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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 11 octobre 2024, n° 22/09012

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Groupe Axxess (SAS), SCP BTSG (ès qual.)

Défendeur :

ITM Alimentaire International (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme L'Eleu de la Simone, Mme Guillemain

Avocats :

Me Grognard, Me Guichard, Me Baudry, Me Leboucq Bernard, Me Deglaire

T. com. Paris, du 11 avr. 2022, n° 20200…

11 avril 2022

FAITS ET PROCEDURE

La SASU ITM Alimentaire International (la société ITM) a notamment pour activité la conduite, l'animation et le développement de la politique marketing des différentes enseignes du Groupement des Mousquetaires, dont elle est membre.

Parmi d'autres prestataires, la société ITM a fait appel à la société Groupe MJA, via son enseigne Calypso, afin de réaliser des prestations de marketing.

Dans ce contexte, la société ITM et la société Calypso ont conclu, le 1er avril 2014, un contrat-cadre à durée indéterminée organisant la possibilité pour la société ITM de commander ponctuellement des prestations à la société Calypso, portant notamment sur la création et l'élaboration de packagings, pour le compte des enseignes « Intermarché » et « Netto », sans engagement de volume ni d'exclusivité,

Le 23 octobre 2015, l'agence de publicité et de communication, la SAS Groupe Axxess (la société Axxess) a repris les actifs de l'activité de la société Groupe MJA.

Par lettre recommandée datée du 4 octobre 2016, la société ITM a informé, la société Calypso de sa décision de réduire significativement le volume des prestations confié à l'agence à compter du premier trimestre 2017.

L'agence Calypso a, ensuite, été sélectionnée par la société ITM au titre d'un appel d'offres pour réaliser des prestations de communication, à compter du mois de janvier 2017.

Enfin, le 4 octobre 2017, la société ITM a conclu avec la société Axxess un contrat de prestations de services, d'une durée reconductible de six mois, pour tenir compte de l'intervention d'une salariée de la société Axxess au sein de ses locaux.

Selon un jugement du 4 avril 2019, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Axxess.

Par courrier en date du 16 juillet 2019, l'administrateur judiciaire de la société Axxess, invoquant une baisse significative des commandes, a enjoint la société ITM de maintenir ses relations commerciales, afin de lui permettre de se réorganiser.

La société ITM lui a répondu, le 6 août 2019, que la fin de la relation commerciale avec l'agence Calypso avait été annoncée depuis le 4 octobre 2016, de sorte que celle-ci avait disposé d'un délai de plus de deux ans et demi pour se réorganiser, jusqu'au mois de juin 2019.

Suivant exploit du 24 juin 2020, la société Axxess a fait assigner la société ITM devant le tribunal de commerce de Paris afin d'être indemnisée du préjudice résultant de la rupture brutale de leur relation.

Le 23 décembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Axxess, et a désigné la SCP BTSG prise en la personne de maître [K] [E] en qualité de liquidateur.

La SCP BTSG ès qualités de liquidateur est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement en date du 11 avril 2022, le tribunal de commerce de Paris a :

- Condamné la société ITM à payer à la société BTSG prise en la personne de maître [K] [E] ès qualités de liquidateur de la société Axxess :

la somme de 57.316 €, avec intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2019, en réparation du préjudice causé par la rupture brutale d'une relation commerciale établie,

la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- Ordonné l'exécution provisoire,

- Condamné la société ITM aux dépens.

La société BTSG ès qualités de liquidateur de la société Axxess a formé appel du jugement, par déclaration du 5 mai 2022.

Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats, le 28 octobre 2022, la société ITM a interjeté un appel incident.

Dans ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique, le 28 mars 2024, la SCP BTSG prise en la personne de maître [K] [E] ès qualités de mandataire judiciaire de la société Groupe Axxess demande à la Cour, au visa de l'article L. 442-6 I, 5°, du code de commerce, de :

« REFORMER le Jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 11 avril 2022 en ce qu'il a :

Condamné la SAS à associé unique ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL à payer à la SCP BTSP prise en la personne de Me [E], es qualité de liquidateur judiciaire de la Société SAS GROUPE AXXESS la somme de 57.316 €, là où il était demandé sa condamnation à hauteur de la somme de 1.380.990 €

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE CONFIRMER pour le surplus,

