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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 1, 11 octobre 2024, n° 22/05514

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Sentucq

Conseillers :

Mme Bret, Mme Girard-Alexandre

Avocats :

Me Jauffret, Me Berne, Me Boyaval-Roumaud

TJ Paris, du 9 févr. 2022, n° 20/01651

9 février 2022

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte authentique du 4 juin 2019, M. [C] [O] et Mme [U] [S] épouse [O] (ci-après les époux [O]) ont consenti une promesse unilatérale de vente à M. [T] [R] [E] et à M. [N] [R] [E] (ci-après les consorts [R] [E]) portant sur deux ensembles immobiliers, l'un situé à [Localité 10] (94) et l'autre correspondant à un hôtel situé [Adresse 3] à [Localité 9]. S'agissant de ce dernier ensemble immobilier, la promesse de vente porte plus particulièrement sur 33 lots n°146 à 149, 154 à160,164 à 167, 177 à 180, 184 à 187, 191 à 194, 198 à 201 et 208 à 209.

La promesse fixe le prix total à 2.785.000 € dont 2.365.000 € pour l'ensemble immobilier situe à [Localité 9] et prévoit que le délai d'option expire le 31 octobre 2019 à 16 heures.

Elle était notamment conclue sous la condition suspensive de l'obtention d'une ou plusieurs offres définitives de prêt, au plus tard le 30 septembre 2019.

L'acte fixe le montant de l'indemnité d'immobilisation à 278.500 €, le versement de l'indemnité d'immobilisation due au promettant par le bénéficiaire en cas de non-réalisation de la vente devant être garanti par la remise au plus tard dans le délai d'un mois de la signature de la promesse d'un engagement de caution d'un établissement financier ou par le versement d'une somme correspondant an montant de l'indemnité.

L'acte stipule également une clause particulière ainsi rédigée :

'Condition particulière

Le promettant déclare que l'hôtel bien que soumis au régime de la copropriété fonctionne de manière totalement indépendante : à l'exception des deux lots du bâtiment C vendus au présentes.

Il déclare à cet effet qu'il ne paye pas de charges de copropriété et ne reçoit aucun appel de fonds à ce titre.

Néanmoins le promettant déclare que dernièrement le syndic a réclamé un arriéré des charges pour les cinq années antérieures ainsi qu'il résulte des courriers d'avocats demeurés annexés.

Le promettant fera son affaire personnelle du règlement éventuel de ces charges pour la période pendant laquelle il était propriétaire du bien, le bénéficiaire déclarant faire son affaire personnelle du paiement éventuel des charges pour la période postérieure à son acquisition.

Le promettant déclare faire un usage privatif des parties communes de son bâtiment (couloirs, sous-sol et dernier étage, etc.) ce qui n'a jamais été contesté par la copropriété et ce depuis plus de trentes années.

Le bénéficiaire déclare être informé de l'usage privatif de parties communes et de cette annexion. Il en fait son affaire personnelle.

Ces parties communes ne sont pas incluses dans la vente par M. et Mme [O].

Les présentes sont conclues sous la condition particulière non suspensive que le bénéficiaire obtienne du svndic l'accord de la copropriété sis à [Adresse 3], à l'exception des deux lots susvisés, en vue de la scission de la copropriété afin d'isoler l'hôtel de l'ensemble immobilier ou à son défaut, la jouissance exclusive des parties communes situées dans les locaux de l'hôtel.

Le promettant donne tous pouvoirs au bénéficiaire à l'effet d'effectuer lesdites démarches.

Le bénéficiaire s'engage à justifier de ses démarches et à soumettre au syndic de la copropriété un projet de scission de la copropriété, afin qu'il soit mis à l'ordre du jour d'une assemblée générale extraordinaire convoquée à cet effet au plus tard le 30 septembre 2019. Il est ici précisé que les frais de géomètre, de syndic, de rédaction des actes et des divers conseils resteront à la charge du promettant pour un montant limité de 15.000 € hors taxes, le bénéficiaire déclarant vouloir prendre à sa charge l'éventuel surplus.

