Décisions
CA Amiens, 1re ch. civ., 15 octobre 2024, n° 23/03389
AMIENS
Arrêt
Autre
ARRET
N°
S.C.A. COOPERATIVE AGRICOLE VALFRANCE
C/
S.A.S. SPIE BUILDING SOLUTIONS anciennement dénommée S.A.S. SPIE INDUSTRIE & TERTIAIRE
S.A.S. ATRISSEM
S.A.R.L. ETHIQUE CONCEPTION INGENIERIE (E.C.I)
S.A.R.L. INDEFF
AF/MC/VB
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU QUINZE OCTOBRE
DEUX MILLE VINGT QUATRE
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 23/03389 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I2ZT
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 23/04888 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I52T
Décision déférée à la cour : ORDONNANCE DU PRESIDENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SENLIS DU TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS
PARTIES EN CAUSE :
S.C.A. COOPERATIVE AGRICOLE VALFRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 11]
Représentée par Me François MENDY substituant Me Daniel GAUBOUR de la SELARL RDB ASSOCIES, avocats au barreau d'AMIENS
APPELANTE
ET
S.A.S. SPIE BUILDING SOLUTIONS anciennement dénommée S.A.S. SPIE INDUSTRIE & TERTIAIRE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 12]
Représentée par Me José-Manuel CASTELLOTE, avocat au barreau de BEAUVAIS
Plaidant par Me Faïza DOUZI substituant Me Phillippe SAVATIC, avocats au barreau de PARIS
S.A.S. ATRISSEM prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représentée par Me Géraldine MELIN de la SCP GOSSARD BOLLIET MELIN, avocat au barreau de COMPIEGNE
S.A.R.L. ETHIQUE CONCEPTION INGENIERIE (E.C.I) prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 9]
Assignée à secrétaire le 28/08/2023
S.A.R.L. INDEFF agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 10]
Représentée par Me Marion MANDONNET, avocat au barreau d'AMIENS
Plaidant par Me Christian KRUGER substituant Me Laurence SUCHET, avocats au barreau de STRASBOURG
INTIMEES
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :
L'affaire est venue à l'audience publique du 02 juillet 2024 devant la cour composée de Mme Agnès FALLENOT, Présidente de chambre, Présidente, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.
A l'audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.
Sur le rapport de Mme Agnès FALLENOT et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 15 octobre 2024, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCÉ :
Le 15 octobre 2024, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Agnès FALLENOT, Présidente de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.
*
* *
DECISION :
FAITS ET PROCEDURE
Courant 2021, la société Valfrance, qui exploitait deux usines à [Localité 11] et à [Localité 15], a souhaité regrouper ses activités sur son site de [Localité 11].
Pour la réalisation de son projet, elle a fait appel à la société Ethique conception ingénierie (la société ECI) en qualité de maître d''uvre, et à la société Atrissem en qualité de mécanicien principal.
Le 12 juin 2021, en réponse à l'appel d'offres lancé par la société ECI, la société Indeff a soumissionné pour l'attribution du lot n°6 « électricité-automatisme-supervision », les prestations pour la partie électrique de l'offre devant être réalisées par la société Spie industrie et tertiaire, devenue Spie industrie, son sous-traitant.
L'offre de la société Indeff a été retenue, et suivant contrats conclus le 18 juin 2021, celle-ci s'est vue attribuer les trois marchés suivants :
- un premier marché, portant sur le lot n°6 « électricité-automatisme-supervision », pour un montant de 1 060 000 euros HT ;
- un deuxième marché, portant sur l'intégration des machines conservées se situant sur le site de [Localité 15], pour un montant de 10 000 euros HT ;
- un troisième marché, portant sur le « manufacturing executive system » (MES), c'est-à-dire le système informatique reliant directement le système de gestion des commandes à la production, pour un montant de 100 000 euros HT.
La réception du chantier est intervenue avec réserves le 5 octobre 2022.
Par assignations des 10 et 13 février 2023, la société Valfrance a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Senlis pour obtenir :
- la désignation d'un expert avec pour mission d'examiner l'usine et sa conformité aux documents contractuels ainsi qu'aux règles de l'art ;
- le remboursement des sommes versées à titre d'acompte dans le cadre du contrat « MES » ;
- la condamnation de la société Indeff à la production de documents, voire la réalisation de prestations, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
Par ordonnance rendue le 30 mai 2023, rectifiée le 28 juin 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Senlis a :
- rejeté toutes les demandes de la société Valfrance ;
- condamné la société Valfrance à payer à la société Indeff la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Valfrance aux dépens ;
- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.
Par déclaration du 26 juillet 2023, la société Valfrance a relevé appel de l'ensemble des chefs de l'ordonnance rendue le 30 mai 2023, en intimant les sociétés Atrissem, ECI, Spie industrie et tertiaire et Indeff.
L'affaire a été enregistrée sous le numéro de RG 23/3389.
Par déclaration du 26 juillet 2023, la société Valfrance a relevé appel de l'ensemble des chefs de l'ordonnance rectificative du 28 juin 2023, en intimant les sociétés Atrissem, ECI, Spie industrie et tertiaire et Indeff.
L'affaire a été enregistrée sous le numéro de RG 23/3393.
Par déclaration du 29 novembre 2023, la société Valfrance a relevé appel de l'ensemble des chefs de l'ordonnance rendue le 30 mai 2023, en intimant la société Spie industrie.
L'affaire a été enregistrée sous le numéro de RG 23/4888.
Par déclaration du 29 novembre 2023, la société Valfrance a de nouveau relevé appel de l'ensemble des chefs de l'ordonnance rendue le 28 juin 2023, en intimant la société Spie industrie.
L'affaire a été enregistrée sous le numéro de RG 23/4895.
Par ordonnance du 6 octobre 2023, les procédures enregistrées sous les numéros de RG 23/3389 et 23/3393 ont été jointes sous le numéro 23/3389.
Par ordonnance du 7 mai 2024, les procédures enregistrées sous les numéros de RG 23/4888 et 23/4895 ont été jointes sous le numéro 23/4888.
