Décisions
CA Caen, 1re ch. civ., 15 octobre 2024, n° 23/01150
CAEN
Arrêt
Autre
AFFAIRE : N° RG 23/01150 -
N° Portalis DBVC-V-B7H-HGTB
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : Décision du Président du TJ de LISIEUX CEDEX du 20 Avril 2023 - RG n° 23/00049
COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2024
APPELANTES :
L'E.A.R.L. CLVP exploitant sous l'enseigne CENTRE EQUESTRE [Localité 11]
[Adresse 3]
[Localité 11]
prise en la personne de son représentant légal
S.A.S. GENERALI#SPORTS S.A.S,
N° SIRET : B 751 099 078
[Adresse 5]
[Localité 4]
prise en la personne de son représentant légal
représentées et assistées de Me Franck THILL, substitué par Me BEAUVERGER, avocats au barreau de CAEN
INTIMÉES :
Madame [W], [F] [X]
née le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 16] (Canada)
[Adresse 8]
[Localité 9]
représentée par Me Emmanuelle DUVAL, avocat au barreau de LISIEUX, assistée de Me Isabel CALCADA, avocat au barreau de MEAUX,
LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE & MARNE
[Adresse 6]
[Localité 10]
prise en la personne de son représentant légal
DÉBATS : A l'audience publique du 23 mai 2024, sans opposition du ou des avocats, M. GUIGUESSON, Président de chambre, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme FLEURY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. GUIGUESSON, Président de chambre,
Mme VELMANS, Conseillère,
Mme DELAUBIER, Conseillère,
ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 15 Octobre 2024, après prorogation du délibéré initialement fixé au 24 septembre 2024 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier
* * *
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Le 10 juillet 2022, Mme [X] s'est rendue au centre équestre de [Localité 11], situé au [Adresse 15], dans le cadre d'un séjour pour visiter la Normandie. Elle a réservé une balade à cheval au centre pour un montant de 30 euros. Alors qu'elle montait sur le cheval qui lui avait été attribué, Mme [X] est tombée car le cheval s'est cambré. Le moniteur du centre tenait les rênes du cheval mais n'est pas parvenu à empêcher la chute.
Mme [X] a été hospitalisée au CHU de [Localité 12] et elle a subi en urgence une intervention en chirurgie orthopédique à la polyclinique de [Localité 13].
Les conséquences de la chute intervenue ont été par la suite lourdes et douloureuses pour madame [X].
Le 17 juillet 2022, M. [X] époux de la victime a contacté le centre équestre afin de lui demander de se rapprocher de leur assurance dans le but d'être indemnisé A défaut de communication des informations sollicitées, Mme [X] a fait intervenir son propre assureur la MAF qui a adressé une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 août 2022 au Centre Equestre de [Localité 11]. Ce courrier est également resté sans réponse. Une relance a été effectuée le 5 septembre 2022 sans réponse.
A défaut d'accord amiable, Mme [X] a fait assigner le Centre Equestre de [Localité 11] et la CPAM de Seine et Marne pour obtenir la désignation d'un expert judiciaire et l'octroi d'une provision.
La société Generali Sport est intervenue volontairement en sa qualité d'assureur du Centre Equestre mis en cause.
Par ordonnance du 20 avril 2023 à laquelle il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le juge des référés près le tribunal judiciaire de Lisieux a :
- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Generali Sports, prise en la personne de ses représentants légaux ;
- sur le fond, renvoyé les parties à se pourvoir ;
- ordonné une expertise et désigné Mme [S], expert auprès de la cour d'appel de Caen, [Adresse 7], tel [XXXXXXXX01], mail : [Courriel 14], avec la mission détaillée dans le dispositif de la décision entreprise ;
- rappelé que les opérations d'expertise sont communes et opposables à la CPAM de Seine et Marne ;
- condamné le centre équestre de [Localité 11] solidairement avec son assureur, la société Generali Sports, à verser à Mme [X] une provision à hauteur de 4 000 euros à valoir sur son préjudice définitif ;
- condamné le centre équestre de [Localité 11] solidairement avec son assureur, la société Generali Sports, à verser à Mme [X] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- débouté le centre équestre de [Localité 11] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- laissé les dépens à la charge de Mme [X].
