B] qui occupait le bâtiment litigieux avant de tomber en liquidation, que, le sinistre n'étant pas constitutif d'un accident de la circulation, elle ne peut se voir reprocher de ne pas avoir assuré le tractopelle, assurance qui aurait d'ailleurs été inutile en l'absence de rôle causal de cet engin, qu'aucune aggravation des dommages en l'absence de mesure conservatoire n'est démontrée et qu'au regard de l'obligation de moyens dans la garde de la chose déposée, qui pèse sur elle en qualité de dépositaire, elle n'a commis aucune négligence en écrivant le jour même du sinistre au gérant de la SCI pour qu'il fasse réaliser des travaux conservatoires afin de protéger les céréales stockées
- [...] ne saurait remettre en question la propriété de la grue acquise par [...] selon ce qu'a déclaré son gérant lors de la réunion d'expertise amiable contradictoire et, au surplus, il importe peu de savoir si la grue appartenait effectivement à [...] puisque celle-ci en avait la garde lors du dommage.
Generali, la [...] et l'[...] exposent que la grue qui ne pouvait être manipulée que sur deux rails parallèles d'environ 25 mètres linéaires placés à une dizaine de mètres du bâtiment industriel et dont les moteurs assurant sa mise en mouvement étaient démontés le jour du sinistre s'est trouvée déséquilibrée et a chuté lorsque le gérant de [...] souhaitant la récupérer a entrepris de la déplacer par traction à l'aide d'une pelleteuse louée à cette fin auprès de [...] [V].
Elles font valoir que :
- [...] engage sa responsabilité en application de l'article 1242 alinéa 1 anciennement 1384 alinéa 1 du code civil en vertu de sa qualité de gardien tant de la grue lui appartenant, laquelle ne constitue pas un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985 car elle n'était pas dans sa fonction roulement et ne pouvait d'ailleurs se déplacer que sur un rail dédié non situé au sol (sic), la rendant assimilable aux chemins de fer et tramways circulant sur des voies propres, que de la pelleteuse, laquelle n'était pas utilisée dans sa fonction déplacement, mais dans sa fonction outil même si l'ensemble était en mouvement, de sorte qu'il ne s'agit pas d'un accident de la circulation au sens de la loi susvisée
- [...] [V] engage sa responsabilité pour avoir, d'une part, contribué à aggraver les préjudices en ne mettant pas en oeuvre les mesures conservatoires requises pour prévenir l'exposition des céréales stockées aux intempéries alors que l'article 1728 du code civil impose au locataire d'user de la chose sans préjudicier au bailleur ni aux tiers envers lesquels il peut engager sa responsabilité délictuelle au visa de l'article 1240 anciennement 1382 du même code et que les articles 1927 et 1933 obligent le dépositaire à prouver qu'il est étranger à la perte ou détérioration de la chose déposée, d'autre part, failli à son obligation légale d'assurer la grue et la pelleteuse, obligation dont elle est tenue en application de l'article L. 211-1 du code des assurances en qualité de locataire de la grue installée dans les locaux pris à bail et de propriétaire de la pelleteuse, sans pouvoir leur opposer la clause de renonciation à recours figurant dans le contrat de stockage et de manutention, qui n'emporte pas renonciation à recourir contre son assureur
- la SCI engage sa responsabilité délictuelle en sa qualité de propriétaire des locaux sinistrés sur le fondement de l'article 1240 anciennement 1382 du code civil faute d'avoir entrepris les mesures conservatoires relevant de ses obligations de bailleur selon l'article 1719 du même code, qui auraient permis de limiter les conséquences dommageables et d'éviter qu'une partie des céréales soit altérée du fait des intempéries auxquelles elles ont été exposées en l'absence de bâchage de la toiture.
Réponse de la cour
Les circonstances du sinistre sont décrites comme suit :
- au «rapport d'expertise défense - recours» établi le 11 février 2015 par M. [H] du cabinet Texa mandaté par Generali en qualité d'assureur de l'[...], ce à l'issue d'une réunion d'expertise contradictoire tenue le même jour en présence de M. [B], gérant de la SCI, de M. [V], gérant de [...] [V], et d'un salarié de cette entreprise, de M. [E], gérant de [...], de M. [S], expert du cabinet Equad mandaté par [...] en qualité d'assureur de la SCI et d'assureur de [...], de M. [I], agent général [...], des responsables «maintenance» et «production» de la [...], de son assureur conseil et de M. [H]
'Le contexte :
La SCI « [...] », dont le gérant est Monsieur [B] [G], est propriétaire du bâtiment industriel de 2 800 m² sis [Adresse 10] à [Localité 6] (sic).
Ce bâtiment était mis à disposition de la SARL « ETS [B] », entreprise de maçonnerie générale qui fabriquait des éléments de béton pour la construction jusqu'au 15 Janvier 2014, date de la liquidation judiciaire de la société.
Pour exercer son activité, la SARL « ETS [V] » (sic) avait fait installer une grue industrielle avec déplacement sur rail à proximité du bâtiment précité.
Suite à cette liquidation judiciaire, le bâtiment industriel a été repris en location par la SARL « [...] [V] » dans le cadre d'un bail (document non communiqué).
La grue industrielle a été rachetée par la SARL « [...] » dans le cadre d'une vente par adjudication. Cet engin n'est plus utilisé, mais est resté stocké sur ses rails en attente de démontage ou de réutilisation éventuelle.
Le terrain de stockage de la grue est mis gracieusement à la disposition de la SARL « [...] » par la SCI « [...]».
Historique des faits :
Le 06 Février 2015 :
Monsieur [E] [K], gérant de la SARL « [...] » entreprend de déplacer la grue industrielle par traction à l'aide d'une pelleteuse louée dans l'objectif de la préparation au démontage de l'engin.
Pour une raison indéterminée, lors de la traction, la grue s'est retrouvée déséquilibrée, puis a vacillé, et le corps de la machine ainsi que les contre poids sont tombés sur le bâtiment industriel, provoquant l'effondrement partiel de celui-ci.
(...)
4.1 Constatations :
(...)
La grue industrielle, âgée selon les déclarations de M. [B] d'environ 40 ans, est installée sur deux rails parallèles placés à une dizaine de mètres du pignon du bâtiment indistriel.
Cette grue est montée sur roue, et était actionnée lorsqu'elle était en service par des moteurs, dont un qui permettait le déplacement sur les rails.
Ces moteurs sont démontés.
Nous constatons que l'ensemble du corps de la grue s'est couché sur le pignon du bâtiment et que le système de contre poids est tombé sur le toit, détruisant partiellement celui-ci.
(...)
Nous constatons que le mur de parpaing du pignon est fissuré, que deux pannes métalliques d'une portée de 25 ml sont tombées sur le stock de maïs en raison de la charge générée par les contre poids de la grue en tombant sur le bâtiment.
Lors de nos opérations d'expertise, nous constatons que les tôles et plusieurs éléments métalliques de la charpente menacent de tomber, rendant impossible toute extraction des céréales situées en dessous du toit endommagé.
D'autre part, divers éléments métalliques sont mélangés au stock de maïs situé sous la toiture endommagée, et nous craignons que de l'huile hydraulique se soit déversée sur les céréales.'
- au «procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages» signé à une date non précisée, suite à une réunion d'expertise contradictoire tenue sur site le 30 juin 2015 en présence des gérants respectifs de la SCI, de [...] [V] et de [...], par M. [S] du cabinet Equad, par M. [P], expert du cabinet Ciblexperts mandaté par la SMABTP en qualité d'assureur de [...] [V], et par M. [N] dont la qualité n'est pas mentionnée
'La SCI « [...] », est propriétaire du bâtiment industriel de 2 800 m² sis [Adresse 12] - [Localité 6] (sic).
Suite à la liquidation de l'entreprise [B], exploitante du bâtiment précité, ce dernier a été loué par bail à la SARL [...] [V].
Dans le même temps, la SARL [...] a acquis la grue industrielle installée sur rail et entreposée à proximité du bâtiment industriel.
Selon son témoignage, seule sur site, la SARL [...] a entrepris de déplacer la grue industrielle le 06 Février 2015 en vue de son démontage, à l'aide d'une pelleteuse louée auprès de la SARL [...] [V].
Selon [...], lors (suite raturée illisible) de cette (mots ajoutés à la main) manoeuvre (suite raturée illisible) au moyen de (mots ajoutés à la main) la pelleteuse sur chenilles à l'aide d'un filin attaché à la grue industrielle, cette dernière s'est trouvée déséquilibrée, et est tombée sur le bâtiment industriel, qui s'est partiellement effondré sous l'effet du choc et du poids de la grue.
Au moment des faits, la SCA « [...] » avait stocké environ 3 000 tonnes de maïs dans le bâtiment industriel précité, dans le cadre d'un contrat de stockage et de manutention validé entre la SARL « [...] [V]», locataire du bâtiment, et la SCA « [...] », propriétaire du maïs grain.
En raison du sinistre, le bâtiment s'étant partiellement effondré sur le stock de maïs, une partie de celui-ci a été endommagé par des corps étrangers issus de l'effondrement du bâtiment, et par les intempéries consécutives à l'absence de toit au dessus de la céréale.
D'autre part, 1 922 tonnes de maïs ont été transférées vers les silos de la coopérative.'
- au «procès-verbal de constatations relatives aux causes circonstances et l'évaluation des dommages» signé le 28 septembre 2015 après la réunion d'expertise contradictoire susvisée du 30 juin 2015, par M. [H] du cabinet Texa, par M. [S] du cabinet Equad et par M. [P] du cabinet Ciblexperts
'La SCI « [...] », est propriétaire du bâtiment industriel de 2 800 m² sis [Adresse 10] à [Localité 6] (sic).
Suite à la liquidation de l'entreprise « [B] », exploitante du bâtiment précité, ce dernier a été loué par bail à la SARL « [...] [V] ».
Dans le même temps, la SARL « [...] » a acquis la grue industrielle installée sur rail et entreposée à proximité du bâtiment industriel.
Selon son témoignage, seule sur site, la SARL « [...] » a entrepris de déplacer la grue industrielle le 06 Février 2015 en vue de son démontage, à l'aide d'une pelleteuse louée auprès de la SARL « [...] [V] ».
Selon [...], lors d'une manoeuvre de traction par la pelleteuse à l'aide d'un filin attaché à la grue industrielle, cette dernière s'est trouvée déséquilibrée, et est tombée sur le bâtiment industriel, qui s'est partiellement effondré sous l'effet du choc et du poids de la grue.
La chute de la grue industrielle a ainsi provoqué :
- l'effondrement d'un poteau béton extérieur en file 13, supporte du pont roulant
- l'effondrement d'une partie du pignon ouest
- l'effondrement des deux premières travées de couverture (files 10-12)
- des dommages à l'ossature support de la troisième travée file '9-10)
- des dommages aux têtes de poteaux béton des portiques des diles 11 et 12.'
- au «rapport n°2» établi le 21 juillet 2016 par M. [P] du cabinet Ciblexperts suite à une nouvelle réunion d'expertise contradictoire organisée le 7 juillet 2016 par le cabinet Equad pour chiffrer les dommages affectant le bâtiment en présence de M. [N] du cabinet Equad pour [...] en qualité d'assureur de la SCI et de M. [S] du même cabinet pour [...] en qualité d'assureur de [...]
'Historiquement, la Société [B] exploitait une usine, sur un site appartenant à la SCI [...], sis [Adresse 12] à [Localité 6].
Pour information, Monsieur [B] était associé gérant de la Société [B] et est associé gérant avec sa femme de la SCI [...]. La Société [B] a été liquidée judiciairement le 15 janvier 2014.
Une partie du matériel équipant le site a fait l'objet d'une vente aux enchères, dont une vieille grue sur rails datant de 1971. Cette grue a été acquise par [...] en juin 2014, pour un montant de l'ordre de 2.000 € HT.
Il convient de noter que Messieurs [E] et [B] sont tous 2 actionnaires de [...], Monsieur [E] était par ailleurs gérant de la Société.
Parallèlement à la vente des anciens matériels de la Société [B], la SCI [...] a loué son site à la Société [...] [V], pour un bail d'un an.
Pour sa part, [...] [V] a sous-loué le site à [...], [...], pour l'entreprosage de son maïs.
Début 2015, [...] a souhaité démonter et récupérer la grue qu'elle avait acquise, toujours présente sur le site de la SCI [...].
Dans ce contexte, [...] a sollicité initialement [...] [V] pour son démontage.
Néanmoins et finalement, [...] s'est limité à louer une pelle mécanique à [...] [V], de manière à procéder elle-même au démontage de sa grue.
La facture du 28 février 2015 relative à la location d'une pelle sans chauffeur de [...] [V] à [...] est jointe en annexe I.
[...] [V] a transféré la pelle louée à [...], sur le site de la SCI [...] le 6 février 2015.
Ce même jour, Monsieur [E] a pris possession de la pelle [...] [V] et a souhaité débuter le démontage de la grue sur rails.
Dans cet objectif, Monsieur [E] a fixé des élingues sur le pied de la grue, de manière à la faire avancer sur ses rails et la décaler par rapport au bâtiment existant, au moyen de la pelle.
Monsieur [E] a fixé l'extrémité des élingues au bras de la pelle et a souhaité ainsi tirer la grue sur ses rails.
Lors de cette opération, la grue a été déséquilibrée et elle a chuté sur le bâtiment de la SCI [...], endommageant fortement l'une de ses extrémités.
Le bâtiment était à ce moment utilisé par [...] pour l'entreposage de son maïs.
Les conséquences de la chute de la grue sont à l'origine de la présente affaire.'
Au premier rapport du 11 février 2015 sont intégrées une 'vue aérienne du site avant sinistre' montrant la grue à tour érigée à côté d'un pignon du bâtiment et trois photographies des lieux après sinistre montrant, pour celle prise à l'extérieur du bâtiment, la grue ayant basculé sur ce pignon depuis le tronçon de deux rails ancrés au sol sur lequel elle pouvait uniquement translater parallèlement au pignon, sa base dotée de quatre paires de roues métalliques ayant quitté les rails et les poids qui la lestaient s'étant renversés, et, pour celles prises à l'intérieur, les éléments de la grue et de la charpente/couverture déjà tombés ou menaçant de tomber sur le stock de maïs.
Sont versés aux débats, le contrat de «bail à durée limitée» non daté par lequel la SCI a donné à bail à [...] [V], par dérogation expresse au statut des baux commerciaux, le bâtiment litigieux décrit comme 'un hangar d'une superficie approximative de 1 800 M2 avec terrain (bande de 5 m de large autour du batiment)' à destination exclusive de stockage de marchandises pour une durée ferme de 12 mois à compter du 1er octobre 2014, le contrat de «stockage et manutention» conclu le 26 novembre 2014 entre [...] [V] désignée comme 'le prestataire' et la [...] désignée comme 'le client' pour une durée d'une année non reconductible à compter du 3 octobre 2014, portant sur une prestation de stockage de céréales de quantité variable dans le même 'bâtiment de 28 m x 67 m (environ) et les abords' et une prestation de manutention détaillée dans une annexe non produite et prévoyant, au titre des charges et conditions à la charge du prestataire, que 'A l'extérieur la grue sera poussée et l'accès aménagé pour faciliter la manoeuvre de nos camions', ainsi que la facture de location de 'pelle sans chauffeur, hors fuel 25 T' sur la période du 6 au 9 février 2015 émise le 28 février 2015 par [...] [V] à l'ordre de [...], mais non le contrat de vente de la grue ni la facture y afférente.
La responsabilité de [...]
Elle est recherchée tant par la SCI pour les dommages au bâtiment que par la [...], l'[...] et leur assureur pour les dommages aux céréales stockées.
Il ressort des pièces susvisées que l'accident est survenu au cours d'une manoeuvre de déplacement de la grue sur ses rails effectuée par [...], ainsi que l'a constamment reconnu son gérant, en la tractant à l'aide de la pelleteuse qu'elle avait louée auprès de [...] [V], manoeuvre qui a déséquilibré et fait vaciller la grue, entraînant sa chute sur le bâtiment de la SCI.
Ni l'engagement pris par [...] [V], aux termes du contrat de stockage et de manutention, de (faire) pousser la grue de manière à faciliter la manoeuvre des camions de sa cliente, ni son courrier adressé le 6 février 2015 à la SCI au sujet du sinistre du même jour indiquant 'Vous avez démonté votre grue à proximité du bâtiment que nous vous louons' ne constituent des éléments suffisants pour faire douter de la version des faits admise par leur auteur, alors que la grue, installée sur rails à une dizaine de mètres du pignon du bâtiment comme le confirment les photographies versées aux débats, n'était pas comprise dans l'assiette du bail dérogatoire de [...] [V] circonscrite à 5 mètres autour du bâtiment, que le maintien en place de la grue n'a, de fait, nullement empêché la [...] d'accéder au bâtiment pour y stocker des céréales depuis octobre 2014 et que [...] [V], qui n'a pas été témoin direct des faits, a pu faire confusion sur leur auteur avant de recevoir des explications complémentaires de [...].
[...] avait donc, au moment de l'accident, l'usage, la direction et le contrôle, tant de la pelleteuse qui lui avait été louée sans chauffeur, que de la grue tractée par la pelleteuse, de sorte qu'elle ne peut qu'être considérée comme gardien des deux engins, quand bien même aucun document contractuel n'a jamais été communiqué à l'appui de son affirmation selon laquelle elle était devenue propriétaire de la grue rachetée aux enchères dans le cadre de la liquidation judiciaire du précédent locataire de l'immeuble de la SCI.
En outre, il n'est pas contesté que la pelleteuse constitue un véhicule terreste à moteur au sens des articles 1er de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 et L. 110-1 du code de la route, ni contestable que la grue, circulant à l'endroit de l'accident sur une voie qui lui est propre consistant en un tronçon de deux rails parallèles et, au surplus, dépourvue de moteur de propulsion dès avant l'accident, ce qui n'est pas en soi contesté, ne constitue pas un tel véhicule terrestre à moteur, ni une remorque au sens des mêmes textes, définie comme tout véhicule destiné à être attelé à un autre véhicule.
Reste à déterminer si, comme le soutient [...] en qualité d'assureur de [...], la pelleteuse est impliquée dans un accident de la circulation au sens de la loi susvisée, ce qui n'est pas exclu du seul fait de l'absence de choc entre la pelleteuse et le bâtiment sinistré mais nécessite d'établir que l'accident se rattache à un fait de circulation, c'est-à-dire à la fonction de déplacement de la pelleteuse, et non à d'autres éléments d'équipement étrangers à cette fonction, tels que ceux relevant de sa fonction outil.
Sur ce point, il n'est contesté par aucune des parties, même si cela n'est pas précisé au premier constat contradictoire effectué cinq jours après l'accident, que la grue a été tractée au moyen d'une élingue ou d'un autre type de filin ou câble ni que cette élingue était fixée, comme indiqué par l'expert mandaté par l'assureur de [...] [V] et repris par [...] en qualité d'assureur de [...], d'un côté à la base de la grue et de l'autre au bras de la pelleteuse, ce de manière à la tirer sur ses rails sans la lever.
Toutefois, l'allégation d'[...] en qualité d'assureur de [...] selon laquelle le conducteur de la pelleteuse a mis en tension l'élingue en effectuant une marche arrière ne ressort d'aucun élément versé aux débats alors qu'une telle manoeuvre aurait été simple à décrire et il y a lieu de privilégier l'hypothèse, plus vraisemblable compte tenu de la fixation de l'élingue sur le bras de la pelleteuse, et non sur le véhicule lui-même, que cette mise en tension a été opérée en actionnant le bras de la pelleteuse demeurée pour sa part immobile.
Il s'en déduit que l'accident ne se rattache pas à un fait de circulation, la pelleteuse ayant été utilisée dans sa seule fonction outil.
Le jugement entrepris doit, dès lors, être confirmé en ce qu'il a dit que le sinistre n'entre pas dans le champ de la loi du 5 juillet 1985 et, faisant application de l'article 1242 alinéa 1er, anciennement 1384 alinéa 1er, du code civil relatif à la responsabilité de plein droit du fait des choses que l'on a sous sa garde, a dit que la responsabilité de [...] est établie sur ce fondement.
La responsabilité de [...] [V]
Elle est recherchée par la SCI sur plusieurs fondements.
D'une part, sur le terrain contractuel, il n'est pas contesté que le bâtiment sinistré n'était pas remis en état lorsque [...] [V] a quitté les lieux donnés à bail, même si la SCI ne précise pas à quelle date sa locataire est partie et ne produit aucune pièce à ce sujet.
En l'absence de tout état des lieux, d'entrée comme de sortie, versé aux débats, la SCI ne peut se prévaloir de l'article 1730 du code civil selon lequel, s'il a été fait un état des lieux entre le bailleur et le preneur, celui-ci doit rendre la chose telle qu'il l'a reçue, suivant cet état, excepté ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté ou force majeure.
En outre, les travaux de remise en état du bâtiment, qui intéressent sa structure même (murs et poteaux) et sa charpente/couverture, excèdent manifestement les réparations locatives auxquelles est limitée la présomption instituée par l'article 1731 du code civil qui dispose que, s'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire, de sorte que la SCI ne peut pas davantage se prévaloir de ce texte.
Au surplus, au regard de l'article 1732 du code civil prévoyant que le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute, [...] [V] objecte exactement qu'elle n'a commis aucune faute à l'origine du sinistre, s'étant contentée de louer une pelleteuse sans chauffeur, sans prendre part de quelque manière que ce soit à l'opération dommageable de déplacement de la grue à laquelle elle n'a pas assisté et sans qu'il puisse être déduit du seul fait, relevé par l'expert du cabinet Ciblexperts mandaté par son assureur, que [...] l'avait sollicitée initialement pour procéder au démontage de la grue qu'elle n'ignorait pas l'usage que le gérant de [...] comptait faire de la pelleteuse pour déplacer la grue, d'autant que ce déplacement effectué en préambule du démontage de la grue est sans lien avéré avec l'engagement qu'avait pris [...] [V] vis-à-vis de sa cliente de (faire) pousser la grue pour faciliter la manoeuvre des camions.
Enfin, la clause du bail relative aux charges et conditions en matière d'entretien et de réparations, stipulant que 'Le preneur s'oblige au cours du bail à maintenir en bon état d'entretien, de fonctionnement, sécurité et propreté l'ensemble des locaux loués, et à remplacer s'il y a lieu , ce qui ne pourrait être réparé', ne saurait être entendue comme obligeant le preneur à prendre en charge, après un sinistre causé par un tiers, toutes les mesures conservatoires qui s'imposent, au besoin pour le compte de qui il appartiendra.
Par ailleurs, conformément à la clause du bail relative aux charges et conditions en matière d'assurances pour le compte du bailleur, stipulant que 'Le preneur s'engage à souscrire auprès d'une compagnie notoirement solvable un contrat d'assurance couvrant le Bailleur et le Preneur contre les risques d'incendie, d'explosions, de dégâts des eaux et de calamités naturelles susceptibles d'atteindre les bâtiments loués ainsi que les aménagements, les équipements, les mobiliers, les matériels, les marchandises et en général tous les objets garnissant les lieux loués. Le preneur garantira également les risques de responsabilité civile inhérents à son activité professionnelle et à son occupation des lieux, ainsi que les recours des voisins', [...] [V] a souscrit auprès de la SMABTP un contrat d'assurance «multirisque locaux professionnels» qui, selon l'attestation d'assurance de l'année 2015 relative au bâtiment pris à bail, comportait des garanties de base couvrant notamment les risques incendie, explosions, tempêtes, grêle, poids de la neige sur les toitures, responsabilité civile du fait de la propriété ou de la garde de l'immeuble, catastrophes naturelles, ainsi que la garantie optionnelle dégâts des eaux et garantissait notamment 'les dommages aux locaux dont le sociétaire est occupant à un titre quelconque (locataire, propriétaire,...)' et, en vertu d'une clause particulière rappelant que le sociétaire devait assurer les locaux tant pour son propre compte que pour celui du propriétaire, 'les dommages causés aux bâtiments du propriétaire'.
Néanmoins, aucune des garanties d'assurance que [...] [V] s'est engagée à souscrire en vertu du bail n'étant mobilisable au titre du sinistre, la SCI n'est pas fondée à lui reprocher de n'avoir pas mis en oeuvre d'autres garanties d'assurance ne présentant pas de caractère obligatoire pour le preneur, garanties qu'il lui était d'ailleurs loisible de solliciter elle-même auprès de l'assureur, notamment en qualité de bénéficiaire de l'assurance de choses souscrite pour son compte dans les conditions de l'article L. 112-1 du code des assurances.
Par conséquent, [...] [V] ne saurait engager sa responsabilité contractuelle en qualité de preneur à bail envers la SCI et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SCI de sa demande à cette fin.
