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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-3, 10 octobre 2024, n° 22/04958

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perret

Conseillers :

Mme Girault, M. Maumont

Avocats :

Me Arena, Me Dupre de Puget, Me Richemond

TJ Nanterre, 2e ch., du 21 juill. 2022, …

21 juillet 2022

FAITS ET PROCEDURE :

Le 28 mai 2019, M. [I] [G], acquéreur, a signé, par l'intermédiaire de Me [E] [Y], notaire à [Localité 10], une promesse de vente avec M. [M] [Z], portant sur un appartement en duplex situé aux 9ème et 10ème étages d'un immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 8] (92) pour un prix de 630 000 euros.

Expirant le 16 août 2019, la promesse comporte une clause relative aux dégâts des eaux, mentionnant l'existence d'infiltrations ayant pour origine un défaut d'étanchéité du toit-terrasse du 11ème étage, partie commune de l'immeuble, précisant que l'assureur a fait réaliser les travaux, que le dégât des eaux est terminé et qu'il n'en existe pas d'autre.

En règlement de l'indemnité d'immobilisation de 63 000 euros stipulée dans la promesse, M. [G] a versé la somme de 31 500 euros entre les mains du notaire, constitué séquestre par les parties, la somme complémentaire de 31.500 euros devant être versée pour le cas où le bénéficiaire ne signerait pas l'acte de vente de son seul fait.

Le matin du 31 juillet 2019, lors de la visite préalable à la signature de l'acte authentique de vente, prévue par une clause particulière de la promesse, M. [G] a constaté, en présence de l'agent immobilier, l'apparition de deux dégâts des eaux au plafond de la chambre au niveau 2 et sur le mur au droit de la mezzanine au niveau 1.

Dans ces circonstances, M. [G] a refusé de signer l'acte de vente et, par un courriel de son notaire, Me [Y], en date du 2 août 2019, a notifié au vendeur son refus d'acquérir, du fait de l'absence d'accord sur la chose et le prix, le bien visité ne correspondant plus à celui objet de la promesse de vente.

En réponse, par une lettre recommandée avec avis de réception du 7 août 2019, M. [Z], par l'entremise de son conseil, a mis en demeure M. [G] de donner instruction au notaire de lui verser la somme séquestrée de 31 500 euros et de lui régler le solde du même montant.

Par courrier recommandé de son avocat, en date du 23 août 2019, M. [G] a demandé la confirmation de ce qu'au contraire la somme de 31 500 euros devait lui être restituée.

L'assureur de M. [Z] a fait réaliser une expertise amiable, au contradictoire de la copropriété, par la société Elex dont les conclusions, rendues le 26 septembre 2019, contiennent l'affirmation suivante : " ces dommages sont identiques aux dommages constatés lors de notre visite du 17 mai 2018. Il ne s'agit pas d'aggravation des dommages. Votre assuré a fait réaliser les travaux de peinture alors que la cause des infiltrations n'a pas été supprimée ".

C'est dans ces conditions que, par acte d'huissier de justice du 4 mars 2020, M. [G] a fait assigner M. [Z] devant le tribunal judiciaire de Nanterre aux fins de restitution de la somme de 31 500 euros et de condamnation à des dommages et intérêts ainsi que paiement des sommes correspondant aux intérêts qu'il aurait dû percevoir de son plan d'épargne entreprise, outre la condamnation au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

Par jugement du 21 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- dit que M. [Z] a manqué à son obligation contractuelle de garde du bien immobilier prévue à la promesse de vente conclue avec M. [G] le 28 mai 2019,

- autorisé en conséquence Me [S] [W], de la société Brando et associés, notaires à [Localité 9], à libérer la somme de 31 500 euros séquestrée, au profit de M. [G],

- déclaré la présente décision opposable à Me [W], de la société Brandon et associés, notaires à [Localité 9],

- condamné M. [Z] à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [Z] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la société FTMS Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- rejeté pour le surplus.

