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Décisions

Cass. crim., 16 octobre 2024, n° 23-81.201

COUR DE CASSATION

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Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonnal

Rapporteur :

M. Wyon

Avocat général :

Mme Chauvelot

Avocat :

Me Waquet, Farge et Hazan

Paris, ch. 2-4, du 3 févr. 2023, n° 0124…

3 février 2023

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Au terme d'une information relative à un vaste trafic de stupéfiants, le juge d'instruction a notamment renvoyé devant le tribunal correctionnel M. [E] [F] des chefs susvisés.

3. Par jugement du 3 juin 2022, le tribunal correctionnel, requalifiant les faits de blanchiment reprochés à M. [F], l'a déclaré coupable de transport, détention, offre ou cession, acquisition non autorisés de stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment de trafic de stupéfiants, l'a condamné à cinq ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis, 200 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction de séjour dans le département de Seine-Saint-Denis, et a ordonné des confiscations.

4. M. [F] a interjeté appel de cette décision, ainsi que le procureur de la République et la société [3].

Examen des moyens

Sur les moyens proposés pour la société [3]

Énoncé des moyens

5. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a statué par décision contradictoire à signifier à l'encontre de la SCI [3], appelante, non-comparante, ni représentée à l'audience de la Cour d'appel, alors :

« 1°/ qu'une Cour d'appel ne peut statuer par une décision contradictoire à signifier à l'encontre d'une partie qui n'a pas été régulièrement citée à l'adresse qu'elle avait déclarée dans son acte d'appel ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces de la procédure, et en particulier de l'acte d'appel de la SCI [3] que cette dernière a déclaré être domiciliée [Adresse 2], France, et n'a pas élu domicile chez son avocat ; que la citation de la SCI [3] devant la Cour d'appel ayant été adressée, non pas à cette dernière adresse, mais à domicile élu chez Me de Raucourt Marine, [Adresse 1], et rien ne permettant de dire que la SCI [3] et son représentant, qui n'ont pas comparu et ne se sont pas fait représenter à l'audience, aient eu connaissance de ladite citation dans les délais requis par les textes, la Cour d'appel ne pouvait constater la carence de la SCI [3], de son représentant ou de son conseil, et statuer à son égard par décision contradictoire à signifier sans violer les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 503-1, 552, 553, 555 et suivants du code de procédure pénale, 591 et 593 du même code ;

2°/ qu'en constatant que la SCI [3] avait formé appel à l'encontre du jugement déféré se domiciliant chez son avocat, pour se prononcer par décision contradictoire à signifier à son encontre, alors même qu'il résulte des mentions de l'acte d'appel de la SCI [3], du 10 juin 2022, qu'elle a déclaré être domiciliée à son siège social [Adresse 2], France ; qu'ainsi la Cour d'appel a dénaturé ledit acte d'appel ;

3°/ qu'en constatant la carence de la SCI [3], de son représentant ou de son conseil, et en statuant à son égard par arrêt contradictoire à signifier, sans s'être assurée que la SCI [3] avait pu avoir connaissance des dates d'audience et que l'huissier avait accompli toutes les diligences prévues aux articles 555 et suivants du code de procédure pénale, la Cour d'appel a violé les textes susvisés. »

6. Le second moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement à l'égard de la société [3], alors :

« 1°/ que la SCI [3], tiers intervenant à la procédure, n'a jamais eu le
statut de « prévenue » ni n'a été mise en cause dans l'affaire soumise aux juges du fond ; que c'est par conséquent à tort que la Cour d'appel dénaturant les pièces de la procédure, l'a qualifiée de prévenue et a confirmé le jugement à son égard ;

2°/ qu'il résulte des articles 6 §§ 1 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Ier du premier protocole additionnel de ladite convention, 131-21 du code pénal dans sa rédaction applicable à compter du 31 décembre 2021, que toute personne propriétaire d'un bien dont le titre est connu ou qui a revendiqué cette qualité a droit à ce que sa cause soit entendue par une juridiction susceptible d'ordonner la confiscation de ce bien ; lorsque la peine de confiscation porte sur des biens sur lesquels une personne autre que le condamné dispose d'un droit de propriété, la confiscation ne peut être prononcée si cette personne n'a pas été mise en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée ; qu'ainsi, en confirmant la décision du Tribunal devant laquelle la SCI [3] n'a pas été appelée en la cause, et n'a donc pas été entendue, sans que cette société ait davantage été mise en mesure de formuler ses observations en cause d'appel, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;

