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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 6, 11 octobre 2024, n° 20/04233

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Eurl Eco Sol (EURL)

Défendeur :

Époux H, Domofinance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Guillaudier

Conseillers :

Mme Tardy, Mme Szlamovicz

Avocats :

Me Nguyen, Me Vignes, Me Giller-Marta, Me Mendes Gil

T. com. Paris, du 21 janv. 2020, n° 2019…

21 janvier 2020

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. et Mme [H] ont signé le 1er juin 2015, un bon de commande avec la société Eco sol, relatif à la pose de 140 m2 de laine de roche aux fins d'isolation de combles pour un montant de 14 000 euros, portant les mentions :

- " sous réserve d'acceptation au programme environnemental nul et caduc en cas de refus "

- " Démarche administrative réalisées par Eco sol "

En vue de financer l'intégralité des travaux, M. et Mme [H] ont signé simultanément un contrat de crédit avec la société Domofinance.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 mars 2018, le conseil de M. et Mme [H] a mis en demeure la société Eco sol de leur régler la somme de 10 099 euros en raison de la caducité de leur engagement, indiquant n'avoir perçu des financements qu'à hauteur de 5 921 euros au lieu d'un montant de 13 491,52 euros qui leur aurait été promis par l'agent commercial de la société Eco sol.

Par actes en date des 23 mars 2018, 29 mars 2018 et 14 août 2019, M. et Mme [H] ont assigné la société Eco sol, M. [S] en qualité de liquidateur amiable de la société Eco sol et à titre personnel ainsi que la société Domofinance devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir constater la nullité du contrat conclu le 1er juin 2015 avec la société Eco sol et du contrat de financement souscrit auprès de la société Domofinance et voir condamner les défendeurs à les indemniser du préjudice subi.

Par jugement en date du 21 janvier 2020, le tribunal de commerce de Paris a statué en ces termes :

Dit recevable l'action de M. et Mme [H] à l'encontre de la société Eco sol et de M. [N] [S] ès qualités de liquidateur amiable de la société Eco sol ;

Met hors de cause M. [N] [S] à titre personnel ;

Annule le contrat conclu entre la société Eco sol et M. et Mme [H] le 1er juin 2015 ;

Condamne in solidum la société Eco sol et M. [N] [S] ès qualités de liquidateur amiable à verser à M. et Mme [H] la somme de 7 579 euros, déboutant pour le surplus de leur demande ;

Dit nul le contrat de financement conclu avec la société Domofinance le 1er juin 2015 ;

Condamne M. et Mme [H] à verser à la société Domofinance la différence entre les 14 000 euros prêtés par la société Domofinance et les sommes versées par eux en principal, intérêts et assurance au jour de la signification du présent jugement ;

Condamne in solidum la société Eco sol et M. [N] [S] ès qualités de liquidateur amiable à verser à M. et Mme [H] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Domofinance de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,

Rejette les demandes des parties autres plus amples ou contraires,

Condamne in solidum la société Eco sol et M. [N] [S] ès qualités de liquidateur amiable aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 141,21 euros dont 23,32 euros de TVA.

Par déclaration en date du 25 février 2020, la société Eco sol et M. [S] en qualité de liquidateur amiable ont interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :

- M. et Mme [H]

- la société Domofinance

La société Eco sol ayant été radiée d'office du registre du commerce et des sociétés le 17 mai 2018 suite à la clôture le 30 novembre 2016 des opérations de liquidation amiable, par ordonnance du 17 mai 2023, le tribunal de commerce a désigné M. [S] en qualité de mandataire ad hoc pour représenter la société Eco sol dans le cadre de la présente procédure.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 13 septembre 2023, la société Eco sol et M. [S] en qualité de liquidateur amiable et intervenant volontairement en qualité de mandataire ad hoc de la société Eco sol demandent à la cour de :

Infirmer le jugement déféré

En conséquence,

Débouter M. et Mme [H] de toutes leurs demandes

Condamner M. et Mme [H] à payer à la société Eco sol la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître Nguyen, outre les entiers dépens de l'instance.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 28 mai 2024, la société Domofinance demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 21 janvier 2020 en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente conclu entre M. et Mme [H], d'une part, et la société Eco sol, d'autre part, en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre M.et Mme [H], d'une part, et la société Domofinance, d'autre part, en ce qu'il a débouté la société Domofinance de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Subsidiairement, confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 21 janvier 2020 en ce qu'il a condamné M. et Mme [H] à payer la somme de 14 000 euros à la société Domofinance, de laquelle devront être déduites les sommes réglées par M. et Mme [H] ;

Statuant à nouveau sur les chefs contestés,

A titre principal, dire et juger que les conditions du prononcé du dol ou de la caducité ne sont pas réunies ;

Débouter M. et Mme [H] de leur demande de nullité du contrat de vente conclu avec la société Eco sol et de leur demande de nullité du contrat de crédit affecté conclu avec la société Domofinance ;

