CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 11 octobre 2024, n° 24/02376
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Sci Grand Fontenay (SAS)
Défendeur :
H26 (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lagemi
Conseillers :
Mme Gaffinel, M. Birolleau
Avocats :
Me Jamet, Me Ohana, Me Melloul
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence LAGEMI, Présidente de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Par acte du 4 octobre 2021, la SCI Grand Fontenay a consenti à la société H26 Sevran un bail dérogatoire, portant sur un local commercial, numéro 208, situé au sein de la galerie marchande de l'ensemble immobilier '[Adresse 6]' à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), commençant à courir à compter de la livraison du local envisagée le 15 février 2022 au plus tard, moyennant un loyer de base de 45.200 euros hors taxes et hors charges, payable trimestriellement et d'avance, et un loyer variable additionnel correspondant à la différence positive éventuelle entre la somme résultant de 5 % du chiffre d'affaires annuel hors taxes réalisé par le preneur et le loyer de base. Il a été prévu que le loyer ne serait facturé qu'à l'issue d'un délai de deux mois suivant la prise d'effet du bail.
Par avenant du 30 mars 2022, les parties sont convenues de reporter la date de livraison au 31 mars 2022. Le procès-verbal de fin de travaux d'aménagement a été signé entre les parties le 14 avril 2022 et a prévu une date d'ouverture au public le 22 avril suivant.
Les loyers étant demeurés impayés, la SCI Grand Fontenay a fait délivrer à la société H26 [Localité 5], par acte du 20 juin 2023, un commandement de payer, visant la clause résolutoire, pour la somme en principal de 74.061,19 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté selon décompte édité à la date du 15 juin 2023.
Par acte du 14 septembre 2023, la SCI Grand Fontenay a assigné la société H26 [Localité 5] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins, notamment, de constatation de la résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire, expulsion et condamnation de la défenderesse au paiement, par provision, d'une indemnité d'occupation et de l'arriéré locatif.
Par ordonnance réputée contradictoire du 21 décembre 2023, le premier juge a :
condamné à titre provisionnel la société H26 [Localité 5] à payer à la SCI Grand Fontenay la somme provisionnelle de 76.795,79 euros au titre des loyers et accessoires arrêtés au 17 juillet 2023, 3ème trimestre de 2023 inclus, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
condamné la société H26 [Localité 5] à payer à la SCI Grand Fontenay la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
rejeté toutes les autres demandes ;
condamné la société H26 [Localité 5] à supporter la charge des dépens qui comprendront le coût du commandement de payer.
Par déclaration du 24 janvier 2024, la SCI Grand Fontenay a relevé appel de cette ordonnance en critiquant ses dispositions relatives au rejet de ses demandes d'acquisition de la clause résolutoire et ses conséquences, de ses demandes au titre de la clause pénale et de la conservation du dépôt de garantie (instance enregistrée sous le n° RG 24/02376).
Par déclaration du 29 janvier 2024, la société H26 [Localité 5] a relevé appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif, à l'exception de celui relatif au rejet des autres demandes (instance enregistrée sous le n° RG 24/02651).
