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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 15 octobre 2024, n° 22/02928

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

BNP Paribas Personal Finance (SA)

Défendeur :

Optyenergy (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jobard

Conseillers :

M. Pothier, Mme Barthe-Nari

Avocats :

Me Castres, Me Reinhard, Me Delomel

CA Rennes n° 22/02928

14 octobre 2024

EXPOSE DU LITIGE

A la suite d'un démarchage à domicile, M. [S] [X] et Mme [L] [Y] (les époux [X]) ont, selon bon de commande du 28 août 2018, commandé à la société Optynergy la fourniture et la pose d'une pompe à chaleur et de cinq fenêtres, moyennant le prix total de 35 300 euros TTC.

Afin de financer cette installation, la société BNP Paribas Personal Finance (la BNP PPF), exerçant sous la dénomination commerciale Cetelem a, selon offre acceptée le même jour, consenti à M. [X] un prêt de 35 300 euros au taux de 3,83 % l'an, remboursable en une mensualité de 269,49 euros et 179 mensualités de 291,71 euros, hors assurance emprunteur, après un différé d'amortissement de 6 mois.

Les fonds ont été versés à la société Optynergy au vu d'un procès-verbal de fin de chantier et d'une demande de financement du 11 septembre 2018.

Prétendant que le bon de commande était irrégulier et que l'installation comportait des malfaçons affectant la sécurité de la pompe à chaleur, les époux [X] ont, par actes des 22 et 23 décembre 2020, fait assigner devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Fougères la société Optynergy et la BNP PPF en annulation ou, à défaut, en résolution des contrats de vente et de prêt.

Puis, par acte du 29 mars 2021, ils ont appelé à la cause la SELARL Athena, prise en la personne de Mme [P] [E], ès-qualités de liquidatrice de la société Optynergy, mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Rennes du 6 janvier 2021.

Les deux procédures ont été jointes.

Par jugement du 17 mars 2022, le premier juge a :

- annulé le contrat du 28 août 2018 conclu entre M. et Mme [X] et la société Optynergy,

- annulé le contrat de crédit affecté conclu entre M. [S] [X] et la société BNP Paribas Personal Finance le 28 août 2018,

- dit que la société BNP Paribas Personal Finance a commis une faute qui la prive du droit à remboursement du capital emprunté,

- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à restituer à M. [S] [X] les sommes et échéances perçues en exécution du contrat de crédit après établissement d'un décompte,

- débouté M. et Mme [X] du surplus de leurs demandes,

- débouté la société BNP Paribas Personal Finance de ses demandes,

- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [S] [X] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens,

- rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire.

La BNP PPF a relevé appel de ce jugement le 6 mai 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions du 11 avril 2024, elle demande à la cour de l'infirmer et de :

Statuant à nouveau,

- débouter les époux [X] de leur demande d'annulation du contrat principal de vente partant d'annulation subséquente du contrat de crédit,

- débouter les époux [X] de leur demande de résolution du contrat principal de vente et partant de résolution subséquente du contrat de crédit,

Par conséquent,

- débouter les époux [X] de l'intégralité de leurs demandes,

Subsidiairement, en cas d'annulation ou de résolution des contrats,

- débouter les époux [X] de leurs demandes visant à voir la société BNP Paribas Personal Finance privée de son droit à restitution du capital prêté dès lors qu'elle n'a commis aucune faute,

- débouter les époux [X] de leurs demandes visant à voir la société BNP Paribas Personal Finance privée de son droit à restitution du capital prêté dès lors qu'ils ne justifient pas de l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité à une faute de celle-ci,

Par conséquent,

- condamner M. [S] [X] à payer à BNP Paribas Personal Finance la somme de 35 300 euros, correspondant au montant du capital prêté, outre intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition des fonds,

- débouter les époux [X] de toute autre demande, fin ou prétention,

En tout état de cause,

- condamner in solidum M. [S] [X] et Mme [L] [Y] épouse [X] à payer à BNP Paribas Personal Finance une indemnité à hauteur de 2 400 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

En l'état de leurs dernières conclusions du 9 avril 2024, les époux [X] demandent à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire,

- prononcer la résolution du contrat de vente intervenu le 28 août 2018 entre les consorts [X] et la société Optynergy,

- prononcer la résolution du contrat de crédit intervenu le 28 août 2018 entre les consorts [X] et la société BNP Paribas Personal Finance,

- confirmer le jugement de première instance pour le surplus, s'agissant des conséquences financières de l'anéantissement des contrats,

En tout état de cause,

- juger que les consorts [X] devront laisser l'installation à la disposition du liquidateur judiciaire de la société Optynergy, durant un délai de 2 mois suivant la signification de la décision à intervenir,

- condamner la société BNP Paribas Personal Finance à verser aux consorts [X] la somme de 5 000 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

La SELARL Athena, prise en la personne de Mme [E] [P], ès-qualités de liquidatrice de la société Optynergy, à laquelle la BNP PPF a signifié ses conclusions les 20 juillet 2022 et 5 janvier 2023, et les époux [X] le 10 octobre 2022, n'a pas constitué avocat devant la cour.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 13 juin 2024.