Les sommes seront remboursées par le promettant au bénéficiaire lors de la régularisation des présentes.

En cas de difficulté et de non-obtention de ladite autorisation avant la date prévue pour la régularisation de l'acte authentique, les parties conviennent d'ores et déjà de séquestrer, sur le prix de vente, une somme de 240.000 €.

En cas d'obtention de l'accord de la copropriété pour la scission ou la jouissance privative des parties communes de l'hôtel dans un délai de 24 mois à compter de la vente, la

somme séquestrée sera remise au promettant et lui restera acquise.

II en sera de même si le bénéficiaire n'est pas en mesure de justifier dans le même délai des démarches effectuées en vue de l'obtention de l'autorisation.

A l'issue de ce délai de 24 mois et en cas de refus de la copropriété, la somme séquestrée sera versée au bénéficiaire et lui restera acquise'.

Par courriels des 1er juillet 2019 et 18 juillet 2019 et courrier recommandé avec accusé de réception du 28 août 2019, le notaire des promettants a sollicité des bénéficiaires qu'ils justifient de la caution prévue à la promesse.

Par courriers recommandés du 9 décembre 2019, les époux [O] ont mis en demeure les consorts [R] [E] de leur payer le montant de l'indemnité d'immobilisation.

Par exploits d'huissier en date des 7 et 10 février 2020, les époux [O] ont fait assigner les consorts [R] [E], devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins essentielles qu'ils soient condamnés à leur payer l'indemnité d'immobilisation.

Les consorts [R] [E] ont conclu à l'annulation de la promesse unilatérale de vente et subsidiairement à sa caducité en raison de la non-réalisation de la condition suspensive de financement.

Par jugement du 9 février 2022, le tribunal judiciaire de Paris a statué ainsi :

- Rejette la demande de M. [T] [R] [E] et M. [N] [R] [E] tendant à prononcer la nullité de la promesse de vente du 4 juin 2019,

- Constate que la promesse de vente du 4 juin 2019 a expiré le 31 octobre 2019,

- Condamne M. [T] [R] [E] et M. [N] [R] [E] in solidum à payer à M. [C] [O] et Mme [U] [S] épouse [O] pris ensemble la somme de 278.500 € au titre de l'indemnité d'immobilisation, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation des 7 et 10 février 2020,

- Rejette la demande de M. [C] [O] et Mme [U] [S] épouse [O] en paiement de la somme de 20.000 € de dommages et intérêts,

- Rejette la demande de M. [T] [R] [E] et M. [N] [R] [E] en paiement de la somme de 13.925 € de dommages et intérêts,

- Condamne M. [T] [R] [E] et M. [N] [R] [E] in solidum aux dépens,

- Condamne M. [T] [R] [E] et M. [N] [R] [E] in solidum à payer à M. [C] [O] et Mme [U] [S] épouse [O] pris ensemble la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rappelle que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire,

- Rejette le surplus des demandes.

M. [T] [R] [E] et M. [N] [R] [E] ont relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 15 mars 2022.

[U] [S] épouse [O] est décédée le 16 janvier 2022.

La procédure devant la cour a été clôturée le 25 avril 2024.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions communiquées par la voie électronique le 29 octobre 2022 par lesquelles M. [T] [R] [E] et M. [N] [R] [E], appelants, invitent la cour à :

Vu les articles 1130, 1132, 1133, 1137, 1304 et 1304-6 du Code Civil,

Vu l'article L.145-46-1 du Code de Commerce,

- INFIRMER le jugement rendu le 9 février 2022 par le Tribunal Judiciaire de Paris en

ce qu'il a :

' Rejeté la demande de M. [T] [R] [E] et de M. [N] [R] [E] tendant au prononcé de la nullité de la promesse de vente du 4 juin 2019 ; ' Constaté que la promesse de vente du 4 juin 2019 a expiré le 31 octobre 2019 ;