Par déclaration du 17 mai 2023, le Centre Equestre de [Localité 11] et la société General Sports ont formé appel de cette ordonnance.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 26 octobre 2023, le Centre Equestre de [Localité 11] et la société Generali#Sports demandent à la cour de :
- annuler, infirmer ou si mieux n'aime réformer l'ordonnance rendue le 20 avril 2023 en ce qu'elle :
* les a condamnés solidairement à verser à Mme [X] une provision à hauteur de 4 000 euros à valoir sur le préjudice définitif ;
* les a condamnés solidairement à verser à Mme [X] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* a débouté le Centre Equestre de [Localité 11] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
statuant à nouveau,
- débouter Mme [X] de la demande de provision formulée ;
- débouter Mme [X] de la demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter la CPAM de toutes fins et prétentions ;
en tout état de cause,
- condamner Mme [X] au versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de 1ère instance ;
- condamner Mme [X] au versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 4 décembre 2023, Mme [X] demande à la cour de :
- la recevoir dans ses demandes, fins et prétentions ;
- débouter le Centre Equestre de [Localité 11] et la société Generali#Sports de la demande tendant à infirmer sa condamnation à lui verser une provision à hauteur de 4 000 euros à valoir sur le préjudice définitif ;
- débouter le Centre Equestre de [Localité 11] et la société Generali#Sports de la demande tendant à infirmer la condamnation à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter le Centre Equestre de [Localité 11] et la société Generali#Sports de la demande visant à la condamner au versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que ses frais irrépétibles de première instance ;
- débouter le Centre Equestre de [Localité 11] et la société Generali#Sports de la demande visant à la condamner au versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irréptibles en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens ;
- confirmer les dispositions de l'ordonnance du 20 avril 2023 en ce qu'elle a condamné le Centre Equestre de [Localité 11] solidairement et la société Generali#Sports à lui verser une provision à hauteur de 4 000 euros à valoir sur son préjudice définitif ;
- confirmer les dispositions de l'ordonnance du 20 avril 2023 en ce qu'elle a condamné le Centre Equestre de [Localité 11] solidairement et la société Generali#Sports à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner le Centre Equestre de [Localité 11] solidairement avec la société Generali#Sports à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel ;
- condamner le Centre Equestre de [Localité 11] solidairement avec la société Generali#Sports aux entiers dépens, outre le coût de la facture de l'expert de 2 400 euros.
L'ordonnance de clôture de l'instruction a été prononcée le 17 avril 2024.
Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
La cour constate que la saisine de la cour se trouve limitée à la condamnation au paiement au profit de madame [X] de la somme de 4000€ accordée par le 1er juge à titre provisionnel à valoir sur la réparation de son préjudice corporel ainsi que le paiement par les appelants à son profit de la somme allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Sur la provision allouée :
Les appelants pour s'opposer au versement de la somme de 4000€ font état de l'article 835 du code de procédure civile qui exige l'existence d'une obligation non sérieusement contestable pour permettre le versement d'une provision ;
Que le juge des référés est le juge de l'évidence et qu'il ne saurait faire droit à la demande de provision de madame [X], car cette solution présage de la responsabilité et de l'issue du procès ;