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 2 mai 2024, dans la première instance, la SCI Grand Fontenay demande à la cour de :
débouter la société H26 [Localité 5] de l'ensemble de ses demandes ;
la recevoir dans l'ensemble de ses demandes ;
en conséquence, réformer l'ordonnance querellée en ses dispositions dont elle a relevé appel ;
confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné à titre provisionnel la société H26 [Localité 5] à lui payer la somme de 76.795,79 euros au titre des loyers et accessoires arrêtés au 17 juillet 2023, 3ème trimestre de 2023 inclus, outre intérêts, ainsi qu'une indemnité procédurale de 1.000 euros et aux dépens, comprenant le coût du commandement de payer ; statuant à nouveau des chefs infirmés,
constater que la clause résolutoire, stipulée dans le contrat de bail conclu le 4 octobre 2021 entre les parties, est acquise depuis le 20 juillet 2023 ;
en conséquence,
constater la résiliation du bail à compter de cette date ;
ordonner l'expulsion de la société H26 [Localité 5] et de tous occupants de son chef, des locaux en cause avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique si nécessaire ;
condamner la société H26 [Localité 5] au paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant forfaitaire de 461,41 euros par jour, établi sur la base du dernier loyer journalier en principal multiplié par trois, outre les charges et indexation telles que prévues au bail, à compter du 21 juillet 2023, jusqu'à justification de la libération totale des lieux et remise des clés ;
condamner la société H26 [Localité 5], à titre provisionnel, à lui payer la somme en principal de 130.820,35 euros TTC, selon le décompte locatif établi à la date du 2 mai 2024, à parfaire ;
dire que toutes les sommes exigibles payées en retard au bailleur produiront un intérêt de retard au taux légal, majoré de trois points, à compter de leur date d'échéance respective ;
dire que toutes les sommes exigibles payées en retard au bailleur seront, sans préjudice de ce qui précède, également forfaitairement majorée à hauteur de 10% à compter du 23 juin 2023 ;
dire que le dépôt de garantie actualisé lui sera réputé acquis ;
en tout état de cause,
condamner la société H26 [Localité 5] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code procédure civile, outre les entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 26 avril 2024 dans la première instance, la société H26 [Localité 5] demande à la cour de :
la recevoir en ses écritures et la déclarer bien fondée ;
à titre principal,
annuler l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a condamnée, à titre provisionnel, à payer à la SCI Grand Fontenay la somme de 76.795,79 euros au titre des loyers et accessoires arrêtés au 17 juillet 2023, 3ème trimestre de 2023 inclus, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, ainsi que la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'elle a rejeté toutes les autres demandes et statué sur les dépens ;
Statuant à nouveau,
juger que le tribunal judiciaire de Bobigny était territorialement incompétent ;
juger que les contestations afférentes à requalification du contrat de bail dérogatoire en bail commercial échappe à la compétence de la juridiction des référés ;
en conséquence,
renvoyer cette affaire devant le président du tribunal judiciaire de Créteil statuant en référé ;
à titre subsidiaire, compte tenu des contestations afférentes à qualification du bail litigieux,
débouter la SCI Grand Fontenay de toutes ses demandes ;
en conséquence,
juger n'y avoir lieu à référé ;
à titre infiniment subsidiaire,
lui accorder des délais de paiement à hauteur de 24 mois pour se libérer des éventuelles condamnations prononcées contre elle ;
suspendre pendant ce délai, les effets de la clause résolutoire ;
en tout état de cause,
condamner la SCI Grand Fontenay à lui verser la somme de 4.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 3 juin 2024 dans l'instance enregistrée sous le n° RG 24/02651, la société H26 [Localité 5] demande à la cour de :
à titre principal,
annuler l'ordonnance entreprise ;
statuant à nouveau,
juger que le tribunal judiciaire de Bobigny était territorialement incompétent ;
juger que les contestations afférentes à la requalification du bail dérogatoire en bail commercial échappe à la compétence de la juridiction des référés ;
en conséquence,
renvoyer cette affaire devant le président du tribunal judiciaire de Créteil statuant en référé ;
à titre subsidiaire, compte tenu des contestations afférentes à qualification du bail litigieux,
infirmer l'ordonnance entreprise ;
statuant à nouveau,
débouter la SCI Grand Fontenay de toutes ses prétentions ;
juger n'y avoir lieu à référé ;
en tout état de cause,
condamner la SCI Grand Fontenay à lui verser la somme de 4.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 2 mai 2024, dans la seconde instance, la société Grand Fontenay demande à la cour de :
débouter la société H26 [Localité 5] de l'ensemble de ses demandes ;
confirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a condamné à titre provisionnel la société H26 [Localité 5] à lui payer la somme de 76.795,79 euros au titre des loyers et accessoires arrêtés au 17 juillet 2023, 3ème trimestre de 2023 inclus, outre intérêts, ainsi qu'une indemnité procédurale de 1.000 euros et aux dépens, comprenant le coût du commandement de payer ;
réformer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté toutes les autres demandes ;
statuant à nouveau des chefs infirmés,
constater que la clause résolutoire, stipulée dans le contrat de bail conclu le 4 octobre 2021 entre les parties, est acquise depuis le 20 juillet 2023 ;
en conséquence,
constater la résiliation du bail à compter de cette date ;
ordonner l'expulsion de la société H26 [Localité 5] et de tous occupants de son chef, des locaux en cause avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique si nécessaire ;
condamner la société H26 [Localité 5] au paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant forfaitaire de 461,41 euros par jour, établi sur la base du dernier loyer journalier en principal multiplié par trois, outre les charges et indexation telles que prévues au bail, à compter du 21 juillet 2023, jusqu'à justification de la libération totale des lieux et remise des clés ;
condamner la société H26 [Localité 5], à titre provisionnel, à lui payer la somme en principal de 130.820,35 euros TTC, selon le décompte locatif établi à la date du 2 mai 2024, à parfaire ;
dire que toutes les sommes exigibles payées en retard au bailleur produiront un intérêt de retard au taux légal, majoré de trois points, à compter de leur date d'échéance respective ;
dire que toutes les sommes exigibles payées en retard au bailleur seront, sans préjudice de ce qui précède, également forfaitairement majorée à hauteur de 10 % à compter du 23 juin 2023 ;
dire que le dépôt de garantie actualisé lui sera réputé acquis ;
en tout état de cause,
condamner la société H26 [Localité 5] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code procédure civile, outre les entiers dépens.