Par acte du 26 juillet 2022, M. [Z] a interjeté appel de la décision et, par dernières écritures du 25 janvier 2023, prie la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'il avait manqué à son obligation contractuelle de garde du bien immobilier, en ce qu'il a dès lors considéré que la promesse était caduque, en ce qu'il a autorisé en conséquence Me [W], de la société Brandon et associés, notaires à [Localité 9], à libérer la somme de 31 500 euros séquestrée, au profit de M. [G],

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes subsidiaires de M. [G] fondées sur l'existence d'une réticence dolosive, ainsi que les demandes d'indemnisation de M. [G],

Puis, statuant de nouveau,

- condamner M. [G] à lui régler la somme de 63 000 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation due en application de la promesse unilatérale de vente du 29 mai 2019,

En tout état de cause,

- débouter M. [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et de son appel incident,

- condamner M. [G] à lui régler la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [G] aux entiers dépens de la présente instance, dont distraction au profit de Me Richemond, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, M. [Z] fait valoir notamment que :

- la non-réalisation de la vente est imputable à M. [G], qui n'avait aucune raison légitime d'y renoncer et qui ne peut donc prétendre à la restitution de l'indemnité d'immobilisation ;

- au jour de la promesse, le dégât des eaux était " sec " mais sa cause n'avait pas été traitée, ce dont M. [G] avait connaissance ; il savait, en effet, que les travaux de réfection de l'étanchéité du toit-terrasse, votés par la copropriété, n'avaient pas encore été réalisés et ne pouvait donc ignorer le risque de résurgence du même sinistre qui était entré dans le champ contractuel ;

- le sinistre constaté le 31 juillet 2019 ne présentait pas les caractéristiques de gravité suffisante pour permettre au bénéficiaire de renoncer à la vente en application de la clause spécifique de la promesse portant sur la survenance d'un sinistre au cours de son exécution ; les désordres n'ont pas rendu le bien impropre à sa destination ni mis en péril la solidité de l'ouvrage ; la valeur du bien n'a pas été significativement diminuée, puisqu'il a été vendu au même prix quelques mois plus tard ;

- aucun manquement à l'obligation de garde n'est caractérisé dès lors que le dégât des eaux n'est pas de son fait et qu'il a accompli toutes les diligences nécessaires en déclarant le sinistre à son assureur et en sollicitant le rapport d'un expert indépendant sur la cause du désordre afin de dissiper les craintes de M. [G] ;

- le principe d'exécution de bonne foi des conventions aurait voulu que la renonciation de M. [G] n'intervienne qu'après évaluation des causes, des dégâts et des travaux pour y remédier; au lieu de cela M. [G] a refusé de mandater un expert amiable contradictoire en considérant de manière unilatérale et péremptoire que ce dégât des eaux était suffisamment grave pour justifier son refus de réaliser la vente ;

- il ne peut lui être reproché un défaut de garde de la chose, alors qu'il n'a pas été mis en demeure de respecter une telle obligation et que ce manquement est tirée d'une clause de portée générale qui ne peut être lue et interprétée qu'à la lumière de la clause spécifique visant le cas de la survenance d'un sinistre.

Par dernières écritures du 2 janvier 2023, M. [G] prie la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 21 juillet 2022 en ce qu'il a :

* dit que M. [Z] a manqué à son obligation contractuelle de garde du bien immobilier prévue à la promesse de vente conclue avec M. [G] le 28 mai 2019,

* autorisé en conséquence Me [W], de la société Brandon et associés, notaires à [Localité 9], à libérer la somme de 31 500 euros séquestrée, au profit de M. [G],

* déclaré la présente décision opposable à Me [W], de la société Brandon et associés, notaires à [Localité 9],

* condamné M. [Z] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la société FTMS Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

* ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes,

Le reprenant et y ajoutant,

- condamner M. [Z] en raison des manquements à ses obligations, à verser à M. [G]:

* la somme de 22 639,31 euros en réparation de son préjudice financier et moral,

* les sommes correspondant aux intérêts que M. [G] aurait dû percevoir pour son plan épargne entreprise entre le 25 juin 2019 et la date de l'arrêt à intervenir,

En tout état de cause,

- débouter M. [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [Z] à verser à M. [G] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dont distraction au profit de la société FTMS Avocats conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et le condamner aux entiers dépens.