Débouter M. et Mme [H] de leur demande de caducité du contrat de vente conclu avec la société Eco sol et de leur demande de caducité du contrat de crédit affecté conclu avec la société Domofinance ;

A titre subsidiaire, en cas de nullité ou caducité du contrat de crédit,

Condamner in solidum M. et Mme [H] à payer à la société Domofinance la somme de 14 000 euros au titre de la restitution du capital prêté, et ordonner la compensation des créances réciproques à due concurrence avec la créance de M. et Mme [H] au titre des mensualités réglées ;

En tout état de cause, débouter M. et Mme [H] de toutes autres demandes, fins et conclusions formées à l'encontre de la société Domofinance ;

Condamner in solidum M. et Mme [H] à payer la somme de 1 500 euros à la société Domofinance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner in solidum M. et Mme [H] aux entiers dépens de l'instance avec distraction au profit de la société Cloix & Mendes-Gil.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 8 mars 2023, M. et Mme [H] demandent à la cour de :

Débouter la société Eco sol et M. [S] de leur appel et de l'ensemble de leurs demandes ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré nul le contrat du 1er juin 2015 souscrit entre M. et Mme [H] et la société Eco sol comme le contrat de financement Domofinance ;

Recevant M. et Mme [H] en leur appel incident et y faisant droit,

Infirmer le jugement sur le quantum de la condamnation de la société Eco sol et de M. [S] es qualités ;

Statuant à nouveau :

Condamner la société Eco sol et M. [S] à payer à M. et Mme [H] la somme de 8 079 euros ;

Y ajoutant :

Condamner la société Eco sol et M. [S], à verser à M. et Mme [H] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Eco sol et M. [S], aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 30 mai 2024.

Par message RPVA du 19 septembre 2024, les parties ont été invitées à présenter leurs observations, dans un délai de 8 jours, sur le moyen relevé d'office par la cour selon lequel le préjudice invoqué par M. et Mme [H] au titre d'un manquement de la société Eco sol à son obligation précontractuelle d'information constituerait une perte de chance de ne pas accepter son offre et pas un préjudice certain.

Aucune observation n'a été faite par les parties.

MOTIVATION

A titre liminaire

Selon l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

La société Eco sol et M. [S] soulèvent dans le corps de leurs conclusions l'irrecevabilité de l'action de M. et Mme [H] à l'encontre de la société Eco sol qui n'aurait plus de personnalité morale et de M. [S] au motif qu'il n'aurait commis aucune faute en sa qualité de liquidateur de la société.

Cependant dans le dispositif des conclusions, la société Eco sol et M. [S] sollicitent l'infirmation du jugement et que M. et Mme [H] soient déboutés de leurs demandes, soit le rejet au fond de leur prétention, de telle sorte que la cour n'est pas saisie de cette fin de non-recevoir.

Moyens des parties

M. et Mme [H] font valoir que l'aide au financement des travaux était une condition déterminante de leur consentement à la souscription du contrat proposé par la société Eco sol et que cette dernière leur a menti en leur présentant des financements par primes fictifs.

A titre subsidiaire ils soutiennent que le contrat est caduc, la condition de l'éco-financement n'étant pas remplie.

A titre plus subsidiaire, ils exposent que la société Eco sol a manqué à son obligation pré-contractuelle d'information résultant des articles L. 111-1 du code de la consommation et 1112-1 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance de 2016, en ne lui fournissant pas d'informations claires et précises sur les primes d'éco-financement.

La société Eco sol et M. [S] font valoir que le contrat n'est pas caduc dès lors que la mention selon laquelle la validité du contrat était conditionnée par l'acceptation au programme environnemental ne faisait pas référence aux primes devant être perçues par M. et Mme [H] et que ces derniers ont reçu des primes d'éco-financement.

La société Eco sol estime qu'elle a respecté son obligation d'information portant sur les prestations réalisées et non sur le montant des primes éventuelles.

Elle soutient que le dol n'est pas établi, la pièce sur laquelle s'est fondé le tribunal n'étant pas probante, s'agissant d'un document manuscrit ni daté, ni signé, sur un papier à entête qui n'est pas celui de la société Eco sol et l'écriture n'étant pas la même que celle figurant sur le bon de commande.

La société Domofinance soutient que le bon de commande, seul document contractuel liant les parties, ne mentionne aucun engagement sur le montant des primes environnementales et que n'est pas établie la provenance des notes manuscrites sur lesquelles le tribunal s'est fondé. Elle souligne qu'en outre M. et Mme [H] ont bénéficié d'aides et de crédit d'impôt.

Dès lors que M. et Mme [H] ont bénéficié de primes, elle fait valoir que la condition relative au programme environnemental est remplie.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 1109 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

Selon l'alinéa 2 de l'article 1116 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le dol ne se présume pas.