D'autre part, sur le terrain délictuel, il est acquis que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
Contrairement à ce que considère [...] [V], le seul fait que le sinistre n'est pas constitutif d'un accident de la circulation ne suffit pas à écarter l'obligation d'assurance des véhicules terrestres à moteur qui, selon l'article R. 211-5 du code des assurances, tel que modifié par le décret n°86-21 du 7 janvier 1986, s'applique à la réparation des dommages corporels ou matériels résultant :
1° des accidents, incendies ou explosions causés par le véhicule, les accessoires et produits servant à son utilisation, les objets et substances qu'il transporte ;
2° de la chute de ces accessoires, objets, substances ou produits.
En effet, la condition relative à la circulation ayant disparu de ce texte lors de l'adoption du décret susvisé, il en résulte que l'assurance automobile obligatoire garantit les dommages causés par les véhicules terrestres à moteur ou leurs accessoires, même lorsque l'accident ne constitue pas un accident de la circulation au sens de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985.
La pelleteuse aurait donc dû être assurée en tant que véhicule terrestre à moteur.
En outre, en déstabilisant la grue par le mouvement qu'elle a provoqué, elle a causé l'accident au sens de l'article susvisé, quand bien même le bâtiment de la SCI n'a pas été directement dégradé par elle, de sorte que la souscription d'une telle assurance n'est pas indifférente.
Or [...] [V], qui ne dément pas l'affirmation de la SCI selon laquelle la pelleteuse n'était pas assurée, alors que le fait d'avoir loué celle-ci sans chauffeur à [...] n'avait pas pour effet de l'exonérer, en qualité de propriétaire de l'engin, de sa propre obligation d'assurance en vertu de l'article L. 211-1 du code des assurances, ne justifie aucunement avoir informé [...] de ce défaut d'assurance que celle-ci ne pouvait normalement suspecter.
La SCI est donc fondée à soutenir que [...] [V] a manqué en qualité de loueur de la pelleteuse à son obligation d'information envers [...] sur ce point.
En revanche, dans la mesure où, comme précisé ci-dessus, il n'est pas établi que [...] [V] connaissait l'usage que le gérant de [...] comptait faire de la pelleteuse pour déplacer la grue, ni que ce déplacement était en lien avec l'engagement qu'elle avait pris vis-à-vis de sa cliente de (faire) pousser la grue pour faciliter la manoeuvre des camions, il ne saurait lui être reproché de n'avoir pas attiré l'attention de [...] sur les dangers liés à une telle utilisation de la pelleteuse.
En définitive, le seul manquement contractuel de [...] [V] envers [...] dont la SCI puisse se prévaloir à l'appui de son action en responsabilité délictuelle pour faute en qualité de tiers au contrat de location liant ces deux sociétés consiste en l'absence d'information sur le défaut d'assurance de la pelleteuse, à condition de démontrer que ce manquement lui a porté préjudice.
Or un tel défaut d'information n'est pas directement à l'origine du sinistre et, compte tenu de l'aléa existant sur l'attitude qu'aurait adoptée [...] si elle avait été dûment informée puisqu'elle aurait pu, soit renoncer à louer la pelleteuse, soit l'assurer elle-même, soit poursuivre son projet de déplacer la grue sans assurer la pelleteuse, le préjudice en résultant pour la SCI ne peut consister qu'en une perte de chance.
Avant dire droit sur la responsabilité qu'est susceptible d'encourir [...] [V] envers la SCI à cet égard, il y a lieu, dans le respect du principe de la contradiction que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même selon l'article 16 du code de procédure civile, d'ordonner la réouverture des débats afin de permettre aux parties de présenter leurs observations sur cette perte de chance qui n'a pas été débattue jusqu'à présent.
La responsabilité de [...] [V] est également recherchée par Generali, la [...] et l'[...] à plusieurs titres.
D'une part, en son article 5 relatif aux assurances, le contrat de stockage et de manutention mettait à la charge du prestataire l'assurance du bâtiment et à la charge du client l'assurance des marchandises et prévoyait que 'Le client déclare renoncer à tout recours contre le prestataire'.
Cette clause de renonciation à recours fait donc obstacle à ce que la [...], co-contractante de [...] [V], recherche la responsabilité contractuelle de celle-ci pour avoir manqué à son obligation de moyens dans la garde de la chose déposée, telle que définie par les articles 1927, 1928 et 1933 du code civil, en ne mettant pas en oeuvre les mesures conservatoires requises pour prévenir, après le sinistre, l'exposition des céréales stockées aux intempéries et limiter ainsi les conséquences dommageables du sinistre.
L'[...] qui est le souscripteur du contrat d'assurance «tous risques sauf» - «dommages aux biens/pertes d'exploitation» souscrit auprès de Generali pour elle-même et pour le compte de ses filiales à plus de 50 % dont la [...] et qui a perçu de cet assureur une indemnité suite au sinistre, de même que Generali qui est subrogée dans les droits de son assurée du fait de ce paiement en application de l'article L. 121-12 du code des assurances, n'ont pas plus de droits que la [...] à cet égard.
Il importe peu que la clause susvisée n'emporte pas renonciation à recours contre l'assureur du prestataire dès lors que cet assureur n'a jamais été mis en cause et n'est partie à aucune des instances d'appel jointes.
La [...], l'[...] et leur assureur ne peuvent pas davantage adresser le même reproche à [...] [V] en se fondant, en qualité de tiers au contrat de bail liant celle-ci à la SCI, sur un manquement contractuel de sa part à l'obligation qui lui incombe en qualité de locataire d'user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination des lieux, telle que prévue par l'article 1728 du code civil, dès lors que, comme précisé ci-dessus, rien n'oblige le preneur, dans ses rapports avec le bailleur, à prendre en charge, après un sinistre causé par un tiers, toutes les mesures conservatoires qui s'imposent.
Leur action en responsabilité contre [...] [V] ne peut donc prospérer à ce titre.
D'autre part, il ne peut qu'être constaté que, si [...] [V] n'avait nullement l'obligation d'assurer la grue dont elle n'a jamais été locataire, celle-ci étant installée en dehors du périmètre de l'assiette du bail, en revanche, elle s'est abstenue, comme indiqué ci-dessus, d'assurer la pelleteuse dont elle est propriétaire et a ainsi failli à l'obligation d'assurance dont elle est tenue en application de l'article L. 211-1 du code des assurances sans pouvoir reporter cette charge sur le seul gardien de l'engin loué sans chauffeur.
Cette faute a privé la [...], l'[...] et leur assureur du bénéfice de cette assurance qui aurait eu vocation à couvrir les dommages causés par la pelleteuse même si le sinistre ne constitue pas un accident de la circulation au sens de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985.
La responsabilité délictuelle de [...] [V] ne peut donc qu'être retenue pour les dommages aux céréales stockées, le jugement entrepris étant infirmé en ce qu'il a débouté la [...], l'[...] et leur assureur de leurs demandes à son encontre.
La responsabilité de la SCI
Elle est recherchée par Generali, la [...] et l'[...], tiers au contrat de bail liant la SCI à [...] [V], sur le terrain délictuel pour n'avoir pas mis en oeuvre les mesures conservatoires relevant de ses obligations de bailleur selon l'article 1719 du code civil afin de prévenir, après le sinistre, l'exposition des céréales stockées aux intempéries et de limiter ainsi les conséquences dommageables du sinistre, sans plus de précisions sur la nature des obligations concernées.
Ce texte oblige le bailleur, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° de délivrer au preneur la chose louée ;
2° d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;
3° d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° d'assurer également la permanence et la qualité des plantations.
En application de ce texte, le bailleur est tenu d'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire les réparations nécessaires au maintien des lieux en état et à leur usage normal qui n'incombent pas au locataire, ce qui vaut également pour les mesures conservatoires que le bail ne mettait pas à la charge de [...] [V] en cas de sinistre causé par un tiers.
Ces obligations cessent, toutefois, en cas de force majeure.
Or, sur la période allant du 6 février 2015, date du sinistre, au 28 septembre 2015 au plus tard, date à laquelle les dommages aux céréales stockées ont été définitivement arrêtés à la perte de 118,12 tonnes de maïs, ainsi qu'aux frais induits par le transfert du maïs vers les silos de l'[...] et par le traitement du maïs contaminé, la chute de la grue sur le bâtiment de la SCI, qui n'est imputable ni à celle-ci quels que soient les liens d'associés existant entre son gérant et celui de [...], ni à son locataire, a constitué un événement imprévisible et irrésistible de nature à l'exonérer de ses obligations de bailleur au moins dans les jours qui ont suivi le sinistre compte tenu du danger que représentaient, même pour la réalisation d'un simple bâchage, les tôles de couverture et éléments de charpente métallique menaçant de tomber.
Parmi les mesures conservatoires validées par les experts, seule la prestation 'forfait grutage de grue et de couverture effondrées' facturée le 28 février 2015 par la société Locamod pour un coût de 5 998 euros HT paraît se rapporter à la sécurisation du site.
Bien qu'il ait été noté au procès-verbal de constatations relatives aux causes, circonstances et à l'évaluation des dommages que du maïs a été endommagé, non seulement par des corps étrangers issus de l'effondrement du bâtiment, mais aussi par les intempéries auxquelles il a été exposé en l'absence de toit, la [...], l'[...] et leur assureur ne fournissent aucune explication ni pièce justificative sur les dates et conditions dans lesquelles le maïs a pu être transféré, après sécurisation du site, vers les silos de l'[...] et traité, ce qui ne permet pas à la cour de vérifier si réellement le retard apporté aux mesures conservatoires a aggravé les conséquences dommageables du sinistre après le temps nécessaire à cette sécurisation, d'autant que ce dernier est survenu en période hivernale.
Dans ces conditions, il ne peut être fait droit à la demande de Generali, la [...] et l'[...] tendant à engager la responsabilité délictuelle de la SCI et le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a rejetée.
Sur les garanties d'assurance
Même si cette précision n'est pas reprise au dispositif de leurs conclusions respectives, la SCI et [...] [V] ne recherchent la condamnation d'[...] à indemniser la première, ou à garantir la seconde si elle est condamnée, des conséquences dommageables du sinistre qu'en qualité d'assureur de [...], sans contester qu'aucune des garanties du contrat d'assurance souscrit par la SCI en qualité de propriétaire non occupant n'est mobilisable à ces fins ainsi que le souligne [...] en qualité d'assureur de la SCI.
Quant à l'appel provoqué de Generali, la [...] et l'[...] à l'égard d'[...] en qualité d'assureur de la SCI, il est irrecevable, tandis que leur appel incident à l'égard d'[...] en qualité d'assureur de [...] est recevable.
Motifs du jugement
Pour condamner [...] en qualité d'assureur de [...] à garantir le sinistre, le tribunal a considéré, d'une part, que [...] a acquis la grue pour son activité professionnelle de fabricant de 'dalles béton préfabriquées (avec ou sans armature)' telle que déclarée à son assureur, ce qui n'a rien d'insolite puisque le déplacement des plaques de béton à l'aide d'engin est une activité courante et classique pour une société de fabrication de plaques de béton, qu'il est encore moins surprenant que [...] veuille prendre en charge cet outil d'exploitation après son acquisition et que la condition de garantie, relative à la réalisation du dommage dans le cadre de l'activité de l'entreprise est donc remplie, d'autre part, que la clause d'exclusion de garantie pour les dommages résultant de l'implication d'un véhicule terrestre à moteur dont l'entreprise a la garde est inapplicable car le sinistre ne constitue pas un accident de la circulation relevant de la loi du 5 juillet 1985.
Moyens des parties
[...] en qualité d'assureur de [...] fait valoir que :
- par suite d'une erreur matérielle, il a été fait mention, aux conditions particulières du contrat d'assurance, des conditions générales n°«RC FAB B version 490009» alors que ce numéro est celui de la fiche d'information sur le fonctionnement de la responsabilité civile dans le temps jointe aux contrats RC et que les conditions générales en vigueur en 2014 portent la référence «RC FAB version B 03-2003»
- la garantie responsabilité civile souscrite par [...], qui a pour objet de couvrir les dommages liés à l'exercice de l'activité professionnelle déclarée par l'assurée à l'article 1.1 des conditions particulières, à savoir celle de fabricant ou de négociant de dalles béton préfabriquées avec ou sans armatures, ce à propos de travaux de bâtiment ou de génie civile dans le cadre de marchés publics ou privés avec des produits et selon des procédés de technique courante conformément aux conditions générales, ne peut s'appliquer à l'accident dès lors que la propriété de la grue n'est pas justifiée, que rien ne permet d'affirmer que la grue aurait été acquise pour les besoins de l'activité professionnelle de [...] qui n'est pas une entreprise de construction, mais de fabrication de matériaux, et que l'accident est survenu lors du déplacement de la grue devenue inutile en vue de son démontage, opération effectuée en dehors de tout marché et de tout chantier et à l'extérieur de l'établissement de [...], dénuée de tout lien avec la fabrication de dalles béton et requérant des compétences spécifiques dont ne disposait pas [...] qui a fait preuve d'un amateurisme consternant et inconscient, le fait qu'elle puisse déplacer des plaques de béton n'impliquant aucunement qu'elle utilise des grues et encore moins qu'elle les déplace et démonte
- en tout état de cause, il résulte des conditions générales que la garantie de base n'a pas vocation à s'appliquer lorsque l'accident met en cause un véhicule dont l'assuré à la garde et que le complément à la garantie de base, non souscrit en l'espèce, n'étend la garantie aux dommages dans la réalisation desquels est impliqué un véhicule terrestre à moteur que lorsque l'assuré n'a ni la propriété ni la garde du véhicule, alors que la grue a été déplacée au moyen d'une pelleteuse dont [...] avait la garde
- subsidiairement, le sinistre consécutif au tractage de la grue par la pelleteuse, véhicule terrestre à moteur sous la garde de [...], est exclu des garanties en application de la clause d'exclusion prévue à l'article 3.11 des conditions générales pour tous les préjudices résultant «d'événements dans lesquels sont impliqués, lorsque l'assuré ou les personnes dont il répond en ont la propriété, la garde, l'usage, ou la conduite, tous véhicules et engins terrestres à moteur, et leurs remorques ou semi-remorques, de la nature de ceux visés à l'article R. 211-4 du code des assurances, qu'ils soient ou non en circulation et alors même qu'ils sont utilisés en qualité d'outils», ce même à supposer que la pelleteuse a été utilisée pour sa fonction d'outil
- ne serait-ce qu'au regard de la notion d'aléa, consubstantielle à toute assurance, la garantie ne saurait être mobilisée au titre du sinistre qui n'est que la conséquence d'une action irresponsable et imprudente de son assurée ayant tracté la grue au mépris des règles de l'art imposant de recourir à un personnel qualifié et des règles les plus élémentaires de sécurité
- elle n'a aucunement manqué à son obligation de conseil et d'information envers son assurée, l'objet du contrat RC fabricant - négociant étant très clairement explicité.
La SCI fait valoir que :
- la condamnation d'[...] en qualité d'assureur de [...] au titre de son action directe est fondée sur les seules conditions particulières initialement produites par [...] car les conditions générales, version du 27 mars 2003, produites par [...] ne lui sont pas opposables en ce qu'elles ne portent pas la référence «Version 490009» mentionnée dans les conditions particulières applicables le 1er juillet 2014 et ne sont donc pas contractuellement applicables
- la garantie de base «responsabilité pour préjudices causés à autrui» ne fait aucune distinction entre la responsabilité contractuelle, la responsabilité délictuelle et la responsabilité issue de la loi de 1985 au sein des conditions particulières qui ne font aucune référence au comportement de l'assuré et ne comportent aucune exclusion de garantie au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, de sorte qu'[...] ne peut dénier sa garantie en raison de la manière dont le gérant de [...] a tracté la grue
- le premier juge a, à bon droit, retenu que [...] agissait dans le cadre de son activité déclarée de fabricant de dalles de béton préfabriquées quand elle a déplacé la grue lui appartenant, outil accessoire et nécessaire à son activité, dans un endroit propice en vue de la démonter puis la remonter ailleurs sur son site de production alors qu'aucune disposition légale ni contractuelle ne l'obligeait à faire le transport par un professionnel.
[...] [V] approuve le premier juge d'avoir considéré que le déplacement de la grue se rattache à l'activité garantie par le contrat d'assurance souscrit par [...] et que le sinistre n'entre pas dans le champ d'application de la clause d'exclusion de l'article 3.11 des conditons générales.
Il en va de même de Generali, la [...] et l'[...] qui ajoutent que le défaut d'aléa invoqué par [...] n'est pas caractérisé faute d'établir que l'assuré a eu conscience, du fait de son attitude, de générer des dommages.
Réponse de la cour
Dans les conditions particulières du contrat «responsabilité civile fabricant - négociant» souscrit par [...] auprès d'[...] à effet du 1er juillet 2014, le souscripteur a déclarer 'agir en qualité de Fabricant pour les produits ou procédés de matériaux de construction béton destinés aux professionnels uniquement et dont les cotations et autres plans sont fournis par le donner d'ordre et non le souscripteur, tel que :
* dalles béton préfabriquées (avec ou sans armatures)'.
La garantie de l'assureur ne concerne que le secteur d'activité professionnelle ainsi déclaré.
S'il peut être admis qu'une grue industrielle montée sur rails puisse être utile au déplacement de dalles béton préfabriquées et constituer comme telle un outil d'exploitation pour le fabricant de tels matériaux, force est de constater que la grue litigieuse n'était pas installée sur le site de production de [...] mais demeurée au lieu d'exploitation du précédent locataire de la SCI, qu'elle n'était plus en état de fonctionnement, les moteurs qui permettaient d'assurer sa translation sur les rails et d'actionner ses mouvements ayant été démontés dès avant l'accident, et que [...], à qui elle ne pouvait être d'aucune utilité à cet endroit ni dans cet état, a seulement entrepris de la déplacer en vue de son démontage.
Une telle action ne constitue pas une modalité d'exécution de l'activité garantie dont elle diffère par son objet, quand bien même [...] aurait eu pour projet de remonter ultérieurement la grue sur son site de production comme le prétend la SCI, ce qui reste à démontrer.
Il ne peut donc qu'être jugé que, contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, [...] en qualité d'assureur de [...] ne doit pas garantie, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres motifs de non-garantie ou d'exclusion de garantie qu'elle invoque, étant relevé qu'il n'est aucunement allégué qu'elle aurait manqué envers son assurée à son obligation d'information et de conseil sur la définition du secteur d'activité professionnelle couvert par la garantie.
Le jugement sera, dès lors, infirmé en ce qu'il a condamné [...] en qualité d'assureur de [...] à payer à la SCI la somme de 165 037,88 euros HT majorée de la TVA, de l'indexation et des intérêts au titre des dommages au bâtiment, à Generali subrogée dans les droits de son assurée la somme de 21 184,42 euros majorée des intérêts au titre des dommages aux céréales stockées et à la [...] et l'[...] la somme de 15 000 euros majorée des intérêts au titre de la franchise sur ces derniers dommages.
Toutes demandes d'indemnisation des conséquences dommageables du sinistre formées à l'encontre d'[...] en qualité d'assureur de [...] seront rejetées, de même que les recours en garantie formées contre elle par [...] [V].
Seront également rejetées les demandes additionnelles que la SCI présente en appel contre [...] en qualité d'assureur de [...], fondées sur l'absence d'exécution spontanée par celle-ci des condamnations dont elle a fait l'objet en première instance et tendant à la fixation d'une astreinte et au remboursement du coût du commandement de payer aux fins de saisie-vente qu'elle lui a fait signifier le 19 mai 2020 et des honoraires de résultat facturés par l'huissier de justice sur le recouvrement de sa créance.
Sur l'évaluation des dommages
au bâtiment
Le premier juge a alloué à la SCI une indemnité de 165 037,88 euros HT au titre du coût des travaux de réparation du bâtiment tel qu'évalué par les experts d'assurance, se décomposant comme suit :
- démolition de maçonnerie : 9 605 euros
- gros oeuvre : 52 000 euros
- foumiture de poteaux préfabriqués : 21 000 euros
- charpente couverture : 66 000 euros
- réparation, remplacement des portes sectionnelles : 6 474 euros
- menuiseries extérieures : 2 180,88 euros
- électricité : 4 424 euros
- maîtrise d'oeuvre : 2 150 euros
- SPS : 1 204 euros,
sans motiver le rejet de sa demande principale de provision et de sursis à statuer dans l'attente des factures définitives de travaux.
La SCI fait valoir que l'indemnisation des dommages se doit d'être intégrale, que les dépenses doivent donc correspondre au centime près à celles lui permettant de remettre le bâtiment en état et que, dans le contexte de l'envolée imprévisible des prix due à la guerre en Ukraine et du dépôt de bilan de [...] empêchant de retenir son devis de travaux validé par les experts pour un montant de 21 000 euros HT, elle a fait réviser ou reprendre les devis dans le respect des travaux arrêtés par les experts et sollicite, sur cette base, une provision de 312 814,88 euros TTC et un sursis à statuer dans l'attente du coût définitif des travaux.
Il est de principe que la réparation du préjudice doit être intégrale, sans perte ni profit pour la victime du dommage.
Ce principe ne justifie, toutefois, pas de surseoir à statuer dans l'attente des factures définitives de travaux dès lors que l'étendue des dommages causés au bâtiment de la SCI par la chute de la grue et la consistance des travaux de nature à y remédier ont été arrêtées contradictoirement par les experts des parties et ne sont aucunement contestées, que seul fait débat leur coût qui doit être actualisé au plus près de la date de la décision de condamnation au paiement de l'indemnité qui permettra à la SCI d'entreprendre les travaux, sans qu'il puisse être reproché à celle-ci de ne pas avoir déjà fait réaliser les travaux grâce à la somme de 177 462,45 euros que lui a reversée, par chèque en date du 4 août 2020, l'huissier de justice qu'elle a chargé de procéder à l'exécution forcée du jugement entrepris assorti de l'exécution provisoire, ce au risque de devoir restituer en cas d'infirmation du jugement comme le rappelle l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution, ni qu'il soit justifié de faire dépendre le montant de l'indemnisation de la date à laquelle elle fera effectivement réaliser les travaux.
Sa demande de sursis à statuer sera donc rejetée, le jugement étant confirmé à cet égard.
La cour d'appel n'est saisie d'aucune demande d'indemnité définitive de sa part, même à titre subsidiaire, mais seulement d'une demande d'indemnité provisionnelle à hauteur de la somme de 312 814,88 euros TTC (260 679,07 euros HT majoré de la TVA au taux de 20 %) qui n'est pas détaillée dans ses conclusions mais qui se décompose comme suit au vu des devis actualisés et du récapitulatif qu'elle produit :
- maçonnerie : 96 378,66 euros HT, soit 115 654,39 euros TTC, correspondant aux prestations de travaux préparatoires, terrassement, fondations, poteaux préfa (pose), dallage, élévation, ouvrages divers, travaux sur poteaux béton conservés et ravalement prévues au devis de la société Justeau Frères en date du 27 avril 2023
- démolition/dépose : 35 000 euros HT, soit 42 000 euros TTC, correspondant à la prestation de nettoyage, démolition avant travaux figurant au même devis parmi les 'prestations complémentaires de reprise en lieu et place de [...]'
- charpente : 97 410 euros HT, soit 116 892 euros TTC, selon devis de la société Etablissements Leblanc en date du 19 janvier 2023 portant sur des prestations de dépose et de reconstruction de la charpente, de la couverture et du bardage
- électricité : 8 612,59 euros HT, soit 10 335,11 euros TTC, selon devis de la société Ineo Atlantique en date du 17 avril 2023
- menuiseries : 5 219,11 euros HT, soit 6 262,93 euros TTC, selon devis de la société M2GB en date du 16 mars 2023
- portes sectionnelles : 18 058,71 euros HT, soit 21 670,46 euros TTC, selon devis de la société Ba2i en date du 28 mars 2023
- éléments préfa + divers : 58 268 euros HT, soit 69 921,60 euros TTC, correspondant aux prestations de fourniture de poteaux préfa, fourniture de linteaux préfabriqués et dépose du bardage créé à la suite du sinistre figurant au devis susvisé de la société Justeau Frères parmi les 'prestations complémentaires de reprise en lieu et place de [...]'.
Comme l'observe [...] en qualité d'assureur de [...], ces devis n'ont fait l'objet d'aucune vérification ni discussion, notamment de leur montant, entre experts.