Qu'il ne peut pas être fait état de la responsabilité de plein droit liée à la garde d'un animal, car il s'agit en l'espèce comme cela est invoqué par madame [X] elle-même d'une responsabilité contractuelle, qui repose sur une obligation de sécurité qui est une obligation de moyens, ce qui suppose la commission d'une faute ;
Sur ce point, le centre équestre mis en cause et son assureur expliquent qu'ils démontrent l'absence de toute faute imputable au centre dont s'agit ;
Que l'obligation à réparation et celle à garantie sont contestables et contestées comme cela est explosé de sorte qu'il ne saurait être fait droit à la demande de provision présentée et qui a été à tort accordée par le 1er juge ;
Madame [X] répond que l'allocation d'une provision répond à l'application de l'article 835 du code de procédure civile ;
Que la question posée est celle de déterminer la réalité d'une obligation non sérieusement contestable ;
Or en l'espèce elle soutient que le centre équestre dont s'agit avait une obligation de sécurité mais également celle relevant de l'article 1243 du code civil ;
Que sur ce fondement, le moniteur avait la garde de l'animal sur lequel la victime est montée et dont elle a chuté ;
Sur ce, il convient de rappeler ce qui à ce stade apparaît constant soit que le 10 juillet 2022 madame [X] s'est présentée au Centre Equestre en cause pour participer à une promenade destinée à des cavaliers adultes et débutants, la participation à cette promenade était payante;
Le moniteur encadrant la promenade a fourni à madame [X] un montoir afin de faciliter la mise en scelle et c'est à cette occasion que le cheval a eu un geste de défense qui a provoqué la chute de madame [X];
L'appréciation de l'allocation d'une provision à la suite de cet accident s'effectue effectivement selon les dispositions de l'article 835 du code de procédure civile qui exigent l'existence d'une obligation non sérieusement contestable et en l'espèce à la réparation des préjudices résultant de l'accident;
Or dans le cadre d'une leçon d'équitation ou d'une promenade encadrée par un enseignant, un moniteur le centre équestre est lié par un contrat d'enseignement verbal avec ses clients. Ce contrat d'enseignement
existe dès lors qu'il y a enseignement de l'équitation contre rémunération.
Dans ce cas la responsabilité du centre équestre susceptible d'être engagée en cas d'accident est donc de nature contractuelle et ne s'intègre pas dans le régime juridique de la garde de l'article 1243 du code civil, cela d'autant que le statut du moniteur en l'espèce n'est pas précisé car sa situation de salarié conduirait à la mise en jeu de la responsabilité du commettant du fait de son préposé;
La cour rappelle de surcroît que dans le cadre de ce contrat d'enseignement, le centre équestre est débiteur d'une obligation de sécurité à l'égard des cavaliers participant à la leçon ou à la promenade ;
Cette obligation de sécurité à l'égard des cavaliers est une obligation de moyens et non une obligation de résultat.
Cela signifie que la responsabilité du centre équestre ne sera engagée que si la victime rapporte la preuve du manquement du centre équestre à cette obligation de sécurité, sachant que le cavalier en tant que co-contractant, a pour obligation principale de régler le tarif de ses séances d'équitation et de respecter les consignes de l'enseignant, notamment celles relatives à l'utilisation des chevaux mis à disposition ;
Par ailleurs les chevaux étant des êtres vivants et ayant un comportement imprévisible, le centre équestre ne peut garantir à 100% l'absence de chute et de blessures du cavalier.
En conséquence en cas d'accident, il appartient au cavalier victime de démontrer que le centre équestre a commis une faute à l'origine de sa chute pour engager
la responsabilité de ce dernier et obtenir l'indemnisation de ses préjudices.
Le cavalier doit prouver que la faute du centre équestre est caractérisée par un manquement aux règles de prudence, de diligence et de vigilance dans l'animation de la séance d'équitation ou de la promenade.
