Décisions
CA Besançon, ch. soc., 15 octobre 2024, n° 23/01691
BESANÇON
Arrêt
Autre
ARRÊT N° 24/
CE/SMG
COUR D'APPEL DE BESANÇON
ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2024
CHAMBRE SOCIALE
Audience publique
du 18 juin 2024
N° de rôle : N° RG 23/01691 - N° Portalis DBVG-V-B7H-EWH4
S/appel d'une décision
du conseil de prud'hommes - formation paritaire de LONS LE SAUNIER
en date du 06 novembre 2023
Code affaire : 80J
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
APPELANT
Monsieur [Z] [T], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMES
Monsieur [N] [I], demeurant [Adresse 7] (ITALIE)
N'ayant pas constitué avocat
S.E.L.A.R.L. [M] ASSOCIES Représentée par Maître [K] [M] ès qualités de liquidateur de la SASU MBF ALUMINIUM, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, postulant, et Me Martin LOISELET, avocat au barreau de DIJON, plaidant.
S.E.L.A.R.L. ASTEREN Représentée par Maître [P] [W] ès qualités de liquidateur de la SASU MBF ALUMINIUM, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, postulant, et Me Martin LOISELET, avocat au barreau de DIJON, plaidant.
UNEDIC (DÉLÉGATION AGS - CGEA DE [Localité 5]), sise [Adresse 4]
représentée par Me Carole FOURNIER, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats du 18 juin 2024 :
Monsieur Christophe ESTEVE, président de chambre
Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, conseiller
Madame Florence DOMENEGO, conseiller
qui en ont délibéré,
Madame MERSON GREDLER, greffière
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 15 octobre 2024 par mise à disposition au greffe.
**************
Statuant sur l'appel interjeté le 21 novembre 2023 par M. [Z] [T] d'un jugement rendu le 6 novembre 2023 par le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier, qui dans le cadre du litige l'opposant à la Selarl Asteren prise en la personne de Maître [P] [W] et à Maître [K] [M], tous deux en leur qualité de mandataires liquidateurs de la société par actions simplifiée MBF Aluminium, ainsi qu'à l'association Unedic délégation AGS - CGEA de Chalon-sur-Saône (ci-après l'AGS) et à M. [N] [I] s'est déclaré incompétent et a rejeté la demande de sursis à statuer en renvoyant l'affaire devant le bureau de conciliation et d'orientation chargé de la mise en état du 4 mars 2024 à 14h00 «'pour que chaque partie ait le temps de déposer leurs pièces et conclusions afin de pouvoir juger au fond'»,
Vu la requête transmise sur le fondement de l'article 84 alinéa 2 du code de procédure civile et l'ordonnance subséquente rendue le 7 décembre 2023 par le délégataire du premier président de la cour de céans autorisant l'appelant à assigner à jour fixe les intimés pour l'audience du 18 juin 2024,
Vu les assignations à jour fixe délivrées le 25 janvier 2024 à la Selarl Asteren es qualités (à personne morale), le 8 février 2024 à Maître [M] es qualités (à domicile), le 22 février 2024 à l'AGS (à personne morale) et la transmission en date du 17 janvier 2024 à l'autorité compétente italienne, aux fins de signification à M. [N] [I], du formulaire dûment complété prévu par l'article 8 du règlement (UE) n° 2020-1784 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 et d'un projet d'acte d'assignation pour plaider à jour fixe en double exemplaire, ainsi que les dernières conclusions transmises le 14 juin 2024 par l'appelant, qui demande à la cour de':
- le déclarer recevable et bien fondé en son appel du jugement du 6 novembre 2023 rendu par le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier statuant sur la compétence,
- débouter l'AGS, la Selarl Asteren et Maître [K] [M] de l'ensemble de leurs demandes et irrecevabilités,
- infirmer le jugement entrepris,
- juger que le conseil de prud'hommes est compétent pour statuer sur ses demandes,
- faire application des articles 367, 88 et 89 du code de procédure civile et ordonner en conséquence la jonction des procédures engagées par les 201 salariés dont lui-même,
- enjoindre aux parties de conclure sur le fond, notamment sur le sursis à statuer afin de
permettre à la cour d'évoquer la demande concernant le sursis à statuer,
- mettre les dépens à la charge in solidum de la liquidation judiciaire et de l'AGS,
Vu les conclusions transmises le 13 mai 2024 (ou le 14 mai 2024 à compter du dossier RG N° 23/01744 de la série de 201 dossiers) par les deux liquidateurs judiciaires de la société MBF Aluminium, intimés, qui demandent à la cour, sous réserve de la caducité de l'appel qui serait prononcée d'office par le président de chambre au visa de l'article 922 du code de procédure civile, de':
A TITRE PRINCIPAL :
- dire l'appel irrecevable,
A TITRE SUBSIDIAIRE :
- dire, à titre principal, que la cour n'est pas saisie du chef de jugement du conseil de prud'hommes
de Lons-le-Saunier du 6 novembre 2023 ayant rejeté la demande de sursis à statuer,
- dire, à titre subsidiaire, irrecevable la demande tendant à ce que la cour statue sur la demande
de sursis à statuer,