En ne produisant ni les devis initiaux de février et mars 2015 validés par les experts d'assurance, qui émanaient de [...] [V] en ce qui concerne la démolition de maçonnerie, de [...] en ce qui concerne la fourniture de poteaux préfabriqués, retenue avec la mention '(sans linteaux prévus au lot GO)', et des sociétés que la SCI a sollicitées pour l'actualisation des devis en ce qui concerne les autres prestations, ni aucun document en provenance de ces dernières ou d'un technicien certifiant que les travaux devisés sont les mêmes que ceux retenus en 2015-2016, alors que certaines prestations des devis actualisés n'apparaissent pas dans l'énoncés des postes retenus au procès-verbal de constatations relatives à l'évaluation des dommages comme au rapport n°2 de Ciblexperts, notamment celles de fondations, de linteaux préfabriqués, de ravalement et de bardage, la SCI ne met pas la cour d'appel en mesure de s'assurer de leur correspondance.
Il est donc seulement possible d'actualiser le coût des travaux de réparation en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction qui rend compte de l'évolution des prix (pour mémoire, indice 2 205 au 2ème trimestre 2024 contre 1 632 au 1er trimestre 2015).
La SCI ne forme aucune demande au titre du coût des mesures conservatoires.
En outre, alors qu'il appartient à la victime du dommage qui sollicite, au titre des travaux de réparation, une condamnation incluant la TVA de démontrer que la TVA sur ces travaux a vocation à rester à sa charge pour constituer un coût indemnisable, donc que ses activités ne sont pas soumises à cette taxe (autrement dit qu'il n'est pas assujetti à cette taxe) et qu'il ne peut pas en récupérer le montant, la SCI ne dément pas l'affirmation de [...] [V] selon laquelle elle récupère la TVA au regard de ses revenus locatifs, ce que confirme le contrat de bail conclu entre elles qui indique que 'Les parties entendent soumettre la présente location à la T.V.A.'.
Faute de démontrer qu'elle n'est pas assujettie à la TVA, elle ne peut prétendre qu'à une indemnisation HT, et non TTC contrairement à ce qu'a considéré le premier juge.
Le coût des travaux de réparation du bâtiment de la SCI sera donc fixé, à titre provisionnel et avant application du taux éventuel de perte de chance, à la somme de 165 037,88 euros HT indexée en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction depuis le 1er trimestre 2015 jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir emportant, le cas échéant, condamnation de [...] [V] à payer une provision à ce titre.
Compte tenu de cette indexation, aucune considération ne justifie de déroger à l'article 1231-7 alinéa 2 du code civil selon lequel l'indemnité allouée par le juge d'appel qui infirme le jugement déféré porte intérêts de droit au taux légal à compter de la décision d'appel, de sorte que la demande de la SCI tendant à faire courir les intérêts légaux à compter de l'assignation introductive d'instance du 21 novembre 2017 qu'elle n'a, au demeurant, pas fait délivrer à [...] [V] sera rejetée.
Quant à sa demande de capitalisation des intérêts, elle sera réservée pour être examinée dans le cadre de la réouverture des débats sur la perte de chance.
aux céréales stockées
Si le procès-verbal de constatations relatives à l'évaluation des dommages du 28 septembre 2015 comportait une observation du cabinet Equad, à laquelle s'est associé le cabinet Ciblexperts, sur le prix moyen des 118,12 tonnes de maïs perdues, le montant de 36 184,43 euros HT auquel ont été évalués les dommages aux céréales stockées n'est plus contesté à hauteur d'appel.
Il n'est pas davantage contesté que Generali est subrogée en application de l'article L. 121-12 du code des assurances dans les droits de l'[...] à qui elle a versé suite au sinistre une indemnité définitive de 22 136,59 euros après déduction de la franchise contractuelle de 15 000 euros, selon quittance en date du 12 janvier 2017.
[...] [V] sera donc condamnée à verser à Generali la somme demandée de 21 184,42 euros et à la [...] et l'[...] la somme de 15 000 euros qui correspond au montant de la franchise demeurée à leur charge dans leurs rapports avec leur assureur, c'est-à-dire, comme elles le font exactement remarquer, à une part de leur préjudice non compensée par leur assureur, et non à une charge d'assurance comme le prétend [...] en qualité d'assureur de [...].
Conformément à l'article 1231-7 alinéa 2 du code civil, ces indemnités porteront intérêts de droit au taux légal à compter du présent arrêt d'appel infirmant la décision de première instance.
Sur la demande en paiement de [...] [V]
Motifs du jugement
Pour accueillir la demande en paiement formée par [...] [V] à l'encontre de la SCI au titre des travaux effectués suite au sinistre, le tribunal a considéré, au regard des règles de preuve des articles 1353 alinéa 1er, 1363, 1359, 1367, 1361 et 1362 du code civil, que [...] [V] a émis des devis et factures conformes aux devis, certes non signés par la SCI mais discutés et validés par celle-ci et son gérant M. [B] comme l'atteste le courriel de confirmation du 20 juin 2015 adressé à M. [V] et à l'assureur M. [S] (sic) indiquant que 'les profils et bardages ont été commandés par l'entreprise [V] et seront livrés pour la fin de semaine prochaine. J'ai commandé les platines et le bois nécessaire pour cette opération. Nous aurons donc tout à pied d'oeuvre en fin de semaine prochaine. Nous nous organisons pour fermer le hangar dans le courant de la semaine qui suit...', mail conforté par le courrier officiel adressé par le conseil de la SCI aux conseils des parties adverses indiquant que 'La présente vaut mise en demeure de prise de position sur la prise en charge de ces frais et notamment par la SMABTP et [...] es qualité soit d'assureur de la SCI soit de la société [...]', qu'il ressort de ces échanges que la SCI a accepté les travaux en tentant de les faire prendre en charge par les assureurs, ce qui est inopposable à [...] [V], et que l'argument selon lequel le courriel a été adressé par M. [B] en qualité de gérant de [...] est inopérant puisqu'à l'époque de sa rédaction, M. [B] n'exerçait pas encore cette fonction qu'il prendra à compter du 18 décembre 2015.
Moyens des parties
La SCI conteste devoir payer les travaux effectués par [...] [V] au motif que :
- elle n'avait aucun intérêt à, ni aucune obligation de commander des travaux conservatoires incombant au seul locataire, gardien des locaux et impliqué dans la survenance du dommage
- le premier juge a, de manière partiale, soulevé d'office l'impossibilité de se constituer une preuve et le commencement de preuve sans permettre aux parties de s'expliquer, violant ainsi les articles 6 de la CEDH et 16 du code de procédure civile, alors qu'il n'est nullement précisé en quoi [...] [V] ne pouvait avoir un engagement écrit et que le montant des factures de [...] [V] afférentes aux mesures conservatoires retenues par les experts ne s'élève qu'à 27 000 euros TTC, soit un écart de plus de 4 000 euros d'avec la somme de 31 536 euros obtenue par celle-ci, lequel traduit nécessairement le manque d'un élément essentiel de formation du contrat
- le mail du 20 juin 2015 ne vaut pas commencement de preuve car, du fait de cet écart et de l'absence de tout chiffrage mentionné dans ce mail, il ne rend pas vraisemblable l'accord des volontés au sens des articles 1134 et 1362 anciens du code civil, d'autant que le procès-verbal des experts ne pas fait état de devis ou de discussions à ce sujet, qu'elle n'a rien demandé ni tenté vis-à-vis des assureurs contrairement à ce qu'affirme le tribunal et que M. [B] n'entendait pas que ce soit elle qui contracte en faisant part de 'la validation du devis pour réaliser nous même le bardage ([V] + [...])', le fait qu'il n'était pas gérant de [...] à l'époque important peu
- le mail de son conseil du 7 mars 2017 ne vaut pas non plus commencement de preuve car il a été rédigé pendant le référé commerce visant à obtenir communication des éléments en possession d'[...], à un moment où son conseil ignorait tout de ce qui pouvait s'être passé en expertise assurance, et ne cite aucun devis ni chiffrage
- à supposer qu'un commencement de preuve existe, il n'est conforté par aucun autre élément probant
- il ne résulte pas de l'arrêt de la Cour de cassation du 5 avril 2018 invoqué par [...] [V] qu'il est possible de démontrer l'existence d'un contrat en justifiant que les travaux ont été acceptés par le maître de l'ouvrage
- la demande subsidiaire formée par [...] [V] en appel au titre de l'enrichissement sans cause n'est pas développée ni compatible avec la demande fondée sur un contrat.
[...] [V] conclut à la confirmation du jugement au motif que :
- la preuve d'un contrat de travaux entre un maître d'ouvrage non commerçant et une entreprise peut être rapportée par d'autres moyens que la seule signature d'un devis, ainsi en justifiant que les travaux ont été acceptés par le maître d'ouvrage ; or, avant de réaliser les travaux que lui a commandés la SCI pour sécuriser le bâtiment sinistré, elle a établi des devis auxquels font référence ses factures émises le 20 avril 2016 pour les sommes de 21 552 euros et de 4 536 euros et le 13 juillet 2016 pour celle de 5 448 euros à l'ordre de la SCI et ses travaux ont manifestement été acceptés par celle-ci dont le gérant M. [B] a pu indiquer dans son mail du 20 juin 2015 avoir sollicité son intervention pour la réalisation du bardage, sans s'y présenter comme gérant de [...], ce qu'il n'était pas encore à cette date, et qui, non seulement n'a pas contesté les travaux, mais a au contraire mis en demeure les autres parties de régler directement les factures relatives aux travaux conservatoires par un courrier officiel de son conseil du 7 mars 2017 auquel étaient jointes les trois factures susvisées
- le tribunal, qui a retenu que le courriel du 20 juin 2015 constitue un commencement de preuve par écrit corroboré par d'autres éléments, notamment le courrier officiel du 7 mars 2017, n'a fait que trancher le litige en reprenant son argumentaire pour considérer, à juste titre, que la preuve de l'engagement de la SCI à son égard est suffisamment rapportée au regard des articles 1361 et suivants du code civil
- la SCI ne peut prétendre qu'elle n'avait aucun intérêt à, ni obligation de faire réaliser les travaux de sécurisation de son bâtiment puisqu'elle est tenue à une obligation de délivrance en sa qualité de bailleur
- si les experts n'ont retenu, au titre des mesures conservatoires, que ses prestations de mise en sécurité et retrait de la grue pour un montant de 17 960 euros HT et de démolition de la toiture pour 3 780 euros HT, c'est parce que la mise en oeuvre d'un bardage provisoire n'a pas été réalisée par [...] pour un montant de 10 249,58 euros HT tel que validé par eux, mais par elle-même pour la somme de 3 780 euros HT, la SCI n'ayant jamais produit la facture qui justifierait que [...] est intervenue sur le bardage
- ce n'est pas parce que le juge de la mise en état s'est déclaré incompétent pour trancher sa demande de provision à l'encontre de la SCI que celle-ci est fondée à lui opposer un refus de règlement
- à titre subsidiaire, si la cour estime que la preuve d'un contrat entre elle et la SCI n'est pas suffisamment rapportée, elle entend fonder sa demande sur l'enrichissement sans cause au sens de l'article 1303, anciennement 1371, du code civil.
Réponse de la cour
Les prestations dont [...] [V] réclame paiement à la SCI sont la mise en sécurité et le retrait de la grue pour un montant de 17 960 euros HT, soit 21 552 euros TTC, selon devis n°9216 en date du 10 mars 2016 et facture n°F160402 en date du 20 avril 2016, la fermeture en pignon du bâtiment par fourniture et mise en place d'un bardage pour un montant de 3 780 euros HT, soit 4 536 euros TTC, selon devis n°9316 en date du 10 mars 2016 et facture n°F160103 en date du 20 avril 2016 et la démolition de la toiture et de la charpente sur 529,2 m² suite au sinistre pour un montant de 4 540 euros HT, soit 5 448 euros TTC, selon devis n°9815 en date du 24 février 2015 et facture n°F160701 en date du 13 juillet 2016.
Le gérant de la SCI n'a apposé sa signature sur aucun de ces devis pour manifester son accord.
Même si le contrat d'entreprise est un contrat consensuel n'exigeant aucune forme particulière pour sa validité, le tribunal a exactement considéré que sa preuve doit être rapportée par écrit dès lors qu'il porte sur une prestation d'une valeur supérieure à la somme de 1 500 euros, conformément à l'article 1341 ancien, devenu 1359, du code civil et au décret n°80-533 du 15 juillet 1980 pris pour l'application de ce texte.
Pour trancher la contestation dont il était saisi relative à la preuve de l'obligation contractuelle invoquée par [...] [V], il n'a nullement fait référence à l'article 1360, anciennement 1348 alinéa 1er, du code civil faisant exception à cette règle en cas d'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit et, s'il a fait application des articles 1361 et 1362, anciennement 1347, du même code permettant de suppléer à l'écrit par un commencement de preuve par écrit, défini comme tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte, rend vraisemblable ce qui est allégué, à condition que cet écrit soit complété par d'autres éléments de preuve rapportés par tous moyens, il ne ressort pas du jugement qu'il a soulevé cette règle d'office, comme le prétend la SCI sans fournir, à l'appui de cette allégation contestée, les conclusions échangées par les parties en première instance.
Le jugement entrepris ne saurait donc être annulé sur ce point pour non-respect du principe de la contradiction énoncé à l'article 16 du code de procédure civile qui, en son alinéa 3, interdit au juge de fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations et de l'exigence d'impartialité posée par l'article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En tout état de cause, l'existence d'un commencement de preuve par écrit est débattue en appel.
Or le mail adressé le 20 juin 2015 par M. [B] à M. [U], responsable technique co-signataire du courrier du 9 février 2015 par lequel la [...] avait demandé à la SCI de mettre en oeuvre tous les moyens utiles et nécessaires afin de préserver ses marchandises, et en copie à M. [S], expert du cabinet Equad mandaté par [...], et à M. [V], indiquant 'J'ai mis un peu de temps à vous écrire, mais je souhaitais avoir un minimum de certitudes afin de ne pas vous écrire n'importe quoi. J'ai eu l'expert, M. [S], qui m'a confirmé la validation du devis pour réaliser nous même le bardage ([V] + [...]). Les profils et le bardage ont été commandé hier par l'entreprise [V], et seront livrés pour fin de semaine prochaine. J'ai commandé les platines et le bois nécessaire pour cette opération. Nous aurons donc tout a pied d'oeuvre en fin de semaine prochaine. Nous nous organisons pour fermer le hangar dans le courant de la semaine qui suit' (sic), ne se rapporte qu'à la prestation de bardage provisoire et ne saurait donc rendre vraisemblable l'existence d'un accord contractuel au sujet des deux autres prestations.
Bien qu'il n'y soit pas précisé si M. [B] écrivait pour le compte de la SCI et/ou pour pour le compte de [...] dont il était à l'époque associé non gérant, ce mail rend vraisemblable que la commande des travaux de bardage provisoire à effectuer par [...] [V] et [...] a été approuvée tant par [...] qui avait intérêt à leur réalisation en qualité d'auteur du dommage, que par la SCI qui y avait également intérêt en qualité de bailleur invité à prendre les mesures de nature à préserver les céréales stockées dans le bâtiment sinistré.
Il constitue comme tel un commencement de preuve de l'existence d'un accord contractuel au sujet de cette prestation.
Cependant, aucun autre élément de preuve ne vient le compléter alors que le devis afférent à cette prestation a été émis par [...] [V] à l'ordre, non pas de la SCI à la différence des deux autres, mais de [...] dont la facture n°FC201550176 en date du 9 mai 2016 relative à la fourniture et mise en place d'un bardage provisoire a été intégrée à hauteur de 10 249,58 euros HT à l'évaluation des mesures conservatoires par les experts d'assurance et que la facture y afférente établie par [...] [V] à l'ordre de la SCI ne fait pas partie des 'factures de mise en sécurité' citées dans le mail officiel adressé le 7 mars 2017 par le conseil de la SCI aux conseils respectifs de [...], d'[...] et de [...] [V] et son assureur en ces termes :
'La présente mise en demeure de prise de position sur la prise en charge de ces frais et notamment pour la SMABTP et [...] es qualité (sic) soit d'assureur de la SCI soit de la Sté [...].
Factures : MCMS 5.479,20 €
[...] [V] 21.552 €
Total 27.031,20 €'.
[...] [V] échoue ainsi à rapporter la preuve, qui lui incombe conformément à l'article 1315, devenu 1353, alinéa 1er du code civil, de l'existence d'une obligation contractuelle de la SCI à prendre en charge le coût des prestations litigieuses facturées, quand bien même cette dernière ne conteste pas particulièrement que ces prestations ont été réalisées.
Elle ne peut être admise à pallier cette carence par l'exercice d'une action en paiement fondée subsidiairement sur l'enrichissement sans cause, quasi-contrat au sens de l'article 1371 ancien, devenu 1301 du code civil, dont le régime est désormais codifié aux articles 1303 à 1303-4.
Le jugement sera, dès lors, infirmé en ce qu'il a condamné la SCI à payer à [...] [V] la somme de 31 536 euros au titre de ses travaux et [...] [V] sera déboutée de se demande en paiement.
La résistance de la SCI au paiement des factures litigieuses ne revêtant aucun caractère abusif puisqu'elle était fondée, [...] [V] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre, le jugement étant également infirmé sur ce point.
Sur l'action en responsabilité de la SCI contre son assureur
Le premier juge a débouté la SCI de ses demandes tendant à engager la responsabilité contractuelle de son assureur et à obtenir sa condamnation au paiement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au motif qu'elle ne définit pas précisément les fautes reprochées à [...], allant même jusqu'à demander une indemnisation pour des fautes commises à l'égard d'un tiers, [...], et qu'elle ne justifie pas d'un préjudice, et encore moins d'un lien de causalité.
La SCI réitère ces demandes en appel en reprochant à son assureur, d'une part, d'avoir attendu qu'elle engage une procédure de référé devant le tribunal de commerce pour lui communiquer, avant l'ordonnance rendue le 25 avril 2017, les éléments du dossier en sa possession dont les rapports des experts, ce qui ne correspond pas à l'exécution de bonne foi du contrat au sens des articles 1134 et 1135 anciens du code civil, d'autre part, de ne pas l'avoir informée et conseillée correctement sur les risques couverts et les exclusions de garantie, alors même qu'il était également l'assureur de [...].
Comme l'observe son assureur, elle ne précise toujours pas en quoi consiste son préjudice.
Le jugement ne peut, dès lors, qu'être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes contra [...] en qualité d'assureur de la SCI.
Sur les frais et dépens
Partie perdante, [...] [V] supportera les dépens de première instance, à l'exclusion de ceux afférents à la procédure de référé commercial et de ceux exposés par [...] en qualité d'assureur de la SCI qui demeureront à la charge de la SCI.
En considération de l'équité et de la situation respective des parties, elle sera tenue de verser les sommes de 3 000 euros à la SCI et de 2 000 euros à Generali, la [...] et l'[...] ensemble au titre des frais non compris dans les dépens exposés par celles-ci en première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sans pouvoir bénéficier du même texte au titre de ses propres frais ni qu'il y ait lieu d'en faire application à son encontre au profit d'[...] en qualité d'assureur de [...].
Aucune condamnation ne saurait être prononcée au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile en première instance à l'encontre d'[...] en qualité d'assureur de [...].
Quant à la disposition déboutant [...] en qualité d'assurer de la SCI de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, elle n'est pas explicitement critiquée par celle-ci.
En outre, la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de [...], autre partie perdante, interdisant de prononcer une condamnation à l'encontre de son liquidateur pour une créance de frais de justice qui n'est pas utile au déroulement de cette procédure au sens de l'article L. 622-17 du code de commerce et qui est donc soumise aux dispositions de l'article L. 622-21 du même code, il sera substitué d'office aux condamnations prononcées par le jugement à l'encontre de Me [R] ès-qualités au titre des dépens de l'instance engagée par la SCI et de l'article 700 du code de procédure civile, dont le quantum n'est pas critiqué, une fixation de la créance à ce titre de la SCI, seule déclarée, au passif de la procédure collective, les obligations respectives de [...] et de [...] [V] en la matière revêtant un caractère in solidum.
Le jugement sera donc infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, hormis en ce qu'il a débouté [...] en qualité d'assureur de [...] et d'assureur de la SCI de ses demandes fondées sur ce texte.
Quant au sort des dépens d'appel et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en appel, ils seront réservés.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Dit n'y avoir lieu de déclarer irrecevables les conclusions prises postérieurement à la jonction par la société [...] France iard en qualité d'assureur de la société [...], par la société [...] France iard en qualité d'assureur de la SCI [...] et par les sociétés Generali iard, [...] et [...].
Déclare d'office irrecevable l'appel provoqué formé par les sociétés Generali iard, [...] et [...] à l'égard de la société [...] France iard en qualité d'assureur de la SCI [...] dans le dossier 20/00574.
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- déclaré recevables les interventions volontaires des sociétés Generali iard, [...] et [...]
- dit que la responsabilité de la société [...] est établie sur le fondement de l'article 1242 alinéa 1 (du code civil) et que le sinistre n'entre pas dans le champ de la loi du 5 juillet 1985
- débouté la SCI [...] de ses demandes indemnitaires formées à l'encontre de son assureur et de la société [...] [V] sur le fondement de la responsabilité contractuelle et de sa demande de sursis à statuer
- débouté les sociétés Generali iard, [...] et [...] de leurs demandes indemnitaires formées à l'encontre de la SCI [...]
- débouté la société [...] en qualité d'assureur de la société [...] et en qualité d'assureur de la SCI [...] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit n'y avoir lieu à annuler le jugement en ce qu'il a condamné la SCI [...] à payer diverses sommes à la société [...] [V].
Infirme le jugement en ce qu'il a :
- condamné la société [...] France iard en qualité d'assureur de la société [...] à payer à la SCI [...] la somme de 165 037,88 euros HT majorée de la TVA, de l'indexation et des intérêts au titre des dommages au bâtiment
- condamné la société [...] France iard en qualité d'assureur de la société [...] à payer à la société Generali iard la somme de 21 184,42 euros et aux sociétés [...] et [...] la somme de 15 000 euros, l'une et l'autre majorées des intérêts au titre des dommages aux céréales stockées
- débouté les sociétés Generali iard, [...] et [...] de leurs demandes indemnitaires formées à l'encontre de la société [...] [V]
- condamné la SCI [...] à payer à la société [...] [V] les sommes de 31 536 euros au titre de ses travaux, de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné in solidum la société [...] France iard en qualité d'assureur de la société [...] et Me [R] en qualité de liquidateur de la société [...] à payer les sommes de 6 000 euros à la SCI [...] et de 3 000 euros à la société Generali et aux sociétés [...] et [...] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, hormis ceux afférents à la procédure de référé commercial mis à la charge uniquement de la société [...] France iard et ceux de l'instance opposant la société [...] [V] à la SCI [...] mis à la charge de cette dernière.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la SCI [...] et les sociétés Generali Iard, [...] et [...] de leurs demandes d'indemnisation des conséquences dommageables du sinistre formées à l'encontre de la société [...] France iard en qualité d'assureur de le société [...].
Déboute la SCI [...] de ses demandes additionnelles présentées en appel contre la société [...] en qualité d'assureur de la société [...].
Dit que la société [...] [V] a commis une faute en omettant d'informer la société [...] du défaut d'assurance de la pelleteuse.
Avant dire droit sur la responsabilité délictuelle qu'est susceptible d'encourir la société [...] [V] envers la SCI [...] du fait de ce manquement, ordonne la réouverture des débats à l'audience du 10 décembre 2024 à 14 heures et invite les parties à présenter leurs observations par écrit sur le moyen, relevé d'office par la cour, tiré de ce que le préjudice résultant d'un tel défaut d'information ne peut consister qu'en une perte de chance.
Constate que la cour n'est pas saisie d'une demande d'indemnité définitive au titre des dommages au bâtiment de la SCI [...].
Fixe, à titre provisionnel et avant application du taux éventuel de perte de chance, le coût des travaux de réparation de ce bâtiment à la somme de 165 037,88 euros (cent soixante cinq mille trente sept euros et quatre vingt huit cents), hors TVA, indexée en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction depuis le 1er trimestre 2015 jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir après réouverture des débats emportant, le cas échéant, condamnation de la société [...] [V] à payer une provision à ce titre.
Déboute la SCI [...] de sa demande en paiement d'intérêts légaux à compter de l'assignation introductive d'instance.
Réserve sa demande de capitalisation des intérêts.
Dit que la société [...] [V] engage sa responsabilité délictuelle envers les sociétés Generali iard, [...] et [...] au titre des dommages aux céréales stockées et la condamne à payer à la société Generali iard, subrogée dans les droits de son assurée, la somme de 21 184,42 euros (vingt et un mille cent quatre vingt quatre euros et quarante deux cents) et aux sociétés [...] et [...] ensemble la somme de 15 000 (quinze mille) euros au titre de la franchise demeurée à leur charge, l'une et l'autre avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Déboute la société [...] [V] de ses recours en garantie formés à l'encontre de la société [...] France iard en qualité d'assureur de la société [...].