Quand bien même l'équitation est un sport qui comporte une part de dangerosité qui à ce titre permet de retenir à la charge du club équestre une obligation de moyens renforcée, même si cette obligation doit s'apprécier au regard du niveau du pratiquant, qui conserve un rôle actif, il convient pour la victime de rapporter la preuve des manquements précités ;
Or en l'espèce ces manquements ne sont pas manifestement caractérisés et leur appréciation relève du juge du fond ;
Celle-ci ne peut pas être effectuée par le juge des référés ;
Dans ces conditions, la cour n'a pas à se prononcer sur la qualité de l'accueil et de l'encadrement des participants à la promenade en cause, sur le fait de savoir si les consignes de sécurité ont été suffisamment rappelées, et si le cheval choisi correspondait aux capacités de madame [X] puisque ces points sont contestés et débattus, quand madame [X] indique que les instructions données n'ont pas été suffisantes, que le cheval s'est cambré par la faute du moniteur ;
En effet ce débat car il y en a un entre les parties, relève du juge du fond et ne permet pas d'affirmer qu'il existe d'ores et déjà et à ce stade une obligation non sérieusement contestable à la charge du centre équestre dont s'agit pour verser une provision à valoir sur la réparation du préjudice corporel de madame [X], auquel il serait tenu comme responsable en ayant failli à son obligation de sécurité ;
Dans ces conditions il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise et de débouter madame [X] de sa demande de provision ;
Pour le restant et le surplus concernant l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, la cour confirmera l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a alloué à madame [X] une somme de 1500€ pour ses frais irrépétibles, écarté la demande présentée à ce titre par le centre équestre et son assureur, puisque madame [X] a été contrainte de recourir à justice pour obtenir une mesure d'instruction, les dépens ayant été justement laissés à la charge de madame [X] ;
En cause d'appel la cour compte tenu des circonstances de l'affaire, considère que l'équité permet d'écarter les demandes respectivement présentées par chacune des parties en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de dire n'y avoir lieu à application de celles-ci pour les frais irrépétibles ;
La cour pour le restant n'a pas à statuer sur les frais et honoraires de l'expert judiciaire pour la réalisation de ses opérations et de son rapport, la demande formée à ce titre à hauteur de 2400 € par madame [X] sera écartée, car ce poste est à régler avec le fond du litige et par la taxation du juge chargé du contrôle.
Les dépens de la présente instance d'appel seront mis à la charge de madame [X].
PAR CES MOTIFS.
La cour statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire en dernier ressort et par mise à disposition au greffe ;
Dans les strictes limites de la saisine de la cour, Confirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a :
- condamné solidairement le Centre Equestre de [Localité 11] avec son assureur la sasu Générali Sport à verser à Mme [X] une provision à hauteur de 4 000 euros à valoir sur le préjudice définitif ;
- L'infirme de ce chef et statuant à nouveau :
- Déboute madame [X] de sa demande de provision au motif de contestations sérieuses ;
- Déboute les parties à l'instance de leurs demandes respectivement formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dit n'y avoir lieu à appliquer l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne madame [X] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. COLLET G. GUIGUESSON
N° Portalis DBVC-V-B7H-HGTB
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : Décision du Président du TJ de LISIEUX CEDEX du 20 Avril 2023 - RG n° 23/00049
COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2024
APPELANTES :
L'E.A.R.L. CLVP exploitant sous l'enseigne CENTRE EQUESTRE [Localité 11]
[Adresse 3]
[Localité 11]
prise en la personne de son représentant légal
S.A.S. GENERALI#SPORTS S.A.S,
N° SIRET : B 751 099 078
[Adresse 5]
[Localité 4]
prise en la personne de son représentant légal
représentées et assistées de Me Franck THILL, substitué par Me BEAUVERGER, avocats au barreau de CAEN
INTIMÉES :
Madame [W], [F] [X]
née le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 16] (Canada)
[Adresse 8]
[Localité 9]
représentée par Me Emmanuelle DUVAL, avocat au barreau de LISIEUX, assistée de Me Isabel CALCADA, avocat au barreau de MEAUX,
LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE & MARNE
[Adresse 6]
[Localité 10]
prise en la personne de son représentant légal
DÉBATS : A l'audience publique du 23 mai 2024, sans opposition du ou des avocats, M. GUIGUESSON, Président de chambre, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme FLEURY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. GUIGUESSON, Président de chambre,
Mme VELMANS, Conseillère,
Mme DELAUBIER, Conseillère,
ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 15 Octobre 2024, après prorogation du délibéré initialement fixé au 24 septembre 2024 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier
* * *
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Le 10 juillet 2022, Mme [X] s'est rendue au centre équestre de [Localité 11], situé au [Adresse 15], dans le cadre d'un séjour pour visiter la Normandie. Elle a réservé une balade à cheval au centre pour un montant de 30 euros. Alors qu'elle montait sur le cheval qui lui avait été attribué, Mme [X] est tombée car le cheval s'est cambré. Le moniteur du centre tenait les rênes du cheval mais n'est pas parvenu à empêcher la chute.