A cet effet, M. [G] fait valoir que :

- son refus de " réitérer la vente " à la suite du " compromis " est licite, d'une part en ce que la survenance d'un nouveau sinistre a mis en lumière l'existence de désordres antérieurs dissimulés, soit des infiltrations d'eau dans le mur porteur, et, d'autre part, en ce que M. [Z] s'est expressément engagé à assurer la garde et l'entretien de l'appartement aux termes d'une clause du contrat prévoyant qu'en cas de détérioration du bien l'obligation des parties d'avoir à conclure serait éteinte ;

- les parties ayant élevé le non-respect par M. [Z] de son obligation de garde et d'entretien en condition résolutoire du compromis, la seule apparition des désordres rend la rétractation légitime et justifie la restitution des sommes consignées entre les mains du notaire ;

- les sinistres survenus obéraient significativement la valeur de l'appartement dans la mesure où ils impliquaient des murs porteurs imbibés d'eau et menaçaient donc la structure de l'immeuble;

- subsidiairement, M. [Z], professionnel de l'immobilier, a commis un dol en dissimulant, en prévision de la signature du compromis, l'existence antérieure de dégâts des eaux et la présence d'infiltrations dans les murs porteurs, alors que lui-même ignorait l'existence d'un dégât des eaux toujours en cours ;

- en tout état de cause, le manquement de M. [Z] a ses obligations est à l'origine de différents préjudices : les frais de notaire engendrés par l'opération avortée, les arrhes non remboursables versés à la société de déménagement, l'ensemble des congés payés qu'il a été obligé de poser depuis la visite du bien jusqu'au désemballage des cartons de déménagement ; la surprime liée à l'âge qu'il sera dans l'obligation de régler pour tout emprunt futur dans la mesure où il a depuis dépassé l'âge de 35 ans ; les pertes financières induites par le déblocage de son plan épargne entreprise ; son préjudice moral.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il sera observé qu'en dépit du qualificatif de " compromis " employé par l'intimée pour qualifier l'acte authentique signé le 28 mai 2019, celui-ci a été dénommé par les parties " promesse unilatérale de vente " (page 3 de l'acte), tandis qu'il résulte des termes de l'acte litigieux que seul le promettant (M. [Z]) a définitivement consenti à la vente, le bénéficiaire (M. [G]) étant titulaire d'un droit d'option lui conférant la faculté de conclure ou non la vente s'il le souhaite, dans un certain délai.

L'acte, qui répond à la définition posée par l'article 1124 du code civil, doit donc être qualifié de promesse unilatérale de vente, l'indemnité d'immobilisation due par le bénéficiaire représentant le prix de l'option.

Sur le sort de l'indemnité d'immobilisation

Pour se prétendre libéré de son engagement à l'égard de M. [Z], et obtenir la restitution de la somme séquestrée représentative d'une partie de l'indemnité d'immobilisation, M. [G] se prévaut, sur le fondement des articles 1103, 1104 et 1217 du code civil de " manquements aux clauses du compromis " qu'il impute à M. [Z].

A cet égard, il invoque " l'obligation de garde du promettant ", stipulée au sein de la promesse dans les termes suivants :

" Entre la date des présentes et la date d'entrée en jouissance du bénéficiaire, les biens, et le cas échéant les meubles, tels qu'ils sont sus-désignés demeureront sous la garde et la possession du promettant qui s'y oblige.

En conséquence il est convenu ce qui suit :

[']

Entretien, réparation

Jusqu'à l'entrée en jouissance du bénéficiaire, le promettant s'engage à :

(')

* délivrer les biens dans leur état actuel ;

(')

* réparer les dégâts survenus depuis la visite.