Dans l'intervalle, par une assignation du 12 avril 2023, la société Valfrance a sollicité, dans le cadre d'une procédure de référé d'heure à heure, la communication des codes source des automates installés par la société Indeff ainsi que des dossiers d'ouvrages exécutés (DOE), en arguant que la production de l'usine de [Localité 11] était en grand péril et ne pouvait fonctionner.
Par ordonnance du 23 mai 2023, les demandes de la société Valfrance ont été intégralement rejetées.
La société Valfrance a également interjeté appel de cette décision et l'instance a été enrôlée sous le numéro de RG 23/02601 et traitée par la chambre économique de la cour d'appel d'Amiens.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans l'instance enregistrée sous le numéro de RG 23/3389 :
Par conclusions notifiées par le RPVA le 28 novembre 2023, la société Valfrance demande à la cour de :
Juger la société Valfrance recevable dans son appel.
En conséquence,
Réformer la décision du 28 juin 2023 en ce qu'elle déboute la société Valfrance de l'ensemble de ses demandes et la condamne à verser à la société Indeff la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau :
Sur la demande d'expertise :
Voir désigner tel expert qu'il plaira au tribunal avec mission de :
Se rendre sur les lieux sis [Adresse 3] à [Localité 11] après avoir au préalable convoqué les parties et leurs conseils,
- Entendre les parties en leurs explications, ainsi que, si nécessaire, tout sachant,
- Se faire remettre tous documents contractuels et techniques et en général toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission, même détenus par des tiers,
Aux fins de :
- Examiner les désordres les réserves mentionnées sur le procès-verbal de réception de la société Indeff,
- Faire toutes constatations utiles et donner une description précise des désordres allégués dans l'assignation et le constat d'huissier en indiquant la nature et en produisant dans toute la mesure du possible des photographies,
- Dire si les désordres proviennent d'une non-conformité aux documents contractuels ou aux règles de l'art, d'une exécution défectueuse ou toute autre cause,
- Dire à qui est imputable le retard dans la livraison du chantier,
- Fournir tous éléments techniques et de fait permettant au tribunal de statuer sur les responsabilités éventuellement encourues et de procéder à l'évaluation des préjudices subis, notamment le trouble de jouissance pendant les travaux de remise en état,
- Décrire les travaux de remise en état nécessaires et en chiffrer le coût, le cas échéant, décrire les travaux de reprise et le coût des travaux nécessaires pour la remise en conformité,
- Répondre aux dires des parties,
- Dire que l'expert pourra se faire assister par tout sapiteur, dans une spécialité distincte de la sienne,
- Dire qu'au visa de l'article 268 du code de procédure civile, l'expert, dès qu'il aura connaissance de la présente ordonnance, sans attendre la consignation du montant de la provision pour frais, devra venir prendre connaissance des pièces jointes à l'assignation,
- Que ces pièces pourront lui être remises immédiatement au greffe du contrôle des expertises,
- Dire que l'expert aura tous pouvoirs en cours de procédure, pour autoriser les demandeurs, le cas échéant, à faire réaliser les travaux de reprise selon ses observations, indications et préconisations techniques de l'expert ou de tous sachant ou sapiteurs et ce pendant le cours des travaux et pour compte avancé.
- Dire que l'expert devra le plus tôt possible dans un souci de sérénité et d'efficacité solliciter de la part des parties la production des pièces complémentaires dont il aurait éventuellement besoin en vue de la première réunion d'expertise,
- Par ailleurs, inviter l'expert à suivre les prescriptions suivantes :
En cas de travaux urgents :
En cas d'urgence ou de péril, l'expert déposera un pré-rapport spécifique précisant la nature, l'importance et le coût des travaux urgents et des mesures conservatoires nécessaires en vue de mettre fin au dommage ou d'éviter son aggravation.
Pré-rapport et rapport :
Dire que l'expert dans le délai de 6 mois à compte du jour de sa saisine effective, déposera au greffe et adressera aux parties un pré-rapport comprenant son avis motivé sur l'ensemble des chefs de sa mission,
- Il laissera aux parties un délai minimum de 1 mois à compter du dépôt du pré-rapport pour leur permettre de faire valoir leurs observations par voies de dires récapitulatifs,
- De toutes ses opérations et constatations, l'expert dressera enfin un rapport qu'il déposera au greffe du contrôle des expertises et adressera aux parties,
En cas de difficultés :
Dire qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera pourvu à son remplacement d'office par ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises,
Dire que le contrôle de la présente mesure d'instruction sera assuré par le juge spécialement chargé de contrôler l'exécution des mesures d'instruction conformément aux dispositions de l'article 155-1 du code de procédure civile,
Sur la demande de provision :
Condamner la société Indeff à verser à la société Valfrance une somme de 75 000 euros au titre du projet MES non exécuté,
Sur l'astreinte,
Condamner la société Indeff sous astreinte de 500 euros par jour de retard à fournir à la société Valfrance les documents listés ci-dessous :
La mise en place des Bulher sur la ligne 2, notamment les 4 Buhler qui étaient prévus dans le contrat initialement,
La certification du code par Factory Software,
L'envoi du code source,
Absence d'un système de gestion des variétés,
Un problème sur le Filtre 4, la canne de dévoutage toujours pas opérationnelle,
Les débitmètres du triage 1 ne sont pas fonctionnels et non prévus dans l'automatisation,
Les débitmètres du triage 2 ne sont pas fonctionnels et non prévus dans l'automatisation,
Les plans électriques au format numérique de l'usine fournie par Spie,
En tout état de cause :
Condamner la société Indeff à payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par le RPVA le 5 octobre 2023, la société Indeff demande à la cour de :