Déboute la société [...] [V] de ses demandes en paiement du coût de ses travaux de réparation urgents, tant sur le fondement contractuel que sur le fondement de l'enrichissement sans cause invoqué subsidiairement, et de dommages et intérêts pour résistance abusive formées à l'encontre de la SCI [...].
Condamne la société [...] [V] aux dépens de première instance, à l'exclusion de ceux afférents à la procédure de référé commercial et de ceux exposés par la société [...] en qualité d'assureur de la SCI [...] qui demeureront à la charge de la SCI [...].
Condamne la société [...] [V] à verser les sommes de 3 000 (trois mille) euros à la SCI [...] et de 2 000 (deux mille) euros aux sociétés Generali iard, [...] et [...] ensemble au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance.
Fixe la créance de la SCI [...] à l'encontre de la société [...] en liquidation judiciaire au titre des frais de justice de première instance au montant des dépens de l'instance engagée par la SCI [...] et à la somme de 3 000 (trois mille) euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, les obligations respectives de la société [...] et de la société [...] [V] en la matière revêtant un caractère in solidum.
Réserve le sort des dépens d'appel et l'application de l'article 700 du code de procédure civile en appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
T. DA CUNHA C. MULLER
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
CM/CG
ARRET N°
AFFAIRE N° RG 20/00499 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EUZI
jugement du 27 Février 2020
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAUMUR
n° d'inscription au RG de première instance : 17/00901
ARRET DU 15 OCTOBRE 2024
APPELANTE :
S.C.I. [...]
[Adresse 11]
[Localité 6]
Représentée par Me Nathalie GREFFIER, avocat postulant au barreau d'ANGERS et par Me Olivier GAN, avocat plaidant au barreau de SAUMUR
INTIMES :
S.A.R.L. [...] [V]
[Adresse 13]
[Adresse 13]
[Localité 6]
Représentée par Me Jean-baptiste LEFEVRE de la SELARL 08H08 AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS
S.A. [...] assureur de la SCI [...] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 9]
S.A. [...] assureur de la société [...] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 9]
Représentées par Me Ludovic GAUVIN de la SELARL ANTARIUS AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 1702008
INTIMES SUR APPEL PROVOQUE :
COMPAGNIE GENERALI IARD
[Adresse 3]
[Localité 8]
S.C.A. [...] [...] DE COOPERATIVES AGRICOLES ([...])
[Adresse 1]
[Localité 7]
[...] ([...])
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentées par Me Olivier VAILLANT, avocat postulant au barreau de SAUMUR et par Me Sophie-Charlotte VALTON, substituant Me Michel BELLAICHE, avocats plaidants au barreau de PARIS
Maître [Z] [R], pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la Sté [...] ([...])
[Adresse 2]
[Localité 5]
N'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 24 Octobre 2023 à 14 H 00, Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :
Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
Madame GANDAIS, conseillère
Madame ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Madame LEVEUF
Greffier lors du prononcé : Monsieur DA CUNHA
ARRET : par défaut
Prononcé publiquement le 15 octobre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente et par Tony DA CUNHA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
~~~~
Exposé du litige
Le 6 février 2015, un bâtiment industriel situé [Adresse 12] à [Localité 6], appartenant à la SCI [...] (ci-après la SCI) assurée en qualité de propriétaire non occupant auprès de la SA [...] (ci-après [...]) selon une police «multirisque entreprise» n°6434803504 et donné à bail à la SARL [...] [V] assurée auprès de la SMABTP, a été endommagé, ainsi que le stock de maïs qu'il contenait en vertu d'un contrat de «stockage et manutention» conclu le 26 novembre 2014 entre [...] [V] et la [...] dite [...], filiale de l'[...] dite [...] assurée auprès de la SA Generali iard (ci-après Generali), par la chute d'une grue industrielle sur rails que la SARL [...] dite [...] assurée auprès d'[...] selon une police «responsabilité civile fabricant - négociant» n°6361335404 aurait entrepris de déplacer en la tractant avec une pelleteuse louée sans chauffeur auprès de [...] [V].
Selon procès-verbal de constatations relatives aux causes, circonstances et à l'évaluation des dommages, les experts du cabinet Equad mandaté par l'assureur commun de la SCI et de [...], du cabinet Ciblexperts mandaté par l'assureur de [...] [V] et du cabinet Texa mandaté par l'assureur de l'[...] ont évalué les dommages au bâtiment à la somme de 204 519,86 euros HT (39 481,98 euros au titre des mesures conservatoires et 165 037,88 euros au titre des travaux de réparation, frais de maîtrise d'oeuvre et de SPS inclus) et les dommages au céréales stockées à la somme de 36 184,43 euros HT.
[...] a opposé à [...] l'exclusion de garantie RC prévue à l'article 3.11 des conditions générales de son contrat pour tous préjudices résultant d'événements dans lequel sont impliqués des véhicules terrestres à moteur et a refusé sa garantie en qualité d'assureur de la SCI pour les dommages au bâtiment, tandis que l'[...] a été indemnisée par son assureur sous déduction de la franchise contractuelle.
Par acte d'huissier en date du 21 novembre 2017, la SCI a fait assigner [...] et leur assureur commun devant le tribunal de grande instance, devenu le tribunal judiciaire, de Saumur en responsabilité de [...] sur le fondement de l'article 1384 ancien du code civil et indemnisation de ses préjudices.
Par acte d'huissier en date du 23 novembre 2017, [...] [V] a fait assigner la SCI devant le même tribunal en paiement de ses factures de travaux de réparation urgents.
Par acte d'huissier en date du 27 novembre 2017, [...] a appelé en garantie son assureur.
Suite au prononcé de la liquidation judiciaire de [...] le 3 octobre 2018, la SCI a déclaré sa créance pour un montant de 273 922,80 euros TTC, outre dépens et frais d'avocat, puis appelé en cause Me [R] en qualité de liquidateur judiciaire par acte d'huissier en date du 15 mars 2019, lequel n'a pas constitué avocat.
Les procédures ont été jointes.
En outre, la [...], l'[...] et leur assureur sont intervenus volontairement à l'instance.
En l'état de ses dernières conclusions, la SCI a demandé au tribunal, au visa des articles 1382, 1383, 1384, 1134 et 1135 anciens du code civil, L. 124-3 du code des assurances, au titre du sinistre survenu le 6 février 2015, de dire engagée la responsabilité civile délictuelle de [...], de recevoir et déclarer fondée l'action directe contre [...], assureur de [...], et de débouter au besoin cet assureur de toutes ses prétentions contraires, de dire engagée la responsabilité délictuelle de [...] [V], de condamner in solidum [...] et [...] [V] à verser une provision totale de 148 055,42 euros HT et surseoir à statuer dans l'attente des factures définitives des travaux, d'ordonner le paiement des intérêts légaux de retard à la date de l'assignation et leur capitalisation pour le tout ou, au moins, pour les postes arrêtés selon factures [...] du 9 mai 2016 (10 249,58 euros HT), Fabre du 30 juin 2015 (734,40 euros HT) et Locamod du 28 février 2015 (5 998 euros HT), à défaut, de condamner in solidum [...] et [...] [V] à verser la somme de 182 018,98 euros HT plus la TVA applicable au jour du jugement avec indexation sur le coût de la construction à la date des devis, tels qu'arrêtés par les experts, [...] [V] du 24 février 2015 (9 605 euros HT), Justeali du 26 mars 2015 (52 000 euros HT), [...] du 23 février 2015 (21 000 euros HT), Leblanc du 24 février 2015 (66 000 euros HT), M2GB du 17 février 2015 (2 180,88 euros HT) et Ineo du 25 février 2015 (4 424 euros HT), d'ordonner le paiement des intérêts légaux de retard à la date de l'assignation et leur capitalisation et de débouter [...] [V] de sa demande en paiement des travaux de sécurité et de toutes ses autres demandes ; au titre de la mauvaise foi de son propre assureur, de constater les fautes commises par [...] et de condamner celle-ci à lui verser la somme de 10 000 euros ; au titre des demandes de Generali, de dire [...], assureur de [...], et [...], assureur de la concluante, tenues in solidum intégralement de la garantir de toutes les sommes accordées à Generali et ce sans franchise au profit d'[...] ; de condamner tout succombant au besoin in solidum aux entiers dépens incluant ceux afférents à la procédure de référé commerce et à lui payer la somme de 6 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; d'ordonner l'exécution provisoire.
[...] [V] a demandé, à titre principal, de condamner la SCI à lui verser les sommes de 31 536 euros au titre de ses travaux et de 5 000 euros du fait de sa résistance abusive et de débouter la SCI ou toute autre partie, notamment Generali, de ses demandes à son encontre ; à titre subsidiaire, de condamner [...] à la garantir de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre et à lui verser une somme de 31 536 euros au titre de son préjudice ; en tout état de cause, de condamner la SCI, Generali et tout autre succombant à lui verser 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner la SCI et tout autre succombant aux entiers dépens et d'ordonner l'exécution provisoire.
Avant sa mise en liquidation judiciaire, [...] a demandé de condamner son assureur [...] à la garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge au profit de la SCI et à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens distraits selon l'article 699 dudit code.
[...] en qualité d'assureur de la SCI et de [...] a demandé de débouter [...], et éventuellement Me [R] ès qualités, ainsi que la SCI de l'intégralité de leurs demandes dirigées à son encontre ; de dire et juger que le contrat d'assurance souscrit auprès d'elle par [...] n'a pas vocation à s'appliquer, de constater que le sinistre n'est pas lié à l'activité déclarée par [...] et, en tout état de cause, qu'il implique un véhicule terrestre à moteur sous la garde de [...], de dire et juger que l'article 3.1 des conditions générales exclut les préjudices dans lesquels un véhicule terrestre à moteur sous la garde de l'assuré est impliqué et de la mettre hors de cause ; en tout état de cause, de débouter [...] [V], Generali, l'[...] et la [...] de leurs demandes dirigées à son encontre ; de condamner la SCI à lui verser une somme de 3 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive ; de condamner in solidum la SCI et [...] [V] à lui verser une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la SCI ou tout autre contestant aux entiers dépens, dont distraction selon l'article 699 du même code.
Generali, l'[...] et la [...] ont demandé, au visa des articles L.121-12 et L. 124-3 du code des assurances, 329 et 325 du code de procédure civile, 1384 alinéa 1er devenu 1242 alinéa 1er, 1231-1 anciennement 1147 et 1240 anciennement 1382 du code civil et de la loi du 5 juillet 1985, à titre liminaire, de constater qu'elles sont recevables et bien fondées en leur recours au titre de l'indemnité versée à l'[...], suite au sinistre du 6 février 2015, et de la franchise supportée par cette dernière et de les accueillir en leur intervention volontaire ; sur le fond, de dire et juger que le sinistre relève de la responsabilité de [...] en sa qualité de gardien de la grue et de la pelleteuse manutentionnant la grue, que la garantie d'[...] en qualité d'assureur de [...] est mobilisée, cette opération relevant de l'activité professionnelle de l'assurée et l'exclusion relative aux accidents de la circulation n'ayant pas vocation à s'appliquer, que la responsabilité de [...] [V] et celle de la SCI sont également engagées et que la garantie d'[...] en qualité d'assureur de la SCI propriétaire non occupant est mobilisée et, en conséquence, de condamner in solidum [...] en sa double qualité d'assureur de [...] et de la SCI, la SCI et [...] [V] à verser à Generali la somme de 21 184,42 euros et aux sociétés [...] et [...] la somme de 15 000 euros au titre de la franchise, l'une et l'autre majorées des intérêts légaux à compter de leur intervention volontaire ; de condamner les mêmes à leur verser une indemnité de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de leur conseil.
Par jugement réputé contradictoire en date du 27 février 2020, le tribunal a :
- déclaré recevables les interventions volontaires de la société Generali et des sociétés [...] et [...]
- dit que la responsabilité de la société [...] est établie sur le fondement de l'article 1242 alinéa 1
- dit que le sinistre n'entre pas dans le champ de la loi du 5 juillet 1985
- condamné la société [...] en qualité d'assureur [...] (sic) à payer à la SCI [...] la somme de 165 037,88 euros HT majorée de la TVA applicable au jour du jugement avec indexation sur le coût de la construction à la date du 1er janvier suivant les devis soit celui publié 1er janvier 2016 (sic) et celui publié à la date du jugement
- dit que les sommes seront également majorées des intérêts au taux légal à compter du jugement
- dit que la demande de capitalisation est de droit sous réserve qu'il s'agisse d'intérêts dus pour une année entière, et ce à compter du jugement
- condamné la SCI [...] à payer à la société [...] [V] la somme de 31 536 euros au titre de ses travaux et une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive
- condamné la compagnie d'assurance [...] France iard en sa qualité d'assureur de la société [...] à payer à la société Generali la somme de 21 184,42 euros au titre des frais avancés, majoré des intérêts légaux à compter du prononcé du jugement
- condamné [...] France iard en sa qualité d'assureur de la société [...] à payer aux sociétés [...] et [...] la somme de 15 000 euros au titre de la franchise, majorée des intérêts légaux à compter du jugement
- débouté les parties de leurs plus amples demandes
- rappelé en application du nouvel article 514 du code de procédure civile, que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire
- condamné in solidum la société [...] assurance de [...], Me [R] en qualité de liquidateur de la société [...], à payer les sommes de 6 000 euros à la SCI [...] et de 3 000 euros à la société Generali et aux sociétés [...] et [...] au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la SCI [...] à payer à la société [...] [V] somme (sic) de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté les autres parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné in solidum la société [...] assurance de [...], Me [R] en qualité de liquidateur de la société [...], aux entiers dépens comprenant, s'agissant uniquement de [...] Assurance (sic) en outre ceux afférents à la procédure de référés commerce
- condamné la SCI [...] aux dépens concernant l'instance l'opposant à [...] [V].
I) Suivant déclaration en date du 17 mars 2020 (instance enregistrée sous le n° RG 20/00499), la SCI a relevé appel de ce jugement en ce qu'il a condamné [...] en qualité d'assureur de [...] à lui payer la somme de 165 037,88 euros HT majorée de la TVA et indexée, a refusé de faire droit à sa demande en paiement de l'intérêt légal de retard à compter de l'assignation avec capitalisation, a omis de statuer (sic) sur sa demande de condamnation d'[...] à lui verser 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'a condamnée à verser à [...] [V] les sommes de 31 536 euros au titre de ses travaux, de 3 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens de l'instance l'opposant à [...] [V] ; intimant [...] [V] et [...].
[...] a conclu à la confirmation du jugement en qualité d'assureur de la SCI et formé appel incident en qualité d'assureur de [...] en faisant délivrer assignation d'appel provoqué le 3 juillet 2020 à Generali et le 6 juillet 2020 au liquidateur de [...], à la [...] et à l'[...].
Seul le liquidateur de [...], cité à domicile, n'a pas constitué avocat.
II) Suivant déclaration en date du 6 avril 2020 (instance enregistrée sous le n° RG 20/00574), [...] en qualité d'assureur de [...] a relevé appel du même jugement en toutes ses dispositions, listées dans l'acte d'appel ; intimant la SCI, [...] [V], le liquidateur de [...], Generali, la [...] et l'[...].
L'appelante a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions le 2 juillet 2020 au liquidateur de [...] qui, cité à domicile, n'a pas constitué avocat.
Generali et les sociétés [...] et [...] ont fait délivrer assignation d'appel provoqué le 30 septembre 2020 à [...] en qualité d'assureur de la SCI.
***
Le conseiller de la mise en état a, par ordonnance rendue le 23 juin 2021 dans le dossier 20/00499, déclaré irrecevables à l'égard de la SCI et de [...] [V] les conclusions remises au greffe le 10 décembre 2020 pour le compte de Generali, de la [...] et de l'[...] et celles notifiées le 8 mars 2021 dans leur intérêt et dit n'y avoir lieu de déclarer irrecevables les conclusions notifiées le 26 février 2021 dans l'intérêt de la SCI ni celles notifiées le 15 mars 2021 dans l'intérêt de [...] [V] puis, par ordonnance en date du 24 novembre 2021, déclaré irrecevables à l'égard d'[...] en qualité d'assureur de [...] et de la SCI les conclusions susvisées de Generali, de la [...] et de l'[...] dans le dossier 20/00499, ordonné la jonction des instances suivies sous les numéros 20/00499 et 20/00574, désormais appelées ensemble sous le premier numéro, et condamné Generali, la [...] et l'[...] in solidum aux dépens de l'incident.
L'ordonnance de clôture initialement prévue pour le 20 septembre 2023 a été reportée au 4 octobre 2023.
Dans ses dernières «conclusions récapitulatives n°2 après jonction et incident» en date du 2 octobre 2023, la SCI [...] demande à la cour de la recevoir et la déclarer fondée en son appel et, y faisant droit, de :
- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande visant son assureur [...] à lui verser 10 000 euros de dommages et intérêts, l'a déboutée de toute demande de condamnation contre [...] [V], l'a condamnée à payer des travaux conservatoires pour 31 536 euros et la somme de 5 000 euros (sic) pour résistance abusive à [...] [V] ainsi que 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, a fixé le montant de la remise en état à 165 037,88 euros HT et a fait partir les intérêts moratoires du jugement rendu
- vu l'irrecevabilité des conclusions des sociétés Generali iard, [...] et [...], confirmer le jugement en ce qu'il a débouté ces sociétés de leurs demandes formées contre elle
- débouter les sociétés Generali iard, [...] et [...] de toutes leurs demandes formées contre elle
- vu la jonction, ensemble l'article 954 alinéa 4 in fine, juger n'y avoir lieu à statuer sur les deux jeux de conclusions récapitulatives déposés au RPVA, le même jour, après rabat de l'ordonnance de clôture, par [...] et Generali, ni sur les deux jeux de conclusions antérieurs au rabat
- vu l'absence d'appel incident d'[...], confirmer le jugement en toutes ses dispositions non contraires à son propre appel
statuant à nouveau,
- vu l'article 6 de la CEDH, annuler le jugement en ce qui concerne sa condamnation à payer [...] [V] avec dommages et intérêts pour résistance abusive, article 700 et dépens et à défaut le réformer sur ces deux points
- au titre de la mauvaise foi de son assureur [...], juger que la compagnie [...] a commis des fautes sur le fondement des articles 1134, 1135 et 1147 anciens du code civil et condamner celle-ci à lui verser la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts
- juger engagée la responsabilité délictuelle de [...] [V] sur le fondement des articles 1382 et 1383 anciens en raison de ses manquements contractuels vis-à-vis de [...]
- juger engagée la responsabilité de [...] [V] sur le fondement du bail souscrit avec elle
- réformer le jugement et débouter [...] [V] de toute demande dirigée contre elle visant à obtenir paiement de travaux conservatoires pour la somme de 31 536 euros avec dommages et intérêts pour résistance abusive et article 700 CPC
- condamner in solidum [...] et [...] [V] à verser une provision de 312 814,88 euros TTC
- ordonner paiement des intérêts légaux de retard à la date de l'assignation du 21 novembre 2017 et capitalisation un an après sur le fondement des articles 1231-7, 1343-2 nouveau, 1154 ancien du code civil
- juger au besoin que «le calcul de l'indexation sera fait à la date de l'assignation afin d'appliquer les intérêts moratoires au montant indexé et ce pour éviter toute difficulté d'exécution ultérieure»
- surseoir à statuer dans l'attente des factures définitives des travaux
- fixer une astreinte contre [...] de 1 000 euros par jour de retard pour son paiement effectif et ce passé le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir
- condamner [...] France iard à rembourser les frais d'huissier (honoraires de résultat) article 10 pour un montant de 5 540 euros et à prendre en charge en appel, au titre des dépens, le commandement délivré le 19 mai 2020
- débouter [...] et [...] [V] de toutes leurs demandes, fins et conclusions d'appel
- condamner tout succombant, au besoin in solidum, aux dépens d'appel et de première instance et à payer 8 900 euros d'article 700.
Dans ses dernières «conclusions récapitulatives n°4» en date du 26 septembre 2023, la SA [...] France iard en qualité d'assureur de [...] demande à la cour de :
- dire la SCI [...] non fondée en son appel, ainsi qu'en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre elle
- infirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives à la concluante du chef des condamnations mises à sa charge en application du contrat d'assurance de la société [...]
- juger que le contrat d'assurance souscrit par la société [...] auprès d'elle n'a pas vocation à s'appliquer
- juger que l'article 3.1 des conditions générales exclut tous les préjudices résultant «d'événements dans lesquels sont impliqués, lorsque l'assuré ou les personnes dont il répond en ont la propriété, la garde, l'usage, ou la conduite, tous véhicules et engins terrestres à moteur, et leurs remorques ou semi-remorques, de la nature de ceux visés à l'article R. 211-4 du code des assurances, qu'ils soient ou non en circulation et alors même qu'ils sont utilisés en qualité d'outils»
en conséquence,
- la mettre hors de cause,
- débouter Me [R] en qualité de liquidateur judiciaire de la société [...], la SCI [...], les sociétés Generali, [...] et [...] de leurs demandes formées à son encontre
- débouter la société [...] [V] des demandes formées à son encontre
- la décharger de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre
- en toute hypothèse, débouter la SCI [...] de sa demande tendant à obtenir la somme de 312 814,88 euros TTC au titre des travaux de reprise et rappeler qu'elle a exécuté la décision en juin 2020, ensuite du commandement de payer à elle délivré
- subsidiairement, juger qu'elle est recevable à opposer les franchises contractuelles applicables de 1 500 euros
- condamner in solidum la SCI [...], les sociétés [...], [...] et Generali à lui verser une indemnité de 7 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
- rejetant toutes prétentions contraires comme non recevables, en tous les cas non fondées, condamner in solidum la SCI [...], les sociétés [...], [...] et Generali, ou tout autre contestant, aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Antarius avocats qui pourra les recouvrer selon l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières «conclusions récapitulatives n°4» en date du 26 septembre 2023, la SA [...] France iard en qualité d'assureur de la SCI demande à la cour de :
- dire la SCI [...] non recevable, en tous les cas non fondée, en son appel dirigée contre elle
- confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives à la concluante
- débouter la SCI [...] de ses demandes formées contre elle
- la mettre hors de cause
- vu l'irrecevabilité des conclusions des sociétés Generali iard, [...] et [...] retenue par le conseiller de la mise en état, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté ces sociétés de leur demande dirigée contre elle
- en toute hypothèse, débouter les sociétés Generali iard, [...] et [...] de leur appel incident dirigé contre elle et débouter la SARL [...] [V] de ses demandes dirigées contre elle
- subsidiairement, juger qu'elle est recevable et bien fondée à opposer ses franchises contractuelles à raison de 10 % du montant du sinistre avec un minimum de 500 euros et un maximum de 2 200 euros
- condamner la SCI [...] à lui verser une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
- rejetant toutes prétentions contraires comme non recevables, en tous les cas non fondées, condamner la SCI [...], ou tout autre contestant, aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Antarius avocats qui pourra les recouvrer selon l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières «conclusions récapitulatives n°2 d'appel suite à jonction» en date du 19 septembre 2023, la SARL [...] [V] demande à la cour de :
à titre principal,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SCI [...] à lui verser une somme de 31 536 euros au titre de ses travaux
- assortir cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2017
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SCI [...] à lui verser par principe une indemnité du fait de sa résistance manifestement abusive mais condamner celle-ci à verser en conséquence une somme de 5 000 euros au lieu de la somme de 3 000 euros ordonnée par le jugement déféré
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné [...] France iard à garantir les dommages imputables à la société [...]
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés [...], [...], Generali ainsi que la SCI [...] de leurs demandes à son encontre
à titre subsidiaire,
- condamner [...] à la garantir de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre, laquelle sera au maximum limitée à 165 037,88 euros HT
- débouter la SCI [...] au titre de l'actualisation des travaux de reprise suite à l'envolée des prix consécutive à la guerre en Ukraine dans la mesure où elle a fait exécuter le jugement déféré et pouvait donc financer les travaux de réfection avant cet événement
- condamner [...] à lui verser une somme de 31 536 euros au titre de son préjudice
en tout état de cause,
- condamner in solidum la SCI [...] et [...] outre tout autre succombant à lui verser 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures d'appel engagées
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SCI [...] à lui verser 3 000 euros sur ce fondement au titre de la procédure de première instance
- condamner la SCI [...] outre tout autre succombant aux entiers dépens.