En vertu de l'article 1315 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Au cas d'espèce, M. et Mme [H], pour établir l'existence de mensonges de la part de la société Eco sol ayant provoqué une erreur de nature à vicier leur consentement, produisent aux débats un document manuscrit dont l'auteur est inconnu et mentionnant diverses sommes. Si ces sommes se rapportent manifestement au contrat souscrit par M. et Mme [H], outre qu'aucun élément ne permet d'établir que la société Eco sol est à l'origine de ce document, le caractère imprécis des sommes mentionnées sur ce document et des primes auxquelles elles pourraient correspondre ne suffit pas à établir que la société Eco sol s'était engagée envers M. et Mme [H] sur le montant des primes qu'ils pourraient percevoir.

Si dans leur lettre envoyée à la société Eco sol le 30 décembre 2015 M. et Mme [H] précisent les montants des primes que le commercial de la société Eco sol leur aurait indiqué qu'ils allaient recevoir, s'agissant d'un document émanant de M. et Mme [H] eux-mêmes, il apparaît insuffisant à prouver leurs allégations. L'absence de réponse de la société Eco sol à cette lettre n'est pas davantage de nature à établir la véracité des affirmations qu'elle comporte.

Il en résulte qu'à défaut de preuve que la société Eco sol a induit en erreur intentionnellement M. et Mme [H] en leur indiquant qu'ils allaient percevoir des primes compensant quasiment intégralement le coût des travaux engagés, le dol n'apparaît pas établi et il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de M. et Mme [H] d'annulation du contrat conclu le 1er juin 2015 avec la société Eco sol fondée sur le dol.

Quant à la caducité du contrat pour non réalisation de la condition suspensive liée à l'acceptation au programme environnemental, en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties, en relevant que M. et Mme [H] ayant perçu des primes environnementales, ils n'établissaient pas la preuve que les travaux n'auraient pas été acceptés au programme environnemental.

Le contrat n'étant ni nul ni caduc, le jugement sera infirmé en ce qu'il a annulé le contrat conclu entre la société Eco sol et M. et Mme [H] ainsi que le contrat de financement conclu avec la société Domofinance.

Le jugement sera également infirmé en ce qu'il a condamné M. et Mme [H] à verser à la société Domofinance la différence entre les 14 000 euros prêtés par la société Domofinance et les sommes versées par M. et Mme [H] en principal, intérêts et assurance.

L'article L. 111-1 du code de la consommation et l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en l'occurrence en raison de la date de conclusion du contrat, imposent la communication au consommateur d'informations claires et lisibles sur les caractéristiques essentielles du service proposé.

Au cas d'espèce, il résulte des mentions figurant au bon de commande selon lesquelles la société Eco sol s'engageait à réaliser les démarches administratives nécessaires à permettre l'acceptation au programme environnemental et que le contrat serait nul en cas de refus, que l'acceptation à ce programme environnemental était une caractéristique essentielle du contrat.

Dès lors que la société Eco sol mettait en exergue ce programme environnemental pour vendre sa prestation, il lui incombait de préciser à M. et Mme [H] en quoi consistait ce programme environnemental et les avantages financiers dont M. et Mme [H] pouvaient bénéficier en cas d'acceptation.

A défaut pour la société Eco sol d'établir qu'elle a donné cette information à M. et Mme [H], elle a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

M. et Mme [H] ont subi un préjudice de ce fait constitué d'une perte de chance de ne pas souscrire le contrat proposé et donc de ne pas payer la somme de 7 579 euros correspondant à la somme restant due, après déduction du montant initial de 14 000 euros, des sommes perçues au titre de primes et de réduction d'impôts à hauteur de 5921 euros et de la somme de 500 euros qui devait en tout état de cause rester à leur charge.

Cette perte de chance pouvant être évaluée à 50%, la société Eco sol sera condamnée à payer à M. et Mme [H] la somme de 3 790 euros à titre de dommages et intérêts.

M. [S] étant mis en cause à titre de mandataire ad hoc de la société Eco sol et donc représentant à ce titre la société Eco sol, il n'y a pas lieu de le condamner à titre personnel au paiement de cette somme.

Sur les frais du procès

Le sens de l'arrêt conduit à infirmer le jugement sur la condamnation aux dépens, sauf en ce qu'elle condamne la société Eco sol aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, la société Eco sol sera condamnée aux dépens et à payer à M. et Mme [H] la somme de 2 000 euros, au titre des frais irrépétibles.

Les autres demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il :

Condamne la société Eco sol aux dépens et à verser à M. et Mme [H] une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Rejette les demandes de M. et Mme [H] de voir déclarer nuls les contrats conclus avec la société Eco sol et la société Domofinance le 1er juin 2015 ;

Rejette les demandes de M. et Mme [H] formées à l'encontre de la société Domofinance ;

Condamne la société Eco sol à payer à M. et Mme [H] la somme de 3 790 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamne la société Eco sol aux dépens d'appel ;

Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Eco sol à payer à M. et Mme [H] la somme de 2 000 euros en cause d'appel et rejette toutes les autres demandes.