EXPOSE DES MOTIFS

Sur la nullité du contrat principal

Aux termes des articles L 121-18-1 et L. 121-17 devenus L. 221-9, L 221-5, L. 111-1, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation, les ventes et fournitures de services conclues à l'occasion d'une commercialisation hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire est remis au client et notamment comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

le nom du professionnel, ou la dénomination sociale et la forme juridique de l'entreprise, l'adresse géographique de son établissement et, si elle est différente, celle du siège social, son numéro de téléphone et son adresse électronique,

le cas échéant, son numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,

les informations relatives à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte,

son éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, ainsi que les coordonnées de l'assureur ou du garant,

les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du bien ou service concerné,

le prix du bien ou du service,

les modalités de paiement,

en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service,

les modalités prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations,

s'il y a lieu, les informations relatives à la garantie légale de conformité, à la garantie des vices cachés de la chose vendue ainsi que, le cas échéant, à la garantie commerciale et au service après-vente,

la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation,

lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit, ainsi que le formulaire type de rétractation,

le numéro d'inscription du professionnel au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,

s'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et identifié par un numéro individuel en application de l'article 286 ter du code général des impôts, son numéro individuel d'identification,

l'éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, les coordonnées de l'assureur ou du garant ainsi que la couverture géographique du contrat ou de l'engagement.

Les époux [X] font valoir au soutien de leur appel que le bon de commande ne comporterait pas :

les caractéristiques techniques portant sur la domotique et le thermostat,

la mention des garanties légales offertes au consommateur,

de bordereau de rétractation,

la mention de l'identité et des coordonnées d'un médiateur.

Cependant, les caractéristiques techniques et la marque de la pompe à chaleur (Hitachi) sont bien mentionnées sur le bon de commande, celles du thermostat et de la domotique n'étant en revanche pas des caractéristiques essentielles des biens livrés, dès lors que rien ne démontre que ces éléments soient entrés dans le champ contractuel.

D'autre part, les conditions générales de vente mentionnent bien les garanties légales et contractuelles, et leurs modalités d'exercice.

En revanche, il est exact que le bon de commande ne contient aucun formulaire de rétractation, privant ainsi les consommateurs de l'exercice effectif de cette faculté.

La mention du bon de commande selon laquelle l'acquéreur déclare avoir pris connaissance des conditions générales en annexe de ce bon de commande 'et notamment de la faculté de rétractation prévue par l'article L. 221-18 du code de la consommation', ne saurait pallier l'absence de formulaire type prévu par l'article L. 221-5 dans sa rédaction applicable à la cause.

Contrairement à ce que soutient la BNP PPF, il résulte de l'article L. 242-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, que, lorsque les informations relatives à l'exercice du droit de rétractation mentionnées à l'article L. 221-5 2° dudit code ne figurent pas dans un contrat conclu hors établissement, la nullité de ce contrat est encourue, de sorte qu'une telle sanction peut être invoquée par le souscripteur du contrat, au même titre que la prolongation du délai de rétractation prévu par l'article L. 221-20 du même code.

Il est enfin exact que le bon de commande ne mentionne pas non plus les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétents dont le professionnel relève en application de l'article L. 616-1 du code de la consommation.

Le contrat est donc irrégulier.

La BNP PPF ne reprend pas devant la cour le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier.

Il convient donc, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la demande de résolution du contrat de vente, de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a annulé le contrat du 28 août 2018 conclu entre les époux [X] et la société Optynergy.

Si, au titre des restitutions qui découlent de l'annulation du contrat, les époux [X] seraient fondés à obtenir la condamnation de la société Optynergy à reprendre à ses frais l'ensemble des matériels, il convient désormais de dire qu'ils devront laisser l'installation à la disposition de la liquidatrice judiciaire, redevenu propriétaire à compter de la signification du présent arrêt.

Sur la nullité du contrat de prêt

Aux termes des dispositions de l'article L. 311-32 devenu L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Il n'est pas contesté que le crédit consenti par la BNP PPF est un crédit accessoire à une vente ou à une prestation de services.