Les parties se rapprocheront directement entre elles afin d'effectuer une visite préalablement à la signature de l'acte authentique de vente dans le but de vérifier l'état général par rapport à ce qu'il est à ce jour et de procéder au relevé des compteurs.

Sinistre pendant la durée de validité des présentes

En cas de sinistre de nature soit à rendre les biens inutilisables soit à porter atteinte de manière significative à leur valeur, le bénéficiaire aurait la faculté :

* soit de renoncer purement et simplement à la vente et de se voir immédiatement remboursé de toutes sommes avancées par lui le cas échéant ;

* soit de maintenir l'acquisition des biens alors sinistrés totalement ou partiellement et de se voir attribuer les indemnités susceptibles d'être versées par la ou les compagnies d'assurances concernées, sans limitation de ces indemnités fussent-elles supérieures au prix convenu aux présentes ['] ".

Par ailleurs, dans un paragraphe intitulé " force exécutoire de la promesse " il est précisé que :

" le promettant a (') définitivement consenti à la vente et qu'il est d'ores et déjà débiteur de l'obligation de transférer la propriété au profit du bénéficiaire aux conditions des présentes ['] Il ne pourra (') apporter aucune modification matérielle, si ce n'est avec le consentement du bénéficiaire, ni détérioration au bien. Il en ira de même si la charge ou la détérioration n'était pas le fait direct du promettant. Le non-respect de cette obligation entraînera l'extinction des présentes si bon semble au bénéficiaire ".

Il résulte de ces stipulations contractuelles que le bénéficiaire peut se voir libérer de son engagement dans deux hypothèses :

- ou bien en cas de détérioration du bien résultant du fait direct ou indirect du promettant débiteur de l'obligation de conserver la chose et d'accomplir tous les actes d'entretien et de réparation nécessaires à cette fin ;

- ou bien en cas de sinistre, soit un évènement imprévu et dommageable, dès lors que celui-ci est de nature soit à rendre les biens inutilisables, soit à porter atteinte de manière significative à leur valeur, cette clause s'analysant en une condition résolutoire à défaut de viser le fait du contractant et ainsi un quelconque manquement à son obligation de garde.

***

En l'espèce, M. [G] se prévaut d'un dégât des eaux survenu postérieurement à la signature de la promesse, découvert au moment de la visite de contrôle organisée le jour de la signature de l'acte authentique de vente.

Il résulte des trois rapports d'expertise amiables versés aux débats (pièces n° 3, 15 et 25 de M. [Z]), et selon les motifs pertinents du tribunal sur ce point, que le dernier dégât des eaux en date a pour origine le défaut d'étanchéité de la toiture-terrasse, au niveau de l'appartement situé au 11ème étage.

S'il est néanmoins reproché à M. [Z] de ne pas avoir réparé les conséquences du dégât des eaux avant cette date et de ne pas justifier des précautions prises pour éviter la survenance du sinistre, force est de constater que M. [G] n'invoque pas l'exception d'inexécution à son profit - qui suppose au demeurant des obligations corrélatives faisant ici défaut - et qu'il entend tirer les conséquences sur son engagement d'une telle inexécution contractuelle sans avoir fait procéder, en temps utile, à la moindre mise en demeure, et ce, alors qu'il n'invoque aucune clause le dispensant expressément et de manière non équivoque de la mise en demeure prévue par l'article 1225 du code civil.

Au surplus, M. [Z] n'apparait pas avoir manqué de diligences puisque son assureur, qui ne s'est pas plaint d'une déclaration de sinistre tardive, est à nouveau intervenu pour missionner un expert, la société Elex, qui a rendu son rapport le 26 septembre 2019 au contradictoire du syndic de copropriété et de son assureur.

Le dégât des eaux, dont la cause est étrangère à tout défaut d'entretien ou négligence quelconque imputables à M. [Z] ne peut donc pas être relié à un manquement du promettant à son obligation de conservation de la chose.