Mme [X] a été hospitalisée au CHU de [Localité 12] et elle a subi en urgence une intervention en chirurgie orthopédique à la polyclinique de [Localité 13].
Les conséquences de la chute intervenue ont été par la suite lourdes et douloureuses pour madame [X].
Le 17 juillet 2022, M. [X] époux de la victime a contacté le centre équestre afin de lui demander de se rapprocher de leur assurance dans le but d'être indemnisé A défaut de communication des informations sollicitées, Mme [X] a fait intervenir son propre assureur la MAF qui a adressé une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 août 2022 au Centre Equestre de [Localité 11]. Ce courrier est également resté sans réponse. Une relance a été effectuée le 5 septembre 2022 sans réponse.
A défaut d'accord amiable, Mme [X] a fait assigner le Centre Equestre de [Localité 11] et la CPAM de Seine et Marne pour obtenir la désignation d'un expert judiciaire et l'octroi d'une provision.
La société Generali Sport est intervenue volontairement en sa qualité d'assureur du Centre Equestre mis en cause.
Par ordonnance du 20 avril 2023 à laquelle il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le juge des référés près le tribunal judiciaire de Lisieux a :
- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Generali Sports, prise en la personne de ses représentants légaux ;
- sur le fond, renvoyé les parties à se pourvoir ;
- ordonné une expertise et désigné Mme [S], expert auprès de la cour d'appel de Caen, [Adresse 7], tel [XXXXXXXX01], mail : [Courriel 14], avec la mission détaillée dans le dispositif de la décision entreprise ;
- rappelé que les opérations d'expertise sont communes et opposables à la CPAM de Seine et Marne ;
- condamné le centre équestre de [Localité 11] solidairement avec son assureur, la société Generali Sports, à verser à Mme [X] une provision à hauteur de 4 000 euros à valoir sur son préjudice définitif ;
- condamné le centre équestre de [Localité 11] solidairement avec son assureur, la société Generali Sports, à verser à Mme [X] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- débouté le centre équestre de [Localité 11] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- laissé les dépens à la charge de Mme [X].
Par déclaration du 17 mai 2023, le Centre Equestre de [Localité 11] et la société General Sports ont formé appel de cette ordonnance.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 26 octobre 2023, le Centre Equestre de [Localité 11] et la société Generali#Sports demandent à la cour de :
- annuler, infirmer ou si mieux n'aime réformer l'ordonnance rendue le 20 avril 2023 en ce qu'elle :
* les a condamnés solidairement à verser à Mme [X] une provision à hauteur de 4 000 euros à valoir sur le préjudice définitif ;
* les a condamnés solidairement à verser à Mme [X] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* a débouté le Centre Equestre de [Localité 11] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
statuant à nouveau,
- débouter Mme [X] de la demande de provision formulée ;
- débouter Mme [X] de la demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter la CPAM de toutes fins et prétentions ;
en tout état de cause,
- condamner Mme [X] au versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de 1ère instance ;
- condamner Mme [X] au versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 4 décembre 2023, Mme [X] demande à la cour de :
- la recevoir dans ses demandes, fins et prétentions ;
- débouter le Centre Equestre de [Localité 11] et la société Generali#Sports de la demande tendant à infirmer sa condamnation à lui verser une provision à hauteur de 4 000 euros à valoir sur le préjudice définitif ;
- débouter le Centre Equestre de [Localité 11] et la société Generali#Sports de la demande tendant à infirmer la condamnation à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter le Centre Equestre de [Localité 11] et la société Generali#Sports de la demande visant à la condamner au versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que ses frais irrépétibles de première instance ;
- débouter le Centre Equestre de [Localité 11] et la société Generali#Sports de la demande visant à la condamner au versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irréptibles en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens ;
- confirmer les dispositions de l'ordonnance du 20 avril 2023 en ce qu'elle a condamné le Centre Equestre de [Localité 11] solidairement et la société Generali#Sports à lui verser une provision à hauteur de 4 000 euros à valoir sur son préjudice définitif ;
- confirmer les dispositions de l'ordonnance du 20 avril 2023 en ce qu'elle a condamné le Centre Equestre de [Localité 11] solidairement et la société Generali#Sports à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner le Centre Equestre de [Localité 11] solidairement avec la société Generali#Sports à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel ;
- condamner le Centre Equestre de [Localité 11] solidairement avec la société Generali#Sports aux entiers dépens, outre le coût de la facture de l'expert de 2 400 euros.