En raison de l'interdépendance des deux contrats, l'annulation du contrat principal conclu avec la société Optynergy emporte donc annulation de plein droit du contrat accessoire de crédit conclu avec la BNP PPF.

La nullité du prêt a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure, de sorte qu'elle doit, sauf faute du prêteur, entraîner la restitution des prestations reçues de part et d'autre, c'est à dire du capital versé par le prêteur et des échéances réglées par l'emprunteur.

Au soutien de son appel, la BNP PPF fait valoir qu'elle s'est, sans commettre de faute, dessaisie des fonds sur autorisation expresse de l'emprunteur qui a signé le procès-verbal de fin de chantier reconnaissant que tous les travaux étaient terminés et d'une attestation de livraison attestant de nouveau la réalisation des travaux, et que, d'autre part, le prêteur n'est pas tenu de conseiller l'emprunteur sur l'efficacité juridique d'un contrat auquel il est tiers.

Les époux [X] font quant à eux valoir que le prêteur se serait fautivement dessaisi des fonds en faveur de la société Optynergy, sans vérifier la validité du contrat de vente et sans s'assurer de l'exécution complète de la prestation, au vu d'un procès-verbal de fin de chantier ambigu et imprécis.

Le prêteur, qui n'a pas à assister l'emprunteur lors de l'exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d'une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, ne commet pas de faute lorsqu'il libère les fonds au vu d'une attestation de livraison qui lui permet de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal.

Or, en l'occurrence, l'attestation de livraison signée par M. [X] le 11 septembre 2018 faisait ressortir sans ambiguïté que celui-ci, '(attestait) sans réserve :

- que la livraison du bien et /ou la fourniture de la prestation de service (...) a été pleinement effectuée conformément au contrat principal de vente préalablement conclu avec le vendeur ou le prestataire de service,

- que cette livraison ou fourniture est intervenue le 7 septembre 2018,

Il (reconnaissait) que conformément à l'article L. 312-48 du code de la consommation ses obligations au titre du contrat de 'crédit accessoire à une vente' (... prenaient) effet à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation de service (et) en conséquence, il (demandait) au Prêteur, par la signature de la présente attestation et en sa qualité d'Emprunteur, de procéder à la mise à disposition des fonds au titre dudit contrat de 'crédit accessoire à une vente.'

Cependant, il est aussi de principe que le prêteur commet une faute excluant le remboursement du capital emprunté lorsqu'il libère la totalité des fonds, alors qu'à la simple lecture du contrat de vente il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.

Or, il a été précédemment relevé que le bon commande conclu avec la société Optynergy, par l'intermédiaire de laquelle la BNP PPF faisait présenter ses offres de crédit, comportait des irrégularités formelles apparentes qui auraient dû conduire le prêteur, professionnel des opérations de crédit affecté, à ne pas se libérer des fonds entre les mains du fournisseur avant d'avoir à tout le moins vérifié auprès de M. [X] qu'il entendait confirmer l'acte irrégulier, en dépit de l'absence de bordereau de rétractation et des coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétents.

Le prêteur n'avait certes pas à assister l'emprunteur lors de la conclusion et de l'exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d'une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, mais il lui appartenait néanmoins de relever les anomalies apparentes du bon de commande, ce dont il résulte qu'en versant les fonds entre les mains du fournisseur, sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle de ce bon de commande, la BNP PPF a commis une faute en lien de causalité avec le préjudice de l'emprunteur consistant pour celui-ci à ne pas pouvoir obtenir, auprès de la venderesse mise en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont il n'est plus propriétaire.

Il est en effet de principe que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est obligé par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.

Il convient donc, pour ces motifs substitués à ceux du premier juge, de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit que la BNP PPF a commis une faute la privant du droit à remboursement du capital emprunté.

Par ailleurs, M. [X], qui n'a commis aucune faute, est fondé à obtenir la restitution des échéances de remboursement qu'il a réglées en exécution du contrat de prêt annulé, le jugement étant également confirmé sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions du jugement attaqué relatives aux dépens et aux frais irrépétibles étaient pertinentes et seront confirmées.

Partie succombante en cause d'appel, la BNP PPF sera condamnée aux dépens exposés devant la cour.

Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge des époux [X] l'intégralité des frais exposés par eux à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il leur sera alloué une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme en l'ensemble de ses dispositions le jugement rendu le 17 mars 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Fougères ;

Dit que M. et Mme [X] devront laisser l'installation et l'ensemble des matériels à la disposition de la SELARL Athena, prise en la personne de Mme [E] [P], ès-qualités de liquidatrice de la société Optynergy, à compter de la signification du présent arrêt ;

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [S] [X] et Mme [L] [Y] épouse [X] une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens d'appel ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.