La clôture de la procédure a été prononcée le 3 juillet 2024 dans l'instance n° 24/02376, l'affaire ayant été fixée pour être plaidée à l'audience du 6 septembre 2024.
Dans l'instance n° 24/02651, la clôture de l'instruction est intervenue le 12 juin 2024, l'affaire ayant été fixée à l'audience de plaidoirie du 27 juin 2024.
Par arrêt du 31 juillet 2024, la réouverture des débats a été ordonnée dans l'instance n° 24/02651 afin que les deux affaires, qui présentent un lien de connexité évident, soient évoquées à la même audience du 6 septembre 2024.
Pour un exposé plus détaillé des faits, des procédures, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Sur la jonction des instances
Au regard du lien existant entre les instances enregistrées sous les n° RG 24/02376 et 24/02651, il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'ordonner leur jonction.
Sur l'annulation de l'ordonnance entreprise
Pour solliciter l'annulation de l'ordonnance déférée, la société H26 Sevran se fonde sur l'incompétence territoriale du juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny, soutenant qu'en application de l'article 18.2 du bail, seul le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil était compétent pour connaître du litige.
Cet article énonce que 'toutes contestations qui pourraient surgir à propos de l'existence, de l'exécution ou de la résiliation du présent bail dérogatoire, qui ne pourraient être réglées à l'amiable, sont de la compétence exclusive du tribunal judiciaire dans le ressort duquel est sis le local objet du présent bail dérogatoire'.
Or, à supposer fondée l'exception d'incompétence soulevée, celle-ci ne saurait constituer une cause de nullité de l'ordonnance entreprise, de sorte qu'il n'y a pas lieu à son annulation.
Sur la compétence du juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny
Il est constant que le local commercial loué se trouve au sein du centre commercial situé à Fontenay-sous-Bois, dans le département du Val-de-Marne et donc dans le ressort du tribunal judiciaire de Créteil.
Cependant, les clauses attributives de compétence territoriale ne sont pas opposables à la partie qui saisit le juge des référés.
Ainsi, la SCI Grand Fontenay, demandeur en première instance, avait le choix entre la juridiction compétente soit à raison de la clause susvisée soit à raison de tout autre critère de compétence.
Elle pouvait donc saisir, en application de l'article 42 du code de procédure civile, la juridiction de Bobigny dans le ressort de laquelle demeure la société H26 [Localité 5] dont le siège est fixé à [Localité 5], de sorte que la compétence de la juridiction des référés de Bobigny ne souffre aucune discussion, la cour relevant, au surplus, que contrairement à ce que soutient la société locataire, l'article 44 du code de procédure civile, qui ne vise que les actions réelles immobilières, n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce.
En tout état de cause, cette question est dépourvue de toute pertinence à hauteur de cour dès lors que la cour d'appel de Paris est juridiction d'appel des tribunaux judiciaires de Créteil et de Bobigny et qu'il lui appartient, en application de l'article 90 du code de procédure civile, de statuer sur le fond du litige.