L'ordonnance de clôture de l'instruction a été prononcée le 17 avril 2024.
Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
La cour constate que la saisine de la cour se trouve limitée à la condamnation au paiement au profit de madame [X] de la somme de 4000€ accordée par le 1er juge à titre provisionnel à valoir sur la réparation de son préjudice corporel ainsi que le paiement par les appelants à son profit de la somme allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Sur la provision allouée :
Les appelants pour s'opposer au versement de la somme de 4000€ font état de l'article 835 du code de procédure civile qui exige l'existence d'une obligation non sérieusement contestable pour permettre le versement d'une provision ;
Que le juge des référés est le juge de l'évidence et qu'il ne saurait faire droit à la demande de provision de madame [X], car cette solution présage de la responsabilité et de l'issue du procès ;
Qu'il ne peut pas être fait état de la responsabilité de plein droit liée à la garde d'un animal, car il s'agit en l'espèce comme cela est invoqué par madame [X] elle-même d'une responsabilité contractuelle, qui repose sur une obligation de sécurité qui est une obligation de moyens, ce qui suppose la commission d'une faute ;
Sur ce point, le centre équestre mis en cause et son assureur expliquent qu'ils démontrent l'absence de toute faute imputable au centre dont s'agit ;
Que l'obligation à réparation et celle à garantie sont contestables et contestées comme cela est explosé de sorte qu'il ne saurait être fait droit à la demande de provision présentée et qui a été à tort accordée par le 1er juge ;
Madame [X] répond que l'allocation d'une provision répond à l'application de l'article 835 du code de procédure civile ;
Que la question posée est celle de déterminer la réalité d'une obligation non sérieusement contestable ;
Or en l'espèce elle soutient que le centre équestre dont s'agit avait une obligation de sécurité mais également celle relevant de l'article 1243 du code civil ;
Que sur ce fondement, le moniteur avait la garde de l'animal sur lequel la victime est montée et dont elle a chuté ;
Sur ce, il convient de rappeler ce qui à ce stade apparaît constant soit que le 10 juillet 2022 madame [X] s'est présentée au Centre Equestre en cause pour participer à une promenade destinée à des cavaliers adultes et débutants, la participation à cette promenade était payante;
Le moniteur encadrant la promenade a fourni à madame [X] un montoir afin de faciliter la mise en scelle et c'est à cette occasion que le cheval a eu un geste de défense qui a provoqué la chute de madame [X];
L'appréciation de l'allocation d'une provision à la suite de cet accident s'effectue effectivement selon les dispositions de l'article 835 du code de procédure civile qui exigent l'existence d'une obligation non sérieusement contestable et en l'espèce à la réparation des préjudices résultant de l'accident;
Or dans le cadre d'une leçon d'équitation ou d'une promenade encadrée par un enseignant, un moniteur le centre équestre est lié par un contrat d'enseignement verbal avec ses clients. Ce contrat d'enseignement
existe dès lors qu'il y a enseignement de l'équitation contre rémunération.
Dans ce cas la responsabilité du centre équestre susceptible d'être engagée en cas d'accident est donc de nature contractuelle et ne s'intègre pas dans le régime juridique de la garde de l'article 1243 du code civil, cela d'autant que le statut du moniteur en l'espèce n'est pas précisé car sa situation de salarié conduirait à la mise en jeu de la responsabilité du commettant du fait de son préposé;
La cour rappelle de surcroît que dans le cadre de ce contrat d'enseignement, le centre équestre est débiteur d'une obligation de sécurité à l'égard des cavaliers participant à la leçon ou à la promenade ;
Cette obligation de sécurité à l'égard des cavaliers est une obligation de moyens et non une obligation de résultat.
