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Décisions

CA Reims, 1re ch. sect. inst, 15 octobre 2024, n° 23/01757

REIMS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Bet Auto (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Duez

Conseillers :

Mme Magnard, Mme Herlet

Avocat :

Me Pelletier

CA Reims n° 23/01757

14 octobre 2024

* * * * *

Exposé du litige :

Le 13 mars 2020, madame [H] [E] achète un véhicule Renault Megane Break chez la société SAS Bet Auto pour la somme de 2.250 euros.

Le véhicule a été mis en circulation en 2004 et a parcouru 203.490 kilomètres.

A l'occasion de la délivrance du véhicule, il a été remis à Madame [H] [E] un procès-verbal de contrôle technique, le carnet d'entretien du véhicule ainsi que l'ancien certificat d'immatriculation valide du 20 décembre 2010 au 20 février 2020.

Après acquisition, Mme [E] a constaté différents désordres affectant le véhicule, à savoir:

Une des clés du véhicule ne permet pas de déclencher le système d'ouverture automatique

Dysfonctionnement de l'essuie-glace arrière

Le 17 août 2020, Mme [E] a mis en demeure la société Bet Auto de résoudre les différents problèmes dans les 8 jours.

Le 10 septembre 2020, Le garage Delaitre établi un devis estimant les travaux de réparation à 1.274,40 euros TTC.

Un rapport d'expertise établi par l'expert de la compagnie d'assurance de protection juridique de Mme [E] a été établi le 18 janvier 2021.

Par assignation du 20 janvier 2023 Mme [E] a assigné devant le tribunal judiciaire de Reims la société Bet Auto en résolution de la vente avec répétition des obligations respectives, à titre principal pour vices caché et à titre subsidiaire pour manquement du vendeur professionnel à son obligation d'information.

Mme [E] sollicitait en outre :

1.000,80 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice matériel.

3.000,00 € pour préjudice moral.

5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens de la première instance.

Par jugement du 18 septembre 2023 le tribunal judiciaire de Reims a débouté Mme [E] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Les motifs décisoires de cette décision reprennent principalement que :

' La majorité des désordres étaient visibles au moment de l'achat ou identifiables lors de l'essai du véhicule: clefs, dysfonctionnement de l'essuie-glace arrière, feu stop fissuré, le becquet de hayon arrière.

Les autres défauts relevés sont consécutifs à l'ancienneté du véhicule et ne relèvent pas des vices cachés a fortiori sur un véhicule présentant un kilométrage et un âge importants: 203.490 km et plus de 16 ans ( date de mise en circulation en 2004), acheté à faible coût, 2250 euros.

Mme [E] s'est exposée à de possibles frais de remplacement de pièces dû à des phénomènes naturels d'usure.

Le véhicule a par ailleurs parcouru 6000 km au moment de l'expertise. Il n'est donc pas démontré, en l'espèce, un défaut de conformité entre le véhicule acquis et le véhicule livré justifiant la résolution de la vente réalisée le 13 mars 2020...'

Le 25 octobre 2023 Mme [E] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Mme [E] a signifié ses premières conclusions d'appelante du 10/01/2024, à la SAS Bet Auto par exploit de commissaire de Justice en date du 19 janvier 2024.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées à la cour le 02 juillet 2024 et signifiées par exploit de commissaire de Justice le 25 juillet 2024, Mme [E] sollicite l'infirmation de la décision déférée et, statuant de nouveau, de:

À TITRE PRINCIPAL

DIRE ET JUGER que les multiples désordres constatés sur le véhicule cédé à Mme [E] constituent des vices cachés,

DIRE ET JUGER que Madame [E] n'aurait pas acheté ce véhicule si elle avait eu connaissance de ces vices,

CONDAMNER en conséquence la société Bet Auto à payer à Madame [E] la somme de 2250 euros,

ORDONNER la restitution du véhicule litigieux à la société Bet Auto,

À TITRE SUBSIDIAIRE

CONSTATER que la société Bet Auto a manqué à son obligation d'information en sa qualité de vendeur professionnel,

CONSTATER 1'absence de délivrance conforme de la chose objet du contrat,

En conséquence,

PRONONCER la résolution de la vente réalisée le 13 mars 2020,

CONDAMNER en conséquence la société Bet Auto à payer à Mme [E] la somme de 2.250 euros,

CONDAMNER la société Bet Auto à payer à Mme [E] la somme de 1.354,56 euros au titre de son préjudice matériel,

CONDAMNER la société Bet Auto à payer à Mme [E] la somme de 3.000 € au titre de son préjudice moral,

CONDAMNER la société Bet Auto à payer à Mme [E] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens lesquels seront recouvrés par la SELARL PELLETIER & ASSOCIES, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

La société Bet Auto n'a pas constitué avocat en cause d'appel.

Les conclusions n° 2 de l'appelante ont été signifiées à l'intimé le 25 juillet 2024 par exploit de commissaire de Justice.

La clôture de la procédure a été prononcée le 03 septembre 2024 et la cause évoquée à l'audience du 10 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il est constant qu'en l'absence de constitution de l'intimé le juge d'appel doit apprécier les prétentions de l'appelant sur les pièces produites par ce dernier et en fonctions des motivations de la décision de première instance qui lui est déférée.

Il ressort de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Cette action doit, aux termes de l'article 1648 du même code être intentée dans les deux années à compter de la découverte du vice.

Par ailleurs aux termes de l'article 1604 du code civil, la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.