- dire, en tout état de cause, n'y avoir pas lieu à évocation,
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :
- débouter le salarié de sa demande de sursis à statuer,
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes,
- condamner le salarié à verser à la société Asteren et Maître [K] [M], ès-qualités de mandataires de la société MBF Aluminium, la somme de 100 euros chacun sur le
fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le salarié aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Vu les conclusions transmises le 6 juin 2024 par l'AGS (CGEA de [Localité 5]), autre intimée, qui demande à la cour de':
A TITRE PRINCIPAL,
- déclarer l'appel irrecevable,
A TITRE SUBSIDIAIRE
- débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes,
- juger que la cour n'est pas saisie du chef de jugement du conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier en date du 6 novembre 2023 en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer,
- déclarer irrecevable la demande tendant à ce que la cour statue sur la demande de sursis à statuer,
- dire n'y avoir lieu à évocation,
EN TOUT ETAT DE CAUSE
- débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes,
- condamner les appelants aux entiers dépens de première instance et d'appel,
La cour faisant expressément référence à l'assignation et aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties,
Vu la non-constitution de M. [N] [I], étant précisé que l'assignation à jour fixe lui ayant été délivrée en Italie le 22 mars 2024 à domicile, le présent arrêt sera rendu par défaut en application de l'article 474 du code de procédure civile,
SUR CE
EXPOSE DU LITIGE
La société MBF Aluminium était une société dédiée à la fonderie aluminium pour le secteur automobile depuis 70 ans. Elle fabriquait des carters de moteurs et des pièces de boites de vitesse. Ses principaux clients étaient Renault, PSA et Linamar, constructeurs automobiles. Elle exploitait deux usines de production toutes deux situées à [Localité 6] dans le Haut Jura (39).
La société MBF Aluminium a été reprise par le groupe CMV ALUMINIUM dirigé par M. [N] [I] en 2012. M. [I] était le président de la holding du groupe, la société CMV ALUMINIUM LTD, société de droit anglais domiciliée à Londres (Royaume-Uni), ainsi qu'actionnaire et président de la filiale MBF ALUMINIUM.
La société MBF Aluminium appliquait la convention collective des industries métallurgiques, mécaniques, similaires et connexes du Jura (IDCC 1809). Elle comptait 271 salariés au 31 mai 2021.
Par jugement du 4 novembre 2020, le tribunal de commerce de Dijon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société MBF Aluminium.
Puis, par jugement du 22 juin 2021, le tribunal de commerce de Dijon a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire, la société (SELARL) MP Associés (désormais dénommée la société Asteren) prise en la personne de M. [P] [W] et M. [K] [M] étant désignés en qualité de liquidateurs judiciaires.
Le comité social et économique (CSE) de la société MBF Aluminium a fait appel le 25 juin 2021 de cette dernière décision.
Par arrêt du 16 décembre 2021, la cour d'appel de Dijon a donné acte à la commune de Saint-Claude de son intervention volontaire en appel aux côtés du CSE de la société et confirmé le jugement du tribunal de commerce de Dijon du 22 juin 2021 en toutes ses dispositions.
Le liquidateur de la société MBF Aluminium a notifié au salarié son licenciement pour motif économique, en lui précisant que le jugement du tribunal de commerce du 22 juin 2021 prononçant la liquidation judiciaire de l'entreprise emportait de plein droit cessation de toute activité et contraignait les liquidateurs à procéder à la fermeture de l'entreprise et au licenciement collectif pour motif économique de la totalité du personnel.
Le PSE afférant au plan de licenciement a été validé par la DREETS de Bourgogne ' Franche-Comté.
Contestant la rupture de son contrat de travail, M. [Z] [T], à l'instar de 200 autres salariés, a saisi le 27 mai 2022 le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier de la procédure qui, après radiation et rétablissement de l'affaire au rôle, a donné lieu le 6 novembre 2023 au jugement entrepris.
MOTIFS
A titre liminaire, il est précisé qu'une copie de l'assignation à jour fixe a bien été remise au greffe par le RPVA avant l'audience, conformément aux dispositions des articles 922 et 930-1 du code de procédure civile.
1- Sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel et sur la compétence':
Il est rappelé que le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent tout en rejetant la demande de sursis à statuer et en renvoyant l'affaire devant le bureau de conciliation et d'orientation chargé de la mise en état du 4 mars 2024 à 14h00 «'pour que chaque partie ait le temps de déposer leurs pièces et conclusions afin de pouvoir juger au fond'».
Ainsi qu'il ressort de la déclaration d'appel, l'appelant n'a dévolu à la cour que le chef de jugement relatif à la déclaration d'incompétence.