Ordonner la jonction des procédures d'appel enregistrées respectivement sous les numéros RG 23/03389 et 23/03393 ;
Juger la société coopérative agricole Valfrance mal fondée en son appel ;
Débouter la société coopérative agricole Valfrance de l'ensemble de ses prétentions ;
En conséquence,
A titre principal,
Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise (rectifiée par décision du 28 juin 2023) ;
A titre subsidiaire,
a) Si par impossible l'ordonnance entreprise était infirmée et qu'une expertise était ordonnée :
Désigner tel expert qu'il lui plaira avec mission de :
- se faire communiquer par les parties tous documents utiles à l'exécution de sa mission, prendre connaissance des actes conclus entre les parties et donner tous éléments techniques quant à la nature et l'étendue des travaux à réaliser par la société Indeff en exécution des contrats conclus avec la société coopérative agricole Valfrance, et plus spécialement le marché du lot n° 6 « électricité-automatisme-supervision » ;
- se faire communiquer par les parties tous documents utiles à l'exécution de sa mission, prendre connaissance des actes conclus entre les parties et donner tous éléments techniques quant à la nature et l'étendue des travaux ayant fait l'objet des devis complémentaires communiqués par la société Indeff à la société coopérative agricole Valfrance ;
- visiter en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées l'usine de semence sise [Adresse 3] à [Localité 11], la décrire et entendre tous sachants ;
- sur la base de l'engagement contractuel initial (appel d'offre et réponse à l'appel d'offre), établir l'étendue des travaux exécutés, acter des travaux complémentaires exécutés, dresser un état des lieux des installations réalisées ;
- dire si l'usine présente des désordres tels qu'indiqués dans le procès-verbal de réception du 5 novembre 2022 signé entre la société coopérative agricole Valfrance et la société Indeff ;
- dans l'affirmative, en indiquer la nature et l'étendue en précisant s'ils relèvent du périmètre du contrat initial, s'ils proviennent d'une erreur de conception, d'une non-conformité aux documents contractuels ou aux règles de l'art, d'une exécution défectueuse ou de toute autre cause telle que les demandes nouvelles formulées par la société de coopérative agricole Valfrance ou du fait d'un autre intervenant que la société Indeff sur le chantier ;
- dire si les travaux objets des devis complémentaires établis par la société Indeff correspondent à des travaux complémentaires rendus nécessaires du fait des demandes nouvelles formulées par Valfrance par rapport au marché initial conclu entre les parties ;
- rechercher tous les éléments techniques permettant d'établir les responsabilités éventuelles ;
- dire que l'expert pourra s'adjoindre tout sapiteur, dans une spécialité distincte de la sienne, dont l'intervention s'avèrerait nécessaire pour lui permettre d'accomplir sa mission ;
- répondre, conformément aux dispositions de l'article 276 du code de procédure civile, à tous dires ou observations des parties auxquelles seront communiquées, avant d'émettre l'avis sur l'évaluation définitive des travaux de réparation, soit une note de synthèse, soit un pré-rapport comportant toutes les informations sur l'état de ses investigations et tous les documents relatifs notamment aux devis et propositions chiffrés concernant les diverses évaluations ; rapporter à la juridiction l'accord éventuel qui pourrait intervenir entre les parties ;
- plus généralement, donner toutes les informations utiles de nature à apporter un éclaircissement sur les différents aspects du litige ;
Dire que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du code de procédure civile, en particulier, il pourra recueillir les déclarations de toute personne informée et s'adjoindre tout spécialiste de son choix pris sur la liste des experts établie près ce tribunal ;
Dire qu'en cas de difficulté, l'expert s'en réfèrera au président qui aura ordonné l'expertise ou le juge désigné par lui ;
Dire que l'expert devra déposer son pré-rapport dans un délai de 4 mois à compter de la consignation de la provision à valoir sur ses honoraires, et qu'il devra le notifier aux parties préalablement au dépôt de son rapport définitif ;
Fixer la provision à consigner au greffe, à titre d'avance sur les honoraires de l'expert, dans le délai qui sera imparti par la décision à intervenir, cette provision demeurant à la charge de la société de coopérative agricole Valfrance ;
b) Pour le surplus,
- Confirmer l'ordonnance entreprise (rectifiée par décision du 28 juin 2023) dans l'ensemble de ses autres dispositions et ainsi rejeter les autres demandes formées par la société coopérative agricole Valfrance comme étant sérieusement contestables et/ou mal fondées ;
En tout état de cause, y ajoutant,
Condamner la société de coopérative agricole Valfrance à verser à la société Indeff la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la présente instance d'appel ;
Condamner la société de coopérative agricole Valfrance aux entiers dépens d'appel.
Par conclusions notifiées par le RPVA le 4 octobre 2023, la société Spie building solutions demande à la cour de :
A titre principal, juger irrecevables les conclusions d'appelante de la société coopérative agricole Valfrance notifiées le 6 septembre 2023,
A titre subsidiaire, juger sans objet l'appel de la société coopérative agricole Valfrance formé à l'encontre de l'ordonnance déférée,
Condamner la société coopérative agricole Valfrance à verser la somme de 3 000 euros à la société Spie building solutions en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner la société Valfrance aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me José-Manuel Castellote en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par le RPVA le 5 octobre 2023, la société Atrissem demande à la cour de :
Confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamner la société Coopérative Agricole Valfrance ou toute autre partie succombante à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Ainsi qu'en tous les dépens de 1 ère instance et d'appel.
La société ECI n'a pas constitué avocat devant la cour.