Enfin, la contestation sérieuse invoquée par la société H26 [Localité 5] tenant à la requalification du bail, à la supposer établie, n'est pas une cause d'incompétence de la juridiction des référés mais serait susceptible de constituer un défaut de pouvoir juridictionnel de celle-ci.
Sur le constat de l'acquisition de la clause résolutoire du bail
Selon l'article L.145-5 du code de commerce, les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du statut des baux commerciaux à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.
Si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux.
Par ailleurs, l'article 834 du code de procédure civile énonce que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
L'article 835, alinéa 1, du même code dispose que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement.
Au cas présent, le 20 juin 2023, la SCI Grand Fontenay a fait délivrer à la société H26 Sevran un commandement de payer, visant la clause résolutoire, pour la somme en principal de 74.061,19 euros correspondant aux loyers et charges dus au 2ème trimestre 2023 inclus.
Les causes de ce commandement n'ont pas été acquittées dans le mois de cet acte ainsi qu'il résulte du décompte arrêté au 25 mars 2024, la dette de la société H26 [Localité 5] n'ayant d'ailleurs cessé d'augmenter pour atteindre à cette dernière date, la somme de 116.294,54 euros.
Pour s'opposer à l'acquisition de la clause résolutoire, la société H26 [Localité 5] fait état d'une contestation sérieuse tenant à la qualification du bail. Elle soutient en effet que le contrat liant les parties serait soumis au statut des baux commerciaux dans la mesure où il a été conclu pour une durée de douze mois à compter de la date définitive de prise d'effet du bail, soit le 22 avril 2022 et qu'il expirait donc le 22 avril 2023 ; que s'étant maintenue dans les lieux au-delà de cette date, le contrat s'est transformé en bail commercial de sorte que le juge des référés est 'incompétent', l'application du statut des baux commerciaux auquel est soumis le nouveau bail, relevant de la compétence du tribunal judiciaire statuant au fond.
Elle invoque encore une contradiction sur la durée du bail puisqu'il a été stipulé une première durée de 36 mois, puis une autre durée de 12 mois qu'elle revendique de sorte que celle-ci ne présente aucun caractère d'évidence et que son appréciation échappe au juge des référés.
L'article 2 des conditions particulières du contrat, intitulé 'durée et date de prise d'effet', stipule que 'le présent bail dérogatoire est consenti et accepté pour une durée de 36 (trente-six) mois, commençant à courir à compter de la date de prise de livraison du local devant intervenir au plus tard le 15 février 2022 pour se terminer inéluctablement à l'issue du délai de trente-six mois.
Le présent bail est conclu pour une durée ferme de 12 (douze) mois, les parties pouvant le résilier à tout moment à compter du treizième mois, sous condition de donner congé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou acte extrajudiciaire en respectant un préavis de six mois.
Le preneur disposera d'un délai de 2 (deux) mois pour réaliser ses travaux d'aménagement du local et ouvrir au public, soit au plus tard le 15 avril 2022 (...)'.
Par avenant à ce bail en date du 30 mars 2022, les parties ont rappelé que 'le bail dérogatoire a été consenti et accepté pour une durée de 36 (trente-six) mois commençant à courir à compter de la livraison du local envisagée le 15 février 2022 au plus tard', puis, reporté cette date au 31 mars suivant.
Il résulte par ailleurs du procès-verbal de fin de travaux d'aménagement que la date d'ouverture au public est intervenue le 22 avril 2022.
S'il ne relève pas des pouvoirs du juge des référés d'interpréter un contrat, il lui appartient néanmoins de tirer les conséquences de stipulations contractuelles claires et dépourvues d'ambiguïté.
Ainsi, il ressort des termes de l'article 2 susvisé, que, contrairement à ce que prétend la société H26 [Localité 5], la durée du bail dérogatoire a été fixée d'un commun accord entre les parties à trente-six mois, la durée de douze mois invoquée par la société locataire correspondant seulement à la première période du bail au cours de laquelle aucune résiliation ne pouvait intervenir à la demande d'une partie.