Les mandataires liquidateurs et l'AGS soutiennent à titre principal l'irrecevabilité de l'appel pour les motifs suivants':
- le chef de dispositif «'se déclare incompétent'» procède d'une simple erreur matérielle, en lieu et place de «'se déclare compétent'», qui ne peut être réparée par la cour dès lors qu'aucune autre disposition du jugement n'est critiquée';
- au visa des articles 544 et 545 du code de procédure civile, il existe un détournement de l'objet de l'appel dans la mesure où la décision qui rejette une demande de sursis à statuer n'est pas susceptible d'appel et où le jugement déféré a uniquement rejeté la demande de sursis à statuer, la déclaration d'incompétence étant une simple erreur matérielle, de sorte que l'appelant a cherché à contourner les règles de procédure lui interdisant de contester une décision de rejet d'un sursis à statuer';
- l'appelant n'a pas respecté les dispositions de l'article 920 du même code dès lors que la déclaration d'appel n'est pas jointe à l'assignation'; en effet, le seul document joint est le message récapitulatif des données de la déclaration d'appel, telle qu'envoyée par le greffe de la cour par RPVA'; or, le document qui doit être annexé à l'assignation est le récapitulatif de la déclaration d'appel retourné par le greffe après traitement du message de données, lequel n'était pas joint à l'assignation'; ils citent en particulier deux arrêts de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation': 22 octobre 2020 n° 19-21.978 et 27 septembre 2017 n° 17-21.833'; ils en concluent que, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence d'un grief, la signification de tout autre document que le récapitulatif de la déclaration d'appel visé par le greffe équivaut à une absence de signification rendant l'appel irrecevable.
S'agissant du premier moyen, il est constant que de façon contradictoire, les premiers juges ont tout à la fois écarté leur compétence et statué sur la demande de sursis à statuer pour la rejeter, en renvoyant l'affaire devant le bureau de conciliation et d'orientation chargé de la mise en état du 4 mars 2024 à 14h00 «'pour que chaque partie ait le temps de déposer leurs pièces et conclusions afin de pouvoir juger au fond'».
Cependant, une telle contradiction, au demeurant fréquente, ne suffit pas à analyser le premier chef du dispositif de la décision déférée comme procédant d'une erreur matérielle.
En effet, s'il est exact qu'aucune des parties n'avait soulevé l'incompétence de la juridiction saisie, force est de constater qu'aucune d'entre elles n'a saisi le conseil de prud'hommes d'une requête en rectification d'erreur matérielle et que celui-ci ne s'est pas davantage saisi d'office à cette fin.
En outre, alors que la question de sa compétence ne lui était pas soumise, la cour ne distingue pas la raison pour laquelle le conseil de prud'hommes aurait cru devoir se déclarer compétent comme le suggèrent les intimés.
De plus, il est impossible de déterminer quelles ont été les intentions des premiers juges dans la mesure où il ressort des termes du jugement déféré que celui-ci a été rendu sur le siège sans le moindre motif pour l'étayer.
La note d'audience n'apporte pas davantage de précisions sur ce point.
Dans ces conditions, la cour ne peut analyser le premier chef du dispositif du jugement déféré comme procédant d'une simple erreur matérielle, ni méconnaître son existence, qui s'impose aux parties.
En conséquence, ce premier moyen des intimés à l'appui de l'irrecevabilité de l'appel ne peut prospérer.
Le deuxième moyen susvisé ne peut davantage prospérer dès lors que la cour n'a pas retenu que la déclaration d'incompétence était une simple erreur matérielle.
S'agissant du troisième moyen, il est d'abord relevé que l'appelant a correctement transmis au greffe de la cour sa déclaration d'appel en y joignant les conclusions et pièces au soutien de son appel, ainsi que le jugement entrepris et la requête afin d'être autorisé à assigner à jour fixe.
Il a ensuite signifié aux intimés ces mêmes documents, joints ou intégrés à l'assignation à jour fixe, et l'ordonnance rendue par le délégataire du premier président, sans y annexer le récapitulatif de la déclaration d'appel ainsi que le conseil de l'appelant en convient dans ses dernières conclusions d'appel.
L'article 920 du code de procédure civile, auquel renvoie l'article 85 alinéa 2 du même code, prévoit qu'en sus d'une copie de la requête et de l'ordonnance du premier président, un exemplaire de la déclaration d'appel visé par le greffier, ou une copie de la déclaration d'appel dans le cas où la requête est présentée au premier président dans les huit jours de la déclaration d'appel, est jointe à l'assignation.
Mais lorsque la transmission de la déclaration d'appel est dématérialisée comme en l'espèce, celle-ci n'est jamais visée par le greffier.
La cour relève aussi que dans le cas où la requête est présentée au premier président au plus tard dans les huit jours de la déclaration d'appel conformément à l'alinéa 3 de l'article 919, c'est cette fois-ci une simple copie de la déclaration d'appel qui doit être jointe à l'assignation.