Dans l'instance enregistrée sous le numéro de RG 23/4888 :
Par conclusions notifiées par le RPVA le 19 février 2024, la société Valfrance demande à la cour de :
Juger la société Valfrance recevable dans ses appels,
En conséquence,
Réformer les décisions des 30 mai 2023 et 28 juin 2023 en ce qu'elles déboutent la société Valfrance de l'ensemble de ses demandes et la condamne à verser à la société Indeff la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau :
Sur la demande d'expertise :
Voir désigner tel expert qu'il plaira au tribunal avec mission de :
Se rendre sur les lieux sis [Adresse 3] à [Localité 11] après avoir au préalable convoqué les parties et leurs conseils,
- Entendre les parties en leurs explications, ainsi que, si nécessaire, tout sachant,
- Se faire remettre tous documents contractuels et techniques et en général toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission, même détenus par des tiers,
Aux fins de :
- Examiner les désordres les réserves mentionnées sur le procès-verbal de réception de la société Indeff,
- Faire toutes constatations utiles et donner une description précise des désordres allégués dans l'assignation et le constat d'huissier en indiquant la nature et en produisant dans toute la mesure du possible des photographies,
- Dire si les désordres proviennent d'une non-conformité aux documents contractuels ou aux règles de l'art, d'une exécution défectueuse ou toute autre cause,
- Dire à qui est imputable le retard dans la livraison du chantier,
- Fournir tous éléments techniques et de fait permettant au tribunal de statuer sur les responsabilités éventuellement encourues et de procéder à l'évaluation des préjudices subis, notamment le trouble de jouissance pendant les travaux de remise en état,
- Décrire les travaux de remise en état nécessaires et en chiffrer le coût, le cas échéant, décrire les travaux de reprise et le coût des travaux nécessaires pour la remise en conformité,
- Répondre aux dires des parties,
- Dire que l'expert pourra se faire assister par tout sapiteur, dans une spécialité distincte de la sienne,
- Dire qu'au visa de l'article 268 du code de procédure civile, l'expert, dès qu'il aura connaissance de la présente ordonnance, sans attendre la consignation du montant de la provision pour frais, devra venir prendre connaissance des pièces jointes à l'assignation,
- Que ces pièces pourront lui être remises immédiatement au greffe du contrôle des expertises,
- Dire que l'expert aura tous pouvoirs en cours de procédure, pour autoriser les demandeurs, le cas échéant, à faire réaliser les travaux de reprise selon ses observations, indications et préconisations techniques de l'expert ou de tous sachant ou sapiteurs et ce pendant le cours des travaux et pour compte avancé,
- Dire que l'expert devra le plus tôt possible dans un souci de sérénité et d'efficacité solliciter de la part des parties la production des pièces complémentaires dont il aurait éventuellement besoin en vue de la première réunion d'expertise,
- Par ailleurs, inviter l'expert à suivre les prescriptions suivantes :
En cas de travaux urgents :
En cas d'urgence ou de péril, l'expert déposera un pré-rapport spécifique précisant la nature, l'importance et le coût des travaux urgents et des mesures conservatoires nécessaires en vue de mettre fin au dommage ou d'éviter son aggravation,
Pré-rapport et rapport :
Dire que l'expert dans le délai de 6 mois à compte du jour de sa saisine effective, déposera au greffe et adressera aux parties un pré-rapport comprenant son avis motivé sur l'ensemble des chefs de sa mission,
- Il laissera aux parties un délai minimum de 1 mois à compter du dépôt du pré-rapport pour leur permettre de faire valoir leurs observations par voies de dires récapitulatifs,
- De toutes ses opérations et constatations, l'expert dressera enfin un rapport qu'il déposera au greffe du contrôle des expertises et adressera aux parties,
En cas de difficultés :
Dire qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera pourvu à son remplacement d'office par ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises,
Dire que le contrôle de la présente mesure d'instruction sera assuré par le juge spécialement chargé de contrôler l'exécution des mesures d'instruction conformément aux dispositions de l'article 155-1 du code de procédure civile,
Sur la demande de provision :
Condamner la société Indeff à verser à la société Valfrance une somme de 75 000 euros au titre du projet MES non exécuté,
Sur l'astreinte,
Condamner la société Indeff sous astreinte de 500 euros par jour de retard à fournir à la société Valfrance les documents listés ci-dessous :
La mise en place des Bulher sur la ligne 2, notamment les 4 Buhler qui étaient prévus dans le contrat initialement,
La certification du code par Factory Software,
L'envoi du code source,
Absence d'un système de gestion des variétés,
Un problème sur le Filtre 4, la canne de dévoutage toujours pas opérationnelle,
Les débitmètres du triage 1 ne sont pas fonctionnels et non prévus dans l'automatisation,
Les débitmètres du triage 2 ne sont pas fonctionnels et non prévus dans l'automatisation,
Les plans électriques au format numérique de l'usine fournie par Spie,
En tout état de cause :
Condamner la société Indeff à payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par le RPVA le 18 mars 2024, la société Spie industrie demande à la cour de :
Prononcer la jonction des instances enrôlées sous les n° 23/04888 et n° 23/03389,
Confirmer l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Senlis du 28 juin 2023 en ce qu'elle a :
- reçu l'intervention volontaire de la société Spie industrie,
- prononcé la mise hors de cause la société Spie building solutions,
Statuant à nouveau :
Juger irrecevable l'appel de la société Valfrance à l'encontre de la société Spie building solutions,
Statuer ce que de droit quant à la demande d'expertise judiciaire de la société Valfrance au titre des désordres invoqués à son assignation en référé du 13 février 2023,
Condamner la société Valfrance aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me José-Manuel Castellote en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Les ordonnances de clôture ont été rendues le 7 mai 2024 et l'affaire fixée pour plaidoiries à l'audience du 2 juillet 2024.
Par message RPVA du 2 juillet 2024, confirmant sa demande faite à l'audience, la cour a sollicité les observations des parties, par une note en délibéré chacune à lui adresser avant le 30 août 2024, sur les questions suivantes :
1) Dans le dispositif de ses conclusions, la société Valfrance demande la condamnation sous astreinte de la société Indeff à lui fournir « les documents listés ci-dessous :
La mise en place des Bulher sur la ligne 2, notamment les 4 Buhler qui étaient prévus dans le contrat initialement
La certification du code par Factory Software
L'envoi du code source
Absence d'un système de gestion des variétés
Un problème sur le Filtre 4, la canne de dévoutage toujours pas opérationnelle
Les débitmètres du triage 1 ne sont pas fonctionnels et non prévus dans l'automatisation.
Les débitmètres du triage 2 ne sont pas fonctionnels et non prévus dans l'automatisation.
Les plans électriques au format numérique de l'usine fournie par Spie ».
Lors de l'audience, il a été indiqué par le conseil de la société Valfrance qu'hormis le code source, lequel fait l'objet d'une procédure distincte, tous les documents avaient été remis. En conséquence, cette demande est-elle maintenue '
2) Dans l'hypothèse où la demande serait maintenue, la qualification de « document » peut-elle être donnée aux lignes suivantes :
« La mise en place des Bulher sur la ligne 2, notamment les 4 Buhler qui étaient prévus dans le contrat initialement »
« Absence d'un système de gestion des variétés »
« Un problème sur le Filtre 4, la canne de dévoutage toujours pas opérationnelle »
« Les débitmètres du triage 1 ne sont pas fonctionnels et non prévus dans l'automatisation. »
« Les débitmètres du triage 2 ne sont pas fonctionnels et non prévus dans l'automatisation » '
Par message du 29 août 2024, la société Valfrance a indiqué que cette demande n'avait plus lieu d'être et qu'il convenait « de ne pas y répondre ».