Dans leurs dernières «conclusions d'intimées après jonction contenant un appel incident» en date du 19 septembre 2023, la SA Generali iard, la [...] et l'[...] demandent à la cour, au visa des articles 121-12 (sic) et L. 124-3 du code des assurances, 1384 alinéa 1 devenu 1242 alinéa 1, 1231-1 anciennement 1147 et 1240 anciennement 1382 du code civil et de la loi du 5 juillet 1985, de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevables leurs interventions volontaires, condamné la compagnie [...] en qualité d'assureur [...] à payer à la société Generali la somme de 21 184,42 euros au titre des frais avancés, majorée des intérêts légaux à compter du prononcé du jugement et aux sociétés [...] et [...] la somme de 15 000 euros majorée de même et condamné in solidum [...], assureur de [...], Me [R] en qualité de liquidateur de la société [...] à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du CPC et à supporter les dépens
- infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes dirigées contre [...] [V], la SCI [...] et [...] France iard en qualité d'assureur de la SCI [...]
statuant à nouveau,
- déclarer recevables leur appel incident dirigé à l'encontre de la société [...] [V] et de la SCI [...] et leur appel provoqué dirigé à l'encontre d'[...] en qualité d'assureur de la SCI [...]
- dire et juger que la responsabilité de la société [...] [V] et celle de la SCI [...] sont également engagées
- dire et juger que la garantie de la compagnie [...] en qualité d'assureur de la SCI [...] propriétaire non occupant est mobilisée
- en conséquence, condamner in solidum la compagnie [...] France iard, en sa double qualité d'assureur de la société [...] et de la SCI [...], la SCI [...] et la société [...] [V] à verser à la compagnie Generali iard la somme de 21 184,42 euros majorée des intérêts légaux et aux sociétés [...] et [...] la somme de 15 000 euros au titre de la franchise supportée par cette dernière (sic) et majorée des intérêts légaux
en tout état de cause,
- débouter toute partie des demandes dirigées à leur encontre
- condamner [...] outre tout autre succombant à leur verser une indemnité de 5 000 euros en sus de celle de 3 000 euros accordée par le tribunal au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des articles 455 et 494 du code de procédure civile, aux dernières conclusions susvisées.
Sur ce,
A titre liminaire, il convient de relever que le jugement n'est nullement critiqué en ce qu'il a déclaré recevables les interventions volontaires de Generali, la [...] et l'[...], y compris par [...] en qualité d'assureur de [...] bien que sa déclaration d'appel principal ait visé toutes les dispositions du jugement, de sorte que cette disposition ne peut qu'être confirmée.
Sur l'irrecevabilité des conclusions de l'assureur de [...], des conclusions de l'assureur de la SCI, des conclusions de la [...], l'[...] et leur assureur et de leurs appels incident et provoqué
Contrairement à ce que soutient la SCI, la jonction des instances d'appel, simple mesure d'administration judiciaire n'ayant pas pour effet de créer une procédure unique, n'oblige nullement les parties à conclure par un seul et même jeu d'écritures dans les instances jointes.
Au demeurant, [...] en qualité d'assureur de [...] a systématiquement conclu depuis la jonction ordonnée le 24 novembre 2021, y compris après le report de l'ordonnance de clôture, par un seul et même jeu d'écritures concernant les deux instances jointes 20/00499 et 20/00574 et il en va de même d'[...] en qualité d'assureur de la SCI.
Si, en appel, [...] a toujours pris simultanément deux jeux de conclusions, l'un en qualité d'assureur de [...], l'autre en qualité d'assureur de la SCI, il n'y a là aucune anomalie empêchant de déterminer, comme le prétend la SCI, quelles sont les conclusions sur lesquelles la cour d'appel doit statuer en application de l'article 954 alinéa 4 du code de procédure civile prévoyant que les parties reprennent, dans leurs dernières conclusions, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures et qu'à défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
En effet, [...] est partie à chacune des instances d'appel jointes en deux qualités, d'une part, comme assureur de [...], qualité en laquelle elle est intimée sur l'appel principal de la SCI dans le dossier 20/00499 et appelante principale dans le dossier 20/00574, d'autre part, comme assureur de la SCI, qualité en laquelle elle est intimée sur l'appel principal de la SCI dans le dossier 20/00499 et intimée suite à l'assignation d'appel provoqué que lui ont fait délivrer Generali et les sociétés [...] et [...] dans le dossier 20/00574.
Or [...] en qualité d'assureur de [...] et [...] en qualité d'assureur de la SCI sont deux parties distinctes, bien qu'il s'agisse d'une seule et même personne morale, de sorte que la cour d'appel doit statuer sur les dernières conclusions déposées par chacune.
Si un risque de confusion a pu exister, il est d'abord le fait de la SCI dont la déclaration d'appel ne précise pas en quelle qualité [...] est intimée même si elle vise des dispositions la concernant en qualité d'assureur de [...] et en qualité d'assureur de la SCI.
C'est à tort que la SCI affirme en page 26 de ses conclusions, au sujet des conclusions d'[...], qu''Il n'est nullement répondu sur l'action directe qui a été intentée par la concluante ni formé appel incident au sujet des condamnations prononcées à ce titre' car, tandis qu'[...] en qualité d'assureur de la SCI a toujours conclu à la confirmation du jugement entrepris en ses dispositions la concernant, [...] en qualité d'assureur de [...] a toujours contesté devoir garantie au titre des conséquences dommageables du sinistre et demandé au dispositif de ses conclusions, que ce soit comme appelante principale ou comme intimée sur l'appel principal de la SCI, l'infirmation du jugement entrepris en ses dispositions 'relatives à la société [...] France IARD, es qualité d'assureur de la société [...]', formant ainsi appel incident dans le dossier 20/00499 bien qu'elle n'ait ajouté à ce dispositif la précision selon laquelle l'infirmation est sollicitée 'du chef des condamnations mises à sa charge en application du contra d'assurance de la société [...] ([...])' qu'à partir de ses conclusions notifiées le 28 décembre 2022.
À cet égard, il doit être rappelé que la règle tirée des articles 542 et 954 du code de procédure civile, selon laquelle lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, a été posée par la Cour de cassation pour la première fois dans un arrêt publié rendu le 17 septembre 2020 (2ème chambre civile, pourvoi n°18-23.626) et ne s'applique qu'aux instances introduites par une déclaration d'appel postérieure à cet arrêt ainsi qu'aux appels incidents formés dans de telles instances, alors que les déclarations d'appel de la SCI et d'[...] en qualité d'assureur de [...] datent, respectivement, du 17 mars 2020 et du 6 avril 2020.
La [...], l'[...] et leur assureur Generali ont également conclu après la jonction et le report de l'ordonnance de clôture par un seul et même jeu d'écritures concernant les deux instances 20/00499 et 20/00574, enregistré dans le dossier ouvert sous le premier numéro, et non deux comme l'affirme la SCI.
Quand bien même auraient-elles pris deux jeux d'écritures distincts, un dans chaque instance jointe, ce qu'elles ont le droit de faire dès lors que la jonction ne crée pas une procédure unique, cela n'empêcherait nullement de déterminer sur quelles conclusions la cour d'appel doit statuer en application de l'article 954 alinéa 4 du code de procédure civile puisqu'elle devrait alors statuer sur chacune.
Par ailleurs, comme l'observent exactement Generali, la [...] et l'[...], leurs conclusions d'intimées contenant appel incident des 10 décembre 2020 et 8 mars 2021 n'ont été déclarées irrecevables par le conseiller de la mise en état en application des articles 910 et 911 du code de procédure civile que dans le dossier 20/00499 ouvert sur l'appel de la SCI, et non dans le dossier 20/00574 ouvert sur l'appel d'[...] en qualité d'assureur de [...].
Dans le cadre du dossier 20/00574, elles ont conclu pour la première fois en formant appel incident le 24 septembre 2020, soit moins de trois mois après avoir reçu notification des conclusions de l'appelante le 29 juin 2020 et de celles de la SCI le 21 septembre 2020 et avant de recevoir notification de celles de [...] [V], puis ont fait signifier leurs conclusions par huissier au liquidateur judiciaire de [...], co-intimé non constitué, le 30 septembre 2020 et fait assigner en appel provoqué [...] en qualité d'assureur de la SCI le même jour, sans qu'aucune irrecevabilité tirée des articles 909, 910 et 911 du même code ne leur ait été opposée au stade de la mise en état.
Il se déduit du principe selon lequel la jonction ne crée pas une procédure unique que l'autorité de chose jugée attachée aux ordonnances du conseiller de la mise en état des 23 juin et 24 novembre 2021 ayant déclaré irrecevables leurs conclusions dans le dossier 20/00499, notamment à l'égard de la SCI et d'[...] en qualité d'assureur de la SCI, est sans incidence sur la recevabilité de leurs conclusions dans le dossier 20/00574 contrairement à ce que soutient expressément [...] en qualité d'assureur de la SCI et à ce que semble considérer la SCI sans développer de moyen identifiable au soutien de sa prétention tendant, vu l'irrecevabilité des conclusions de Generali, la [...] et l'[...], à confirmer le jugement en ce qu'il a débouté celles-ci de leurs demandes à son encontre.
Cependant, il apparaît que l'assignation en appel provoqué que Generali, la [...] et l'[...] ont fait délivrer à [...] en qualité d'assureur de la SCI qui, à la différence du liquidateur judiciaire de [...], n'avait pas été précédemment intimée dans le dossier 20/00574 l'a été au-delà du délai de trois mois imparti par l'article 909 du code de procédure civile, lequel est arrivé à expiration le 29 septembre 2020 sans être prorogé d'un mois dans les conditions prévues par l'article 911 du même code qui ne concerne que la signification des conclusions aux personnes déjà attraites dans la procédure d'appel.
Les parties ayant été invitées en cours de délibéré à présenter leurs observations sur l'irrecevabilité de cet appel provoqué, soulevée d'office par la cour d'appel, ont fait usage de cette faculté, d'une part, les conseils respectifs de la SCI et de [...] [V] qui ont indiqué s'en rapporter, d'autre part, celui de Generali, la [...] et l'[...] qui a indiqué que sa seule explication à ce qui semble être une erreur de 24 heures réside dans les multiples échanges de conclusions et que ses conclusions d'intimés sollicitant principalement la confirmation du jugement et subsidiairement la condamnation notamment de la SCI et de son assureur ont été régularisées dans les temps procéduraux.
Il y a donc lieu de déclarer d'office irrecevable l'appel provoqué formé par Generali, la [...] et l'[...] à l'égard d'[...] en qualité d'assureur de la SCI le lendemain de l'expiration du délai de l'article 909 en dehors de tout cas de force majeure.
Sur les causes du sinistre et les responsabilités encourues
Motifs du jugement
Le tribunal a considéré :
- pour retenir la responsabilité de [...] sur le fondement de l'article 1242 alinéa 1er du code civil au titre des dommages causés tant à la SCI qu'aux sociétés [...] et [...], que le gérant de [...] qui a entrepris le déplacement de la grue, au mépris des règles de prudence et de sécurité élémentaires en décidant de la tracter au moyen du bras d'une pelleteuse louée, avait l'usage, la direction et le contrôle de la grue et que le sinistre n'entre pas dans le champ d'application de la loi du 5 juillet 1985 dès lors que la grue était, au moment de l'accident, dépourvue de moteur et installée sur rail et que la pelleteuse qui la tractait avec son bras articulé et les élingues était utilisée dans sa fonction outil et non dans sa fonction déplacement
- pour débouter la SCI de sa demande à l'encontre de [...] [V] en qualité de locataire de ses locaux (responsabilité contractuelle), qu'aucun manquement contractuel ne peut être reproché à [...] [V] qui a produit le contrat de bail lui faisant obligation en tant que locataire de s'assurer contre les incendies, explosions, dégâts des eaux, calamités naturelles, ainsi que les conditions particulières et générales «multirisques locaux professionnels» desquels il ressort que sont garantis les dommages provenant de la chute d'appareils aériens, des chocs liés à un véhicule terrestre à moteur et que la garantie de son assureur la SMABTP ne pouvait être mobilisée dans ce contexte
- pour débouter la SCI de sa demande à l'encontre de [...] [V] en qualité de loueur du tractopelle (responsabilité délictuelle), que le sinistre ne relève pas de la loi du 5 juillet 1985, le tractopelle ayant été utilisé dans sa seule fonction tractage et non déplacement, et que [...] [V] ne peut engager sa responsabilité pour faute du fait de la faute d'imprudence d'un tiers tel que [...], propriétaire de la grue, qui engage sa propre responsabilité sur le fondement de l'article 1242 alinéa 2 (sic) du code civil
- pour débouter Generali, la [...] et l'[...] de leurs demandes à l'encontre de [...] [V], que [...] [V], locataire de la SCI et liée à l'[...] (sic) par un contrat de stockage et de manutention qui est un contrat de dépôt prévoyant une obligation de moyen à l'égard du dépositaire dans la garde de la chose déposée, a en tant que locataire immédiatement écrit au propriétaire le jour des faits pour la mise en protection du bâtiment, des céréales par un bâchage provisoire et ne peut ainsi se voir reprocher une faute au titre du contrat dès lors que la responsabilité en incombait à [...] (sic), qu'il ne peut pas davantage lui être reproché de n'avoir pas assuré la grue dont elle n'était ni propriétaire ni locataire, ni le tractopelle dont l'implication dans l'accident qui ne relève pas de la loi du 5 juillet 1985 n'est pas démontrée, que, subrogée de son assurée, Generali ne dispose pas de plus de droits que celle-ci qui aux termes du contrat avait la charge de l'assurance des marchandises et renoncé à tout recours contre le prestataire, que l'argument relatif à l'action directe contre la SMABTP est sans objet car cette assurance n'est pas attraite à la cause et que la responsabilité tant contractuelle que délictuelle de [...] [V] ne saurait donc être retenue
- pour débouter Generali, la [...] et l'[...] de leurs demandes à l'encontre de la SCI et de son assureur, qu'il n'est pas démontré une faute de la SCI dans l'aggravation du sinistre car une réunion d'expertise s'est tenue très vite, une partie de la récolte a été transférée pour être protégée et des travaux ont été commandés en urgence auprès de [...] [V] et que l'origine du sinistre est due à la responsabilité pour faute (sic) de [...].
Moyens des parties
La SCI expose que la grue, inerte au moment des faits car les moteurs lui permettant de se déplacer sur les rails étaient démontés, est tombée lors de sa manipulation par sa propriétaire [...] au moyen du bras articulé de la pelleteuse que celle-ci avait louée auprès de [...] [V] en vue de son évacuation du site et qui elle-même ne se déplaçait pas.
Elle fait valoir que :
- [...] [V] engage sa responsabilité contractuelle en qualité de preneur à bail, d'une part, pour avoir manqué à son obligation de restituer les locaux, lorsqu'elle a quitté les lieux, dans le même état qu'ils lui ont été donnés à bail, sauf cas de force majeure non caractérisé en l'espèce, et de prendre en charge toutes les mesures conservatoires au besoin pour le compte de qui il appartiendra, d'autre part, pour s'être abstenue, alors qu'elle est assurée en qualité de gardienne de l'immeuble pour son compte et celui du propriétaire auprès de la SMABTP selon l'attestation d'assurance versée aux débats, soit de mettre en oeuvre son assurance, soit de contester un refus de garantie de son assureur dont tout laisse penser qu'il est à la manoeuvre, caché derrière elle
- [...] [V] engage sa responsabilité délictuelle en qualité de loueur du tractopelle pour avoir manqué à son obligation d'information et de conseil, doublée d'une obligation de se renseigner, à l'égard de sa co-contractante [...] sur l'absence d'assurance souscrite pour cet engin de chantier loué sans chauffeur, ce qui n'est pas une activité commerciale courante de [...] [V], et sur les dangers liés à l'utilisation de la pelleteuse pour tracter une grue sur rail alors qu'elle n'ignorait ni la qualité de propriétaire de la grue de [...] ni l'usage que le gérant de celle-ci comptait faire de la pelleteuse et que le déplacement de la grue, prévu au contrat de sous-location, a été effectué dans son intérêt
- l'assureur qui garantit notamment la responsabilité délictuelle de [...] recherchée sur le fondement de l'article 1384 ancien du code civil mélange les genres au sujet de leurs gérants respectifs qui étaient lors des faits M. [I] (sic) pour [...] et M. [B] pour elle et inverse la charge de la preuve en remettant en cause les éléments factuels contenus dans le procès-verbal signé par les divers experts d'assurance sur les circonstances du sinistre telles qu'elles résultent des déclarations du gérant de [...] alors qu'il lui appartient de prouver le contraire
- les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 sont inapplicables à l'accident dont la cause ne résulte pas du mouvement d'un véhicule terrestre à moteur car il n'a pas été occasionné par le déplacement de la grue qui, inerte, est tombée parce que reliée au bras de la pelleteuse qui l'a fait se mouvoir
- elle ne saurait engager sa propre responsabilité sur le fondement de l'article 1719 du code civil dans la mesure où ce texte n'oblige pas le bailleur à faire des travaux conservatoires, lesquels ne sont pas des travaux d'entretien destinés à durer dans le temps, où, si retard il y a, il est le fait de [...] [V] qui a effectué ces travaux et où l'assureur de l'[...] qui n'a pas engagé de travaux conservatoires permettant de protéger ses grains bien qu'elle soit également gardienne de l'immeuble en sa qualité de sous-locataire ne peut rien réclamer en application de l'adage «Nemo auditur».
[...] en qualité d'assureur de [...] expose, à l'instar d'[...] en qualité d'assureur de la SCI, que la grue installée sur la propriété de la SCI à proximité du bâtiment a chuté alors que le gérant de [...] aurait entrepris de la tracter en vue de son démontage, son dispositif de translation sur rails étant en panne, au moyen d'une élingue reliée à une pelleteuse louée auprès de [...] [V] et que cette élingue trop sollicitée s'est sectionnée.
Elle fait valoir que :
- les circonstances du sinistre ne sont pas clairement établies, étant rappelé que M. [B], gérant de la SCI, est également associé de [...] qu'il a créée avec M. [E] le 17 juin 2014 et dont il est devenu le gérant en décembre 2015 ; en effet, il reste à démontrer que [...] a, comme elle le déclarait, racheté la grue aux enchères dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Ets [B], précédent locataire du bâtiment sinistré, et déplacé la grue, ce que [...] [V] s'était engagée à faire selon le contrat de sous-location, engagement pour le moins étonnant sauf à considérer que la grue faisait partie de la location qui lui a été consentie, en vertu d'un bail non produit, et appartenait ainsi à la SCI, alors que le tribunal a pris pour acquis que le gérant de [...] a déplacé la grue dans le cadre de l'activité de [...] sur la base des seules déclarations de celle-ci et de la SCI, contredites par [...] [V] qui, au lendemain du sinistre, écrivait le 6 février 2015 à la SCI 'Vous avez démonté votre grue', sans qu'ait été produit l'acte d'acquisition de la grue que le gérant commun de la SCI et de [...] est pourtant à même de verser aux débats
- sous cette réserve, l'accident est survenu lors du déplacement de la grue à l'aide d'un véhicule terrestre à moteur, à savoir une pelleteuse louée sans chauffeur par [...], les deux engins de chantier étant alors en mouvement, et met donc en cause un véhicule placé sous la garde de son assurée et soumis, contrairement à ce qu'a considéré le tribunal, aux dispositions de la loi du 5 juillet 1985 puisque ce n'est pas la fonction outil de la pelleteuse qui est en cause mais sa fonction déplacement, le conducteur de la pelleteuse ayant, pour tracter la grue, c'est-à-dire la tirer, arrimé les engins l'un à l'autre au moyen d'une élingue attachée d'un côté à la base de la grue et de l'autre au bras de la pelleteuse puis mis en tension l'élingue en effectuant une marche arrière sans procéder à une opération de levage avec le bras de la pelleteuse.
[...] [V] expose que la grue installée sur des rails et entreposée à proximité du bâtiment industriel est tombée alors que [...] aurait entrepris de la déplacer à l'aide d'un câble relié à une pelleteuse louée auprès d'elle.
Elle fait valoir que :
- en qualité de locataire du local, ayant à répondre, selon l'article 1732 du code civil, des dégradations ou pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins de prouver qu'elles ont eu lieu sans sa faute, et non que les dommages relèvent d'un cas de force majeure, elle ne saurait engager sa responsabilité car la chute de la grue est exclusivement imputable à [...] dont le gérant est le même que celui de la SCI et elle n'a pas commis de faute en louant un tractopelle dès lors qu'elle n'avait pas été informée de l'usage attendu, qu'il n'est pas démontré que ce tractopelle ait un quelconque lien avec la chute de la grue survenue en la seule présence de [...], sans témoin, qu'il appartenait uniquement à celle-ci de prendre des précautions et que le sinistre était irrésistible pour elle qui n'a pas participé à la manipulation de la grue ; en tout état de cause, la SCI avec laquelle elle était liée par un contrat de bail ne peut lui opposer une prétendue qualité de gardien qui suppose de rechercher sa responsabilité sur le plan délictuel et de justifier d'un manquement de sa part, inexistant en l'espèce ; en outre, elle n'a pas manqué à ses obligations en matière d'assurance car la garantie souscrite auprès de la SMABTP est conforme au bail qui l'obligeait à garantir l'immeuble uniquement contre les risques d'incendie, d'explosion, de dégâts des eaux ou de calamités naturelles et il ne peut pas lui être reproché de ne pas avoir assigné son assureur dès lors que les garanties couvrant les dommages provenant de la chute d'appareils aériens et les chocs liés à un véhicule terrestre ne sont pas mobilisables pour la chute d'une grue ayant vocation à se déplacer sur rails, d'autant qu'il appartenait à la SCI d'exercer l'action directe prévue par l'article L. 124-3 du code des assurances si elle estimait une garantie mobilisable
- en qualité de propriétaire du tractopelle, elle n'engage pas non plus sa responsabilité dans la mesure où la SCI qui admet justement que le sinistre n'est pas constitutif d'un accident de la circulation ne peut lui reprocher un défaut d'assurance, où, n'étant pas informée de l'usage qui serait fait de son engin loué sans accessoires (câbles ou autres), il ne lui incombait pas d'informer [...] sur la nécessité de s'assurer, où les circonstances du sinistre ne sont pas établies, de sorte qu'il n'est pas démontré que la grue est tombée du fait d'un défaut de manoeuvre du tractopelle lui-même ou de son bras, aucune présomption d'implication n'existant en l'absence de contact, où il n'appartenait qu'à [...], et non à elle, d'assurer l'engin de chantier pour le faire circuler conformément à l'article L. 211-1 du code des assurances, outre que la souscription d'une telle assurance est indifférente car le bâtiment de la SCI n'a pas été dégradé par le tractopelle mais par la grue qui ne peut être considérée comme une remorque au sens de ce texte et de la loi Badinter du 5 juillet 1985, de sorte que sont seules applicables les dispositions du code civil concernant la garde des choses, qui désignent [...] comme gardien de la grue, où, à supposer que la grue constitue une remorque, seule sa propriétaire [...] avait vocation à l'assurer, et non elle s'agissant d'un bien ne faisant pas l'objet de la location, et où la grue n'a pas été déplacée dans son intérêt, le déplacement prévu au contrat de sous-location ne s'étant pas avéré nécessaire ni par elle mais par un tiers ayant commis des fautes dont elle n'a pas à répondre ; la SCI ne justifie donc d'aucun manquement contractuel qu'elle pourrait invoquer, en tant que tiers au contrat de location sans chauffeur, à son encontre sur le fondement de la responsabilité contractuelle
- la [...], l'[...] et Generali qui, subrogée dans les droits de son assurée, dispose des mêmes droits que celle-ci ne peuvent rechercher sa responsabilité dès lors qu'aux termes du contrat de stockage, l'[...] a renoncé à tout recours contre elle au titre des marchandises stockées, qu'il appartenait donc à Generali d'engager un recours contre l'assureur de la concluante sans pouvoir lui faire de reproche à cet égard, qu'en toute hypothèse, elle n'est ni locataire ni gardienne de la grue rachetée par [...] à une société [B] qui occupait le bâtiment litigieux avant de tomber en liquidation, que, le sinistre n'étant pas constitutif d'un accident de la circulation, elle ne peut se voir reprocher de ne pas avoir assuré le tractopelle, assurance qui aurait d'ailleurs été inutile en l'absence de rôle causal de cet engin, qu'aucune aggravation des dommages en l'absence de mesure conservatoire n'est démontrée et qu'au regard de l'obligation de moyens dans la garde de la chose déposée, qui pèse sur elle en qualité de dépositaire, elle n'a commis aucune négligence en écrivant le jour même du sinistre au gérant de la SCI pour qu'il fasse réaliser des travaux conservatoires afin de protéger les céréales stockées
- [...] ne saurait remettre en question la propriété de la grue acquise par [...] selon ce qu'a déclaré son gérant lors de la réunion d'expertise amiable contradictoire et, au surplus, il importe peu de savoir si la grue appartenait effectivement à [...] puisque celle-ci en avait la garde lors du dommage.