En outre, dans un cas où une copie de la requête n'avait pas été jointe à l'assignation à jour fixe signifiée dans le cadre des dispositions des articles 83, 84 et 85 du code de procédure civile, il a été jugé qu'il résulte de ces textes que la requête adressée au premier président, qui n'a pas à justifier d'un péril, contrairement à ce qu'exige l'article 918 de ce code pour d'autres procédures à jour fixe, ne tend qu'à obtenir une date d'audience, que l'information des intimés et, par elle, le respect des droits de la défense, sont assurés par la notification qui leur est faite de la déclaration d'appel motivée et des conclusions qui y sont jointes, que dans ces conditions, la circonstance que la copie de la requête ne soit pas jointe à l'assignation délivrée aux intimés ne peut donner lieu à sanction et entraîner l'irrecevabilité de l'appel (Com. 14 juin 2023 n° 21-15.445).
Au cas présent, l'acte délivré par l'appelant aux intimés, qui contient l'assignation à jour fixe, la déclaration d'appel, la requête, l'ordonnance sur requête rendue par le délégataire du premier président, les conclusions d'appel sur la compétence intégrées à l'assignation et les pièces versées aux débats, les a clairement et pleinement informés de la date de l'audience fixée devant la cour de céans, des prétentions du salarié et des motifs de l'appel porté devant cette dernière.
La cour retient dans ces conditions que l'appelant a satisfait à ses obligations résultant des articles 83, 84 et 85 du code de procédure civile.
En conséquence, le troisième moyen des intimés est également écarté.
Enfin, dès lors que la juridiction de première instance n'a pas statué sur le principal, le salarié ne pouvait interjeter appel du jugement sur la compétence qu'en respectant les modalités prévues par les articles 83 et suivants du code de procédure civile, de sorte que l'appel sera déclaré recevable.
En ce qui concerne la compétence, il est constant que le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins essentiellement de voir requalifier son licenciement pour motif économique en licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir les indemnités qui y sont associées. Se prévalant d'une faute de l'employeur ou à tout le moins de sa légèreté blâmable, à l'origine selon lui de la fermeture de l'entreprise et de la rupture subséquente de son contrat de travail, il conteste par là même le motif économique de son licenciement.
Il s'ensuit qu'en application des articles L. 1411-1 et L. 1411-4 du code du travail, la juridiction prud'homale est matériellement compétente pour connaître du litige.
Il convient par conséquent d'infirmer le jugement entrepris en sa disposition frappée d'appel et, statuant à nouveau, de déclarer le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier compétent pour connaître du litige opposant le salarié à la Selarl Asteren prise en la personne de Maître [P] [W] et à Maître [K] [M], tous deux en leur qualité de mandataires liquidateurs de la société par actions simplifiée MBF Aluminium, ainsi qu'à l'association Unedic délégation AGS - CGEA de Chalon-sur-Saône et à M. [N] [I].
2- Sur la jonction des 201 dossiers de la série':
Il n'y a pas lieu d'ordonner la jonction des 201 procédures initiées par les salariés, alors qu'il est constant qu'à la suite de la fermeture des deux usines l'ensemble des salariés (271), dont les salariés protégés, ont été licenciés et qu'il n'est pas indiqué à la cour si certains de ces salariés protégés figurent ou non parmi les 201 salariés ayant saisi le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier.
3- Sur la demande d'évocation':
Les conditions prévues par les articles 88 et 568 du code de procédure civile ne sont pas réunies pour évoquer le fond.
S'agissant tout d'abord de la demande de sursis à statuer, qui constitue une exception de procédure, le chef de jugement l'ayant rejetée n'a pas été dévolu à la cour et l'évocation sur ce point est strictement impossible, ne serait-ce qu'en raison du fait que la juridiction de première instance a statué sur cette exception.
La demande d'évocation relative à l'exception de sursis à statuer est par conséquent irrecevable.
S'agissant du fond de l'affaire, qui procède de la contestation par le salarié de la rupture de son contrat de travail pour motif économique en raison de la faute ou à tout le moins de la légèreté blâmable de l'employeur, la cour considère qu'il n'est pas de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, alors que jusqu'à présent le fond n'a pas même été abordé par les parties devant la juridiction de première instance.
La demande d'évocation du fond du litige sera donc rejetée et l'affaire, renvoyée devant la juridiction de première instance.
4- Sur les frais irrépétibles et les dépens d'appel':
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la présente instance d'appel.
Enfin, les parties succombant toutes partiellement, chacune d'entre elles supportera la charge de ses propres dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt par défaut mis à disposition au greffe,
Déclare l'appel recevable';
Infirme, en sa disposition frappée d'appel, le jugement entrepris';
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Déclare le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier compétent pour connaître du litige opposant le salarié à la Selarl Asteren prise en la personne de Maître [P] [W] et à Maître [K] [M], tous deux en leur qualité de mandataires liquidateurs de la société par actions simplifiée MBF Aluminium, ainsi qu'à l'association Unedic délégation AGS - CGEA de Chalon-sur-Saône et à M. [N] [I]';
Dit n'y avoir lieu d'ordonner la jonction des 201 procédures initiées par les salariés';
Déclare irrecevable la demande d'évocation relative à l'exception de sursis à statuer';
Dit n'y avoir lieu d'évoquer le fond de l'affaire';
Renvoie l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier';
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la présente instance d'appel';
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le quinze octobre deux mille vingt quatre et signé par Monsieur Christophe ESTEVE, président de chambre, et Madame MERSON GREDLER, greffière.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,
CE/SMG
COUR D'APPEL DE BESANÇON
ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2024
CHAMBRE SOCIALE
Audience publique
du 18 juin 2024
N° de rôle : N° RG 23/01691 - N° Portalis DBVG-V-B7H-EWH4
S/appel d'une décision
du conseil de prud'hommes - formation paritaire de LONS LE SAUNIER
en date du 06 novembre 2023
Code affaire : 80J
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
APPELANT
Monsieur [Z] [T], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMES
Monsieur [N] [I], demeurant [Adresse 7] (ITALIE)
N'ayant pas constitué avocat
S.E.L.A.R.L. [M] ASSOCIES Représentée par Maître [K] [M] ès qualités de liquidateur de la SASU MBF ALUMINIUM, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, postulant, et Me Martin LOISELET, avocat au barreau de DIJON, plaidant.