Par message RPVA du 30 août 2024, la société Indeff a demandé qu'il soit pris acte que la société Valfrance reconnaissait qu'elle lui avait bien remis l'ensemble des éléments, documents et autres qui étaient requis sous astreinte et qu'il n'y avait plus lieu que la cour statue sur ces demandes.
MOTIFS
Il sera d'emblée précisé, pour la clarté des débats, que la société Spie industrie vient aux droits de la société Spie building solutions, anciennement Spie industrie tertiaire.
1. Sur les demandes de jonction
Aux termes de l'article 367 du code de procédure civile, le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.
Il peut également ordonner la disjonction d'une instance en plusieurs.
Les instances enregistrées sous les numéros de RG 23/3389 et 23/3393 ont déjà été jointes par une ordonnance rendue le 6 octobre 2023. La demande présentée de ce chef par la société Indeff est donc dénuée d'objet.
Il convient, en revanche, dans un souci de bonne administration de la justice, de joindre les instances enregistrées sous les numéros de RG 23/3389 et 23/4888, s'agissant des appels de l'ordonnance rendue le 30 mai 2023 et rectifiée le 28 juin 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Senlis.
2. Sur la recevabilité de l'appel à l'encontre de la société Spie building solutions
La société Spie industrie plaide que la société Valfrance était irrecevable à intimer la société Spie building solutions alors qu'elle avait acquiescé, en première instance, à sa demande de mise hors de cause.
Sur ce,
Aux termes des articles 408 et 409 du code de procédure civile, l'acquiescement à la demande emporte reconnaissance du bien-fondé des prétentions de l'adversaire et renonciation à l'action.
Il n'est admis que pour les droits dont la partie a la libre disposition.
L'acquiescement au jugement emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours sauf si, postérieurement, une autre partie forme régulièrement un recours.
Il est toujours admis, sauf disposition contraire.
En l'espèce, il ressort de l'ordonnance du 30 mai 2023, telle que rectifiée par l'ordonnance du 28 juin 2023, que : « la SAS Spie building solutions a apporté ses activités ressortant au secteur industriel, avec effet au 1er janvier 2023, à la SASU Spie industrie qui a désormais seule qualité à agir pour ester et défendre à la première instance. Les demandes de recevoir la SASU Spie industrie en son intervention volontaire à la présente instance et de mettre hors de cause la SAS Spie building solutions ne sont pas contestées et il convient d'y faire droit ».
Cependant, le seul fait de ne pas s'opposer aux demandes formulées devant le juge du premier degré n'emporte pas en lui-même renonciation à l'appel.
La société Spie industrie sera donc déboutée de sa prétention visant à faire déclarer l'appel de la société Valfrance irrecevable à l'égard de la société Spie building solutions.
3. Sur la dévolution du litige
La société Valfrance explique que l'ordonnance rendue le 30 mai 2023 ne traitait pas de l'objet du litige. C'est en ce sens que l'ordonnance rectificative du 28 juin 2023 a annulé et remplacé ses pages 3, 4 et 5. Elle observe que dans ses conclusions, elle s'attache à critiquer le bien-fondé de l'ordonnance rectificative du 28 juin 2023, de sorte que c'est à tort qu'il est soutenu que l'ordonnance du 30 mai 2023 n'aurait fait l'objet d'aucune critique. En tout état de cause, la jonction prononcée a nécessairement purgé toute difficulté.
La société Spie building solutions soutient quant à elle que la déclaration d'appel défère à la cour les chefs du dispositif de l'ordonnance du 30 mai 2023. Or les conclusions d'appelante de la société Valfrance notifiées le 6 septembre 2023 ne comportent aucune critique relative à l'ordonnance dont appel, ses moyens et ses demandes ne concernant que l'ordonnance du 28 juin 2023, alors qu'en application de l'article 910-4 du code de procédure civile, il appartenait à la société Valfrance de présenter l'ensemble de ses prétentions afférentes à la décision querellée dans le délai de l'article 905-2 du code de procédure civile.
La société Spie building solutions ajoute qu'il résulte des conclusions d'appelante de la société Valfrance que celle-ci ne forme aucune critique envers l'ordonnance du 30 mai 2023, au mépris de l'article 542 du code de procédure civile, et que son appel est privé d'objet puisqu'il se borne à critiquer et à requérir la réformation uniquement de l'ordonnance du 28 juin 2023.
Sur ce,
Aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.
Aux termes des articles 905-2 et 910-4 anciens du code de procédure civile, applicables au présent litige, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe. A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.
Cependant, il doit être rappelé qu'une décision rectificative s'intègre à la décision rectifiée. L'argumentation de la société Spie building solutions selon laquelle la société Valfrance n'aurait critiqué, à l'appui de son appel de l'ordonnance rendue le 30 mai 2023, que les motifs de l'ordonnance rectificative rendue le 28 juin 2023, est donc totalement inopérante.
Il convient dès lors de la débouter de ses prétentions visant à faire déclarer les conclusions de l'appelante notifiées le 6 septembre 2023 irrecevables et l'appel sans objet.
4. Sur la demande d'expertise
La société Valfrance plaide qu'elle justifie d'un motif légitime à ce que soit ordonnée une expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile. Elle observe que le juge des référés a passé sous silence le procès-verbal de réception des travaux de la société Indeff, lequel ne comporte pas moins de dix pages de réserves qui n'ont toujours pas été levées. Elle souligne qu'il est certain, à la lecture du constat d'huissier du 1er juillet 2022, que l'usine présente des désordres et dysfonctionnements. Elle ajoute que l'application de l'article 145 n'implique aucun préjugé sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé. Il suffit de constater qu'un procès est possible, qu'il a un objet et un fondement suffisamment déterminés et que sa solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée.