3°/ qu'en toute hypothèse, il résulte des termes de l'article 131-21 du Code pénal que la confiscation, peine complémentaire encourue dans les cas prévus par la loi, ne peut être prononcée qu'à l'encontre des prévenus déclarés coupables ; que les juges du fond ne peuvent donc, en l'absence de prononcé de la confiscation d'un bien à l'encontre d'une personne condamnée pénalement, ordonner la confiscation du bien saisi à l'encontre du propriétaire de ce bien, tiers intervenant , sans qu'une décision ait été rendue à cet égard à l'encontre des personnes poursuivies à l'issue de la procédure au cours de laquelle ce bien a été saisi ; en confirmant le jugement à l'encontre de la SCI [3], intervenant en qualité de propriétaire tiers à la procédure et en ordonnant à son encontre la confiscation de l'immeuble saisi, alors même que cette confiscation n'a pas été prononcée en répression d'infraction dont un prévenu aurait été déclaré coupable, la Cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

7. Les moyens sont réunis.

8. Ils sont irrecevables.

9. En effet, d'une part, la société [3] n'a jamais eu la qualité de prévenue.

10. D'autre part, il ne résulte ni de l'arrêt attaqué ni du jugement qu'il confirme qu'une mesure de confiscation, ni même de saisie d'un bien immobilier appartenant à la société [3], ait été prononcée.

11. Dès lors, la demanderesse est sans qualité ni intérêt à critiquer l'arrêt de ces chefs.

Sur le premier moyen proposé pour M. [F]

Énoncé du moyen

12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris sur la culpabilité de M. [F], l'a condamné pénalement, l'a déclaré responsable du préjudice subi par la [7] et solidairement condamné au paiement de dommages et intérêts, alors « que selon les dispositions de l'article 406 du code de procédure pénale, le président ou l'un de ses assesseurs par lui désigné informe le prévenu de son droit au cours des débats de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ; que la méconnaissance de l'obligation d'informer le prévenu du droit de se taire dès l'ouverture de l'audience, lui fait nécessairement grief ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que M. [F], qui a comparu à l'audience du 28 novembre, continuée les 29 novembre, 2, 5, 6, 12 et 13 décembre, n'a été informé de son droit de se taire au cours des débats qu'après avoir pris la parole pour indiquer « les contours » de son appel ; que l'arrêt attaqué a été ainsi rendu en violation des articles 406 et 512 du code de procédure pénale, et de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

13. L'arrêt attaqué énonce qu'après que la présidente a constaté l'identité des appelants et l'absence de la société [3], les prévenus ont précisé le contour de leur appel, et ont indiqué s'ils faisaient appel sur la culpabilité et la peine ou seulement sur la peine.

14. Il ressort de ces mentions que, comme les autres prévenus, M. [F] s'est seulement prononcé, au moment où, comme le prévoit l'article 406 du code de procédure pénale, il est donné connaissance des actes saisissant le tribunal, sur l'étendue de son appel, et non sur les motifs de celui-ci.

15. Ainsi, le fait que le droit de se taire lui ait été notifié postérieurement, comme le prévoit ce même texte, ne lui a causé aucun grief.

16. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.

Sur le deuxième moyen proposé pour M. [F]

Énoncé du moyen

17. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens de nullité soulevés in limine litis et, « statuant au visa de la prévention développée à l'audience au visa de l'article 222-38 du code pénal », a confirmé le jugement sur la déclaration de culpabilité du chef de blanchiment, alors :

« 1°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte, et nul ne peut être puni pour un crime ou un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi ; qu'en l'espèce, M. [F] a été renvoyé devant la juridiction de jugement « pour avoir facilité la justification mensongère de l'origine de ses biens ou de ses revenus, alors qu'il savait être l'auteur d'un ou plusieurs délits de transport, détention, offre, cession et acquisition non-autorisée de stupéfiants », au visa des articles 222-38, 222-40 et suivants du code pénal ; que ces textes répriment des faits distincts consistant à « faciliter par tous moyens la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur de l'une des infractions mentionnées aux articles 222-34 à 222-37, ou d'apporter son concours à une opération de dissimulation ou de conversion du produit de l'une de ces infractions » ; que les juges du fond ne pouvaient donc se considérer légalement saisis d'une infraction inexistante et que c'est à tort et en violation des principes susvisés, ensemble les articles 111-2, 111-3 et 111-4 du code pénal qu'ils ont statué comme ils l'ont fait ;