Cela signifie que la responsabilité du centre équestre ne sera engagée que si la victime rapporte la preuve du manquement du centre équestre à cette obligation de sécurité, sachant que le cavalier en tant que co-contractant, a pour obligation principale de régler le tarif de ses séances d'équitation et de respecter les consignes de l'enseignant, notamment celles relatives à l'utilisation des chevaux mis à disposition ;
Par ailleurs les chevaux étant des êtres vivants et ayant un comportement imprévisible, le centre équestre ne peut garantir à 100% l'absence de chute et de blessures du cavalier.
En conséquence en cas d'accident, il appartient au cavalier victime de démontrer que le centre équestre a commis une faute à l'origine de sa chute pour engager
la responsabilité de ce dernier et obtenir l'indemnisation de ses préjudices.
Le cavalier doit prouver que la faute du centre équestre est caractérisée par un manquement aux règles de prudence, de diligence et de vigilance dans l'animation de la séance d'équitation ou de la promenade.
Quand bien même l'équitation est un sport qui comporte une part de dangerosité qui à ce titre permet de retenir à la charge du club équestre une obligation de moyens renforcée, même si cette obligation doit s'apprécier au regard du niveau du pratiquant, qui conserve un rôle actif, il convient pour la victime de rapporter la preuve des manquements précités ;
Or en l'espèce ces manquements ne sont pas manifestement caractérisés et leur appréciation relève du juge du fond ;
Celle-ci ne peut pas être effectuée par le juge des référés ;
Dans ces conditions, la cour n'a pas à se prononcer sur la qualité de l'accueil et de l'encadrement des participants à la promenade en cause, sur le fait de savoir si les consignes de sécurité ont été suffisamment rappelées, et si le cheval choisi correspondait aux capacités de madame [X] puisque ces points sont contestés et débattus, quand madame [X] indique que les instructions données n'ont pas été suffisantes, que le cheval s'est cambré par la faute du moniteur ;
En effet ce débat car il y en a un entre les parties, relève du juge du fond et ne permet pas d'affirmer qu'il existe d'ores et déjà et à ce stade une obligation non sérieusement contestable à la charge du centre équestre dont s'agit pour verser une provision à valoir sur la réparation du préjudice corporel de madame [X], auquel il serait tenu comme responsable en ayant failli à son obligation de sécurité ;
Dans ces conditions il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise et de débouter madame [X] de sa demande de provision ;
Pour le restant et le surplus concernant l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, la cour confirmera l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a alloué à madame [X] une somme de 1500€ pour ses frais irrépétibles, écarté la demande présentée à ce titre par le centre équestre et son assureur, puisque madame [X] a été contrainte de recourir à justice pour obtenir une mesure d'instruction, les dépens ayant été justement laissés à la charge de madame [X] ;
En cause d'appel la cour compte tenu des circonstances de l'affaire, considère que l'équité permet d'écarter les demandes respectivement présentées par chacune des parties en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de dire n'y avoir lieu à application de celles-ci pour les frais irrépétibles ;
La cour pour le restant n'a pas à statuer sur les frais et honoraires de l'expert judiciaire pour la réalisation de ses opérations et de son rapport, la demande formée à ce titre à hauteur de 2400 € par madame [X] sera écartée, car ce poste est à régler avec le fond du litige et par la taxation du juge chargé du contrôle.
Les dépens de la présente instance d'appel seront mis à la charge de madame [X].
PAR CES MOTIFS.
La cour statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire en dernier ressort et par mise à disposition au greffe ;
Dans les strictes limites de la saisine de la cour, Confirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a :
- condamné solidairement le Centre Equestre de [Localité 11] avec son assureur la sasu Générali Sport à verser à Mme [X] une provision à hauteur de 4 000 euros à valoir sur le préjudice définitif ;
- L'infirme de ce chef et statuant à nouveau :
- Déboute madame [X] de sa demande de provision au motif de contestations sérieuses ;
- Déboute les parties à l'instance de leurs demandes respectivement formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dit n'y avoir lieu à appliquer l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne madame [X] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. COLLET G. GUIGUESSON