Generali, la [...] et l'[...] exposent que la grue qui ne pouvait être manipulée que sur deux rails parallèles d'environ 25 mètres linéaires placés à une dizaine de mètres du bâtiment industriel et dont les moteurs assurant sa mise en mouvement étaient démontés le jour du sinistre s'est trouvée déséquilibrée et a chuté lorsque le gérant de [...] souhaitant la récupérer a entrepris de la déplacer par traction à l'aide d'une pelleteuse louée à cette fin auprès de [...] [V].
Elles font valoir que :
- [...] engage sa responsabilité en application de l'article 1242 alinéa 1 anciennement 1384 alinéa 1 du code civil en vertu de sa qualité de gardien tant de la grue lui appartenant, laquelle ne constitue pas un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985 car elle n'était pas dans sa fonction roulement et ne pouvait d'ailleurs se déplacer que sur un rail dédié non situé au sol (sic), la rendant assimilable aux chemins de fer et tramways circulant sur des voies propres, que de la pelleteuse, laquelle n'était pas utilisée dans sa fonction déplacement, mais dans sa fonction outil même si l'ensemble était en mouvement, de sorte qu'il ne s'agit pas d'un accident de la circulation au sens de la loi susvisée
- [...] [V] engage sa responsabilité pour avoir, d'une part, contribué à aggraver les préjudices en ne mettant pas en oeuvre les mesures conservatoires requises pour prévenir l'exposition des céréales stockées aux intempéries alors que l'article 1728 du code civil impose au locataire d'user de la chose sans préjudicier au bailleur ni aux tiers envers lesquels il peut engager sa responsabilité délictuelle au visa de l'article 1240 anciennement 1382 du même code et que les articles 1927 et 1933 obligent le dépositaire à prouver qu'il est étranger à la perte ou détérioration de la chose déposée, d'autre part, failli à son obligation légale d'assurer la grue et la pelleteuse, obligation dont elle est tenue en application de l'article L. 211-1 du code des assurances en qualité de locataire de la grue installée dans les locaux pris à bail et de propriétaire de la pelleteuse, sans pouvoir leur opposer la clause de renonciation à recours figurant dans le contrat de stockage et de manutention, qui n'emporte pas renonciation à recourir contre son assureur
- la SCI engage sa responsabilité délictuelle en sa qualité de propriétaire des locaux sinistrés sur le fondement de l'article 1240 anciennement 1382 du code civil faute d'avoir entrepris les mesures conservatoires relevant de ses obligations de bailleur selon l'article 1719 du même code, qui auraient permis de limiter les conséquences dommageables et d'éviter qu'une partie des céréales soit altérée du fait des intempéries auxquelles elles ont été exposées en l'absence de bâchage de la toiture.
Réponse de la cour
Les circonstances du sinistre sont décrites comme suit :
- au «rapport d'expertise défense - recours» établi le 11 février 2015 par M. [H] du cabinet Texa mandaté par Generali en qualité d'assureur de l'[...], ce à l'issue d'une réunion d'expertise contradictoire tenue le même jour en présence de M. [B], gérant de la SCI, de M. [V], gérant de [...] [V], et d'un salarié de cette entreprise, de M. [E], gérant de [...], de M. [S], expert du cabinet Equad mandaté par [...] en qualité d'assureur de la SCI et d'assureur de [...], de M. [I], agent général [...], des responsables «maintenance» et «production» de la [...], de son assureur conseil et de M. [H]
'Le contexte :
La SCI « [...] », dont le gérant est Monsieur [B] [G], est propriétaire du bâtiment industriel de 2 800 m² sis [Adresse 10] à [Localité 6] (sic).
Ce bâtiment était mis à disposition de la SARL « ETS [B] », entreprise de maçonnerie générale qui fabriquait des éléments de béton pour la construction jusqu'au 15 Janvier 2014, date de la liquidation judiciaire de la société.
Pour exercer son activité, la SARL « ETS [V] » (sic) avait fait installer une grue industrielle avec déplacement sur rail à proximité du bâtiment précité.
Suite à cette liquidation judiciaire, le bâtiment industriel a été repris en location par la SARL « [...] [V] » dans le cadre d'un bail (document non communiqué).
La grue industrielle a été rachetée par la SARL « [...] » dans le cadre d'une vente par adjudication. Cet engin n'est plus utilisé, mais est resté stocké sur ses rails en attente de démontage ou de réutilisation éventuelle.
Le terrain de stockage de la grue est mis gracieusement à la disposition de la SARL « [...] » par la SCI « [...]».
Historique des faits :
Le 06 Février 2015 :
Monsieur [E] [K], gérant de la SARL « [...] » entreprend de déplacer la grue industrielle par traction à l'aide d'une pelleteuse louée dans l'objectif de la préparation au démontage de l'engin.
Pour une raison indéterminée, lors de la traction, la grue s'est retrouvée déséquilibrée, puis a vacillé, et le corps de la machine ainsi que les contre poids sont tombés sur le bâtiment industriel, provoquant l'effondrement partiel de celui-ci.
(...)
4.1 Constatations :
(...)
La grue industrielle, âgée selon les déclarations de M. [B] d'environ 40 ans, est installée sur deux rails parallèles placés à une dizaine de mètres du pignon du bâtiment indistriel.
Cette grue est montée sur roue, et était actionnée lorsqu'elle était en service par des moteurs, dont un qui permettait le déplacement sur les rails.
Ces moteurs sont démontés.
Nous constatons que l'ensemble du corps de la grue s'est couché sur le pignon du bâtiment et que le système de contre poids est tombé sur le toit, détruisant partiellement celui-ci.
(...)
Nous constatons que le mur de parpaing du pignon est fissuré, que deux pannes métalliques d'une portée de 25 ml sont tombées sur le stock de maïs en raison de la charge générée par les contre poids de la grue en tombant sur le bâtiment.
Lors de nos opérations d'expertise, nous constatons que les tôles et plusieurs éléments métalliques de la charpente menacent de tomber, rendant impossible toute extraction des céréales situées en dessous du toit endommagé.
D'autre part, divers éléments métalliques sont mélangés au stock de maïs situé sous la toiture endommagée, et nous craignons que de l'huile hydraulique se soit déversée sur les céréales.'
- au «procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages» signé à une date non précisée, suite à une réunion d'expertise contradictoire tenue sur site le 30 juin 2015 en présence des gérants respectifs de la SCI, de [...] [V] et de [...], par M. [S] du cabinet Equad, par M. [P], expert du cabinet Ciblexperts mandaté par la SMABTP en qualité d'assureur de [...] [V], et par M. [N] dont la qualité n'est pas mentionnée
'La SCI « [...] », est propriétaire du bâtiment industriel de 2 800 m² sis [Adresse 12] - [Localité 6] (sic).
Suite à la liquidation de l'entreprise [B], exploitante du bâtiment précité, ce dernier a été loué par bail à la SARL [...] [V].
Dans le même temps, la SARL [...] a acquis la grue industrielle installée sur rail et entreposée à proximité du bâtiment industriel.
Selon son témoignage, seule sur site, la SARL [...] a entrepris de déplacer la grue industrielle le 06 Février 2015 en vue de son démontage, à l'aide d'une pelleteuse louée auprès de la SARL [...] [V].
Selon [...], lors (suite raturée illisible) de cette (mots ajoutés à la main) manoeuvre (suite raturée illisible) au moyen de (mots ajoutés à la main) la pelleteuse sur chenilles à l'aide d'un filin attaché à la grue industrielle, cette dernière s'est trouvée déséquilibrée, et est tombée sur le bâtiment industriel, qui s'est partiellement effondré sous l'effet du choc et du poids de la grue.
Au moment des faits, la SCA « [...] » avait stocké environ 3 000 tonnes de maïs dans le bâtiment industriel précité, dans le cadre d'un contrat de stockage et de manutention validé entre la SARL « [...] [V]», locataire du bâtiment, et la SCA « [...] », propriétaire du maïs grain.
En raison du sinistre, le bâtiment s'étant partiellement effondré sur le stock de maïs, une partie de celui-ci a été endommagé par des corps étrangers issus de l'effondrement du bâtiment, et par les intempéries consécutives à l'absence de toit au dessus de la céréale.
D'autre part, 1 922 tonnes de maïs ont été transférées vers les silos de la coopérative.'
- au «procès-verbal de constatations relatives aux causes circonstances et l'évaluation des dommages» signé le 28 septembre 2015 après la réunion d'expertise contradictoire susvisée du 30 juin 2015, par M. [H] du cabinet Texa, par M. [S] du cabinet Equad et par M. [P] du cabinet Ciblexperts
'La SCI « [...] », est propriétaire du bâtiment industriel de 2 800 m² sis [Adresse 10] à [Localité 6] (sic).
Suite à la liquidation de l'entreprise « [B] », exploitante du bâtiment précité, ce dernier a été loué par bail à la SARL « [...] [V] ».
Dans le même temps, la SARL « [...] » a acquis la grue industrielle installée sur rail et entreposée à proximité du bâtiment industriel.
Selon son témoignage, seule sur site, la SARL « [...] » a entrepris de déplacer la grue industrielle le 06 Février 2015 en vue de son démontage, à l'aide d'une pelleteuse louée auprès de la SARL « [...] [V] ».
Selon [...], lors d'une manoeuvre de traction par la pelleteuse à l'aide d'un filin attaché à la grue industrielle, cette dernière s'est trouvée déséquilibrée, et est tombée sur le bâtiment industriel, qui s'est partiellement effondré sous l'effet du choc et du poids de la grue.
La chute de la grue industrielle a ainsi provoqué :
- l'effondrement d'un poteau béton extérieur en file 13, supporte du pont roulant
- l'effondrement d'une partie du pignon ouest
- l'effondrement des deux premières travées de couverture (files 10-12)
- des dommages à l'ossature support de la troisième travée file '9-10)
- des dommages aux têtes de poteaux béton des portiques des diles 11 et 12.'
- au «rapport n°2» établi le 21 juillet 2016 par M. [P] du cabinet Ciblexperts suite à une nouvelle réunion d'expertise contradictoire organisée le 7 juillet 2016 par le cabinet Equad pour chiffrer les dommages affectant le bâtiment en présence de M. [N] du cabinet Equad pour [...] en qualité d'assureur de la SCI et de M. [S] du même cabinet pour [...] en qualité d'assureur de [...]
'Historiquement, la Société [B] exploitait une usine, sur un site appartenant à la SCI [...], sis [Adresse 12] à [Localité 6].
Pour information, Monsieur [B] était associé gérant de la Société [B] et est associé gérant avec sa femme de la SCI [...]. La Société [B] a été liquidée judiciairement le 15 janvier 2014.
Une partie du matériel équipant le site a fait l'objet d'une vente aux enchères, dont une vieille grue sur rails datant de 1971. Cette grue a été acquise par [...] en juin 2014, pour un montant de l'ordre de 2.000 € HT.
Il convient de noter que Messieurs [E] et [B] sont tous 2 actionnaires de [...], Monsieur [E] était par ailleurs gérant de la Société.
Parallèlement à la vente des anciens matériels de la Société [B], la SCI [...] a loué son site à la Société [...] [V], pour un bail d'un an.
Pour sa part, [...] [V] a sous-loué le site à [...], [...], pour l'entreprosage de son maïs.
Début 2015, [...] a souhaité démonter et récupérer la grue qu'elle avait acquise, toujours présente sur le site de la SCI [...].
Dans ce contexte, [...] a sollicité initialement [...] [V] pour son démontage.
Néanmoins et finalement, [...] s'est limité à louer une pelle mécanique à [...] [V], de manière à procéder elle-même au démontage de sa grue.
La facture du 28 février 2015 relative à la location d'une pelle sans chauffeur de [...] [V] à [...] est jointe en annexe I.
[...] [V] a transféré la pelle louée à [...], sur le site de la SCI [...] le 6 février 2015.
Ce même jour, Monsieur [E] a pris possession de la pelle [...] [V] et a souhaité débuter le démontage de la grue sur rails.
Dans cet objectif, Monsieur [E] a fixé des élingues sur le pied de la grue, de manière à la faire avancer sur ses rails et la décaler par rapport au bâtiment existant, au moyen de la pelle.
Monsieur [E] a fixé l'extrémité des élingues au bras de la pelle et a souhaité ainsi tirer la grue sur ses rails.
Lors de cette opération, la grue a été déséquilibrée et elle a chuté sur le bâtiment de la SCI [...], endommageant fortement l'une de ses extrémités.
Le bâtiment était à ce moment utilisé par [...] pour l'entreposage de son maïs.
Les conséquences de la chute de la grue sont à l'origine de la présente affaire.'
Au premier rapport du 11 février 2015 sont intégrées une 'vue aérienne du site avant sinistre' montrant la grue à tour érigée à côté d'un pignon du bâtiment et trois photographies des lieux après sinistre montrant, pour celle prise à l'extérieur du bâtiment, la grue ayant basculé sur ce pignon depuis le tronçon de deux rails ancrés au sol sur lequel elle pouvait uniquement translater parallèlement au pignon, sa base dotée de quatre paires de roues métalliques ayant quitté les rails et les poids qui la lestaient s'étant renversés, et, pour celles prises à l'intérieur, les éléments de la grue et de la charpente/couverture déjà tombés ou menaçant de tomber sur le stock de maïs.
Sont versés aux débats, le contrat de «bail à durée limitée» non daté par lequel la SCI a donné à bail à [...] [V], par dérogation expresse au statut des baux commerciaux, le bâtiment litigieux décrit comme 'un hangar d'une superficie approximative de 1 800 M2 avec terrain (bande de 5 m de large autour du batiment)' à destination exclusive de stockage de marchandises pour une durée ferme de 12 mois à compter du 1er octobre 2014, le contrat de «stockage et manutention» conclu le 26 novembre 2014 entre [...] [V] désignée comme 'le prestataire' et la [...] désignée comme 'le client' pour une durée d'une année non reconductible à compter du 3 octobre 2014, portant sur une prestation de stockage de céréales de quantité variable dans le même 'bâtiment de 28 m x 67 m (environ) et les abords' et une prestation de manutention détaillée dans une annexe non produite et prévoyant, au titre des charges et conditions à la charge du prestataire, que 'A l'extérieur la grue sera poussée et l'accès aménagé pour faciliter la manoeuvre de nos camions', ainsi que la facture de location de 'pelle sans chauffeur, hors fuel 25 T' sur la période du 6 au 9 février 2015 émise le 28 février 2015 par [...] [V] à l'ordre de [...], mais non le contrat de vente de la grue ni la facture y afférente.
La responsabilité de [...]
Elle est recherchée tant par la SCI pour les dommages au bâtiment que par la [...], l'[...] et leur assureur pour les dommages aux céréales stockées.
Il ressort des pièces susvisées que l'accident est survenu au cours d'une manoeuvre de déplacement de la grue sur ses rails effectuée par [...], ainsi que l'a constamment reconnu son gérant, en la tractant à l'aide de la pelleteuse qu'elle avait louée auprès de [...] [V], manoeuvre qui a déséquilibré et fait vaciller la grue, entraînant sa chute sur le bâtiment de la SCI.
Ni l'engagement pris par [...] [V], aux termes du contrat de stockage et de manutention, de (faire) pousser la grue de manière à faciliter la manoeuvre des camions de sa cliente, ni son courrier adressé le 6 février 2015 à la SCI au sujet du sinistre du même jour indiquant 'Vous avez démonté votre grue à proximité du bâtiment que nous vous louons' ne constituent des éléments suffisants pour faire douter de la version des faits admise par leur auteur, alors que la grue, installée sur rails à une dizaine de mètres du pignon du bâtiment comme le confirment les photographies versées aux débats, n'était pas comprise dans l'assiette du bail dérogatoire de [...] [V] circonscrite à 5 mètres autour du bâtiment, que le maintien en place de la grue n'a, de fait, nullement empêché la [...] d'accéder au bâtiment pour y stocker des céréales depuis octobre 2014 et que [...] [V], qui n'a pas été témoin direct des faits, a pu faire confusion sur leur auteur avant de recevoir des explications complémentaires de [...].
[...] avait donc, au moment de l'accident, l'usage, la direction et le contrôle, tant de la pelleteuse qui lui avait été louée sans chauffeur, que de la grue tractée par la pelleteuse, de sorte qu'elle ne peut qu'être considérée comme gardien des deux engins, quand bien même aucun document contractuel n'a jamais été communiqué à l'appui de son affirmation selon laquelle elle était devenue propriétaire de la grue rachetée aux enchères dans le cadre de la liquidation judiciaire du précédent locataire de l'immeuble de la SCI.
En outre, il n'est pas contesté que la pelleteuse constitue un véhicule terreste à moteur au sens des articles 1er de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 et L. 110-1 du code de la route, ni contestable que la grue, circulant à l'endroit de l'accident sur une voie qui lui est propre consistant en un tronçon de deux rails parallèles et, au surplus, dépourvue de moteur de propulsion dès avant l'accident, ce qui n'est pas en soi contesté, ne constitue pas un tel véhicule terrestre à moteur, ni une remorque au sens des mêmes textes, définie comme tout véhicule destiné à être attelé à un autre véhicule.
Reste à déterminer si, comme le soutient [...] en qualité d'assureur de [...], la pelleteuse est impliquée dans un accident de la circulation au sens de la loi susvisée, ce qui n'est pas exclu du seul fait de l'absence de choc entre la pelleteuse et le bâtiment sinistré mais nécessite d'établir que l'accident se rattache à un fait de circulation, c'est-à-dire à la fonction de déplacement de la pelleteuse, et non à d'autres éléments d'équipement étrangers à cette fonction, tels que ceux relevant de sa fonction outil.
Sur ce point, il n'est contesté par aucune des parties, même si cela n'est pas précisé au premier constat contradictoire effectué cinq jours après l'accident, que la grue a été tractée au moyen d'une élingue ou d'un autre type de filin ou câble ni que cette élingue était fixée, comme indiqué par l'expert mandaté par l'assureur de [...] [V] et repris par [...] en qualité d'assureur de [...], d'un côté à la base de la grue et de l'autre au bras de la pelleteuse, ce de manière à la tirer sur ses rails sans la lever.
Toutefois, l'allégation d'[...] en qualité d'assureur de [...] selon laquelle le conducteur de la pelleteuse a mis en tension l'élingue en effectuant une marche arrière ne ressort d'aucun élément versé aux débats alors qu'une telle manoeuvre aurait été simple à décrire et il y a lieu de privilégier l'hypothèse, plus vraisemblable compte tenu de la fixation de l'élingue sur le bras de la pelleteuse, et non sur le véhicule lui-même, que cette mise en tension a été opérée en actionnant le bras de la pelleteuse demeurée pour sa part immobile.
Il s'en déduit que l'accident ne se rattache pas à un fait de circulation, la pelleteuse ayant été utilisée dans sa seule fonction outil.
Le jugement entrepris doit, dès lors, être confirmé en ce qu'il a dit que le sinistre n'entre pas dans le champ de la loi du 5 juillet 1985 et, faisant application de l'article 1242 alinéa 1er, anciennement 1384 alinéa 1er, du code civil relatif à la responsabilité de plein droit du fait des choses que l'on a sous sa garde, a dit que la responsabilité de [...] est établie sur ce fondement.
La responsabilité de [...] [V]
Elle est recherchée par la SCI sur plusieurs fondements.
D'une part, sur le terrain contractuel, il n'est pas contesté que le bâtiment sinistré n'était pas remis en état lorsque [...] [V] a quitté les lieux donnés à bail, même si la SCI ne précise pas à quelle date sa locataire est partie et ne produit aucune pièce à ce sujet.
En l'absence de tout état des lieux, d'entrée comme de sortie, versé aux débats, la SCI ne peut se prévaloir de l'article 1730 du code civil selon lequel, s'il a été fait un état des lieux entre le bailleur et le preneur, celui-ci doit rendre la chose telle qu'il l'a reçue, suivant cet état, excepté ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté ou force majeure.
En outre, les travaux de remise en état du bâtiment, qui intéressent sa structure même (murs et poteaux) et sa charpente/couverture, excèdent manifestement les réparations locatives auxquelles est limitée la présomption instituée par l'article 1731 du code civil qui dispose que, s'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire, de sorte que la SCI ne peut pas davantage se prévaloir de ce texte.
Au surplus, au regard de l'article 1732 du code civil prévoyant que le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute, [...] [V] objecte exactement qu'elle n'a commis aucune faute à l'origine du sinistre, s'étant contentée de louer une pelleteuse sans chauffeur, sans prendre part de quelque manière que ce soit à l'opération dommageable de déplacement de la grue à laquelle elle n'a pas assisté et sans qu'il puisse être déduit du seul fait, relevé par l'expert du cabinet Ciblexperts mandaté par son assureur, que [...] l'avait sollicitée initialement pour procéder au démontage de la grue qu'elle n'ignorait pas l'usage que le gérant de [...] comptait faire de la pelleteuse pour déplacer la grue, d'autant que ce déplacement effectué en préambule du démontage de la grue est sans lien avéré avec l'engagement qu'avait pris [...] [V] vis-à-vis de sa cliente de (faire) pousser la grue pour faciliter la manoeuvre des camions.
Enfin, la clause du bail relative aux charges et conditions en matière d'entretien et de réparations, stipulant que 'Le preneur s'oblige au cours du bail à maintenir en bon état d'entretien, de fonctionnement, sécurité et propreté l'ensemble des locaux loués, et à remplacer s'il y a lieu , ce qui ne pourrait être réparé', ne saurait être entendue comme obligeant le preneur à prendre en charge, après un sinistre causé par un tiers, toutes les mesures conservatoires qui s'imposent, au besoin pour le compte de qui il appartiendra.
Par ailleurs, conformément à la clause du bail relative aux charges et conditions en matière d'assurances pour le compte du bailleur, stipulant que 'Le preneur s'engage à souscrire auprès d'une compagnie notoirement solvable un contrat d'assurance couvrant le Bailleur et le Preneur contre les risques d'incendie, d'explosions, de dégâts des eaux et de calamités naturelles susceptibles d'atteindre les bâtiments loués ainsi que les aménagements, les équipements, les mobiliers, les matériels, les marchandises et en général tous les objets garnissant les lieux loués. Le preneur garantira également les risques de responsabilité civile inhérents à son activité professionnelle et à son occupation des lieux, ainsi que les recours des voisins', [...] [V] a souscrit auprès de la SMABTP un contrat d'assurance «multirisque locaux professionnels» qui, selon l'attestation d'assurance de l'année 2015 relative au bâtiment pris à bail, comportait des garanties de base couvrant notamment les risques incendie, explosions, tempêtes, grêle, poids de la neige sur les toitures, responsabilité civile du fait de la propriété ou de la garde de l'immeuble, catastrophes naturelles, ainsi que la garantie optionnelle dégâts des eaux et garantissait notamment 'les dommages aux locaux dont le sociétaire est occupant à un titre quelconque (locataire, propriétaire,...)' et, en vertu d'une clause particulière rappelant que le sociétaire devait assurer les locaux tant pour son propre compte que pour celui du propriétaire, 'les dommages causés aux bâtiments du propriétaire'.
Néanmoins, aucune des garanties d'assurance que [...] [V] s'est engagée à souscrire en vertu du bail n'étant mobilisable au titre du sinistre, la SCI n'est pas fondée à lui reprocher de n'avoir pas mis en oeuvre d'autres garanties d'assurance ne présentant pas de caractère obligatoire pour le preneur, garanties qu'il lui était d'ailleurs loisible de solliciter elle-même auprès de l'assureur, notamment en qualité de bénéficiaire de l'assurance de choses souscrite pour son compte dans les conditions de l'article L. 112-1 du code des assurances.
Par conséquent, [...] [V] ne saurait engager sa responsabilité contractuelle en qualité de preneur à bail envers la SCI et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SCI de sa demande à cette fin.
D'autre part, sur le terrain délictuel, il est acquis que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
Contrairement à ce que considère [...] [V], le seul fait que le sinistre n'est pas constitutif d'un accident de la circulation ne suffit pas à écarter l'obligation d'assurance des véhicules terrestres à moteur qui, selon l'article R. 211-5 du code des assurances, tel que modifié par le décret n°86-21 du 7 janvier 1986, s'applique à la réparation des dommages corporels ou matériels résultant :
1° des accidents, incendies ou explosions causés par le véhicule, les accessoires et produits servant à son utilisation, les objets et substances qu'il transporte ;
2° de la chute de ces accessoires, objets, substances ou produits.
En effet, la condition relative à la circulation ayant disparu de ce texte lors de l'adoption du décret susvisé, il en résulte que l'assurance automobile obligatoire garantit les dommages causés par les véhicules terrestres à moteur ou leurs accessoires, même lorsque l'accident ne constitue pas un accident de la circulation au sens de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985.
La pelleteuse aurait donc dû être assurée en tant que véhicule terrestre à moteur.