S.E.L.A.R.L. ASTEREN Représentée par Maître [P] [W] ès qualités de liquidateur de la SASU MBF ALUMINIUM, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, postulant, et Me Martin LOISELET, avocat au barreau de DIJON, plaidant.
UNEDIC (DÉLÉGATION AGS - CGEA DE [Localité 5]), sise [Adresse 4]
représentée par Me Carole FOURNIER, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats du 18 juin 2024 :
Monsieur Christophe ESTEVE, président de chambre
Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, conseiller
Madame Florence DOMENEGO, conseiller
qui en ont délibéré,
Madame MERSON GREDLER, greffière
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 15 octobre 2024 par mise à disposition au greffe.
**************
Statuant sur l'appel interjeté le 21 novembre 2023 par M. [Z] [T] d'un jugement rendu le 6 novembre 2023 par le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier, qui dans le cadre du litige l'opposant à la Selarl Asteren prise en la personne de Maître [P] [W] et à Maître [K] [M], tous deux en leur qualité de mandataires liquidateurs de la société par actions simplifiée MBF Aluminium, ainsi qu'à l'association Unedic délégation AGS - CGEA de Chalon-sur-Saône (ci-après l'AGS) et à M. [N] [I] s'est déclaré incompétent et a rejeté la demande de sursis à statuer en renvoyant l'affaire devant le bureau de conciliation et d'orientation chargé de la mise en état du 4 mars 2024 à 14h00 «'pour que chaque partie ait le temps de déposer leurs pièces et conclusions afin de pouvoir juger au fond'»,
Vu la requête transmise sur le fondement de l'article 84 alinéa 2 du code de procédure civile et l'ordonnance subséquente rendue le 7 décembre 2023 par le délégataire du premier président de la cour de céans autorisant l'appelant à assigner à jour fixe les intimés pour l'audience du 18 juin 2024,
Vu les assignations à jour fixe délivrées le 25 janvier 2024 à la Selarl Asteren es qualités (à personne morale), le 8 février 2024 à Maître [M] es qualités (à domicile), le 22 février 2024 à l'AGS (à personne morale) et la transmission en date du 17 janvier 2024 à l'autorité compétente italienne, aux fins de signification à M. [N] [I], du formulaire dûment complété prévu par l'article 8 du règlement (UE) n° 2020-1784 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 et d'un projet d'acte d'assignation pour plaider à jour fixe en double exemplaire, ainsi que les dernières conclusions transmises le 14 juin 2024 par l'appelant, qui demande à la cour de':
- le déclarer recevable et bien fondé en son appel du jugement du 6 novembre 2023 rendu par le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier statuant sur la compétence,
- débouter l'AGS, la Selarl Asteren et Maître [K] [M] de l'ensemble de leurs demandes et irrecevabilités,
- infirmer le jugement entrepris,
- juger que le conseil de prud'hommes est compétent pour statuer sur ses demandes,
- faire application des articles 367, 88 et 89 du code de procédure civile et ordonner en conséquence la jonction des procédures engagées par les 201 salariés dont lui-même,
- enjoindre aux parties de conclure sur le fond, notamment sur le sursis à statuer afin de
permettre à la cour d'évoquer la demande concernant le sursis à statuer,
- mettre les dépens à la charge in solidum de la liquidation judiciaire et de l'AGS,
Vu les conclusions transmises le 13 mai 2024 (ou le 14 mai 2024 à compter du dossier RG N° 23/01744 de la série de 201 dossiers) par les deux liquidateurs judiciaires de la société MBF Aluminium, intimés, qui demandent à la cour, sous réserve de la caducité de l'appel qui serait prononcée d'office par le président de chambre au visa de l'article 922 du code de procédure civile, de':
A TITRE PRINCIPAL :
- dire l'appel irrecevable,
A TITRE SUBSIDIAIRE :
- dire, à titre principal, que la cour n'est pas saisie du chef de jugement du conseil de prud'hommes
de Lons-le-Saunier du 6 novembre 2023 ayant rejeté la demande de sursis à statuer,
- dire, à titre subsidiaire, irrecevable la demande tendant à ce que la cour statue sur la demande
de sursis à statuer,
- dire, en tout état de cause, n'y avoir pas lieu à évocation,
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :
- débouter le salarié de sa demande de sursis à statuer,
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes,
- condamner le salarié à verser à la société Asteren et Maître [K] [M], ès-qualités de mandataires de la société MBF Aluminium, la somme de 100 euros chacun sur le
fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le salarié aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Vu les conclusions transmises le 6 juin 2024 par l'AGS (CGEA de [Localité 5]), autre intimée, qui demande à la cour de':
A TITRE PRINCIPAL,
- déclarer l'appel irrecevable,
A TITRE SUBSIDIAIRE
- débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes,
- juger que la cour n'est pas saisie du chef de jugement du conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier en date du 6 novembre 2023 en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer,
- déclarer irrecevable la demande tendant à ce que la cour statue sur la demande de sursis à statuer,
- dire n'y avoir lieu à évocation,
EN TOUT ETAT DE CAUSE
- débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes,
- condamner les appelants aux entiers dépens de première instance et d'appel,
La cour faisant expressément référence à l'assignation et aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties,
Vu la non-constitution de M. [N] [I], étant précisé que l'assignation à jour fixe lui ayant été délivrée en Italie le 22 mars 2024 à domicile, le présent arrêt sera rendu par défaut en application de l'article 474 du code de procédure civile,
SUR CE
EXPOSE DU LITIGE
La société MBF Aluminium était une société dédiée à la fonderie aluminium pour le secteur automobile depuis 70 ans. Elle fabriquait des carters de moteurs et des pièces de boites de vitesse. Ses principaux clients étaient Renault, PSA et Linamar, constructeurs automobiles. Elle exploitait deux usines de production toutes deux situées à [Localité 6] dans le Haut Jura (39).
La société MBF Aluminium a été reprise par le groupe CMV ALUMINIUM dirigé par M. [N] [I] en 2012. M. [I] était le président de la holding du groupe, la société CMV ALUMINIUM LTD, société de droit anglais domiciliée à Londres (Royaume-Uni), ainsi qu'actionnaire et président de la filiale MBF ALUMINIUM.
La société MBF Aluminium appliquait la convention collective des industries métallurgiques, mécaniques, similaires et connexes du Jura (IDCC 1809). Elle comptait 271 salariés au 31 mai 2021.
Par jugement du 4 novembre 2020, le tribunal de commerce de Dijon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société MBF Aluminium.
Puis, par jugement du 22 juin 2021, le tribunal de commerce de Dijon a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire, la société (SELARL) MP Associés (désormais dénommée la société Asteren) prise en la personne de M. [P] [W] et M. [K] [M] étant désignés en qualité de liquidateurs judiciaires.
Le comité social et économique (CSE) de la société MBF Aluminium a fait appel le 25 juin 2021 de cette dernière décision.
Par arrêt du 16 décembre 2021, la cour d'appel de Dijon a donné acte à la commune de Saint-Claude de son intervention volontaire en appel aux côtés du CSE de la société et confirmé le jugement du tribunal de commerce de Dijon du 22 juin 2021 en toutes ses dispositions.
Le liquidateur de la société MBF Aluminium a notifié au salarié son licenciement pour motif économique, en lui précisant que le jugement du tribunal de commerce du 22 juin 2021 prononçant la liquidation judiciaire de l'entreprise emportait de plein droit cessation de toute activité et contraignait les liquidateurs à procéder à la fermeture de l'entreprise et au licenciement collectif pour motif économique de la totalité du personnel.
Le PSE afférant au plan de licenciement a été validé par la DREETS de Bourgogne ' Franche-Comté.
Contestant la rupture de son contrat de travail, M. [Z] [T], à l'instar de 200 autres salariés, a saisi le 27 mai 2022 le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier de la procédure qui, après radiation et rétablissement de l'affaire au rôle, a donné lieu le 6 novembre 2023 au jugement entrepris.
MOTIFS
A titre liminaire, il est précisé qu'une copie de l'assignation à jour fixe a bien été remise au greffe par le RPVA avant l'audience, conformément aux dispositions des articles 922 et 930-1 du code de procédure civile.
1- Sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel et sur la compétence':
Il est rappelé que le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent tout en rejetant la demande de sursis à statuer et en renvoyant l'affaire devant le bureau de conciliation et d'orientation chargé de la mise en état du 4 mars 2024 à 14h00 «'pour que chaque partie ait le temps de déposer leurs pièces et conclusions afin de pouvoir juger au fond'».
Ainsi qu'il ressort de la déclaration d'appel, l'appelant n'a dévolu à la cour que le chef de jugement relatif à la déclaration d'incompétence.