' Condamné M. [T] [R] [E] et M. [N] [R] [E] in solidum à payer à M. [C] [O] et Mme [U] [S] épouse [O] pris ensemble la somme de 278.500,00 € au titre de l'indemnité d'immobilisation avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation des 7 et 10 février 2020 ;

' Rejeté la demande de M. [T] [R] [E] et de M. [N] [R] [E] en paiement de dommages et intérêts ;

' Condamné M. [T] [R] [E] et M. [N] [R] [E] in solidum aux dépens ;

' Condamné M. [T] [R] [E] et M. [N] [R] [E] in solidum à payer à M. [C] [O] et Mme [U] [S] épouse [O] pris ensemble la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

' Débouté les consorts [R] [E] de leur demande de ce chef.

Statuant à nouveau,

- ANNULER la promesse unilatérale de vente conclue le 4 juin 2019 entre les époux

[O] et les consorts [R] [E].

- Subsidiairement, CONSTATER la caducité de la promesse unilatérale de vente en

raison de la non-réalisation de la condition suspensive de financement.

- CONSTATER la caducité de la promesse unilatérale de vente en raison du non-respect

du droit de préemption du locataire commerçant.

Par conséquent, en toute hypothèse,

- DÉBOUTER M. [C] [O] tant à titre personnel qu'en qualité d'ayant droit de Mme [U] [S] épouse [O] de l'ensemble de ses demandes ;

- CONFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté les époux [O] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- CONDAMNER M. [C] [O] à payer aux consorts [R] [E] la somme de 27.850,00 € à titre de dommages et intérêts ;

- CONDAMNER M. [C] [O] à payer aux consorts [R] [E] la somme de 12.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- CONDAMNER M. [C] [O] aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés par Maître Nathalie JAUFFRET, Avocat au Barreau de Paris, selon les dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;

Vu les conclusions communiquées par la voie électronique le 3 août 2022 par lesquelles M. [C] [O], à titre personnel et en qualité d'ayant droit de [U] [O], intimé, invite la cour à :

Vu les articles 1103 et suivant du Code Civil,

Vu la promesse de vente consentie par les époux [O],

- Débouter M. [N] [R] [E] et M. [T] [R] [E] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- Confirmer le Jugement dont appel en ce qu'il a rejeté la demande de M. [N] [R] [E] et M. [T] [R] [E] tendant à prononcer la nullité de la promesse de vente du 4 juin 2019 et constaté que la promesse a expiré le 31 octobre 2019 les condamnant à payer l'indemnité d'immobilisation aux demandeurs avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation des 7 et 10 février 2020,

Statuant de nouveau et formant appel incident,

- Condamner in solidum M. [N] [R] [E] et M. [T] [R] [E] à payer à M. [C] [O] la somme de 278.500 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation au titre de l'indemnité d'immobilisation due en exécution de la promesse ;

- Condamner in solidum M. [N] [R] [E] et M. [T] [R] [E] à payer à M. [C] [O] une indemnité de 10.000 € à titre de dommages intérêts pour préjudice moral ;

- Condamner in solidum M. [N] [R] [E] et M. [T] [R] [E] à payer à M. [C] [O] une indemnité de 5.000 € titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

SUR CE,

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;

En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;

Sur la qualité d'ayant droit et l'intervention volontaire:

Aux termes de l'article 66 du Code de procédure civile, constitue une intervention la demande dont l'objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires. Lorsque la demande émane d'un tiers, l'intervention est volontaire; l'intervention est forcée lorsque le tiers est mis en cause par une partie ;

Par conclusions en date du 3 août 2022, M. [C] [O] intervient à titre personnel et en qualité d'ayant droit de son épouse [U] [O] décédée ;

L'acte notarié de notoriété et de dévolution successorale du 27 avril 2022 précise que [U] [S] épouse [O] a laissé pour recueillir sa succession son époux survivant M. [C] [O] et deux enfants communs [P] et [W] [O], que le couple était marié sous le régime de la communauté universelle et que M. [C] [O], en qualité d'époux commun en bien, bénéficiaire de ses droits légaux de [U] [O], est attributaire de la communauté universelle ;

Il est constant que l'acte d'intervention volontaire peut être formé par voie de simples conclusions ;

Dès lors, il y a lieu de constater que M. [C] [O], intervient à titre personnel et en qualité d'ayant droit de son épouse décédée, [U] [S] épouse [O], et de déclarer recevable l'intervention volontaire de M. [C] [O], pris en sa qualité d'ayant droit de [U] [S] épouse [O] décédée ;

Sur la demande de nullité de la promesse de vente

Les consorts [R] [E] sollicitent de prononcer la nullité de la promesse de vente ; ils maintiennent les fondements sur l'erreur et la réticence dolosive invoqués en première instance et ajoute un nouveau moyen, le non respect du droit de préemption du locataire commerçant ;

Sur l'erreur et la réticence dolosive

En l'espèce, le premier juge a exactement relevé les élément suivants :

- Concernant la motivation des consorts [R] [E] :

'Au soutien de leur demande tendant à prononcer la nullité de la promesse de vente les consorts [R] [E] font valoir que leur consentement a été vicié par une erreur manifeste sur l'objet de la vente et par la réticence et les manoeuvres dolosives des époux [O].

lls exposent qu'en raison de la dissimulation des vendeurs, ils pensaient avoir acquis un ensemble immobilier indépendant, à l'exception des lots n°208 et 209, alors que ces lots correspondant à l'hôtel dépendent en réalité de la copropriété, ce dont il résulte que les parties utilisées exclusivement par l'hôtel pour la desserte des chambres et des différents locaux de service constituent des parties communes.

lls soutiennent principalement que :

- La clause particulière stipulée à l'acte laisse penser que la vente inclut ces parties communes annexées, utilisées comme parties privatives depuis plus de trente ans, cette clause devant être comprise comme permettant de revendiquer la proprieté sur ces parties par usucapion, l'action enjustice devant être exercée par le bénéficiaire ;

- Les vendeurs ont faussement déclaré à l'acte qu'aucune action en justice ou litige n'était en cours et qu'aucune modification de la destination du bien n'était intervenue alors qu'il leur a été révélé lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 17 juin 2019 qu'il existait un litige entre les époux [O] et la copropriété et que l'avocat de la copropriété avait déjà adressé à l'administrateur des biens des époux [O] un courrier indiquant qu'il entendait agir en justice ;

- La copropriété a contesté dès 2016 l'usage privatif des parties communes par les époux [O], contrairement à ce qui est soutenu dans la clause particulière ;

- L'avenant du 31 janvier 2012 au contrat de bail commercial consenti par les époux [O] à la SARL Hôtel Nicolo ne pas fait état, d'une copropriété mais seulement d'une 'maison à usage d'hôtel' ;

- L'attitude des époux [O] qui ont délivré des informations fausses et contradictoires est constitutive d'une réticence dolosive ;

- Ils ont finalement été contraints d'acquérir un nouveau lot constitué des anciennes parties communes qui a été créé à cette fin' ;

- Concernant la motivation des époux [O] :

'Les époux [O] répondent que les consorts [R] [E] ont été destinataires du règlement de copropriété, des procès-verbaux d'assemblée générale et des courriers échangés entre leur conseil et le conseil de la copropriété au sujet des parties communes, documents annexés à la promesse de vente, de sorte qu'ils étaient pleinement informés de la situation particulière de ces parties, qui a justifié que soit stipulée à la promesse une clause particulière afin d'éviter toute confusion. Ils estiment que cette clause est claire et précise et qu'il en ressort que les vendeurs ont annexé des parties communes, qui sont exclues de la vente, et pour lesquelles le syndic a réclamé un rappel de charges. Les consorts [R] [E] avaient parfaitement compris la situation, ce qui explique qu'ils aient demandé qu'une somme de 240.000 € soit séquestrée pour couvrir les conséquences de la clause, notamment en cas d'échec de la demande de scission ou d'attribution des parties communes' ;

Et le premier juge a justement estimé que :

'Aux termes de l'article 1132 du code civil, l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.