STATUANT A NOUVEAU,

CONDAMNER la Société ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL à verser à la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [E], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société GROUPE AXXESS, la somme de 1.380.990 €, avec intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2019, date de la mise en demeure ;

A défaut,

CONDAMNER la Société ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL à verser à la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [E], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société GROUPE AXXESS, la somme de 1 059 924 €, avec intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2019, date de la mise en demeure ;

En tout état de cause,

DEBOUTER la Société ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL de son appel incident, et de toutes demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER la Société ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL à verser à la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [E], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société GROUPE AXXESS, la somme de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

DEBOUTER la Société ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL de toutes demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER la Société ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL aux entiers dépens. »

Dans ses dernières conclusions, transmises par voie électronique, le 6 mars 2024, la société ITM Alimentaire International demande à la Cour, sur le fondement de l'ancien article L. 442-6 I, 5°, et du nouvel article L. 442-1, II, du code de commerce, de :

«

DIRE ET JUGER que la société ITM Alimentaire International a informé le 4 octobre 2016 la société Groupe Axxess de la fin à venir de leurs relations ;

DIRE ET JUGER que la société ITM Alimentaire International a respecté un préavis suffisant en maintenant un courant d'affaires constant avec la société Groupe Axxess pendant plus de deux années ;

DIRE ET JUGER que la fin des relations entre la société ITM Alimentaire International et la société Groupe Axxess n'a pas de caractère brutal ;

DIRE ET JUGER qu'aucun préjudice attribuable à la société ITM Alimentaire International en a résulté pour la société Groupe Axxess ;

En conséquence,

DEBOUTER la SCP BTSG, liquidateur judiciaire de la société Groupe Axxess, de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

INFIRMER le jugement en toutes ses dispositions ;

CONDAMNER la SCP BTSG à payer à la société ITM Alimentaire International la somme de dix mille (10.000) euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

La CONDAMNER aux entiers dépens. »

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est rappelé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes tendant à voir « constater » ou « dire et juger » qui ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Sur la rupture brutale d'une relation commerciale établie

Enoncé des moyens

La société Axxess se prévaut d'une relation commerciale établie, au sens des dispositions de l'article L. 442-6, I, du code de commerce, d'une durée de plus de trente années, en arguant qu'il doit être tenu compte de la relation préexistante avec la société MJA, dont elle a repris les actifs ; elle souligne, à cet égard, que la poursuite de la relation avec la société ITM s'est déroulée sans aucun changement, via l'enseigne Calypso, et invoque pour preuve les termes du contrat de prestations de services du 4 octobre 2017 rappelant l'importante ancienneté de la relation entre les parties. Elle prétend que le flux d'affaires a baissé de façon drastique, en 2019 et 2020, en l'absence de tout préavis, alors qu'elle pouvait espérer que le volume des commandes serait similaire aux années 2017 et 2018, ce qui caractérise, selon elle, une rupture brutale de la relation. Elle réplique que la réduction des commandes annoncée dans le courrier du 4 octobre 2016 se rapportait au premier semestre 2017 et n'a, au reste, pas été suivie d'effet, de sorte que la société ITM n'est pas fondée à prétendre qu'elle lui avait annoncé la fin de la relation. Elle considère, en conséquence, qu'elle aurait dû pouvoir bénéficier d'un délai de préavis de dix-huit mois.

Bien qu'elle ne conteste pas avoir fait appel à l'agence Calypso depuis de nombreuses années, la société ITM prétend, pour sa part, que celle-ci est intervenue par l'intermédiaire de personnes morales différentes, et que leur collaboration ne présentait pas non plus un caractère régulier, ce qui ne permet pas de caractériser une relation commerciale établie pendant toute la période revendiquée par la société Axxess. Elle soutient qu'elle a notifié à son cocontractant, de façon claire et non équivoque, la fin à venir de leurs relations, dans le courrier du 4 octobre 2016, qui constituait le point de départ de la période de préavis, et que la relation est devenue précaire à compter de l'année 2017. Elle explique que la durée de celui-ci a finalement été prolongée, pour une période de deux ans, dans le cadre d'une mission temporaire dévolue à la société Axxess. Elle rappelle que, de l'aveu de la société appelante, le volume d'affaires a ainsi été maintenu jusqu'en 2019, ce dont elle déduit que celle-ci a bénéficié, dans les faits, d'un préavis de deux ans. Elle prétend qu'il ne lui incombait donc pas de notifier un nouveau un préavis, la fin annoncée de la relation entre les parties étant demeurée inchangée.

Réponse de la Cour

L'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, applicable au jour de la rupture litigieuse, dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

- Sur l'existence d'une relation commerciale établie

Une relation commerciale établie présente un caractère suivi, stable et habituel et permet raisonnablement d'anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux, ce qui implique, notamment qu'elle ne soit pas entachée par des incidents susceptibles de remettre en cause sa stabilité, voire sa régularité.

Dans le cas présent, la société ITM reconnaît avoir fait appel depuis de nombreuses années à l'agence Calypso, afin de réaliser des prestations.

Le contrat de prestations de services, conclu le 4 octobre 2017, entre la société ITM (le Bénéficiaire) et la société Groupe Axxess (le Prestataire) précise, en préambule, que :

« Le Bénéficiaire collabore depuis près de trente années avec le Prestataire, par l'intermédiaire de son agence CALYPSO DESIGN, sur des analyses, et les différentes étapes liées au déploiement PACKAGING (création, mise au point, achat d'art et exécution) des produits commercialisés par le Bénéficiaire.

Le Prestataire accompagne également le Bénéficiaire dans le domaine de la digitalisation des marques et la mise en place de nouveaux process, notamment l'externalisation, étude et suivi des évolutions de TO, la mise en conformité avec le Règlement 1169/2011 INCO.

Dans le cadre de cette relation, les parties se sont à nouveau rapprochées pour définir les conditions de la réalisation de prestations dans le cadre de la refonte des packagings des marques propres dans le cadre du process EXTERNALISATION P&C du Bénéficiaire. »

Le prestataire est nommément désigné dans le contrat comme étant la société Groupe Axxess, ce qui induit que les parties ont effectivement entendu se situer dans la continuité de la collaboration initiée, par l'intermédiaire de l'agence Calypso, avec le Groupe MJA, après la cession de ses actifs.

En revanche, comme le fait valoir la société intimée, les termes de ce préambule ne permettent pas d'établir que la collaboration à laquelle il est fait référence présentait, pour autant, la régularité, le caractère significatif et la stabilité propres à caractériser une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, exempte notamment de toute interruption pendant près de trente années.

En tout état de cause, l'aveu, tel qu'il est défini par l'article 1383 du code civil, qu'il soit judiciaire ou extra-judiciaire, n'est admissible que s'il porte sur des points de fait, et non sur des points de droit tenant à la qualification juridique des faits.

La société Axxess ne fournit, pour sa part, aucune précision afférente aux commandes passées avant 2011, qu'elle indique avoir été informelles, notamment en ce qui concerne leur nombre et le chiffre d'affaires atteint au cours des ans, de sorte qu'il est impossible de vérifier que la relation était réellement stable durant cette période.

Elle fait état, pour autant, d'un chiffre d'affaires, réalisé avant la conclusion du contrat-cadre du 1er avril 2014, de l'ordre de 850.056 € en 2011, 827.007 € en 2012 et 940.349 € en 2013. La société ITM conteste l'exactitude du chiffre d'affaires revendiqué uniquement à compter de l'année 2014, et ne remet pas en cause la relative stabilité du courant d'affaires depuis 2011.

Il y a donc lieu de dire que la société Axxess rapporte la preuve que la relation commerciale était établie au moins depuis l'année 2011.

- Sur la date de la rupture de la relation commerciale

Il résulte de la lettre recommandée du 4 octobre 2016 que la société ITM a informé la société Calypso que, dans le cadre de l'exécution du programme stratégique de l'enseigne Intermarché, le volume d'affaires qui lui avait été confié allait « baisser significativement à compter du 1er trimestre 2017 », et l'a invitée à rechercher de nouveaux partenaires afin de diversifier son portefeuille de clients et pallier la diminution de leur courant d'affaires.

La teneur de cette lettre caractérise la volonté, sans équivoque, de la société ITM de rompre partiellement la relation commerciale, à compter du premier trimestre de l'année 2017, avec l'octroi d'un délai de préavis de trois mois. Contrairement à ce que soutient la société Axxess, rien ne laisse ainsi entendre, dans ce courrier, que la diminution annoncée du volume d'affaires avait vocation à demeurer ponctuelle.

S'il n'est pas contesté que la société Axxess a réalisé, en 2017 et en 2018, un chiffre d'affaires équivalent aux années précédentes, celle-ci ne peut néanmoins soutenir valablement que la relation commerciale s'est poursuivie, dans les mêmes conditions, en dépit de la rupture partielle annoncée le 4 octobre 2016.

Comme l'a relevé le tribunal, la mission confiée en 2017 à la société Axxess ainsi qu'à deux autres prestataires, suite à l'appel d'offres du programme dénommé « Producteurs-Commerçants » visant au déploiement d'une charte graphique, constituait, en effet, un changement dans le mode de fonctionnement de la relation avec la société ITM, qui était devenue indirecte : les commandes étaient désormais passées par les fournisseurs qui lui réglaient le prix des prestations, la société ITM étant uniquement commanditaire de prestations de coordination et de pilotage sur les achats d'art, cependant que l'un des salariés de la société Axxess assurait des prestations, aux côtés des membres de son équipe, en exécution du contrat spécifique conclu le 4 octobre 2017.

La mission nouvellement dévolue à la société Axxess intégrait ainsi un cadre différent, et demeurait, de surcroît, limitée à deux ans, les commandes ayant vocation à prendre fin au moment où les mises à jour packagings des produits seraient achevées, de sorte que celle-ci ne pouvait ignorer que la relation était devenue précaire.

La société Axxess ne saurait non plus arguer utilement d'un projet de contrat-cadre, après l'appel d'offres, auquel la société ITM n'a jamais donné suite, malgré ses courriers de relance réitérés aux mois de mars et avril 2017, étant rappelé que la circonstance que les parties aient poursuivi leurs échanges en vue de la conclusion de nouveaux contrats ne peut faire échec, à elle seule, aux effets de la notification de la rupture (Com., 7 mai 2019, n° 17-17.366).

Il sera souligné que, pour le reste, la société Axxess ne communique aucune donnée afférente au chiffre d'affaires réalisé ultérieurement, et qu'elle ne prétend pas non plus que la relation aurait été rompue totalement après l'année 2019.

Il y a donc lieu d'estimer, ainsi que le tribunal l'a retenu, que la relation commerciale était établie, depuis près de six années, au jour de la rupture partielle, notifiée par courrier du 4 octobre 2016.

- Sur le caractère brutal de la rupture

Il résulte de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce que le préavis suffisant s'apprécie en tenant compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances notamment de l'état de dépendance économique de l'entreprise évincée (Com., 20 mai 2014, n° 13-16.398, publié au Bulletin).

A titre liminaire, la Cour souligne que la durée du préavis minimum qui doit être accordé au partenaire évincé s'apprécie au moment de la notification de la rupture. Le moyen tiré de l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société Axxess ne saurait ainsi être pris en compte pour apprécier la durée suffisante du préavis dont elle aurait dû bénéficier, s'agissant d'un événement l'ayant affectée ultérieurement.

Comme il a été dit, la durée de la relation commerciale établie était, en l'espèce, de près de six années au jour de la rupture. Il doit ainsi être tenu compte, avant tout, de l'ancienneté importante de cette relation. Pour le reste, la société Axxess ne fournit aucune précision quant à la part du chiffre d'affaires réalisé avec la société ITM, que ce soit directement ou avec ses fournisseurs et affiliés. Elle n'était, par ailleurs, tenue d'aucune clause d'exclusivité. Ainsi, en l'état des éléments versés aux débats, il n'apparaît pas que la société Axxess se trouvait dans l'impossibilité de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente à la relation nouée avec la société ITM, de sorte que sa dépendance économique n'apparaît pas caractérisée.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la durée suffisante du préavis sera estimée à cinq mois, comme l'a retenu le tribunal.

Dans la mesure où le cadre de la mission dévolue à la société Axxess, au titre de l'appel d'offre de 2017, était différent, la société ITM ne peut prétendre, sans se contredire, avoir prolongé la durée du préavis, fixé initialement à trois mois, durant deux années supplémentaires, jusqu'en 2019, le montant du chiffre d'affaires réalisé au cours des deux dernières années par son cocontractant aurait-il été équivalent.