Toutefois, il résulte des termes de la promesse qui a force de loi en application de l'article 1103 du code civil, qu'il suffit d'un sinistre " de nature soit à rendre les biens inutilisables, soit à porter atteinte de manière significative à leur valeur " pour que le bénéficiaire puisse renoncer à la vente et obtenir le remboursement des sommes avancées.

En l'espèce, les dégâts sont ainsi décrits par Me [Y], notaire de M. [G], dans son courrier du 2 août 2019 :

" 1°) Dégât au niveau du plafond de la chambre du haut (successions de tâches marrons sur plusieurs dizaines de cm) (') ;

2°) Dégât sous la mezzanine (craquellement de la peinture sous toute la largeur de la mezzanine > 1m + une tâche ovale marron (')

3°) Dégât des eaux entre [l']appartement et celui [du] voisin du dessous : votre client a indiqué au mien que l'eau coule dans l'appartement du dessous (au niveau du mur et de son plafond) ".

Il est versé aux débats des photographies venant corroborer les dégradations causées à l'appartement objet de la promesse de vente.

S'il apparaît, aux termes d'un courrier envoyé par l'assureur de M. [Z] le 21 janvier 2020, que ces seuls dommages aux embellissements ont pu être réparés pour un coût de 374 euros après que la copropriété eut engagé d'importants travaux de réfection de la toiture-terrasse de l'immeuble, à l'origine des infiltrations, il n'en demeure pas moins qu'à la date du 31 juillet 2019, M. [G] pouvait légitimement douter à la fois de l'origine de l'infiltration et de son absence de gravité. Alors que la promesse expirait le 16 août 2019, ces doutes n'ont pu être levés qu'à partir du 15 novembre 2019, date de remise du rapport d'expertise de M. [B] sollicité par M. [Z] et au-delà même, une fois constatée l'absence d'évolution des désordres après réalisation par la copropriété des travaux d'étanchéité.

La promesse de vente comportait de plus un paragraphe " dégât des eaux " contenant les déclarations de l'acquéreur selon lesquelles " il existait un dégât des eaux au niveau des plafonds du séjour et de la chambre au niveau 2 (décollements peinture + enduit avec humidité) suite à des infiltrations au niveau du toit terrasse " et ajoutant que " la compagnie a remis un rapport d'expertise contradictoire en accord avec l'assurance de l'immeuble et définitif en date du 23 mai 2018 (') précisant que le dégât des eaux n'avait pas augmenté et [que] les supports étaient devenus secs ", que " la société Axa a fait réaliser les travaux par la société Maisonning " et qu' " à ce jour ledit dégât des eaux est terminé et qu'il n'en existe pas d'autres ".

Dans ces circonstances, alors que les parties avaient fait le choix de contractualiser spécifiquement le risque dégât des eaux, qui était un sujet de préoccupation pour l'acquéreur, l'apparition d'un nouveau sinistre de cet ordre remettait nécessairement en cause les prévisions de l'acquéreur quant à l'absence de nouveau sinistre.

La faculté de renonciation prévue par la promesse étant offerte à l'acquéreur en présence d'un sinistre " de nature " à rendre le bien inutilisable ou à en diminuer de manière significative la valeur, il y a lieu de considérer que le dégât des eaux ici rapporté, dont la cause et l'évolution n'étaient pas connues au moment de sa manifestation, constituait un sinistre de cette nature, au regard de ses seules conséquences potentielles.

Pour faire obstacle à l'application de cette clause, M. [Z] soutient que la renonciation de M. [G] contrevient à l'exigence de bonne foi en ce qu'il a renoncé à la vente sur la base d'un sinistre dont les causes n'avaient pas été évaluées.

Cependant, compte tenu de la date d'expiration de la promesse et du libellé de la clause litigieuse qui n'exigeait pas de l'acquéreur de diligences particulières en cas de survenance d'un sinistre, il ne peut être reproché à M. [G] de ne pas avoir accepté d'assumer les frais d'une expertise amiable et de soumettre sa décision aux conclusions d'un rapport qui n'a été remis que le 15 novembre 2019, soit près de trois mois après l'échéance de la promesse.