En outre, en déstabilisant la grue par le mouvement qu'elle a provoqué, elle a causé l'accident au sens de l'article susvisé, quand bien même le bâtiment de la SCI n'a pas été directement dégradé par elle, de sorte que la souscription d'une telle assurance n'est pas indifférente.
Or [...] [V], qui ne dément pas l'affirmation de la SCI selon laquelle la pelleteuse n'était pas assurée, alors que le fait d'avoir loué celle-ci sans chauffeur à [...] n'avait pas pour effet de l'exonérer, en qualité de propriétaire de l'engin, de sa propre obligation d'assurance en vertu de l'article L. 211-1 du code des assurances, ne justifie aucunement avoir informé [...] de ce défaut d'assurance que celle-ci ne pouvait normalement suspecter.
La SCI est donc fondée à soutenir que [...] [V] a manqué en qualité de loueur de la pelleteuse à son obligation d'information envers [...] sur ce point.
En revanche, dans la mesure où, comme précisé ci-dessus, il n'est pas établi que [...] [V] connaissait l'usage que le gérant de [...] comptait faire de la pelleteuse pour déplacer la grue, ni que ce déplacement était en lien avec l'engagement qu'elle avait pris vis-à-vis de sa cliente de (faire) pousser la grue pour faciliter la manoeuvre des camions, il ne saurait lui être reproché de n'avoir pas attiré l'attention de [...] sur les dangers liés à une telle utilisation de la pelleteuse.
En définitive, le seul manquement contractuel de [...] [V] envers [...] dont la SCI puisse se prévaloir à l'appui de son action en responsabilité délictuelle pour faute en qualité de tiers au contrat de location liant ces deux sociétés consiste en l'absence d'information sur le défaut d'assurance de la pelleteuse, à condition de démontrer que ce manquement lui a porté préjudice.
Or un tel défaut d'information n'est pas directement à l'origine du sinistre et, compte tenu de l'aléa existant sur l'attitude qu'aurait adoptée [...] si elle avait été dûment informée puisqu'elle aurait pu, soit renoncer à louer la pelleteuse, soit l'assurer elle-même, soit poursuivre son projet de déplacer la grue sans assurer la pelleteuse, le préjudice en résultant pour la SCI ne peut consister qu'en une perte de chance.
Avant dire droit sur la responsabilité qu'est susceptible d'encourir [...] [V] envers la SCI à cet égard, il y a lieu, dans le respect du principe de la contradiction que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même selon l'article 16 du code de procédure civile, d'ordonner la réouverture des débats afin de permettre aux parties de présenter leurs observations sur cette perte de chance qui n'a pas été débattue jusqu'à présent.
La responsabilité de [...] [V] est également recherchée par Generali, la [...] et l'[...] à plusieurs titres.
D'une part, en son article 5 relatif aux assurances, le contrat de stockage et de manutention mettait à la charge du prestataire l'assurance du bâtiment et à la charge du client l'assurance des marchandises et prévoyait que 'Le client déclare renoncer à tout recours contre le prestataire'.
Cette clause de renonciation à recours fait donc obstacle à ce que la [...], co-contractante de [...] [V], recherche la responsabilité contractuelle de celle-ci pour avoir manqué à son obligation de moyens dans la garde de la chose déposée, telle que définie par les articles 1927, 1928 et 1933 du code civil, en ne mettant pas en oeuvre les mesures conservatoires requises pour prévenir, après le sinistre, l'exposition des céréales stockées aux intempéries et limiter ainsi les conséquences dommageables du sinistre.
L'[...] qui est le souscripteur du contrat d'assurance «tous risques sauf» - «dommages aux biens/pertes d'exploitation» souscrit auprès de Generali pour elle-même et pour le compte de ses filiales à plus de 50 % dont la [...] et qui a perçu de cet assureur une indemnité suite au sinistre, de même que Generali qui est subrogée dans les droits de son assurée du fait de ce paiement en application de l'article L. 121-12 du code des assurances, n'ont pas plus de droits que la [...] à cet égard.
Il importe peu que la clause susvisée n'emporte pas renonciation à recours contre l'assureur du prestataire dès lors que cet assureur n'a jamais été mis en cause et n'est partie à aucune des instances d'appel jointes.
La [...], l'[...] et leur assureur ne peuvent pas davantage adresser le même reproche à [...] [V] en se fondant, en qualité de tiers au contrat de bail liant celle-ci à la SCI, sur un manquement contractuel de sa part à l'obligation qui lui incombe en qualité de locataire d'user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination des lieux, telle que prévue par l'article 1728 du code civil, dès lors que, comme précisé ci-dessus, rien n'oblige le preneur, dans ses rapports avec le bailleur, à prendre en charge, après un sinistre causé par un tiers, toutes les mesures conservatoires qui s'imposent.
Leur action en responsabilité contre [...] [V] ne peut donc prospérer à ce titre.
D'autre part, il ne peut qu'être constaté que, si [...] [V] n'avait nullement l'obligation d'assurer la grue dont elle n'a jamais été locataire, celle-ci étant installée en dehors du périmètre de l'assiette du bail, en revanche, elle s'est abstenue, comme indiqué ci-dessus, d'assurer la pelleteuse dont elle est propriétaire et a ainsi failli à l'obligation d'assurance dont elle est tenue en application de l'article L. 211-1 du code des assurances sans pouvoir reporter cette charge sur le seul gardien de l'engin loué sans chauffeur.
Cette faute a privé la [...], l'[...] et leur assureur du bénéfice de cette assurance qui aurait eu vocation à couvrir les dommages causés par la pelleteuse même si le sinistre ne constitue pas un accident de la circulation au sens de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985.
La responsabilité délictuelle de [...] [V] ne peut donc qu'être retenue pour les dommages aux céréales stockées, le jugement entrepris étant infirmé en ce qu'il a débouté la [...], l'[...] et leur assureur de leurs demandes à son encontre.
La responsabilité de la SCI
Elle est recherchée par Generali, la [...] et l'[...], tiers au contrat de bail liant la SCI à [...] [V], sur le terrain délictuel pour n'avoir pas mis en oeuvre les mesures conservatoires relevant de ses obligations de bailleur selon l'article 1719 du code civil afin de prévenir, après le sinistre, l'exposition des céréales stockées aux intempéries et de limiter ainsi les conséquences dommageables du sinistre, sans plus de précisions sur la nature des obligations concernées.
Ce texte oblige le bailleur, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° de délivrer au preneur la chose louée ;
2° d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;
3° d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° d'assurer également la permanence et la qualité des plantations.
En application de ce texte, le bailleur est tenu d'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire les réparations nécessaires au maintien des lieux en état et à leur usage normal qui n'incombent pas au locataire, ce qui vaut également pour les mesures conservatoires que le bail ne mettait pas à la charge de [...] [V] en cas de sinistre causé par un tiers.
Ces obligations cessent, toutefois, en cas de force majeure.
Or, sur la période allant du 6 février 2015, date du sinistre, au 28 septembre 2015 au plus tard, date à laquelle les dommages aux céréales stockées ont été définitivement arrêtés à la perte de 118,12 tonnes de maïs, ainsi qu'aux frais induits par le transfert du maïs vers les silos de l'[...] et par le traitement du maïs contaminé, la chute de la grue sur le bâtiment de la SCI, qui n'est imputable ni à celle-ci quels que soient les liens d'associés existant entre son gérant et celui de [...], ni à son locataire, a constitué un événement imprévisible et irrésistible de nature à l'exonérer de ses obligations de bailleur au moins dans les jours qui ont suivi le sinistre compte tenu du danger que représentaient, même pour la réalisation d'un simple bâchage, les tôles de couverture et éléments de charpente métallique menaçant de tomber.
Parmi les mesures conservatoires validées par les experts, seule la prestation 'forfait grutage de grue et de couverture effondrées' facturée le 28 février 2015 par la société Locamod pour un coût de 5 998 euros HT paraît se rapporter à la sécurisation du site.
Bien qu'il ait été noté au procès-verbal de constatations relatives aux causes, circonstances et à l'évaluation des dommages que du maïs a été endommagé, non seulement par des corps étrangers issus de l'effondrement du bâtiment, mais aussi par les intempéries auxquelles il a été exposé en l'absence de toit, la [...], l'[...] et leur assureur ne fournissent aucune explication ni pièce justificative sur les dates et conditions dans lesquelles le maïs a pu être transféré, après sécurisation du site, vers les silos de l'[...] et traité, ce qui ne permet pas à la cour de vérifier si réellement le retard apporté aux mesures conservatoires a aggravé les conséquences dommageables du sinistre après le temps nécessaire à cette sécurisation, d'autant que ce dernier est survenu en période hivernale.
Dans ces conditions, il ne peut être fait droit à la demande de Generali, la [...] et l'[...] tendant à engager la responsabilité délictuelle de la SCI et le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a rejetée.
Sur les garanties d'assurance
Même si cette précision n'est pas reprise au dispositif de leurs conclusions respectives, la SCI et [...] [V] ne recherchent la condamnation d'[...] à indemniser la première, ou à garantir la seconde si elle est condamnée, des conséquences dommageables du sinistre qu'en qualité d'assureur de [...], sans contester qu'aucune des garanties du contrat d'assurance souscrit par la SCI en qualité de propriétaire non occupant n'est mobilisable à ces fins ainsi que le souligne [...] en qualité d'assureur de la SCI.
Quant à l'appel provoqué de Generali, la [...] et l'[...] à l'égard d'[...] en qualité d'assureur de la SCI, il est irrecevable, tandis que leur appel incident à l'égard d'[...] en qualité d'assureur de [...] est recevable.
Motifs du jugement
Pour condamner [...] en qualité d'assureur de [...] à garantir le sinistre, le tribunal a considéré, d'une part, que [...] a acquis la grue pour son activité professionnelle de fabricant de 'dalles béton préfabriquées (avec ou sans armature)' telle que déclarée à son assureur, ce qui n'a rien d'insolite puisque le déplacement des plaques de béton à l'aide d'engin est une activité courante et classique pour une société de fabrication de plaques de béton, qu'il est encore moins surprenant que [...] veuille prendre en charge cet outil d'exploitation après son acquisition et que la condition de garantie, relative à la réalisation du dommage dans le cadre de l'activité de l'entreprise est donc remplie, d'autre part, que la clause d'exclusion de garantie pour les dommages résultant de l'implication d'un véhicule terrestre à moteur dont l'entreprise a la garde est inapplicable car le sinistre ne constitue pas un accident de la circulation relevant de la loi du 5 juillet 1985.
Moyens des parties
[...] en qualité d'assureur de [...] fait valoir que :
- par suite d'une erreur matérielle, il a été fait mention, aux conditions particulières du contrat d'assurance, des conditions générales n°«RC FAB B version 490009» alors que ce numéro est celui de la fiche d'information sur le fonctionnement de la responsabilité civile dans le temps jointe aux contrats RC et que les conditions générales en vigueur en 2014 portent la référence «RC FAB version B 03-2003»
- la garantie responsabilité civile souscrite par [...], qui a pour objet de couvrir les dommages liés à l'exercice de l'activité professionnelle déclarée par l'assurée à l'article 1.1 des conditions particulières, à savoir celle de fabricant ou de négociant de dalles béton préfabriquées avec ou sans armatures, ce à propos de travaux de bâtiment ou de génie civile dans le cadre de marchés publics ou privés avec des produits et selon des procédés de technique courante conformément aux conditions générales, ne peut s'appliquer à l'accident dès lors que la propriété de la grue n'est pas justifiée, que rien ne permet d'affirmer que la grue aurait été acquise pour les besoins de l'activité professionnelle de [...] qui n'est pas une entreprise de construction, mais de fabrication de matériaux, et que l'accident est survenu lors du déplacement de la grue devenue inutile en vue de son démontage, opération effectuée en dehors de tout marché et de tout chantier et à l'extérieur de l'établissement de [...], dénuée de tout lien avec la fabrication de dalles béton et requérant des compétences spécifiques dont ne disposait pas [...] qui a fait preuve d'un amateurisme consternant et inconscient, le fait qu'elle puisse déplacer des plaques de béton n'impliquant aucunement qu'elle utilise des grues et encore moins qu'elle les déplace et démonte
- en tout état de cause, il résulte des conditions générales que la garantie de base n'a pas vocation à s'appliquer lorsque l'accident met en cause un véhicule dont l'assuré à la garde et que le complément à la garantie de base, non souscrit en l'espèce, n'étend la garantie aux dommages dans la réalisation desquels est impliqué un véhicule terrestre à moteur que lorsque l'assuré n'a ni la propriété ni la garde du véhicule, alors que la grue a été déplacée au moyen d'une pelleteuse dont [...] avait la garde
- subsidiairement, le sinistre consécutif au tractage de la grue par la pelleteuse, véhicule terrestre à moteur sous la garde de [...], est exclu des garanties en application de la clause d'exclusion prévue à l'article 3.11 des conditions générales pour tous les préjudices résultant «d'événements dans lesquels sont impliqués, lorsque l'assuré ou les personnes dont il répond en ont la propriété, la garde, l'usage, ou la conduite, tous véhicules et engins terrestres à moteur, et leurs remorques ou semi-remorques, de la nature de ceux visés à l'article R. 211-4 du code des assurances, qu'ils soient ou non en circulation et alors même qu'ils sont utilisés en qualité d'outils», ce même à supposer que la pelleteuse a été utilisée pour sa fonction d'outil
- ne serait-ce qu'au regard de la notion d'aléa, consubstantielle à toute assurance, la garantie ne saurait être mobilisée au titre du sinistre qui n'est que la conséquence d'une action irresponsable et imprudente de son assurée ayant tracté la grue au mépris des règles de l'art imposant de recourir à un personnel qualifié et des règles les plus élémentaires de sécurité
- elle n'a aucunement manqué à son obligation de conseil et d'information envers son assurée, l'objet du contrat RC fabricant - négociant étant très clairement explicité.
La SCI fait valoir que :
- la condamnation d'[...] en qualité d'assureur de [...] au titre de son action directe est fondée sur les seules conditions particulières initialement produites par [...] car les conditions générales, version du 27 mars 2003, produites par [...] ne lui sont pas opposables en ce qu'elles ne portent pas la référence «Version 490009» mentionnée dans les conditions particulières applicables le 1er juillet 2014 et ne sont donc pas contractuellement applicables
- la garantie de base «responsabilité pour préjudices causés à autrui» ne fait aucune distinction entre la responsabilité contractuelle, la responsabilité délictuelle et la responsabilité issue de la loi de 1985 au sein des conditions particulières qui ne font aucune référence au comportement de l'assuré et ne comportent aucune exclusion de garantie au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, de sorte qu'[...] ne peut dénier sa garantie en raison de la manière dont le gérant de [...] a tracté la grue
- le premier juge a, à bon droit, retenu que [...] agissait dans le cadre de son activité déclarée de fabricant de dalles de béton préfabriquées quand elle a déplacé la grue lui appartenant, outil accessoire et nécessaire à son activité, dans un endroit propice en vue de la démonter puis la remonter ailleurs sur son site de production alors qu'aucune disposition légale ni contractuelle ne l'obligeait à faire le transport par un professionnel.
[...] [V] approuve le premier juge d'avoir considéré que le déplacement de la grue se rattache à l'activité garantie par le contrat d'assurance souscrit par [...] et que le sinistre n'entre pas dans le champ d'application de la clause d'exclusion de l'article 3.11 des conditons générales.
Il en va de même de Generali, la [...] et l'[...] qui ajoutent que le défaut d'aléa invoqué par [...] n'est pas caractérisé faute d'établir que l'assuré a eu conscience, du fait de son attitude, de générer des dommages.
Réponse de la cour
Dans les conditions particulières du contrat «responsabilité civile fabricant - négociant» souscrit par [...] auprès d'[...] à effet du 1er juillet 2014, le souscripteur a déclarer 'agir en qualité de Fabricant pour les produits ou procédés de matériaux de construction béton destinés aux professionnels uniquement et dont les cotations et autres plans sont fournis par le donner d'ordre et non le souscripteur, tel que :
* dalles béton préfabriquées (avec ou sans armatures)'.
La garantie de l'assureur ne concerne que le secteur d'activité professionnelle ainsi déclaré.
S'il peut être admis qu'une grue industrielle montée sur rails puisse être utile au déplacement de dalles béton préfabriquées et constituer comme telle un outil d'exploitation pour le fabricant de tels matériaux, force est de constater que la grue litigieuse n'était pas installée sur le site de production de [...] mais demeurée au lieu d'exploitation du précédent locataire de la SCI, qu'elle n'était plus en état de fonctionnement, les moteurs qui permettaient d'assurer sa translation sur les rails et d'actionner ses mouvements ayant été démontés dès avant l'accident, et que [...], à qui elle ne pouvait être d'aucune utilité à cet endroit ni dans cet état, a seulement entrepris de la déplacer en vue de son démontage.
Une telle action ne constitue pas une modalité d'exécution de l'activité garantie dont elle diffère par son objet, quand bien même [...] aurait eu pour projet de remonter ultérieurement la grue sur son site de production comme le prétend la SCI, ce qui reste à démontrer.
Il ne peut donc qu'être jugé que, contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, [...] en qualité d'assureur de [...] ne doit pas garantie, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres motifs de non-garantie ou d'exclusion de garantie qu'elle invoque, étant relevé qu'il n'est aucunement allégué qu'elle aurait manqué envers son assurée à son obligation d'information et de conseil sur la définition du secteur d'activité professionnelle couvert par la garantie.
Le jugement sera, dès lors, infirmé en ce qu'il a condamné [...] en qualité d'assureur de [...] à payer à la SCI la somme de 165 037,88 euros HT majorée de la TVA, de l'indexation et des intérêts au titre des dommages au bâtiment, à Generali subrogée dans les droits de son assurée la somme de 21 184,42 euros majorée des intérêts au titre des dommages aux céréales stockées et à la [...] et l'[...] la somme de 15 000 euros majorée des intérêts au titre de la franchise sur ces derniers dommages.
Toutes demandes d'indemnisation des conséquences dommageables du sinistre formées à l'encontre d'[...] en qualité d'assureur de [...] seront rejetées, de même que les recours en garantie formées contre elle par [...] [V].
Seront également rejetées les demandes additionnelles que la SCI présente en appel contre [...] en qualité d'assureur de [...], fondées sur l'absence d'exécution spontanée par celle-ci des condamnations dont elle a fait l'objet en première instance et tendant à la fixation d'une astreinte et au remboursement du coût du commandement de payer aux fins de saisie-vente qu'elle lui a fait signifier le 19 mai 2020 et des honoraires de résultat facturés par l'huissier de justice sur le recouvrement de sa créance.
Sur l'évaluation des dommages
au bâtiment
Le premier juge a alloué à la SCI une indemnité de 165 037,88 euros HT au titre du coût des travaux de réparation du bâtiment tel qu'évalué par les experts d'assurance, se décomposant comme suit :
- démolition de maçonnerie : 9 605 euros
- gros oeuvre : 52 000 euros
- foumiture de poteaux préfabriqués : 21 000 euros
- charpente couverture : 66 000 euros
- réparation, remplacement des portes sectionnelles : 6 474 euros
- menuiseries extérieures : 2 180,88 euros
- électricité : 4 424 euros
- maîtrise d'oeuvre : 2 150 euros
- SPS : 1 204 euros,
sans motiver le rejet de sa demande principale de provision et de sursis à statuer dans l'attente des factures définitives de travaux.
La SCI fait valoir que l'indemnisation des dommages se doit d'être intégrale, que les dépenses doivent donc correspondre au centime près à celles lui permettant de remettre le bâtiment en état et que, dans le contexte de l'envolée imprévisible des prix due à la guerre en Ukraine et du dépôt de bilan de [...] empêchant de retenir son devis de travaux validé par les experts pour un montant de 21 000 euros HT, elle a fait réviser ou reprendre les devis dans le respect des travaux arrêtés par les experts et sollicite, sur cette base, une provision de 312 814,88 euros TTC et un sursis à statuer dans l'attente du coût définitif des travaux.
Il est de principe que la réparation du préjudice doit être intégrale, sans perte ni profit pour la victime du dommage.
Ce principe ne justifie, toutefois, pas de surseoir à statuer dans l'attente des factures définitives de travaux dès lors que l'étendue des dommages causés au bâtiment de la SCI par la chute de la grue et la consistance des travaux de nature à y remédier ont été arrêtées contradictoirement par les experts des parties et ne sont aucunement contestées, que seul fait débat leur coût qui doit être actualisé au plus près de la date de la décision de condamnation au paiement de l'indemnité qui permettra à la SCI d'entreprendre les travaux, sans qu'il puisse être reproché à celle-ci de ne pas avoir déjà fait réaliser les travaux grâce à la somme de 177 462,45 euros que lui a reversée, par chèque en date du 4 août 2020, l'huissier de justice qu'elle a chargé de procéder à l'exécution forcée du jugement entrepris assorti de l'exécution provisoire, ce au risque de devoir restituer en cas d'infirmation du jugement comme le rappelle l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution, ni qu'il soit justifié de faire dépendre le montant de l'indemnisation de la date à laquelle elle fera effectivement réaliser les travaux.
Sa demande de sursis à statuer sera donc rejetée, le jugement étant confirmé à cet égard.
La cour d'appel n'est saisie d'aucune demande d'indemnité définitive de sa part, même à titre subsidiaire, mais seulement d'une demande d'indemnité provisionnelle à hauteur de la somme de 312 814,88 euros TTC (260 679,07 euros HT majoré de la TVA au taux de 20 %) qui n'est pas détaillée dans ses conclusions mais qui se décompose comme suit au vu des devis actualisés et du récapitulatif qu'elle produit :
- maçonnerie : 96 378,66 euros HT, soit 115 654,39 euros TTC, correspondant aux prestations de travaux préparatoires, terrassement, fondations, poteaux préfa (pose), dallage, élévation, ouvrages divers, travaux sur poteaux béton conservés et ravalement prévues au devis de la société Justeau Frères en date du 27 avril 2023
- démolition/dépose : 35 000 euros HT, soit 42 000 euros TTC, correspondant à la prestation de nettoyage, démolition avant travaux figurant au même devis parmi les 'prestations complémentaires de reprise en lieu et place de [...]'
- charpente : 97 410 euros HT, soit 116 892 euros TTC, selon devis de la société Etablissements Leblanc en date du 19 janvier 2023 portant sur des prestations de dépose et de reconstruction de la charpente, de la couverture et du bardage
- électricité : 8 612,59 euros HT, soit 10 335,11 euros TTC, selon devis de la société Ineo Atlantique en date du 17 avril 2023
- menuiseries : 5 219,11 euros HT, soit 6 262,93 euros TTC, selon devis de la société M2GB en date du 16 mars 2023
- portes sectionnelles : 18 058,71 euros HT, soit 21 670,46 euros TTC, selon devis de la société Ba2i en date du 28 mars 2023
- éléments préfa + divers : 58 268 euros HT, soit 69 921,60 euros TTC, correspondant aux prestations de fourniture de poteaux préfa, fourniture de linteaux préfabriqués et dépose du bardage créé à la suite du sinistre figurant au devis susvisé de la société Justeau Frères parmi les 'prestations complémentaires de reprise en lieu et place de [...]'.
Comme l'observe [...] en qualité d'assureur de [...], ces devis n'ont fait l'objet d'aucune vérification ni discussion, notamment de leur montant, entre experts.
En ne produisant ni les devis initiaux de février et mars 2015 validés par les experts d'assurance, qui émanaient de [...] [V] en ce qui concerne la démolition de maçonnerie, de [...] en ce qui concerne la fourniture de poteaux préfabriqués, retenue avec la mention '(sans linteaux prévus au lot GO)', et des sociétés que la SCI a sollicitées pour l'actualisation des devis en ce qui concerne les autres prestations, ni aucun document en provenance de ces dernières ou d'un technicien certifiant que les travaux devisés sont les mêmes que ceux retenus en 2015-2016, alors que certaines prestations des devis actualisés n'apparaissent pas dans l'énoncés des postes retenus au procès-verbal de constatations relatives à l'évaluation des dommages comme au rapport n°2 de Ciblexperts, notamment celles de fondations, de linteaux préfabriqués, de ravalement et de bardage, la SCI ne met pas la cour d'appel en mesure de s'assurer de leur correspondance.
Il est donc seulement possible d'actualiser le coût des travaux de réparation en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction qui rend compte de l'évolution des prix (pour mémoire, indice 2 205 au 2ème trimestre 2024 contre 1 632 au 1er trimestre 2015).
La SCI ne forme aucune demande au titre du coût des mesures conservatoires.