2°/ que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en l'espèce M. [F] était poursuivi pour avoir « facilité la justification mensongère ou l'origine de ses biens ou de ses revenus, alors qu'il savait être l'auteur d'un ou plusieurs délits de transport, détention, offre, cession et acquisition non-autorisée de stupéfiants », au visa des articles 222-38 et suivants du code pénal ; qu'en considérant donc qu'en l'espèce, les premiers juges ont adopté une prévention « littérale », conforme aux textes, sans les requalifier, en adoptant une prévention conforme à la lettre de l'article 222-38, à savoir « le fait de faciliter par tout moyen la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur de l'une des infractions mentionnées aux articles 222-32 à 222-37, ou d'apporter son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit de l'une de ces infractions », les juges du fond ont, en réalité, sans constater que le prévenu y ait expressément consenti, statué sur des faits distincts de ceux visés à la prévention, en méconnaissance de l'article 388 du code de procédure pénale, et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

18. Pour confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié les faits au visa de l'article 222-38 du code pénal et déclaré M. [F] coupable de blanchiment par aide à la justification mensongère de l'origine des biens et revenus de l'auteur d'un délit de trafic de stupéfiants, l'arrêt attaqué énonce que, tenant compte de cette prévention telle qu'elle a été rappelée en début d'audience, la cour analysera la situation des prévenus au visa de la prévention littérale consistant dans le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'une des infractions mentionnées aux articles 222-34 à 222-37 ou d'apporter son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit de l'une de ces infractions.

19. Les juges ajoutent que cette prévention a été énoncée en début d'audience, est conforme au texte de l'article 222-38 du code pénal, et que les prévenus ont été en capacité de se défendre en connaissance de cause dès leur mise en examen.

20. Ils rappellent que la juridiction est saisie in rem et que M. [F] a eu connaissance dès la mise en examen de la prévention du chef de blanchiment au visa de l'article 222-38 du code pénal dans son intégralité et a pu préparer sa défense.

21. Ils relèvent que, sans ajouter à la loi, les premiers juges ont adopté une prévention littérale conforme à ce texte, qu'il ne s'agit donc pas d'une requalification puisqu'il n'y a pas de divergence de visa des articles visés, et qu'en ouverture des débats, la prévention énoncée par les premiers juges a de nouveau été discutée.

22. Les juges retiennent, sur le fond, que M. [F] a dissimulé ou converti des revenus provenant des stupéfiants en étant l'auteur de plusieurs méthodes de blanchiment de l'argent de la drogue qu'il a perçu personnellement, notamment le blanchiment par les paris sportifs, et que dès lors que les gains issus des jeux ont pour origine la dissimulation de l'argent de la drogue, l'acquisition et les travaux du fond de commerce doivent être considérés comme une méthode de conversion de l'argent issu du trafic de stupéfiants, cette conversion intervenant en début de seconde période, avec l'utilisation de l'argent déjà blanchi par la dissimulation grâce aux paris sportifs dans la première période.

23. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, dès lors que les juges n'ont pas statué sur d'autres faits que ceux dont ils étaient saisis par la prévention, et que la question de leur qualification a été mise dans les débats.

24. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Sur le troisième moyen proposé pour M. [F]

Énoncé du moyen

25. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité de M. [E] [F], alors :