En concédant un préavis d'une durée limitée à trois mois la société Kalidéa s'est ainsi rendue responsable d'une rupture brutale de la relation commerciale établie ouvrant droit à indemnisation.

- Sur la réparation du préjudice résultant de la brutalité de la rupture

Lorsque le préavis accordé est insuffisant, le préjudice en résultant est évalué en fonction de la durée du préavis jugé nécessaire (Com., 9 juillet 2013 n° 12-20.468, publié au Bulletin).

Le préjudice principal résultant du caractère brutal de la rupture s'évalue en considération de la marge brute escomptée, c'est-à-dire la différence entre le chiffre d'affaires hors taxe escompté et les coûts variables hors taxe non supportés durant la période d'insuffisance de préavis, différence dont pourra encore être déduite, le cas échéant, la part des coûts fixes non supportés du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, durant la même période (Com., 28 juin 2023, pourvoi n° 21-16.940, publié au Bulletin).

Compte tenu de la durée de la relation commerciale, de près de six années, il y a lieu de se référer au montant du chiffre d'affaires réalisé par la société Axxess avec la société ITM sur les trois dernières années ayant précédé la rupture, à savoir les années 2014, 2015 et 2016.

La société Axxess produit un courrier d'expert-comptable certifiant que, dans la mesure où celle-ci réalise des prestations intellectuelles ou de conseil, les coûts inhérents au traitement des dossiers correspondent uniquement à des coûts salariaux. S'agissant de charges fonctionnelles, celles-ci n'ont effectivement pas lieu d'être déduites de la marge brute. Pour contester la valeur de cette attestation, la société ITM ne fait, au demeurant, état d'aucun élément tangible, de nature à laisser penser que la société Axxess aurait pu supporter des charges supplémentaires. Il y a donc lieu de considérer que, dans le cas présent, la marge brute correspond au chiffre d'affaires hors taxes, et que le tribunal a appliqué à tort un taux de marge de 70 %.

Les montants du chiffre d'affaires revendiqués par Groupe Axxess, au cours des années 2014 à 2016, dont la moyenne s'élève à 823.408 €, figurent uniquement dans un tableau déclaratif, dénué de valeur probante. Ils sont contredits pas les données comptables, attestées par le commissaire aux comptes de la société ITM, dont il résulte que le chiffre d'affaires s'élevait :

- en 2014 à 674.228 € et non pas, comme le prétend Groupe Axxess, à 826.652 € ;

- en 2015 à 451.734 € au lieu de 643.613 € ;

- en 2016 à 332.129 € au lieu de 999.958 €.

Soit une moyenne du chiffre d'affaires annuel de 486.030 €.

Il convient, par conséquent, d'estimer le préjudice subi par la société Axxess sur la base de cette estimation, ramenée à une période de deux mois, et de dire que la société ITM devra l'indemniser à hauteur de 81.005 € ((486.030 / 12) X 2 mois). Le jugement sera corrélativement infirmé du chef du montant de la condamnation qu'il a prononcée.

A la différence des intérêts moratoires, qui courent à compter de la mise en demeure, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal à compter de la décision d'appel, en cas d'infirmation du jugement, comme le prévoit l'article 1231-7 du code civil.

Le montant de l'indemnité prononcée portera donc intérêts à compter de la date du présent arrêt.

Sur les autres demandes

La société ITM succombant au recours, le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Statuant de ces chefs en cause d'appel, la Cour la condamnera aux dépens, ainsi qu'à payer à la SCP BTSG prise en la personne de maître [K] [E] ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS Groupe Axxess une indemnité de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en qu'il a condamné la SASU ITM Alimentaire International à payer à la SCP BTSG prise en la personne de maître [K] [E] ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS Groupe Axxess la somme de 57.316 €, avec intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2019,

STATUANT A NOUVEAU,

CONDAMNE la SASU ITM Alimentaire International à payer à la SCP BTSG prise en la personne de maître [K] [E] ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS Groupe Axxess la somme de 81.005 €, avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la SASU ITM Alimentaire International aux dépens d'appel,

CONDAMNE la SASU ITM Alimentaire International à payer à la SCP BTSG prise en la personne de maître [K] [E] ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS Groupe Axxess la somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.