Il en résulte que la contestation alléguée est dépourvue de tout caractère sérieux, étant en tout état de cause rappelé qu'il entre dans les pouvoirs du juge des référés de constater la résiliation d'un bail lorsqu'elle a été mise en oeuvre régulièrement.
Le commandement de payer délivré le 20 juin 2023, au cours du bail dérogatoire, qui reproduit la clause résolutoire stipulée dans celui-ci, rappelle au locataire le délai d'un mois pour s'acquitter de sa dette, laquelle est justifiée par le décompte annexé à cet acte, n'est entaché d'aucune irrégularité.
Au surplus, il n'est pas démontré que le bailleur a fait preuve de mauvaise foi lors de la délivrance du commandement de payer alors qu'il est acquis que le preneur a été défaillant dans l'exécution de son obligation de paiement, aucun loyer n'ayant été réglé depuis la prise d'effet du bail.
Les conditions d'acquisition de la clause résolutoire sont donc réunies au 20 juillet 2023. L'ordonnance entreprise sera donc infirmée de ce chef.
La société H26 [Localité 5] sollicite l'octroi d'un délai de paiement de 24 mois et la suspension des effets de cette clause en soutenant que sa situation n'est pas irrémédiablement compromise et qu'elle est de bonne foi. Elle invoque la crise sanitaire et ses incidences sur les entreprises oeuvrant dans le secteur du prêt-à-porter ainsi que les différentes augmentations supportées par les preneurs telles que, notamment, la hausse des loyers, du prix de l'énergie, des taux d'intérêt.
Cependant, la dette locative de la société H26 [Localité 5] n'a cessé d'augmenter et s'élève selon le dernier décompte produit, arrêté au 2 mai 2024, à la somme de 130.820,35 euros, qu'elle ne discute d'ailleurs pas.
Il apparaît de ce décompte que la société H26 [Localité 5] n'a procédé à aucun versement depuis son entrée dans les lieux.
Dans ces conditions, la bonne foi invoquée n'étant nullement caractérisée et la société H26 [Localité 5] ne démontrant pas sa capacité de régler l'arriéré locatif dans le délai sollicité en plus du loyer courant alors qu'elle n'a effectué aucun effort pour commencer à apurer sa dette et régler le loyer en cours et que les conséquences de la crise sanitaire qu'elle invoque ainsi que les augmentations auxquelles elle doit faire face ne sont pas de nature à la dispenser du paiement des loyers, il n'y a pas lieu de lui accorder un délai de paiement et, par suite, de suspendre les effets de la clause résolutoire.
Il convient donc de constater la résiliation du bail à la date du 20 juillet 2023 minuit, d'ordonner l'expulsion de la société H26 [Localité 5] dont le maintien dans les lieux loués depuis cette date s'effectue sans droit ni titre, ce qui constitue un trouble manifestement illicite qu'il y a lieu de faire cesser et de statuer sur le sort des meubles ainsi qu'il sera précisé au dispositif.
Sur les demandes de provisions et de conservation du dépôt de garantie
Selon l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut être accordé une provision au créancier, ou ordonné l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
L'obligation de la société H26 [Localité 5] au paiement d'une indemnité d'occupation, contrepartie de son occupation sans droit ni titre, n'est pas sérieusement contestable.
La SCI Grand Fontenay sollicite une indemnité d'occupation calculée conformément à l'article 14-3 des conditions générales du bail, soit la somme journalière de 461,41, établie sur la base du dernier loyer journalier en principal multiplié par trois outre les charges et l'indexation.
Cet article énonce que 'l'indemnité d'occupation à la charge du preneur, en cas de non délaissement du local (...) après résiliation de plein droit ou judiciaire ou expiration du bail dérogatoire, sera établie forfaitairement sur la base du triple du loyer global de la dernière année de location (...)'.
Cependant, cette majoration de l'indemnité d'occupation s'analysant en une clause pénale susceptible d'être minorée par le juge du fond, l'obligation de la société H26 [Localité 5] à son paiement se heurte à une contestation sérieuse. Cette société sera donc tenue de régler à la SCI Grand Fontenay une indemnité d'occupation égale au montant du dernier loyer contractuel majoré des charges, taxes et accessoires à compter du 21 juillet 2023 et jusqu'à la libération effective des lieux.