« 1°/ que l'article 222-37 du code pénal incrimine le transport, la détention, l'offre, la cession ou l'emploi illicite de produits stupéfiants ; que les juges du fond qui ne constatent la commission par M. [E] [F] d'aucun de ses comportements caractérisant l'élément matériel du trafic de stupéfiants et qui précisent en outre qu'il n'a été mis en cause ni par les renseignements anonymes, ni par les autres prévenus (arrêt p. 107), et se bornent à évoquer qu'il aurait eu un rôle de « contrôle » de la bonne gestion du trafic (arrêt p. 121), alors même que sa présence près des lieux du trafic s'expliquait par le fait qu'il avait acquis un fonds de commerce situé dans le [Adresse 5] à [Localité 6], et que le scooter qui aurait servi à stocker de la drogue avait été vendu à l'un des protagonistes de l'affaire, qui n'a finalement pas été en mesure d'en payer le prix ; quant aux surveillances, elles n'ont pas permis d'établir qu'il aurait participé à des transactions portant sur des stupéfiants ; qu'en se prononçant donc comme elle l'a fait, la Cour d'appel n'a pas donné une base légale à sa décision au regard du texte susvisé, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que la participation à une association de malfaiteurs suppose que soit caractérisé un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation caractérisée par un ou plusieurs faits matériels de crimes ou de délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement ; qu'en l'espèce, l'arrêt ne rapporte l'existence d'aucun acte préparatoire auquel aurait participé sciemment M. [E] [F], la circonstance qu'il soit ami avec plusieurs protagonistes (arrêt p. 124), ou qu'il ait mis un deux roues à disposition de son frère et de celui auquel il avait l'intention de le vendre, ni la circonstance qu'il ait emprunté un véhicule et loué un autre véhicule pour ses besoins personnels, ne constituent davantage un acte préparatoire aux infractions poursuivies ; qu'en affirmant le contraire, sans justifier de l'existence des éléments constitutifs de la participation du prévenu à une association de malfaiteurs, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 450-1 du code pénal, 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que s'agissant de l'infraction de blanchiment, la Cour d'appel n'a aucunement justifié, en l'état des faits visés à la prévention, et nonobstant l'addiction de M. [E] [F] aux jeux et paris, qu'il ait facilité, par tous moyens, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard des articles 324-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

4°/ qu'en matière pénale, la charge de la preuve pèse sur la partie poursuivante ; qu'en considérant comme établis les faits reprochés au prévenu, sans démontrer la participation de M. [E] [F], qui l'a toujours formellement dénié, aux activités délictueuses objet de la poursuite, la Cour d'appel a violé les articles 427, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble la présomption d'innocence. »

Réponse de la Cour

26. Pour déclarer M. [F] coupable de transport, détention, offre ou cession, acquisition non autorisés de stupéfiants, l'arrêt attaqué énonce que sa présence à la [Adresse 5] et ses relations directement en lien avec les lieutenants du trafic témoignent de son rôle de superviseur.

27. Les juges ajoutent que les constatations du 17 août 2020 permettent d'observer sa présence sur le point de vente et démontrent un rôle de surveillance lors de l'arrivée de stupéfiants et de directives en lien avec cette livraison.

28. Pour déclarer M. [F] coupable de participation à une association de malfaiteurs, l'arrêt attaqué énonce que celui-ci avait une connaissance parfaite du trafic de stupéfiants de la [Adresse 5] où il résidait depuis longtemps et, étant ami avec plusieurs des protagonistes, qu'il a adhéré à l'entente destinée à commettre ces infractions puisqu'il en a tiré des bénéfices importants.

29. Les juges ajoutent qu'au titre des actes préparatoires, il a mis à disposition ses deux-roues, notamment un scooter pour entreposer les stupéfiants à proximité du point de vente, qu'il s'est procuré directement ou par l'intermédiaire d'un tiers des véhicules loués afin d'éviter leur confiscation, les surveillances ayant permis de relever son manège à bord d'un véhicule loué correspondant à un acte préparatoire destiné à permettre la remise de l'argent de la drogue.

30. Ils retiennent encore comme acte préparatoire l'acquisition d'un fonds de commerce à proximité immédiate du point de vente, de nature à suppléer les épiceries voisines dans leur rôle de tirelire et de lieu de rencontre des protagonistes.

31. Pour déclarer M. [F] coupable de blanchiment, l'arrêt attaqué énonce que celui-ci a, dès le 31 octobre 2019, alors que notamment son frère avait un rôle d'encadrement dans le trafic, dissimulé ou converti des revenus des stupéfiants par la méthode des paris sportifs en petits lots cumulés pour plus de 128 000 euros, faisant appel à des buralistes pour multiplier les petits paris dans plusieurs lieux de Paris et Saint-Ouen à la même heure, cherchant à dissimuler, sous couvert de gains, l'argent obtenu frauduleusement par le trafic.

32. Les juges ajoutent qu'il a acquis sans crédit un fonds ce commerce, ce qui démontre une solide assise financière incompatible avec ses revenus, et payé également 14 000 euros pour les travaux.

33. Ils retiennent que dès lors que les gains issus des jeux ont pour origine la dissimulation de l'argent de la drogue, l'acquisition et les travaux du fonds de commerce doivent être considérés comme une méthode de conversion de l'argent issu du trafic de stupéfiants, la conversion étant intervenue en début de seconde période, avec l'utilisation de l'argent déjà blanchi par la dissimulation grâce aux paris sportifs dans le courant de la première période.

34. En l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de preuve contradictoirement débattus devant elle, la cour d'appel a justifié sa décision.

35. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.

Sur le quatrième moyen proposé pour M. [F]

Énoncé du moyen

36. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [E] [F] à une peine de quatre ans d'emprisonnement, outre à une peine d'amende de 200.000 € et à une interdiction de séjour en Seine-Saint-Denis durant cinq ans, ainsi qu'à une interdiction professionnelle et à la peine complémentaire de confiscation, alors :

« 1°/ qu'une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire, et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en prononçant une peine d'emprisonnement de quatre années fermes, sans s'expliquer spécialement sur les éléments de la personnalité du prévenu, jamais condamné auparavant, qui l'ont déterminée dans le choix de cette peine, et sans justifier précisément que toute autre sanction serait inadéquate, s'agissant d'un délinquant primaire, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 131-1 et 132-19 du code pénal ;

2°/ que toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ; qu'en prononçant à l'encontre de M. [E] [F] diverses peines de prison ferme, d'amende, d'interdiction de séjour et d'interdiction professionnelle, ainsi que des peines complémentaires de confiscation, sans s'expliquer ni sur sa personnalité propre, ni sur sa situation personnelle, familiale et économique, la Cour d'appel a méconnu les dispositions des articles 130-1, 132-1, 132-19 et 132-20 du code pénal, ensembles l'article 464-2 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'en particulier, le juge qui prononce une peine d'amende doit en outre motiver sa décision en tenant compte précisément des ressources et des charges du prévenu ; qu'en ne justifiant pas des ressources et des charges du prévenu qu'elle prenait en considération pour prononcer à son encontre une peine d'amende de 200.000 €, et en se bornant à indiquer « tenir compte des ressources et des charges du prévenu en lien avec les faits », alors même que le Tribunal n'avait auparavant pas motivé cette condamnation, et que la Cour aurait pu le cas échéant interroger le prévenu présent à l'audience sur ce point, la Cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-1 et 132-20 du code pénal.»

Réponse de la cour

37. Pour condamner M. [F] à quatre ans d'emprisonnement, 200 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction de gérer, cinq ans d'interdiction de séjour ainsi qu'à des confiscations, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé au titre des éléments de personnalité la nationalité, l'âge, la situation familiale, le titre de séjour, le parcours professionnel ainsi que les revenus de celui-ci, énonce que, même s'il n'a jamais été condamné, doit être relevée la gravité des faits auxquels il a participé au sein du trafic de stupéfiants de la [Adresse 5], rôle accru après la première phase d'interpellation, que le placement en détention provisoire de son frère et de ses amis n'a pas été un élément suffisant pour freiner ses agissements.

38. Les juges ajoutent que la nature des faits, leur gravité et les éléments de personnalité recueillis sur le prévenu, tenant compte des informations dont dispose la cour sur sa situation matérielle, familiale et sociale, rendent indispensable le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme afin de sanctionner de façon appropriée les délits commis à l'exclusion de toute autre sanction qui serait manifestement inadéquate.

39. Ils énoncent, s'agissant de l'amende, que le montant de celle-ci tient compte des ressources et des charges du prévenu en lien avec les faits, de ce qu'aucune confiscation des droits détenus par le prévenu au sein de la société [4] n'est prononcée, et de ce que M. [F] a largement bénéficié des retombées financières du trafic, même s'il avait une activité de façade comme livreur au moment des faits.

40. Ils relèvent que la peine d'interdiction de séjour dans le département de la Seine-Saint-Denis durant cinq ans et celle d'interdiction de gérer pendant cinq ans sont proportionnées à la nature des faits et à la situation personnelle du prévenu compte tenu de ses agissements en créant la société [4] dans le but d'exploiter le fonds de commerce acquis avec des fonds d'origine occulte, étant précisé qu'il a, durant sa période de liberté, été embauché comme salarié dans un tout autre domaine.

41. Enfin, ils confirment le jugement sur la confiscation du scellé « argent [F] Un » en tant que produit des infractions.

42. Par ces énonciations, qui satisfont aux exigences des articles 132-19 du code pénal et 464-2 du code de procédure pénale, la cour d'appel a justifié sa décision.

43. En effet, les juges, qui ont tenu compte des faits de l'espèce, de la personnalité du prévenu ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, ainsi que de ses ressources et de ses charges, se sont par ailleurs prononcés par des motifs dont il résulte que la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent une peine d'emprisonnement ferme indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate.

44. Dès lors, le moyen doit être écarté.

45. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre.