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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 15 octobre 2024, n° 23/03645

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Symetry Construction (SARL)

Défendeur :

Service des Impôts des Entreprises (SIE)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Salmeron

Conseillers :

Mme Martin de la Moutte, Mme Norguet

Avocats :

Me Carles, Me Jourdain, Me Simonin, Me Benoit-Palaysi

T. com. Toulouse, du 5 oct. 2023, n° 202…

5 octobre 2023

Exposé des faits et procédure

La société Symetry Construction ayant pour dirigeant M.[E] [T] a été créée le 16 octobre 2013. Ses titres sont intégralement détenus par la société holding Symetry Développement ayant pour dirigeant et associé majoritaire, Monsieur [E] [T].

Cette société a pour activité la promotion immobilière, les activités d'acquisitions, de ventes en totalité ou par fractions de tous biens immobiliers, de marchands de biens, de lotisseur, de maîtrise d''uvre, de constructions, de rénovations et de toutes prestations de services en immobilier, la mise en copropriété de tous biens immobiliers ainsi que la création et la subdivision de lots, l'obtention de tout prêt, cautions diverses, ouverture de crédits et facilité de caisse avec ou sans garanties hypothécaires pour le financement de l'activité, l'achat, la vente, la prise à bail, la location, la gérance, la participation directe ou indirecte par tous moyens ou sous quelque forme que ce soit, à toutes entreprises et à toutes sociétés créées ou à créer, ayant le même objet ou un objet similaire.

Par exploit en date du 20 juillet 2023, le comptable du service des impôts des entreprises, faisant valoir une créance au titre de la TVA, de l'IS et de la CFE a fait assigner la société Symetry Consruction devant le tribunal de commerce afin de voir prononcer sa liquidation judiciaire ou subsidiairement son redressement judiciaire.

Par jugement réputé contradictoire du 5 octobre 2023, le tribunal de commerce de Toulouse a :

- Constaté l'état de cessation des paiements de la Sarl Symetry Construction,

- Ordonné l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ;

- Fixé au 24 mars 2023 la date de cessation des paiements ;

- Désigné en qualité de juge-commissaire Monsieur [V] [O], de juge-commissaire suppléant, Monsieur [D] [C], de Liquidateur la Selarl [F] et associés,

- Invité le comité d'entreprise, les délégués du personnel, ou à défaut, les salariés à désigner un représentant parmi les salariés de l'entreprise conformément à l'article L. 641-1 du code de commerce et à en communiquer sans délai les nom et adresse au greffe de ce tribunal ;

- Désigné la Selarl Arnauné-Prim, [Adresse 4], conformément aux articles L. 641-4 et R. 641-14 du code de commerce, aux fins de procéder contradictoirement à un inventaire et de réaliser une prisée des actifs du débiteur ainsi que des garanties qui les grèvent ;

- Dit qu'elle déposera au greffe, dans un délai de 15 jours, l'inventaire et communiquera copie de celui-ci au débiteur et au liquidateur;

- Dit que les frais d'inventaire bénéficieront du privilège des frais de justice;

- Dit que, s'il y a lieu, le liquidateur déposera au greffe la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente, dans le délai de 12 mois qui suit l'insertion au Bodacc du présent jugement,

- Dit que, conformément à l'article L. 643-9 du code de commerce, la clôture de la procédure de liquidation judiciaire devra être examinée par ce tribunal au terme du délai de 2 ans ;

- Dit que la publicité du présent jugement sera effectuée sans délai nonobstant toute voie de recours ;

- Dit que les dépens seront passés par frais privilégiés.

Par déclaration en date du 23 octobre 2023, la Sarl Symetry Construction a relevé appel de ce jugement.

La clôture est intervenue le 29 avril 2024.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions notifiées le 22 avril 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la société Symetry Construction demandant au visa des articles L.661-1, L. 631-8, L. 640-1 et L. 641-1 du code de commerce de :

- Rejeter la demande présentée par le comptable du SIE de [Localité 5] Cité tendant à la voir déclarer irrecevable en son appel pour défaut d'intérêt à agir ;

Ce faisant,

- la déclarer recevable en son appel ;

Sur l'appel incident de la Selarl [F] & associés et sur la demande du comptable du SIE tendant à ce qu'il lui soit donné acte qu'il s'y associe :

- A titre principal, constatant que l'infirmation du jugement n'est pas demandée dans le dispositif des conclusions de la Selarl [F] & associés, Dire que la Cour n'est pas valablement saisie dudit appel incident et en prononcer en tant que de besoin l'irrecevabilité ;

- Dire que la demande du comptable du SIE tendant à ce que la Cour prenne acte de ce qu'il s'associe aux demandes de la Selarl [F] & associés n'est pas une demande qui saisit valablement la Cour ;

- Constater que la cour n'est saisie d'aucune prétention et débouter le SIE de ce chef,

- Subsidiairement, débouter la Selarl [F] & associés, de ses demandes tendant à reporter à titre principal la date de cessation des paiements au 31 décembre 2022 ;

Sur l'appel principal :

- Infirmer le jugement entrepris en date du 05 octobre 2023, en ce qu'il a fixé au 24 mars 2023 la date de cessation des paiements ;

Constatant d'une part qu'elle détenait à la date du 24 mars 2023 un actif disponible immédiatement réalisable, qu'elle n'a pas généré de passif depuis le mois de mars 2023 et d'autre part, que la société Symetry Développement détenant l'intégralité des parts de la société Symetry Construction était en situation de payer la créance due à la société Symetry Construction, lequel paiement n'a pu être opéré faute d'avoir été informée des saisies pratiquées,

Fixer au 12 septembre 2023 la date de cessation des paiements de la société Symetry Construction ;

En tout état de cause,

- Débouter Monsieur le comptable public près le comptable du SIE, le liquidateur et le Ministère public de l'intégralité de leurs demandes, fins, moyens et conclusions plus amples ou contraires ;

- Dire que les dépens seront qualifiés de frais privilégiés de procédure

Vu les conclusions notifiées le 26 janvier 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, du comptable du service des impôts des entreprises ( SIE) de [Localité 5] Cité demandant au visa des articles L 631-8 et suivants du Code de commerce de:

- Rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et infondées

- Débouter la société Symetry Construction de l'ensemble de ses demandes et ainsi,

A titre principal :

- Déclarer l'appel de la Sarl Symetry Construction irrecevable pour défaut d'intérêt à agir,

A titre subsidiaire :

- Donner acte à la concluante qu'elle s'associe aux demandes du liquidateur visant à fixer la date de cessation des paiements au 31/12/2022.

A titre infiniment subsidiaire :

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Toulouse en date du 5 octobre 2023 dont appel

En tout état de cause

- Dire que les dépens seront qualifiés de frais privilégiés de la procédure.

Vu les conclusions notifiées le 27 décembre 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Selarl [F] et associés en sa qualité de liquidateur de la société Symetry Construction demandant à la cour de :

- Débouter la société Symetry Construction de toutes ses demandes fins et prétentions,

A titre principal,

Déclarer recevable son appel incident,

A titre subsidiaire,

Confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions et fixer au 24 mars 2023 la date de cessation des paiements de la Société Symetry Construction,

En tout état de cause,

Condamner la Société Symetry Construction à payer à la Selarl [F] et associés, mandataire Judiciaire de Symetry Construction une indemnité au titre des frais irrépétibles, conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, qui sera arbitrée à hauteur de la somme de 5.000,00 €, ladite somme étant passée en frais privilégiés de la procédure collective de Symetry Construction outre les entiers dépens d'appel;

Le ministère public a, par avis communiqué aux parties par le RPVA le 21 mars 2024 sollicité la confirmation de la décision entreprise.

Motifs

- Sur la recevabilité de l'appel

Le comptable du SIE soutient que, limité à la fixation de la date de cessation des paiements, l'appel est irrecevable puisque la société appelante ne justifie d'aucun intérêt né et actuel à voir la décision dont appel infirmée sur ce point.

Le débiteur qui a qualité pour relever appel du jugement d'ouverture, doit justifier, en outre, de son intérêt à agir en démontrant que ses droits et obligations sont affectés par la décision critiquée.

La fixation de la date de cessation des paiements détermine l'étendue de la période suspecte, laquelle permet l'annulation, obligatoire ou facultative, de certains actes conclus au cours de cette période.

Le débiteur a donc intérêt à faire valoir sa position sur ce point et l'article L 631- 8 du code de commerce prévoit d'ailleurs que 'Le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur.'

L'appel de la société Symetry Construction est donc recevable.

- Sur la saisine de la cour

La cour n'est saisie par l'appel de la société Symetry Construction que de la disposition du jugement déféré ayant fixé la date de cessation des paiements au 24 mars 2023.

Elle est également saisie par le mandataire d'une demande, qualifiée d'appel incident, tendant à voir reporter la date de cessation des paiements au 31 décembre 2022.

Néanmoins, le liquidateur n'a pas sollicité l'infirmation de la disposition du jugement ayant fixé la date de cessation des paiements au 24 mars 2023. Or, en application des articles 542 et 954 du code de procédure civile, la partie appelante doit demander, dans le dispositif de ses conclusions, l'infirmation ou l'annulation du jugement dont appel. L'appel incident n'est pas différent de l'appel principal par sa nature ou son objet, de sorte que les conclusions de l'appelant incident comme celles de l'appelant principal doivent déterminer l'objet du litige porté devant la cour d'appel et comporter en conséquence dans le dispositif une demande d'infirmation ou de réformation du jugement attaqué.

A défaut pour le liquidateur d'avoir sollicité l'infirmation de la disposition du jugement ayant fixé la date de cessation des paiements, la cour n'est saisie d'aucun appel incident de sa part.

- sur la date de cessation des paiements

La société Symetry Construction soutient qu'elle n'était pas en état de cessation des paiements le 24 mars 2023, date retenue par le tribunal et fait valoir d'une part que pour une raison indéterminée, elle n'a pas eu connaissance des courriers de l'administration fiscale relatifs à la créance invoquée par cette dernière et d'autre part, qu'ayant fait remonter la trésorerie dont elle disposait à la holding en exécution d'une convention de trésorerie, ses comptes bancaires se sont révélés insuffisamment créditeurs pour permettre le réglement des saisies pratiquées par le SIE, mais qu'elle disposait néanmoins à cette date de la possibilité de mobiliser la créance de trésorerie détenue sur la holding, ce qu'elle aurait fait si elle avait eu connaissance des poursuites de l'administration.

L'administration fiscale fait valoir que les causes des saisies attributions pratiquées le 24 mars 2023 sont demeurées impayées et que la convention de trésorerie invoquée par la débitrice ne constitue pas un actif disponible au sens des dispositions de l'article L 631-1 du code de commerce.

Le liquidateur fait valoir que la société Symetry Developpement a soutenu fautivement sa fille à compter de l'année 2022, en dehors du cadre de la convention de trésorerie.

La cour constate que la créance de l'administration fiscale à concurrence de la somme de 28 219, 68 € résulte de 8 avis de recouvrement et d'un avis de CFE au titre de l'année 2021, avec les 10 mises en demeure adressées à la débitrice à l'adresse du siège social, qu'elle s'analyse comme une créance certaine et exigible le 24 mars 2023, date à laquelle l'administration a pratiqué des saisies attributions sur les comptes bancaires de la société Symetry qui n'ont pas permis le réglement des sommes dues.

La société Symetry qui a signé l'avis de réception du courrier recommandé de mise en recouvrement du 9 septembre 2021 et ceux des mises en demeures adressées le 16 décembre 2021 n'explique pas pour quelle raison elle 'n'en a pas eu connaissance '.

L'état de cessation des paiements de la société débitrice doit être caractérisé objectivement et de manière autonome, sans prendre en considération les capacités financières de la société mère. Néanmoins, pour apprécier l'actif disponible, il convient de prendre en compte les réserves de trésorerie dont dispose la société débitrice en raison d'une convention de trésorerie, lorsque par l'effet de cette convention, la débitrice dispose sur l'une des sociétés du groupe d'une créance qu'elle peut mobiliser sans délai.

En l'espèce, par l'article 2 d'une convention de trésorerie en date du 1er avril 2015 liant la société holding à ses filiales, parmi lesquelles la société Promotion et Elegance devenue Symetry Construction, cette dernière a donné mandat à ' la société mère de collecter, dans l'intérêt commun des ressources financières tant à l'intérieur du groupe que sur le marché monétaire, de centraliser leurs disponibilités financières en vue d'octroyer des avances aux membres du groupe dont la trésorerie aurait besoin d'être soutenue '.

En revanche, il ne résulte pas de cette convention une quelconque obligation pour la société holding de mettre à la disposition de sa filiale les fonds qui auraient permis à cette dernière de faire face à sa dette à l'égard de l'administration fiscale, et le liquidateur constate d'ailleurs à juste titre que cette mise à disposition n'est intervenue ni le 24 mars 2023, ni à une date postérieure alors même que la procédure collective n'a été ouverte que le 5 octobre 2023, soit plus de 6 mois plus tard.

Rien ne démontre non plus que la société mère qui a apporté à sa fille un soutien à concurrence de 1 768, 71 euros en 2022 était toujours en situation, le 24 mars 2023, de mettre à disposition de la société Symetry Construction les fonds nécessaires au règlement de la dette fiscale.

A ce titre, la cour constate que le solde du compte bancaire de la holding n'était créditeur que de 22 665, 90 euros le 31 mars 2023 alors que la créance du SIE s'élevait à 28 219, 68 € et c'est vainement que l'appelante fait valoir que le solde du compte était créditeur de plus de 70 000 euros quelques jours plus tôt dès lors que l'examen de ce compte démontre que la société mère n'était pas en situation de faire face à la fois à ses propres engagements et à ceux de sa filiale.

C'est donc de façon inopérante que la société Symetry soutient sur la base d'un extrait du grand livre qu'au 24 mars 2023, elle était créancière de sa société mère à concurrence de la somme de 40 435, 13 euros puisque cette créance, qui n'était pas immédiatement recouvrable, ne constituait pas un actif disponible lui permettant de faire face à son passif exigible.

Il n'est pas davantage opérant de la part de la société Symetry d'invoquer une attestation de son expert comptable, lequel 'estime', sans démonstration, eu égard à la convention de trésorerie et sur la base d'éléments comptables qui ne sont pas précisés, que la cessation des paiements est intervenue le 12 septembre 2023.

Le jugement qui après avoir relevé que la société Symetry Construction se trouvait dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible à la date des saisies infructueuses, a fixé au 24 mars 2023, la date de la cessation des paiements, sera en conséquence confirmé.

Les dépens de l'instance d'appel sont à la charge de la procédure collective.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande formée par le liquidateur au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

Déclare l'appel recevable,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement déféré,

Dit que les dépens d'appel sont à la charge de la procédure collective,

Déboute le liquidateur de sa demande formée au visa de l'article 700 du code de procédure civile.