En outre, alors qu'il appartient à la victime du dommage qui sollicite, au titre des travaux de réparation, une condamnation incluant la TVA de démontrer que la TVA sur ces travaux a vocation à rester à sa charge pour constituer un coût indemnisable, donc que ses activités ne sont pas soumises à cette taxe (autrement dit qu'il n'est pas assujetti à cette taxe) et qu'il ne peut pas en récupérer le montant, la SCI ne dément pas l'affirmation de [...] [V] selon laquelle elle récupère la TVA au regard de ses revenus locatifs, ce que confirme le contrat de bail conclu entre elles qui indique que 'Les parties entendent soumettre la présente location à la T.V.A.'.
Faute de démontrer qu'elle n'est pas assujettie à la TVA, elle ne peut prétendre qu'à une indemnisation HT, et non TTC contrairement à ce qu'a considéré le premier juge.
Le coût des travaux de réparation du bâtiment de la SCI sera donc fixé, à titre provisionnel et avant application du taux éventuel de perte de chance, à la somme de 165 037,88 euros HT indexée en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction depuis le 1er trimestre 2015 jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir emportant, le cas échéant, condamnation de [...] [V] à payer une provision à ce titre.
Compte tenu de cette indexation, aucune considération ne justifie de déroger à l'article 1231-7 alinéa 2 du code civil selon lequel l'indemnité allouée par le juge d'appel qui infirme le jugement déféré porte intérêts de droit au taux légal à compter de la décision d'appel, de sorte que la demande de la SCI tendant à faire courir les intérêts légaux à compter de l'assignation introductive d'instance du 21 novembre 2017 qu'elle n'a, au demeurant, pas fait délivrer à [...] [V] sera rejetée.
Quant à sa demande de capitalisation des intérêts, elle sera réservée pour être examinée dans le cadre de la réouverture des débats sur la perte de chance.
aux céréales stockées
Si le procès-verbal de constatations relatives à l'évaluation des dommages du 28 septembre 2015 comportait une observation du cabinet Equad, à laquelle s'est associé le cabinet Ciblexperts, sur le prix moyen des 118,12 tonnes de maïs perdues, le montant de 36 184,43 euros HT auquel ont été évalués les dommages aux céréales stockées n'est plus contesté à hauteur d'appel.
Il n'est pas davantage contesté que Generali est subrogée en application de l'article L. 121-12 du code des assurances dans les droits de l'[...] à qui elle a versé suite au sinistre une indemnité définitive de 22 136,59 euros après déduction de la franchise contractuelle de 15 000 euros, selon quittance en date du 12 janvier 2017.
[...] [V] sera donc condamnée à verser à Generali la somme demandée de 21 184,42 euros et à la [...] et l'[...] la somme de 15 000 euros qui correspond au montant de la franchise demeurée à leur charge dans leurs rapports avec leur assureur, c'est-à-dire, comme elles le font exactement remarquer, à une part de leur préjudice non compensée par leur assureur, et non à une charge d'assurance comme le prétend [...] en qualité d'assureur de [...].
Conformément à l'article 1231-7 alinéa 2 du code civil, ces indemnités porteront intérêts de droit au taux légal à compter du présent arrêt d'appel infirmant la décision de première instance.
Sur la demande en paiement de [...] [V]
Motifs du jugement
Pour accueillir la demande en paiement formée par [...] [V] à l'encontre de la SCI au titre des travaux effectués suite au sinistre, le tribunal a considéré, au regard des règles de preuve des articles 1353 alinéa 1er, 1363, 1359, 1367, 1361 et 1362 du code civil, que [...] [V] a émis des devis et factures conformes aux devis, certes non signés par la SCI mais discutés et validés par celle-ci et son gérant M. [B] comme l'atteste le courriel de confirmation du 20 juin 2015 adressé à M. [V] et à l'assureur M. [S] (sic) indiquant que 'les profils et bardages ont été commandés par l'entreprise [V] et seront livrés pour la fin de semaine prochaine. J'ai commandé les platines et le bois nécessaire pour cette opération. Nous aurons donc tout à pied d'oeuvre en fin de semaine prochaine. Nous nous organisons pour fermer le hangar dans le courant de la semaine qui suit...', mail conforté par le courrier officiel adressé par le conseil de la SCI aux conseils des parties adverses indiquant que 'La présente vaut mise en demeure de prise de position sur la prise en charge de ces frais et notamment par la SMABTP et [...] es qualité soit d'assureur de la SCI soit de la société [...]', qu'il ressort de ces échanges que la SCI a accepté les travaux en tentant de les faire prendre en charge par les assureurs, ce qui est inopposable à [...] [V], et que l'argument selon lequel le courriel a été adressé par M. [B] en qualité de gérant de [...] est inopérant puisqu'à l'époque de sa rédaction, M. [B] n'exerçait pas encore cette fonction qu'il prendra à compter du 18 décembre 2015.
Moyens des parties
La SCI conteste devoir payer les travaux effectués par [...] [V] au motif que :
- elle n'avait aucun intérêt à, ni aucune obligation de commander des travaux conservatoires incombant au seul locataire, gardien des locaux et impliqué dans la survenance du dommage
- le premier juge a, de manière partiale, soulevé d'office l'impossibilité de se constituer une preuve et le commencement de preuve sans permettre aux parties de s'expliquer, violant ainsi les articles 6 de la CEDH et 16 du code de procédure civile, alors qu'il n'est nullement précisé en quoi [...] [V] ne pouvait avoir un engagement écrit et que le montant des factures de [...] [V] afférentes aux mesures conservatoires retenues par les experts ne s'élève qu'à 27 000 euros TTC, soit un écart de plus de 4 000 euros d'avec la somme de 31 536 euros obtenue par celle-ci, lequel traduit nécessairement le manque d'un élément essentiel de formation du contrat
- le mail du 20 juin 2015 ne vaut pas commencement de preuve car, du fait de cet écart et de l'absence de tout chiffrage mentionné dans ce mail, il ne rend pas vraisemblable l'accord des volontés au sens des articles 1134 et 1362 anciens du code civil, d'autant que le procès-verbal des experts ne pas fait état de devis ou de discussions à ce sujet, qu'elle n'a rien demandé ni tenté vis-à-vis des assureurs contrairement à ce qu'affirme le tribunal et que M. [B] n'entendait pas que ce soit elle qui contracte en faisant part de 'la validation du devis pour réaliser nous même le bardage ([V] + [...])', le fait qu'il n'était pas gérant de [...] à l'époque important peu
- le mail de son conseil du 7 mars 2017 ne vaut pas non plus commencement de preuve car il a été rédigé pendant le référé commerce visant à obtenir communication des éléments en possession d'[...], à un moment où son conseil ignorait tout de ce qui pouvait s'être passé en expertise assurance, et ne cite aucun devis ni chiffrage
- à supposer qu'un commencement de preuve existe, il n'est conforté par aucun autre élément probant
- il ne résulte pas de l'arrêt de la Cour de cassation du 5 avril 2018 invoqué par [...] [V] qu'il est possible de démontrer l'existence d'un contrat en justifiant que les travaux ont été acceptés par le maître de l'ouvrage
- la demande subsidiaire formée par [...] [V] en appel au titre de l'enrichissement sans cause n'est pas développée ni compatible avec la demande fondée sur un contrat.
[...] [V] conclut à la confirmation du jugement au motif que :
- la preuve d'un contrat de travaux entre un maître d'ouvrage non commerçant et une entreprise peut être rapportée par d'autres moyens que la seule signature d'un devis, ainsi en justifiant que les travaux ont été acceptés par le maître d'ouvrage ; or, avant de réaliser les travaux que lui a commandés la SCI pour sécuriser le bâtiment sinistré, elle a établi des devis auxquels font référence ses factures émises le 20 avril 2016 pour les sommes de 21 552 euros et de 4 536 euros et le 13 juillet 2016 pour celle de 5 448 euros à l'ordre de la SCI et ses travaux ont manifestement été acceptés par celle-ci dont le gérant M. [B] a pu indiquer dans son mail du 20 juin 2015 avoir sollicité son intervention pour la réalisation du bardage, sans s'y présenter comme gérant de [...], ce qu'il n'était pas encore à cette date, et qui, non seulement n'a pas contesté les travaux, mais a au contraire mis en demeure les autres parties de régler directement les factures relatives aux travaux conservatoires par un courrier officiel de son conseil du 7 mars 2017 auquel étaient jointes les trois factures susvisées
- le tribunal, qui a retenu que le courriel du 20 juin 2015 constitue un commencement de preuve par écrit corroboré par d'autres éléments, notamment le courrier officiel du 7 mars 2017, n'a fait que trancher le litige en reprenant son argumentaire pour considérer, à juste titre, que la preuve de l'engagement de la SCI à son égard est suffisamment rapportée au regard des articles 1361 et suivants du code civil
- la SCI ne peut prétendre qu'elle n'avait aucun intérêt à, ni obligation de faire réaliser les travaux de sécurisation de son bâtiment puisqu'elle est tenue à une obligation de délivrance en sa qualité de bailleur
- si les experts n'ont retenu, au titre des mesures conservatoires, que ses prestations de mise en sécurité et retrait de la grue pour un montant de 17 960 euros HT et de démolition de la toiture pour 3 780 euros HT, c'est parce que la mise en oeuvre d'un bardage provisoire n'a pas été réalisée par [...] pour un montant de 10 249,58 euros HT tel que validé par eux, mais par elle-même pour la somme de 3 780 euros HT, la SCI n'ayant jamais produit la facture qui justifierait que [...] est intervenue sur le bardage
- ce n'est pas parce que le juge de la mise en état s'est déclaré incompétent pour trancher sa demande de provision à l'encontre de la SCI que celle-ci est fondée à lui opposer un refus de règlement
- à titre subsidiaire, si la cour estime que la preuve d'un contrat entre elle et la SCI n'est pas suffisamment rapportée, elle entend fonder sa demande sur l'enrichissement sans cause au sens de l'article 1303, anciennement 1371, du code civil.
Réponse de la cour
Les prestations dont [...] [V] réclame paiement à la SCI sont la mise en sécurité et le retrait de la grue pour un montant de 17 960 euros HT, soit 21 552 euros TTC, selon devis n°9216 en date du 10 mars 2016 et facture n°F160402 en date du 20 avril 2016, la fermeture en pignon du bâtiment par fourniture et mise en place d'un bardage pour un montant de 3 780 euros HT, soit 4 536 euros TTC, selon devis n°9316 en date du 10 mars 2016 et facture n°F160103 en date du 20 avril 2016 et la démolition de la toiture et de la charpente sur 529,2 m² suite au sinistre pour un montant de 4 540 euros HT, soit 5 448 euros TTC, selon devis n°9815 en date du 24 février 2015 et facture n°F160701 en date du 13 juillet 2016.
Le gérant de la SCI n'a apposé sa signature sur aucun de ces devis pour manifester son accord.
Même si le contrat d'entreprise est un contrat consensuel n'exigeant aucune forme particulière pour sa validité, le tribunal a exactement considéré que sa preuve doit être rapportée par écrit dès lors qu'il porte sur une prestation d'une valeur supérieure à la somme de 1 500 euros, conformément à l'article 1341 ancien, devenu 1359, du code civil et au décret n°80-533 du 15 juillet 1980 pris pour l'application de ce texte.
Pour trancher la contestation dont il était saisi relative à la preuve de l'obligation contractuelle invoquée par [...] [V], il n'a nullement fait référence à l'article 1360, anciennement 1348 alinéa 1er, du code civil faisant exception à cette règle en cas d'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit et, s'il a fait application des articles 1361 et 1362, anciennement 1347, du même code permettant de suppléer à l'écrit par un commencement de preuve par écrit, défini comme tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte, rend vraisemblable ce qui est allégué, à condition que cet écrit soit complété par d'autres éléments de preuve rapportés par tous moyens, il ne ressort pas du jugement qu'il a soulevé cette règle d'office, comme le prétend la SCI sans fournir, à l'appui de cette allégation contestée, les conclusions échangées par les parties en première instance.
Le jugement entrepris ne saurait donc être annulé sur ce point pour non-respect du principe de la contradiction énoncé à l'article 16 du code de procédure civile qui, en son alinéa 3, interdit au juge de fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations et de l'exigence d'impartialité posée par l'article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En tout état de cause, l'existence d'un commencement de preuve par écrit est débattue en appel.
Or le mail adressé le 20 juin 2015 par M. [B] à M. [U], responsable technique co-signataire du courrier du 9 février 2015 par lequel la [...] avait demandé à la SCI de mettre en oeuvre tous les moyens utiles et nécessaires afin de préserver ses marchandises, et en copie à M. [S], expert du cabinet Equad mandaté par [...], et à M. [V], indiquant 'J'ai mis un peu de temps à vous écrire, mais je souhaitais avoir un minimum de certitudes afin de ne pas vous écrire n'importe quoi. J'ai eu l'expert, M. [S], qui m'a confirmé la validation du devis pour réaliser nous même le bardage ([V] + [...]). Les profils et le bardage ont été commandé hier par l'entreprise [V], et seront livrés pour fin de semaine prochaine. J'ai commandé les platines et le bois nécessaire pour cette opération. Nous aurons donc tout a pied d'oeuvre en fin de semaine prochaine. Nous nous organisons pour fermer le hangar dans le courant de la semaine qui suit' (sic), ne se rapporte qu'à la prestation de bardage provisoire et ne saurait donc rendre vraisemblable l'existence d'un accord contractuel au sujet des deux autres prestations.
Bien qu'il n'y soit pas précisé si M. [B] écrivait pour le compte de la SCI et/ou pour pour le compte de [...] dont il était à l'époque associé non gérant, ce mail rend vraisemblable que la commande des travaux de bardage provisoire à effectuer par [...] [V] et [...] a été approuvée tant par [...] qui avait intérêt à leur réalisation en qualité d'auteur du dommage, que par la SCI qui y avait également intérêt en qualité de bailleur invité à prendre les mesures de nature à préserver les céréales stockées dans le bâtiment sinistré.
Il constitue comme tel un commencement de preuve de l'existence d'un accord contractuel au sujet de cette prestation.
Cependant, aucun autre élément de preuve ne vient le compléter alors que le devis afférent à cette prestation a été émis par [...] [V] à l'ordre, non pas de la SCI à la différence des deux autres, mais de [...] dont la facture n°FC201550176 en date du 9 mai 2016 relative à la fourniture et mise en place d'un bardage provisoire a été intégrée à hauteur de 10 249,58 euros HT à l'évaluation des mesures conservatoires par les experts d'assurance et que la facture y afférente établie par [...] [V] à l'ordre de la SCI ne fait pas partie des 'factures de mise en sécurité' citées dans le mail officiel adressé le 7 mars 2017 par le conseil de la SCI aux conseils respectifs de [...], d'[...] et de [...] [V] et son assureur en ces termes :
'La présente mise en demeure de prise de position sur la prise en charge de ces frais et notamment pour la SMABTP et [...] es qualité (sic) soit d'assureur de la SCI soit de la Sté [...].
Factures : MCMS 5.479,20 €
[...] [V] 21.552 €
Total 27.031,20 €'.
[...] [V] échoue ainsi à rapporter la preuve, qui lui incombe conformément à l'article 1315, devenu 1353, alinéa 1er du code civil, de l'existence d'une obligation contractuelle de la SCI à prendre en charge le coût des prestations litigieuses facturées, quand bien même cette dernière ne conteste pas particulièrement que ces prestations ont été réalisées.
Elle ne peut être admise à pallier cette carence par l'exercice d'une action en paiement fondée subsidiairement sur l'enrichissement sans cause, quasi-contrat au sens de l'article 1371 ancien, devenu 1301 du code civil, dont le régime est désormais codifié aux articles 1303 à 1303-4.
Le jugement sera, dès lors, infirmé en ce qu'il a condamné la SCI à payer à [...] [V] la somme de 31 536 euros au titre de ses travaux et [...] [V] sera déboutée de se demande en paiement.
La résistance de la SCI au paiement des factures litigieuses ne revêtant aucun caractère abusif puisqu'elle était fondée, [...] [V] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre, le jugement étant également infirmé sur ce point.
Sur l'action en responsabilité de la SCI contre son assureur
Le premier juge a débouté la SCI de ses demandes tendant à engager la responsabilité contractuelle de son assureur et à obtenir sa condamnation au paiement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au motif qu'elle ne définit pas précisément les fautes reprochées à [...], allant même jusqu'à demander une indemnisation pour des fautes commises à l'égard d'un tiers, [...], et qu'elle ne justifie pas d'un préjudice, et encore moins d'un lien de causalité.
La SCI réitère ces demandes en appel en reprochant à son assureur, d'une part, d'avoir attendu qu'elle engage une procédure de référé devant le tribunal de commerce pour lui communiquer, avant l'ordonnance rendue le 25 avril 2017, les éléments du dossier en sa possession dont les rapports des experts, ce qui ne correspond pas à l'exécution de bonne foi du contrat au sens des articles 1134 et 1135 anciens du code civil, d'autre part, de ne pas l'avoir informée et conseillée correctement sur les risques couverts et les exclusions de garantie, alors même qu'il était également l'assureur de [...].
Comme l'observe son assureur, elle ne précise toujours pas en quoi consiste son préjudice.
Le jugement ne peut, dès lors, qu'être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes contra [...] en qualité d'assureur de la SCI.
Sur les frais et dépens
Partie perdante, [...] [V] supportera les dépens de première instance, à l'exclusion de ceux afférents à la procédure de référé commercial et de ceux exposés par [...] en qualité d'assureur de la SCI qui demeureront à la charge de la SCI.
En considération de l'équité et de la situation respective des parties, elle sera tenue de verser les sommes de 3 000 euros à la SCI et de 2 000 euros à Generali, la [...] et l'[...] ensemble au titre des frais non compris dans les dépens exposés par celles-ci en première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sans pouvoir bénéficier du même texte au titre de ses propres frais ni qu'il y ait lieu d'en faire application à son encontre au profit d'[...] en qualité d'assureur de [...].
Aucune condamnation ne saurait être prononcée au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile en première instance à l'encontre d'[...] en qualité d'assureur de [...].
Quant à la disposition déboutant [...] en qualité d'assurer de la SCI de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, elle n'est pas explicitement critiquée par celle-ci.
En outre, la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de [...], autre partie perdante, interdisant de prononcer une condamnation à l'encontre de son liquidateur pour une créance de frais de justice qui n'est pas utile au déroulement de cette procédure au sens de l'article L. 622-17 du code de commerce et qui est donc soumise aux dispositions de l'article L. 622-21 du même code, il sera substitué d'office aux condamnations prononcées par le jugement à l'encontre de Me [R] ès-qualités au titre des dépens de l'instance engagée par la SCI et de l'article 700 du code de procédure civile, dont le quantum n'est pas critiqué, une fixation de la créance à ce titre de la SCI, seule déclarée, au passif de la procédure collective, les obligations respectives de [...] et de [...] [V] en la matière revêtant un caractère in solidum.
Le jugement sera donc infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, hormis en ce qu'il a débouté [...] en qualité d'assureur de [...] et d'assureur de la SCI de ses demandes fondées sur ce texte.
Quant au sort des dépens d'appel et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en appel, ils seront réservés.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Dit n'y avoir lieu de déclarer irrecevables les conclusions prises postérieurement à la jonction par la société [...] France iard en qualité d'assureur de la société [...], par la société [...] France iard en qualité d'assureur de la SCI [...] et par les sociétés Generali iard, [...] et [...].
Déclare d'office irrecevable l'appel provoqué formé par les sociétés Generali iard, [...] et [...] à l'égard de la société [...] France iard en qualité d'assureur de la SCI [...] dans le dossier 20/00574.
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- déclaré recevables les interventions volontaires des sociétés Generali iard, [...] et [...]
- dit que la responsabilité de la société [...] est établie sur le fondement de l'article 1242 alinéa 1 (du code civil) et que le sinistre n'entre pas dans le champ de la loi du 5 juillet 1985
- débouté la SCI [...] de ses demandes indemnitaires formées à l'encontre de son assureur et de la société [...] [V] sur le fondement de la responsabilité contractuelle et de sa demande de sursis à statuer
- débouté les sociétés Generali iard, [...] et [...] de leurs demandes indemnitaires formées à l'encontre de la SCI [...]
- débouté la société [...] en qualité d'assureur de la société [...] et en qualité d'assureur de la SCI [...] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit n'y avoir lieu à annuler le jugement en ce qu'il a condamné la SCI [...] à payer diverses sommes à la société [...] [V].
Infirme le jugement en ce qu'il a :
- condamné la société [...] France iard en qualité d'assureur de la société [...] à payer à la SCI [...] la somme de 165 037,88 euros HT majorée de la TVA, de l'indexation et des intérêts au titre des dommages au bâtiment
- condamné la société [...] France iard en qualité d'assureur de la société [...] à payer à la société Generali iard la somme de 21 184,42 euros et aux sociétés [...] et [...] la somme de 15 000 euros, l'une et l'autre majorées des intérêts au titre des dommages aux céréales stockées
- débouté les sociétés Generali iard, [...] et [...] de leurs demandes indemnitaires formées à l'encontre de la société [...] [V]
- condamné la SCI [...] à payer à la société [...] [V] les sommes de 31 536 euros au titre de ses travaux, de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné in solidum la société [...] France iard en qualité d'assureur de la société [...] et Me [R] en qualité de liquidateur de la société [...] à payer les sommes de 6 000 euros à la SCI [...] et de 3 000 euros à la société Generali et aux sociétés [...] et [...] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, hormis ceux afférents à la procédure de référé commercial mis à la charge uniquement de la société [...] France iard et ceux de l'instance opposant la société [...] [V] à la SCI [...] mis à la charge de cette dernière.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la SCI [...] et les sociétés Generali Iard, [...] et [...] de leurs demandes d'indemnisation des conséquences dommageables du sinistre formées à l'encontre de la société [...] France iard en qualité d'assureur de le société [...].
Déboute la SCI [...] de ses demandes additionnelles présentées en appel contre la société [...] en qualité d'assureur de la société [...].
Dit que la société [...] [V] a commis une faute en omettant d'informer la société [...] du défaut d'assurance de la pelleteuse.
Avant dire droit sur la responsabilité délictuelle qu'est susceptible d'encourir la société [...] [V] envers la SCI [...] du fait de ce manquement, ordonne la réouverture des débats à l'audience du 10 décembre 2024 à 14 heures et invite les parties à présenter leurs observations par écrit sur le moyen, relevé d'office par la cour, tiré de ce que le préjudice résultant d'un tel défaut d'information ne peut consister qu'en une perte de chance.
Constate que la cour n'est pas saisie d'une demande d'indemnité définitive au titre des dommages au bâtiment de la SCI [...].
Fixe, à titre provisionnel et avant application du taux éventuel de perte de chance, le coût des travaux de réparation de ce bâtiment à la somme de 165 037,88 euros (cent soixante cinq mille trente sept euros et quatre vingt huit cents), hors TVA, indexée en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction depuis le 1er trimestre 2015 jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir après réouverture des débats emportant, le cas échéant, condamnation de la société [...] [V] à payer une provision à ce titre.
Déboute la SCI [...] de sa demande en paiement d'intérêts légaux à compter de l'assignation introductive d'instance.
Réserve sa demande de capitalisation des intérêts.
Dit que la société [...] [V] engage sa responsabilité délictuelle envers les sociétés Generali iard, [...] et [...] au titre des dommages aux céréales stockées et la condamne à payer à la société Generali iard, subrogée dans les droits de son assurée, la somme de 21 184,42 euros (vingt et un mille cent quatre vingt quatre euros et quarante deux cents) et aux sociétés [...] et [...] ensemble la somme de 15 000 (quinze mille) euros au titre de la franchise demeurée à leur charge, l'une et l'autre avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Déboute la société [...] [V] de ses recours en garantie formés à l'encontre de la société [...] France iard en qualité d'assureur de la société [...].
Déboute la société [...] [V] de ses demandes en paiement du coût de ses travaux de réparation urgents, tant sur le fondement contractuel que sur le fondement de l'enrichissement sans cause invoqué subsidiairement, et de dommages et intérêts pour résistance abusive formées à l'encontre de la SCI [...].
Condamne la société [...] [V] aux dépens de première instance, à l'exclusion de ceux afférents à la procédure de référé commercial et de ceux exposés par la société [...] en qualité d'assureur de la SCI [...] qui demeureront à la charge de la SCI [...].
Condamne la société [...] [V] à verser les sommes de 3 000 (trois mille) euros à la SCI [...] et de 2 000 (deux mille) euros aux sociétés Generali iard, [...] et [...] ensemble au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance.
Fixe la créance de la SCI [...] à l'encontre de la société [...] en liquidation judiciaire au titre des frais de justice de première instance au montant des dépens de l'instance engagée par la SCI [...] et à la somme de 3 000 (trois mille) euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, les obligations respectives de la société [...] et de la société [...] [V] en la matière revêtant un caractère in solidum.
Réserve le sort des dépens d'appel et l'application de l'article 700 du code de procédure civile en appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
T. DA CUNHA C. MULLER