La SCI Grand Fontenay produit un décompte arrêté au 2 mai 2024, récapitulant l'ensemble de la dette de la société H26 [Localité 5], qui s'établissait, à cette date, à la somme de 130.820,35 euros. La société H26 [Localité 5] dont l'obligation à ce titre n'est pas sérieusement contestable, sera condamnée par provision au paiement de cette somme à valoir sur la dette locative et d'indemnités d'occupation arrêtée au 2ème trimestre 2024 inclus.
La SCI Grand Fontenay sollicite, d'une part, l'application d'un intérêt légal majoré de trois points à compter de la date de chaque échéance impayée et, d'autre part, qu'il soit dit que les sommes exigibles payées en retard seront forfaitairement majorées de 10 % à compter du 23 juin 2023.
Cette demande est fondée sur l'article 14-2 des conditions générales du bail qui prévoit une majoration automatique de 10 % de toutes sommes dues au titre des loyers et/ou des indemnités d'occupation et un intérêt de retard au taux susvisé.
Cependant, cette majoration de 10 % et l'application de cet intérêt de retard s'analysant en des clauses pénales, sont susceptibles de revêtir un caractère manifestement excessif au sens de l'article 1231-5 du code civil, de sorte que la demande formulée à ce titre se heurte à une contestation sérieuse, telle que prévue à l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile.
En conséquence, seuls seront dus sur la somme provisionnelle de 130.820,35 euros les intérêts au taux légal, qui seront appliqués à compter du commandement de payer sur la somme de 74.061,19 euros, de l'assignation sur celle de 2.734,60 euros (76.795,79 euros - 74.061,19 euros) et du présent arrêt sur le surplus.
Enfin, la SCI Grand Fontenay demande que le dépôt de garantie lui soit déclaré acquis.
Mais, si l'article 14-3 des conditions générales du bail prévoit que le dépôt de garantie restera acquis au bailleur en cas de résiliation du contrat, cette clause constitue également une clause pénale qui, en tant que telle est susceptible de présenter un caractère excessif et d'être minorée par le juge du fond. Il n'y a donc pas davantage lieu à référé de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le sort des dépens de première instance et l'application de l'article 700 du code de procédure civile ont été exactement appréciés par le premier juge.
Succombant en ses prétentions, la société H26 [Localité 5] supportera les dépens d'appel et sera tenue de verser à la SCI Grand Fontenay la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
Ordonne la jonction des instances enregistrées sous les n° RG 24/02376 et 24/02651 ;
Rejette l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société H26 [Localité 5] ;
Dit n'y avoir lieu à l'annulation de l'ordonnance entreprise ;
Infirme l'ordonnance sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau et vu l'évolution du litige,
Constate l'acquisition de la clause résolutoire du bail dérogatoire conclu entre les parties, à la date du 20 juillet 2023 minuit ;
Ordonne, à défaut de libération volontaire des lieux, l'expulsion de la société H26 [Localité 5] et celle de tous occupants de son chef, du local commercial, numéro 208, situé au sein de la galerie marchande de l'ensemble immobilier '[Adresse 6]' à [Localité 4] (Val-de-Marne), avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique si nécessaire ;
Dit que le sort des biens mobiliers trouvés dans les lieux sera régi par les dispositions des articles L.433-1 et suivants, R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
Condamne la société H26 [Localité 5] à payer à la SCI Grand Fontenay, à titre provisionnel, une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer majoré des charges, taxes et accessoires qui aurait été dû si le bail s'était poursuivi, à compter du 21 juillet 2023 et jusqu'à libération effective des lieux ;
Condamne la société H26 [Localité 5] à payer à la SCI Grand Fontenay la somme provisionnelle de 130.820,35 euros à valoir sur l'arriéré locatif et d'indemnités d'occupation dû au 2ème trimestre 2024 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer sur la somme de 74.061,19, de l'assignation sur celle de 2.734,60 euros et du présent arrêt sur le surplus ;
Dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes de la SCI Grand Fontenay ;
Déboute la société H26 [Localité 5] de sa demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire ;
Condamne la société H26 [Localité 5] aux dépens d'appel et à payer à la SCI Grand Fontenay la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.