Les mandataires liquidateurs et l'AGS soutiennent à titre principal l'irrecevabilité de l'appel pour les motifs suivants':
- le chef de dispositif «'se déclare incompétent'» procède d'une simple erreur matérielle, en lieu et place de «'se déclare compétent'», qui ne peut être réparée par la cour dès lors qu'aucune autre disposition du jugement n'est critiquée';
- au visa des articles 544 et 545 du code de procédure civile, il existe un détournement de l'objet de l'appel dans la mesure où la décision qui rejette une demande de sursis à statuer n'est pas susceptible d'appel et où le jugement déféré a uniquement rejeté la demande de sursis à statuer, la déclaration d'incompétence étant une simple erreur matérielle, de sorte que l'appelant a cherché à contourner les règles de procédure lui interdisant de contester une décision de rejet d'un sursis à statuer';
- l'appelant n'a pas respecté les dispositions de l'article 920 du même code dès lors que la déclaration d'appel n'est pas jointe à l'assignation'; en effet, le seul document joint est le message récapitulatif des données de la déclaration d'appel, telle qu'envoyée par le greffe de la cour par RPVA'; or, le document qui doit être annexé à l'assignation est le récapitulatif de la déclaration d'appel retourné par le greffe après traitement du message de données, lequel n'était pas joint à l'assignation'; ils citent en particulier deux arrêts de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation': 22 octobre 2020 n° 19-21.978 et 27 septembre 2017 n° 17-21.833'; ils en concluent que, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence d'un grief, la signification de tout autre document que le récapitulatif de la déclaration d'appel visé par le greffe équivaut à une absence de signification rendant l'appel irrecevable.
S'agissant du premier moyen, il est constant que de façon contradictoire, les premiers juges ont tout à la fois écarté leur compétence et statué sur la demande de sursis à statuer pour la rejeter, en renvoyant l'affaire devant le bureau de conciliation et d'orientation chargé de la mise en état du 4 mars 2024 à 14h00 «'pour que chaque partie ait le temps de déposer leurs pièces et conclusions afin de pouvoir juger au fond'».
Cependant, une telle contradiction, au demeurant fréquente, ne suffit pas à analyser le premier chef du dispositif de la décision déférée comme procédant d'une erreur matérielle.
En effet, s'il est exact qu'aucune des parties n'avait soulevé l'incompétence de la juridiction saisie, force est de constater qu'aucune d'entre elles n'a saisi le conseil de prud'hommes d'une requête en rectification d'erreur matérielle et que celui-ci ne s'est pas davantage saisi d'office à cette fin.
En outre, alors que la question de sa compétence ne lui était pas soumise, la cour ne distingue pas la raison pour laquelle le conseil de prud'hommes aurait cru devoir se déclarer compétent comme le suggèrent les intimés.
De plus, il est impossible de déterminer quelles ont été les intentions des premiers juges dans la mesure où il ressort des termes du jugement déféré que celui-ci a été rendu sur le siège sans le moindre motif pour l'étayer.
La note d'audience n'apporte pas davantage de précisions sur ce point.
Dans ces conditions, la cour ne peut analyser le premier chef du dispositif du jugement déféré comme procédant d'une simple erreur matérielle, ni méconnaître son existence, qui s'impose aux parties.
En conséquence, ce premier moyen des intimés à l'appui de l'irrecevabilité de l'appel ne peut prospérer.
Le deuxième moyen susvisé ne peut davantage prospérer dès lors que la cour n'a pas retenu que la déclaration d'incompétence était une simple erreur matérielle.
S'agissant du troisième moyen, il est d'abord relevé que l'appelant a correctement transmis au greffe de la cour sa déclaration d'appel en y joignant les conclusions et pièces au soutien de son appel, ainsi que le jugement entrepris et la requête afin d'être autorisé à assigner à jour fixe.
Il a ensuite signifié aux intimés ces mêmes documents, joints ou intégrés à l'assignation à jour fixe, et l'ordonnance rendue par le délégataire du premier président, sans y annexer le récapitulatif de la déclaration d'appel ainsi que le conseil de l'appelant en convient dans ses dernières conclusions d'appel.
L'article 920 du code de procédure civile, auquel renvoie l'article 85 alinéa 2 du même code, prévoit qu'en sus d'une copie de la requête et de l'ordonnance du premier président, un exemplaire de la déclaration d'appel visé par le greffier, ou une copie de la déclaration d'appel dans le cas où la requête est présentée au premier président dans les huit jours de la déclaration d'appel, est jointe à l'assignation.
Mais lorsque la transmission de la déclaration d'appel est dématérialisée comme en l'espèce, celle-ci n'est jamais visée par le greffier.
La cour relève aussi que dans le cas où la requête est présentée au premier président au plus tard dans les huit jours de la déclaration d'appel conformément à l'alinéa 3 de l'article 919, c'est cette fois-ci une simple copie de la déclaration d'appel qui doit être jointe à l'assignation.
En outre, dans un cas où une copie de la requête n'avait pas été jointe à l'assignation à jour fixe signifiée dans le cadre des dispositions des articles 83, 84 et 85 du code de procédure civile, il a été jugé qu'il résulte de ces textes que la requête adressée au premier président, qui n'a pas à justifier d'un péril, contrairement à ce qu'exige l'article 918 de ce code pour d'autres procédures à jour fixe, ne tend qu'à obtenir une date d'audience, que l'information des intimés et, par elle, le respect des droits de la défense, sont assurés par la notification qui leur est faite de la déclaration d'appel motivée et des conclusions qui y sont jointes, que dans ces conditions, la circonstance que la copie de la requête ne soit pas jointe à l'assignation délivrée aux intimés ne peut donner lieu à sanction et entraîner l'irrecevabilité de l'appel (Com. 14 juin 2023 n° 21-15.445).