Il appartiendra à l'expert de constater l'ensemble des réserves non levées, ainsi que les désordres affectant l'usine, de déterminer leur cause et imputabilité et de chiffrer leur coût de reprise. Il entrera également dans la mission de l'expert judiciaire de déterminer le préjudice résultant du retard dans la livraison de l'usine et de se prononcer sur le surcoût lié aux travaux que la société Valfrance a été contrainte de financer afin de permettre l'avancement du chantier.
La société Indeff soutient qu'elle a exécuté ses prestations avec l'expertise et la diligence requises, tandis que la société Valfrance a manqué à ses obligations d'exécution de bonne foi des conventions, en modifiant de manière substantielle le marché conclu tout en refusant d'en régler le prix et d'en accepter les conséquences en termes de délais de livraison. Elle a donc été contrainte de s'adapter, tout en subissant les retards des autres prestataires dont l'intervention conditionnait et impactait la sienne. La réception du chantier, accompagnée d'un certain nombre de réserves, a pu intervenir le 5 octobre 2022. La majorité de ces réserves sont liées à des travaux électriques relevant de la société Spie, qui ont été levées dans les semaines qui ont suivi. Les réserves non levées concernent des prestations complémentaires, non incluses dans le marché initial, ayant fait l'objet de devis complémentaires de la part de la société Indeff, que la société Valfrance a refusé de payer. La première ligne de production a été mise en service dès juillet 2022, la seconde au mois de septembre 2022. Les deux lignes fonctionnent sans difficultés. La société Indeff conteste donc formellement la matérialité des faits invoqués par la société Valfrance, la demande de cette dernière étant dénuée de tout motif légitime.
Subsidiairement, si la cour devait ordonner une mesure d'expertise, celle-ci devrait porter sur :
- la définition du périmètre de l'appel d'offre et de la réponse à l'appel d'offre, soit le champ contractuel entre les parties et les prestations qui incombaient à la société Indeff au titre du marché qui lui a été confié,
- la mesure des modifications de ce champ contractuel par les sociétés Valfrance et/ou ECI ;
- les conséquences techniques, financières et de délai de ces modifications.
En outre, les frais de consignation seront à la charge de la société Valfrance, demanderesse à la mesure.
La société Spie industrie indique qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la cour sur la demande d'expertise de l'appelante, laquelle ne pourra porter que sur les désordres qui sont dénombrés par l'acte introductif d'instance.
Sur ce,
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instructions légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
En l'espèce, la société Indeff s'est vue attribuer en juin 2021, par la société Valfrance, les marchés suivants :
- un premier marché, portant sur le lot n°6 « électricité-automatisme-supervision », pour un montant de 1 060 000 euros HT ;
- un deuxième marché, portant sur l'intégration des machines conservées se situant sur le site de [Localité 15], pour un montant de 10 000 euros HT ;
- un troisième marché, portant sur le « manufacturing executive system » (MES), c'est-à-dire le système informatique reliant directement le système de gestion des commandes à la production, pour un montant de 100 000 euros HT.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 21 juin 2022, la société Valfrance lui a reproché son retard dans l'exécution des travaux confiés au titre du marché « Electricité ' automatisme ' supervision », lui rappelant que l'article 12 du cahier des clauses particulières du marché (CCPM) prévoyait que l'usine soit opérationnelle le 2 juin 2022 pour une mise en service au plus tard le 1er juillet 2022. Elle a observé qu'à moins de 10 jours de la date de mise en service de l'usine :
- l'éclairage et le paratonnerre n'étaient toujours pas réalisés ;
- la ligne de triage n°1 qui devait être livrée au plus tard le 31 mai 2022 n'était toujours pas opérationnelle.
Elle lui a rappelé que cette situation lui avait été dénoncée à plusieurs reprises sans qu'aucune réponse ne soit apportée, soulignant que tous les éléments du dossier convergeaient pour prouver que le retard sur ce chantier lui était entièrement imputable, tels que les divers comptes-rendus de chantier dans lesquels la maîtrise d''uvre pointait les multiples insuffisances et approximations dans le travail fourni ainsi que l'absence de rigueur au stade de l'exécution.
Elle a conclu qu'à défaut d'une mise en service à la date prévue, elle se réservait la faculté de porter le litige devant le tribunal compétent aux fins de faire constater la résiliation du marché à ses torts exclusifs et de solliciter sa condamnation à la réparation de son entier préjudice résultant de l'impossibilité de démarrer son activité.
Il n'est pas justifié de la réponse apportée par la société Indeff.
Le 1er juillet 2022, la société Valfrance a fait établir un constat d'huissier au contradictoire de sa cocontractante montrant que les travaux n'étaient effectivement pas achevés, puis, par courrier recommandé avec accusé de réception du 4 juillet 2022, elle lui a reproché de ne pas avoir respecté les engagements pris lors d'une réunion du 27 juin 2022, au cours de laquelle la société Indeff s'était engagée à faire en sorte que la ligne de triage n°1 soit opérationnelle au 1er juillet 2022 en doublant ses effectifs.
La réponse de la société Indeff n'est pas davantage connue.
Dans le cadre des débats judiciaires, cette dernière soutient que les retards allégués sont la conséquence des modifications substantielles demandées par la société Valfrance, et produit pour en justifier :
- huit offres de travaux complémentaires établies entre le 4 février 2022 et le 19 septembre 2022,
- un tableau réalisé par ses soins récapitulant les travaux complémentaires réalisés et leur coût, -une « analyse fonctionnelle d'origine » en date du 10 janvier 2022 et une « analyse fonctionnelle finale » en date du 10 octobre 2022.
Il s'impose de constater que dans son courrier susvisé du 4 juillet 2022, la société Valfrance lui avait effectivement indiqué qu'en contrepartie de ses engagements de doubler ses effectifs pour achever les travaux, elle avait accepté à son tour, dans un souci de compromis de nature à permettre une livraison à la date convenue, « d'étudier les travaux supplémentaires non compris dans le marché de base » dont il était sollicité la prise en charge. Elle a également reconnu que la société Spie avait réalisé des travaux supplémentaires, tout en réfutant que cette situation soit de nature à exonérer la société Indeff de son obligation d'accomplir ses engagements dans le délai prévu. A cet égard, elle a observé que les travaux supplémentaires dont elle sollicitait le règlement avoisinaient le million d'euros, soit presque l'équivalent du marché de base, alors qu'il s'agissait d'un marché à forfait.
La réception du chantier a eu lieu le 5 octobre 2022, avec de nombreuses réserves dont la date de levée était prévue entre le 12 et le 28 octobre 2022.
La société Valfrance a ultérieurement déploré la présence de rongeurs rongeant les câbles dans les armoires électriques. La société Spie industrie justifie cependant avoir résolu ce problème, en colmatant des presse-étoupes inutilisés avec du silicone avant de les fermer par des bouchons en novembre et décembre 2022.
Par courriel du 13 janvier 2023, la société Valfrance a mis en demeure la société Indeff de procéder à la levée de l'ensemble des réserves pour le 24 janvier au plus tard, précisant qu'au-delà de cette date, elle demanderait l'intervention d'une autre société et que le coût des prestations réalisées lui serait imputable.
En avril 2023, la société Valfrance a encore déploré la redondance entre deux automates. La société Indeff lui a répondu que cette situation était liée à son refus de l'offre complémentaire qui lui a été soumise pour les installer dans deux salles différentes, argument que la société Valfrance a réfuté, soulignant que la difficulté n'avait pas de rapport avec l'emplacement desdits automates.
Enfin, par courrier du vendredi 28 avril 2023, elle a écrit à la société Indeff que l'appui sur les boutons de contrôle ne fonctionnait pas, même après le redémarrage des moteurs applicatifs, et que les automates ne redémarraient pas, la procédure de maintenance envoyée dans les DOE ne permettant pas de corriger le problème. Elle a conclu que l'usine était à l'arrêt et dans l'incapacité de lancer la moindre production.
Le jour même, la société Indeff lui a répondu ne pas avoir la possibilité de réaliser des tests sur le site « sur le moment », et lui a proposé d'essayer un dépannage à distance le mardi matin suivant ou le mardi après-midi sur site.
Il n'est produit aux débats aucun élément postérieur.
Il s'impose cependant de constater que les travaux de la société Indeff ont indéniablement été achevés avec retard et n'ont pas donné entièrement satisfaction à la société Valfrance. Cette dernière dispose donc manifestement d'un motif légitime de conserver ou d'établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige depuis lors engagé devant les juridictions du fond, sans qu'il soit allégué par aucune des parties que la demande d'expertise formée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ait été postérieure à l'assignation au fond.
Il sera donc fait droit à sa demande d'expertise, selon la mission prévue au dispositif du présent arrêt, les frais de consignation étant mis à la charge de la société Valfrance. La décision entreprise sera infirmée de ce chef.
5. Sur la demande de provision
La société Valfrance fait valoir que les prestations prévues par le contrat MES n'ont pas été livrées, alors qu'elle a versé la somme de 75 000 euros dans le cadre de ce projet. Il n'est produit aucun élément attestant de l'exécution du contrat. La simple constatation d'une absence de contestation sérieuse suffit à octroyer la provision.
La société Indeff rappelle que c'est la société Valfrance qui a résilié unilatéralement et brutalement ce contrat, en se prévalant de l'inexécution prétendue du contrat de réalisation du système d'automation, sans en rapporter la preuve. Les conditions de résiliation du contrat MES sont contestées et dès lors, le droit de la société Valfrance à solliciter la restitution des sommes versées à titre d'acompte se heurte à une contestation sérieuse. La question de l'interprétation d'un contrat, de son exécution et de l'éventuelle responsabilité d'un cocontractant relève des juges du fond et échappe à la compétence du juge des référés, juge de l'évidence.
Sur ce,
Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
La société Valfrance produit aux débats un courriel de la société Valfrance à destination de la société Indeff en date du 14 octobre 2022, ainsi libellé :
« Je fais suite à notre mail ci-dessous et à notre visio de ce jour.
Nous avons pris acte de votre accord pour résilier le marché MES et le contrat spécifique que nous avions signé figurant en PJ ; ainsi que les factures déjà payées par nos soins.
A la condition d'un remboursement au plus tard sous 7 jours de la somme de 75 000 euros HT correspondant aux factures réglées ci attachées également, nous renoncerons à nous prévaloir des pénalités contractuelles de retard fixées dans ce même contrat. »
Par courrier recommandé avec avis de réception du 3 février 2023, elle lui a notifié la résiliation du contrat MES à ses torts exclusifs.
La société Indeff ne justifie aucunement des réponses qu'elle a apportées, et ne réfute pas ne pas avoir accompli les prestations prévues au contrat.
Dans ce contexte, son obligation au remboursement des acomptes perçus est incontestable. Elle sera donc condamnée à payer la somme de 75 000 euros à la société Valfrance à titre provisionnel. La décision entreprise sera réformée de ce chef.
6. Sur la demande de production de documents
La société Valfrance, après avoir indiqué dans ses conclusions que malgré de nombreuses relances, la société Indeff ne lui avait jamais transmis les documents nécessaires à la bonne compréhension du fonctionnement de l'usine, a renoncé à cette demande par note en délibéré.
La société Indeff avait contesté, dans ses écritures, le bien-fondé de cette prétention pour chacun des « documents » visés.
Sur ce,
La société Valfrance ayant avisé la cour, par note en délibéré, que sa demande de production sous astreinte « n'avait plus lieu d'être » et qu'il « convenait de ne pas y répondre », il sera constaté qu'elle se désiste de cette prétention.