Aux termes de l'article 1137 du même code, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres ou mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère determinant pour l'autre partie.

Il appartient aux consorts [R] [E], qui se prévalent de leur erreur et du dol des époux [O] pour demander l'annulation de la promesse de vente du 4 juin 2019, de rapporter la preuve de cette erreur sur la nature juridique des parties litigieuses et des manoeuvres ou de la réticence dolosive des promettants.

En l'espèce, les parties ont stipulé une clause particulière à la promesse de vente du 4 juin 2019, qui visait justement à préciser et clarifier la situation particulière des parties communes et des relations entre l'hôtel et la copropriété. Il ressort de facon univoque de cette clause particulièrement détaillée que l'hôtel est soumis au régime de la copropriété, que les parties communes ont été annexées par les époux [O] qui en font un usage privatif mais qu'elles ne sont pas incluses dans la vente.

Les consorts [R] [E] n'ont par conséquent pas pu se méprendre sur la nature juridique de ces parties qui était clairement exposée dans l'acte et n'ont pas sérieusement pu penser que ces parties communes étaient comprises dans la vente, ce d'autant plus qu'il était expressément stipulé que les acquéreurs devaient effectuer des démarches en direction de la copropriété en vue de la scission de l'immeuble pour que l'hôtel devienne autonome ou à défaut, pour obtenir la jouissance exclusive des parties communes situées dans les locaux de 1'hôtel. La clause règle précisément la prise en charge des frais pour ces démarches et prévoit, en cas d'échec c'est à dire en cas de refus de la copropriété, que la somme séquestrée de 240.000 € sera versée au bénéficiaire, ce dont il résulte que les bénéficiaires acquerront alors à un prix moindre dans cette hypothèse.

Si la clause indique effectivement que l'annexion des parties communes par les vendeurs n'a fait l'objet d'aucune contestation depuis plus de trente années, elle précise toutefois bien qu'un accord de la copropriété sera nécessaire pour permettre la jouissance privative de ces parties mais également que le syndic a réclamé un arriéré des charges pour les cinq années antérieures et que le bénéficiaire fera son affaire du paiement des charges pour la période postérieure à son acquisition.

Les acquéreurs étaient donc informés de l'existence d'un litige entre la copropriété et les vendeurs portant sur le paiement des charges de copropriété, ce d'autant plus que la clause particulière mentionne que les courriers échangés entre les conseils des époux [O] et de la copropriété à ce sujet sont annexés à l'acte. Ces courriers annexés sont les courriers produits par les défendeurs, datés de mars 2019 et qui retracent l'historique de ce litige et font état notamment des appels de charges qui ont été effectués en 2016 puis annulés.

Il en résulte que les époux [O] n'ont pas caché l'existence d'un litige et que les consorts [R] [E] en étaient informés et avaient été mis en mesure d'en évaluer les risques, ce d'autant plus qu'un des acquéreurs exerce la profession de notaire, ce qui le qualifiait particulièrement pour mesurer les conséquences juridiques de la situation décrite de facon précise dans l'acte.

Les consorts [R] [E] ne démontrent pas que les époux [O] ont menti ou dissimulé des informations ni que la clause particulière, dont les termes sont clairs et précis et plus généralement la rédaction de la promesse de vente étaient de nature à faire naître dans leur esprit une erreur sur la nature des locaux desservant l'hôtel, une telle erreur étant le cas échéant inexcusable compte tenu de la rédaction de ladite clause et de la qualité de notaire de l'un d'entre eux' ;

Il y a lieu d'ajouter au jugement qu'en appel, les consorts [R] [E] reprennent les mêmes arguments que ceux invoqués en première instance rappelés ci-avant, et que les deux arguments qu'ils ajoutent, l'un relatif à ce qu'ils considèrent être des contradictions sur la motivation de M. [O] dans ses conclusions de première instance et le second concernant le fait que postérieurement au jugement, les époux [O] ont vendu le bien à leur locataire et que le règlement de copropriété a été modifié en créant un nouveau lot constitué des parties communes de l'hôtel, ne remet pas en cause l'analyse du premier juge sur le moyen de l'erreur et sur le moyen du dol ;

Le moyen de l'erreur et le moyen du dol sont donc rejetés ;

Sur le non respect du droit de préemption du locataire commerçant

Les consorts [R] [E] estiment que la vente, conclue en fraude du droit de préemption prévu par l'article L145-46-1 du code de commerce au bénéfice du locataire de l'hôtel, est nulle ;

M. [O] oppose, concernant l'application du texte susvisé que la vente ne portait pas uniquement sur les lots constituant l'hôtel mais sur tous les biens, et précise qu'en tout état de cause, le locataire n'envisageait pas à la date de la promesse l'acquisition des murs du fonds et que s'il a par la suite modifié sa position, c'est postérieurement, suite à l'échec de la vente aux appelants et à la révision de leurs prétentions financières ;

Aux termes de l'article L145-46-1 du code de commerce, dans sa version applicable à la date de la promesse du 4 juin 2019, 'Lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire ...

Les dispositions des quatre premiers alinéas du présent article sont reproduites, à peine de nullité, dans chaque notification.

Le présent article n'est pas applicable en cas de cession unique de plusieurs locaux d'un ensemble commercial, de cession unique de locaux commerciaux distincts ou de cession d'un local commercial au copropriétaire d'un ensemble commercial. Il n'est pas non plus applicable à la cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux ou à la cession d'un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint' ;

Aux termes de l'article 1181 du code civil, 'La nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger ...' ;

En l'espèce, la nullité de la vente effectuée en fraude du droit de préemption du locataire commercial est une nullité relative qui au sens de l'article 1181 du code civil ne peut être demandée que par le seul locataire commercial et non le tiers acquéreur ;

Ce moyen est donc rejeté ;

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [T] [R] [E] et M. [N] [R] [E] tendant à prononcer la nullité de la promesse de vente du 4 juin 2019 ;

Sur Ia caducité de la promesse

Aux termes de 1'article 1103 du code civil, 'Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits' ;

En l'espèce, le premier juge a justement retenu que 'I1 résulte des termes de la promesse de vente du 4 juin 2019 qu'elle était consentie jusqu'au 31 octobre 2019, sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt au plus tard le 30 septembre 2019.

Contrairement à ce que soutiennent les consorts [R] [E], cette condition suspensive n'est pas stipulée sous peine de caducité de la promesse de vente. I1 n'y a donc pas lieu de constater la caducité de la promesse comme ils le demandent.

I1 est en revanche constant que les bénéficiaires n'ont pas levé l'option avant le 31 octobre 2019" ;

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de constater la caducité de la promesse et en ce qu'il a constaté que la promesse de vente du 4 juin 2019 a expiré le 31 octobre 2019 ;

Sur l'indemnité d'immobilisation

Aux termes de l'article 1103 du code civil, 'Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits' ;

Aux termes de l'article 1304-3 du code civil, 'La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement' ;

En l'espèce, la promesse de vente du 4 juin 2019 est consentie sous la condition suspensive de l'obtention d'une ou plusieurs offres définitives de prêt d'un montant maximum de la somme empruntée de 2.785.000 €, sur une durée de remboursement de 15 ans, au taux nominal d'intérêt maximum de 2% l'an (hors assurances), ce prêt devant être garanti par une sûreté réelle ou le cautionnement d'un établissement financier ; elle précise que le bénéficiaire devra justifier au promettant de l'obtention d'une ou plusieurs offres définitives de prêts ;

La promesse stipule que l'indemnité d'immobilisation, fixée à la somme forfaitaire de 278.500 €, 'sera versée au promettant et lui restera acquise à titre d'indemnité forfaitaire et non réductible faute par le bénéficiaire ou ses substitués d'avoir réalisé l'acquisition dans les délais ci-dessus, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées' ;

Le premier juge a à juste titre retenu que 'Les consorts [R] [E] produisent

uniquement le courriel de M. [J], directeur de clientèle de la Caisse d'Epargne, en date du 16 juillet 2019 qui leur fait part des difficultés à prévoir pour la validation de leur demande de financement par la direction des engagements et le comité de crédit.

Ils ne produisent aucune pièce permettant de démontrer qu'ils ont effectivement adressé à cet établissement bancaire ou tout autre établissement une demande de prêt conforme aux caractéristiques financières prévues à la promesse et rappelées ci-dessus' ;

Il y a lieu d'ajouter au jugement qu'en appel, les consorts [R] [E] écrivent dans leurs conclusions avoir 'sollicité le prêt prévu au contrat' auprès de la Caisse d'Epargne mais ne produisent aucune pièce supplémentaire justifiant qu'ils ont déposé une telle demande de prêt conforme aux conditions de la promesse susvisées ;

Il convient donc en application de l'article 1304-3 du code civil, rappelé dans le paragraphe de la promesse relative à la condition suspensive d'obtention de prêt, de considérer que la condition suspensive est réputée réalisée ;

Ainsi, en application des stipulations de la clause relative à l'indemnité d'immobilisation précitée, le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné M. [T] [R] [E] et M. [N] [R] [E] in solidum à payer à M. [C] [O] et Mme [U] [S] épouse [O] pris ensemble la somme de 278.500 € au titre de l'indemnité d'immobilisation, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation des 7 et 10 février 2020 ;

Sur la demande de dommages et intérêts formée par les époux [O]

M. [O] sollicite, en son nom et pour le compte de son épouse décédée, la somme de 10.000 € au titre du préjudice moral subi en conséquence des allégations mensongères des consorts [R] [E] au cours de la procédure ;

Aux termes de l'article 1240 du code civil, 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer' ;

Pour que la responsabilité délictuelle d'une personne soit établie, doivent être caractérisés une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice ;

En l'espèce, M. [O] ne rapporte pas la preuve d'une faute des consorts [R] [E] au cours de la procédure ni du préjudice allégué ;

Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté les époux [O] de leur demande de dommages et intérêts ;

Sur la demande de dommages et intérêts formée par les consorts [R] [E]

Les consorts [R] [E] soutiennent avoir dû abandonner un investissement avantageux qu'ils pensaient pouvoir réaliser, et estiment que les époux [O] en sont responsables par leur mauvaise foi, en leur cachant la réalité juridique du bien objet de la promesse litigieuse ;

En l'espèce, le premier juge a exactement estimé que 'Ainsi qu'il a été jugé ci-dessus, les consorts [R] [E] ne démontrent pas que leur consentement a été vicié par une erreur sur la nature juridique du bien. lls étaient informés de la réalité de la situation juridique du bien et en particulier du litige en cours avec la copropriété, relatif aux parties communes. C'est en connaissance de cause qu'ils ont conclu la promesse de vente' ;

Les consorts [R] [E], succombant en l'instance, et ne démontrant pas l'existence d'une faute des époux [O], le jugement est confirmé en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts ;

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les consorts [R] [E], partie perdante, doivent être condamnés in solidum aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à M. [O], à titre personnel et en qualité d'ayant droit de [U] [O] décédée, la somme supplémentaire de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par les appelants ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Déclare recevable l'intervention volontaire de M. [C] [O], pris en sa qualité d'ayant droit de [U] [S] épouse [O] décédée ;

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [T] [R] [E] et M. [N] [R] [E] aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à M. [C] [O], à titre personnel et en qualité d'ayant droit de [U] [S] épouse [O] décédée, la somme supplémentaire de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Rejette la demande des appelants au titre de l'article 700 du code de procédure civile.