Au cas présent, l'acte délivré par l'appelant aux intimés, qui contient l'assignation à jour fixe, la déclaration d'appel, la requête, l'ordonnance sur requête rendue par le délégataire du premier président, les conclusions d'appel sur la compétence intégrées à l'assignation et les pièces versées aux débats, les a clairement et pleinement informés de la date de l'audience fixée devant la cour de céans, des prétentions du salarié et des motifs de l'appel porté devant cette dernière.
La cour retient dans ces conditions que l'appelant a satisfait à ses obligations résultant des articles 83, 84 et 85 du code de procédure civile.
En conséquence, le troisième moyen des intimés est également écarté.
Enfin, dès lors que la juridiction de première instance n'a pas statué sur le principal, le salarié ne pouvait interjeter appel du jugement sur la compétence qu'en respectant les modalités prévues par les articles 83 et suivants du code de procédure civile, de sorte que l'appel sera déclaré recevable.
En ce qui concerne la compétence, il est constant que le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins essentiellement de voir requalifier son licenciement pour motif économique en licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir les indemnités qui y sont associées. Se prévalant d'une faute de l'employeur ou à tout le moins de sa légèreté blâmable, à l'origine selon lui de la fermeture de l'entreprise et de la rupture subséquente de son contrat de travail, il conteste par là même le motif économique de son licenciement.
Il s'ensuit qu'en application des articles L. 1411-1 et L. 1411-4 du code du travail, la juridiction prud'homale est matériellement compétente pour connaître du litige.
Il convient par conséquent d'infirmer le jugement entrepris en sa disposition frappée d'appel et, statuant à nouveau, de déclarer le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier compétent pour connaître du litige opposant le salarié à la Selarl Asteren prise en la personne de Maître [P] [W] et à Maître [K] [M], tous deux en leur qualité de mandataires liquidateurs de la société par actions simplifiée MBF Aluminium, ainsi qu'à l'association Unedic délégation AGS - CGEA de Chalon-sur-Saône et à M. [N] [I].
2- Sur la jonction des 201 dossiers de la série':
Il n'y a pas lieu d'ordonner la jonction des 201 procédures initiées par les salariés, alors qu'il est constant qu'à la suite de la fermeture des deux usines l'ensemble des salariés (271), dont les salariés protégés, ont été licenciés et qu'il n'est pas indiqué à la cour si certains de ces salariés protégés figurent ou non parmi les 201 salariés ayant saisi le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier.
3- Sur la demande d'évocation':
Les conditions prévues par les articles 88 et 568 du code de procédure civile ne sont pas réunies pour évoquer le fond.
S'agissant tout d'abord de la demande de sursis à statuer, qui constitue une exception de procédure, le chef de jugement l'ayant rejetée n'a pas été dévolu à la cour et l'évocation sur ce point est strictement impossible, ne serait-ce qu'en raison du fait que la juridiction de première instance a statué sur cette exception.
La demande d'évocation relative à l'exception de sursis à statuer est par conséquent irrecevable.
S'agissant du fond de l'affaire, qui procède de la contestation par le salarié de la rupture de son contrat de travail pour motif économique en raison de la faute ou à tout le moins de la légèreté blâmable de l'employeur, la cour considère qu'il n'est pas de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, alors que jusqu'à présent le fond n'a pas même été abordé par les parties devant la juridiction de première instance.
La demande d'évocation du fond du litige sera donc rejetée et l'affaire, renvoyée devant la juridiction de première instance.
4- Sur les frais irrépétibles et les dépens d'appel':
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la présente instance d'appel.
Enfin, les parties succombant toutes partiellement, chacune d'entre elles supportera la charge de ses propres dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt par défaut mis à disposition au greffe,
Déclare l'appel recevable';
Infirme, en sa disposition frappée d'appel, le jugement entrepris';
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Déclare le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier compétent pour connaître du litige opposant le salarié à la Selarl Asteren prise en la personne de Maître [P] [W] et à Maître [K] [M], tous deux en leur qualité de mandataires liquidateurs de la société par actions simplifiée MBF Aluminium, ainsi qu'à l'association Unedic délégation AGS - CGEA de Chalon-sur-Saône et à M. [N] [I]';
Dit n'y avoir lieu d'ordonner la jonction des 201 procédures initiées par les salariés';
Déclare irrecevable la demande d'évocation relative à l'exception de sursis à statuer';
Dit n'y avoir lieu d'évoquer le fond de l'affaire';
Renvoie l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier';
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la présente instance d'appel';
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le quinze octobre deux mille vingt quatre et signé par Monsieur Christophe ESTEVE, président de chambre, et Madame MERSON GREDLER, greffière.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,