L'exercice par M. [G] de la prérogative contractuelle litigieuse ne contrevient donc pas à l'exigence de bonne foi posée par l'article 1104 du code civil, étant observé de surcroît que M. [G] a effectué des démarches en vue de son emménagement dans les lieux (transfert de ligne de téléphone, transfert de contrat EDF, souscription d'un contrat de déménagement), qui attestent à elles seules de ce qu'il n'avait pas l'intention de renoncer à la vente jusqu'à la visite de contrôle du 31 juillet 2019 et la découverte du dégât des eaux.

En outre, s'il est exact que M. [G] avait été informé de l'existence de désordres au niveau de la toiture-terrasse et de travaux d'étanchéité votés en assemblée générale des copropriétaires mais non encore réalisés au moment de la signature de la promesse, il pouvait néanmoins tenir pour acquis le fait que concernant son lot le dégât des eaux provoqué par ces désordres était " terminé " comme il ressortait des déclarations du vendeur contenues dans la clause " dégât des eaux " précitée. Il ne peut donc être valablement soutenu que l'acquéreur avait accepté le risque d'un nouveau dégât des eaux, qui serait ainsi " entré dans le champ contractuel " puisque la clause avait une portée purement informative, ne mentionnait aucunement que l'acquéreur ferait son affaire de ce dégât des eaux ou de tout autre dégât des eaux à venir, et qu'elle offrait au contraire à l'acquéreur une voie de contestation pour le cas où l'affirmation du vendeur selon laquelle " à ce jour ledit dégât des eaux est terminé et il n'en existe pas d'autre " se révélerait erronée.

Enfin, il ne peut non plus être prétendu, sauf à dénaturer la clause " dégât des eaux " de la promesse, que la mention d'un dégât des eaux " terminé " signifie seulement l'existence de supports secs, alors qu'un dégât des eaux ne peut être considéré comme terminé que lorsque la cause en est supprimée.

En somme, la renonciation de M. [G] reposant sur une clause du contrat visant un évènement futur et incertain qui, s'il survient, entraîne la disparition de son obligation, il y a lieu, après avoir constaté la survenance dudit évènement tenant au dégât des eaux rapporté, de faire droit à sa demande et d'ordonner en conséquence la restitution des sommes qu'il a versées au titre de l'indemnité d'occupation, quand, dans le même temps, M. [Z] apparait mal fondé, du fait de la caducité de la promesse, à demander le règlement de l'indemnité d'immobilisation.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a autorisé Me [S] [W], de la SCP Brandon et associés, notaires à Paris, à libérer la somme de 31 500 euros séquestrée, au profit de M. [G], et en ce qu'il a rejeté la demande de M. [Z] aux fins de condamnation de M. [G] au paiement de la somme de 63 000 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation.

Sur les demandes de dommages-intérêts de M. [G]

M. [G] réclame, sur le fondement des articles 1231-1 du code civil, l'indemnisation de son préjudice financier et moral.

Cependant, sa renonciation à la promesse reposant sur un choix personnel de sa part de mettre fin à la relation contractuelle, sans qu'il puisse être imputé à son cocontractant un manquement à ses obligations, les conditions requises pour la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de l'appelant, dont l'existence d'une faute, ne sont pas réunies.

A titre subsidiaire, M. [G] fonde sa demande sur le délit civil du dol, visé par l'article 1116 du code civil, ainsi que sur un manquement à l'obligation générale d'information, au sens de l'article 1112-1 du code civil, et réclame l'indemnisation de ses préjudices à ce double titre, et ce, en application de l'article 1240 du code civil.

Quel que soit le fondement invoqué, le moyen soulevé requiert la démonstration que M. [Z] détenait une information déterminante que M. [G] ignorait.