A- Sur la garantie des vices cachés :

En l'espèce le seul rapport d'expertise caractérisant les dysfonctionnements invoqués sur le véhicule est celui du cabinet Locard, expert mandaté par la compagnie Juridica, assureur de protection juridique de Mme [E].

Ce rapport établi le 18 janvier 2021 (pièce n° 9) mentionné les désordres suivants :

une seule des deux clés de démarrage est reconnue par le véhicule,

le becquet du hayon arrière n'est pas correctement fixé et présente des séquelles de réparation (traces de colle, faisceau électrique démonté)

le 3ème feu stop dans le becquet est fissuré,

l'insonorisant de tablier moteur est détérioré (à remplacer)

silent bloc du support moteur inférieur central présente un jeu anormal

la biellette de direction droite présente un jeu anormal

le moteur présente un sifflement à l'accélération,

le turbo compresseur présente des signes d'usure avancés nécessitant son remplacement

Le rapport d'expertise indique également que Mme [E] a parcouru 6.125 Km depuis l'acquisition du véhicule.

- Les désordres relevés ci-dessus et répertoriés sous les numéros 1-2-3 relèvent manifestement de désordres qui étaient apparents au moment où Mme [E] a acheté le véhicule ou qui proviennent de l'utilisation que cette dernière a fait du dit véhicule entre mars 2020 et janvier 2021.

Ces désordres ne sauraient donc être qualifiés de vices cachés au sens de l'article 1641 du code civil.

- Désordres n° 4, 5 et 6 :

Le silent bloc moteur, aussi appelé support moteur, est constitué de deux socles de fixation reliés entre eux par de la matière élastique permettant d'absorber les chocs et les vibrations du moteur. Cet élément d'équipement a une durée d'obsolescence variant entre 200.000 et 300.000 Km.

Les biellettes de direction sont des pièces mécaniques qui se situent entre la crémaillère et la rotule de direction de chaque roue. Leur changement est impératif en cas de découverte d'un jeu dans leur fonctionnement. En fonction du kilométrage, il s'agit d'un changement relevant de l'entretien normal du véhicule.

De même, la dégradation de l'insonorisant du tablier relève de l'usure normale d'un véhicule présentant un âge de 16 ans ainsi qu'un kilométrage de 209.615 Km au moment de l'expertise.

Ces trois désordres ne relèvent donc pas des vices cachés au sens de l'article 1641 ci-dessus visés, dans la mesure où, soit ces désordres trouvent leur cause dans l'usure normale du véhicule (silent bloc moteur et insonorisant du tablier), soit ces désordres présentent un coût de remplacement variant entre 50 et 110 euros chacun et relèvent d'un entretien courant d'un véhicule ancien. Ces derniers désordres ne pouvant au demeurant rendre le véhicule impropre à l'usage auquel on la destine, ou en diminuer tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquis, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

- Désordres n° 7 et 8

Ces deux désordres relèvent d'une même cause, le sifflement du moteur à l'accélération caractérisant une défaillance du turbo compresseur.

Le rapport d'expertise chiffre ce poste de dépense à 1.702,98 € HT.

Il est toutefois constant que, comme toute pièce d'un moteur, le turbo doit être remplacé de temps en temps.

Son remplacement sur un bloc Renault 1.5 dCi doit être effectué autour des 200.000 Kms

En l'espèce il ressort du rapport d'expertise produit par Mme [E] (pièce n° 9) que le véhicule incriminé est équipé d'un moteur Renault 1.5 dCi, de sorte qu'il ressort du rapport d'expertise produit par l'appelante que lors de l'acquisition de son véhicule, le turbo compresseur, qui accusait un kilométrage de 203.490 Kms, avait déjà atteint la limite d'obsolescence.

Il s'ensuit que ce désordre relève de l'usure normale de la chose et non d'un vice caché.

B- Sur l'obligation de délivrance conforme :

S'agissant de l'obligation de délivrance il est acquis que, comme le relève justement le premier juge dont les motifs seront repris par la cour, que la société Bet Auto a fournit à Madame [E] le contrôle technique favorable, les justificatifs d'entretien du véhicule. Le véhicule livré est bien celui acheté par Madame [E] dans ses kilomètres et son ancienneté de sorte qu'il n'est aucunement démontré, en l'espèce, un défaut de conformité entre le véhicule acquis et le véhicule livré justifiant la résolution de la vente réalisée le 13 mars 2020.

Enfin Mme [E] invoque à l'encontre du vendeur un défaut d'information mais ne conclut pas sur ce point.

Aucune pièce produite n'est de nature à démontrer que la société Bet Auto ait omis, volontairement ou par négligence, d'informer Mme [E] des désordres relevés sur le véhicule.

La durée de vie des pièces mécaniques et moteur, dont le remplacement est aujourd'hui nécessaire après que Mme [E] ait encore parcouru plus de 6.000 Km après l'acquisition de son véhicule, est une donnée dite 'grand public' accessible à tout acheteur moyennement diligent d'un véhicule.

En conséquence la décision déférée sera confirmée en toutes ses dispositions.

C- Sur les dépens

Il ressort des articles 696 et 700 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens et que, sauf considération d'équité, la partie tenue aux dépens doit supporter les frais irrépétibles de procédure exposés par l'autre partie.

Mme [E] qui succombe à son appel sera tenue des dépens de cette procédure.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement par décision de défaut :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Reims le 18 septembre 2023 (RG N° 23/00516)

Y ajoutant :

Condamne Mme [H] [E] aux dépens de l'appel.