Or, la clause " dégât des eaux " contenue dans la promesse de vente, ajoutée aux procès-verbaux d'assemblée générale annexés à la promesse, traduisent au contraire la volonté de M. [Z] de faire preuve de transparence en informant son acquéreur de l'existence d'un dégât des eaux causé par des infiltrations au niveau d'un toit terrasse et de travaux d'étanchéité votés mais non encore réalisés.

M. [G] prétend que M. [Z] " savait depuis le mois de décembre 2018 que le mur porteur soutenant la mezzanine était imbibé d'eau " et que le dégât des eaux au lieu d'être " terminé " était en réalité toujours en cours. Mais ni la teneur des écritures de M. [Z] ni le courriel de son notaire ne permettent d'établir que M. [Z] avait personnellement connaissance de ce fait au demeurant non établi.

Il n'y a pas non plus lieu de tirer argument du fait que consécutivement au premier sinistre, M. [Z] a fait repeindre la zone sinistrée, puisque ces travaux sont mentionnés dans la clause dégât des eaux, et il ne peut être déduit du fait que l'expert missionné en second par l'assureur a considéré que le dernier dégât des eaux était la résurgence du premier pour considérer qu'à la date du compromis l'expertise était toujours en cours. Au contraire, il doit être relevé que le premier rapport, en date du 23 mai 2018, était qualifié par l'assureur de " rapport définitif " et qu'il faisait état de " supports secs ".

Par ailleurs, la qualification professionnelle de M. [Z], qui se présente comme " conseil en maîtrise d'ouvrage urbaine ", et qui fait de lui un professionnel de l'immobilier, ne saurait établir qu'il disposait d'autres informations que celles connues de M. [G] d'un dégât des eaux causé par des infiltrations provenant d'un toit-terrasse pour lequel des travaux de rénovation étaient prévus.

M. [G] n'ignorait d'ailleurs pas l'importance des travaux votés par l'assemblée générale dans la mesure où, par courriel du 6 juin 2019, il interrogeait la présidente du conseil syndical en ces termes : " j'en profite (') pour aborder un point qui me tient à c'ur (et qui me concerne plus directement) : la réfection de l'étanchéité du toit-terrasse situé au-dessus de l'appartement A.91, votée/payée à l'AG 2018 (résolution n° 16). Le vote de cette résolution a été déterminant pour moi dans la signature du compromis. Je comprends que ce sujet sera à l'ordre du jour cette année. J'imagine que toutes les options qui seront présentées/qui feront l'objet d'un vote (s'il y en a plusieurs ') seront naturellement conformes à la résolution entérinée en 2018 (j'entends qu'elles comprennent toutes "au moins la réfection de l'étanchéité de la terrasse de Mme [O]"). Mais auriez-vous selon le scénario retenu le délai (même approximatif, en trimestre par exemple) sous lequel la partie du toit-terrasse située sur l'appart A.91 sera re-étanchéifiée ' "

En dernier lieu, si M. [G] soutient que M. [Z] lui aurait faussement déclaré avoir retiré la moquette sous le nouveau parquet d'une chambre ou que les voisins ne causaient aucunes nuisances sonores, il ne démontre pas le caractère déterminant de telles informations.

Pour ces motifs, ajoutés à ceux du tribunal et que la cour adopte, M. [G] sera donc débouté de ses demandes indemnitaires, le jugement devant toutefois être réformé en ce qu'il a dit que M. [Z] a manqué à son obligation contractuelle de garde du bien immobilier.

Sur les autres demandes

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.

M. [Z] qui succombe pour l'essentiel à hauteur d'appel prendra en charge les dépens de l'instance, qui seront recouvrés par la SCP FTMS Avocats s'agissant des dépens dont elle a fait l'avance, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande en outre de faire droit à la demande de M. [G] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et de condamner M. [Z] à lui régler la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a dit que M. [M] [Z] a manqué à son obligation contractuelle de garde du bien immobilier prévue à la promesse de vente conclue avec M. [I] [G] le 28 mai 2019,

Y ajoutant,

Condamne M. [M] [Z] aux dépens de l'instance d'appel,

Condamne M. [M] [Z] à régler à M. [I] [G] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.