7. Sur les demandes accessoires
En application de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner la société Indeff aux dépens d'appel et de première instance, avec distraction au bénéfice de Me José-Manuel Castellote, conformément à l'article 699 du même code. La décision entreprise sera réformée en ce sens.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Indeff sera par ailleurs condamnée à payer à la société Valfrance la somme indiquée au dispositif du présent arrêt, les autres demandes des parties au titre de leurs frais irrépétibles étant rejetées et la décision querellée infirmée du chef des frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS
Constate que les instances enregistrées sous les numéros de RG 23/3389 et 23/3393 ont déjà été jointes sous le numéro 23/3389 par ordonnance rendue le 6 octobre 2023 ;
Ordonne la jonction des instances enregistrées sous les numéros de RG 23/3389 et 23/4888 sous le numéro 23/3389 ;
Déboute la société Spie industrie de sa prétention visant à faire déclarer l'appel de la société Valfrance irrecevable à l'égard de la société Spie building solutions ;
Déboute la société Spie building solutions de ses prétentions visant à faire déclarer les conclusions de la société Valfrance notifiées le 6 septembre 2023 irrecevables et l'appel sans objet ;
Infirme l'ordonnance rendue le 30 mai 2023 et rectifiée le 28 juin 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Senlis en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Ordonne une mesure d'expertise confiée à :
M. [L] [J]
[Adresse 2]
[Localité 13]
[XXXXXXXX01]
[Courriel 14]
avec la mission suivante :
- se faire communiquer l'assignation et les pièces qui y sont visées ;
- se rendre sur le site de [Localité 11], [Adresse 3], ainsi qu'en tous autres lieux utiles et nécessaires à l'exécution de la mesure d'instruction, après avoir convoqué les parties, soit par téléphone, soit par télécopie et/ou courrier électronique ;
- entendre les parties en leurs explications ainsi que tout sachant ;
- se faire communiquer et prendre connaissance de tous les documents utiles à l'accomplissement de sa mission, dont notamment les pièces contractuelles et techniques, ainsi que l'ensemble des courriers échangés entre les parties relatifs aux travaux confiés à la société Indeff en exécution des trois contrats conclus avec la Valfrance, ainsi que des offres complémentaires proposées par la société Indeff à la société Valfrance ;
- sur la base des engagements contractuels initiaux, décrire les travaux exécutés ;
- dire si les travaux objets des devis complémentaires établis par la société Indeff correspondent à des travaux complémentaires rendus nécessaires du fait d'exigences nouvelles formulées par la société Valfrance par rapport aux marchés initiaux conclus entre les parties ;
- décrire les travaux complémentaires éventuellement exécutés et les chiffrer ;
- faire toutes constatations utiles sur l'existence et, le cas échéant, la persistance des désordres allégués dans l'assignation et le constat d'huissier ;
- dire si lesdits désordres proviennent d'une erreur de conception, d'une non-conformité aux documents contractuels ou aux règles de l'art, d'une exécution défectueuse ou toute autre cause, en précisant s'ils relèvent du périmètre du contrat initial ;
- évaluer le retard dans la livraison du chantier et son imputabilité ;
- décrire les travaux nécessaires pour remédier aux désordres constatés, en évaluer le coût après avoir, le cas échéant, examiné et discuté les devis présentés par les parties, préciser la durée des travaux préconisés ;
- sauf accord des parties, chiffrer l'ensemble des préjudices tant matériels qu'immatériels subis par la société Valfrance ;
- de façon générale, réunir tous les éléments d'ordre factuel et technique permettant à la juridiction saisie au fond de statuer sur les responsabilités encourues ;
Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout sapiteur, dans une spécialité distincte de la sienne, dont l'intervention s'avèrerait nécessaire pour lui permettre d'accomplir sa mission ;
Dit que l'expert devra répondre, conformément aux dispositions de l'article 276 du code de procédure civile, aux dires des parties qui lui seront communiqués dans le délai imparti par ce dernier ;
Dit que l'expert devra déposer son pré-rapport dans un délai de six mois à compter de la consignation de la provision à valoir sur ses honoraires, et qu'il devra le notifier aux parties préalablement au dépôt de son rapport définitif ;
Dit qu'en cas d'urgence ou de péril, l'expert déposera dans les plus brefs délais un pré-rapport spécifique précisant la nature, l'importance et le coût des travaux urgents et des mesures conservatoires nécessaires en vue de mettre fin au dommage ou d'éviter son aggravation ;
Fixe à 10 000 euros la provision à consigner par la société Valfrance, à titre d'avance sur les honoraires de l'expert, dans un délai de deux mois à compter de la présente décision ;
Dit qu'en cas de difficulté, l'expert en rendra compte au magistrat chargé du contrôle des expertises de la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société Indeff à payer à titre provisionnel la somme de 75 000 euros à la société Valfrance ;
Constate le désistement de la société Valfrance de sa demande de production de documents sous astreinte ;
Condamne la société Indeff aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au bénéfice de Me Catelotte ;
Condamne la société Indeff à payer à la société Valfrance la somme de 4 000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;
Rejette le surplus des demandes des parties au titre de leurs frais irrépétibles.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
N°
S.C.A. COOPERATIVE AGRICOLE VALFRANCE
C/
S.A.S. SPIE BUILDING SOLUTIONS anciennement dénommée S.A.S. SPIE INDUSTRIE & TERTIAIRE
S.A.S. ATRISSEM
S.A.R.L. ETHIQUE CONCEPTION INGENIERIE (E.C.I)
S.A.R.L. INDEFF
AF/MC/VB
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU QUINZE OCTOBRE
DEUX MILLE VINGT QUATRE
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 23/03389 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I2ZT
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 23/04888 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I52T
Décision déférée à la cour : ORDONNANCE DU PRESIDENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SENLIS DU TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS
PARTIES EN CAUSE :
S.C.A. COOPERATIVE AGRICOLE VALFRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 11]
Représentée par Me François MENDY substituant Me Daniel GAUBOUR de la SELARL RDB ASSOCIES, avocats au barreau d'AMIENS
APPELANTE
ET
S.A.S. SPIE BUILDING SOLUTIONS anciennement dénommée S.A.S. SPIE INDUSTRIE & TERTIAIRE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 12]
Représentée par Me José-Manuel CASTELLOTE, avocat au barreau de BEAUVAIS
Plaidant par Me Faïza DOUZI substituant Me Phillippe SAVATIC, avocats au barreau de PARIS
S.A.S. ATRISSEM prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représentée par Me Géraldine MELIN de la SCP GOSSARD BOLLIET MELIN, avocat au barreau de COMPIEGNE
S.A.R.L. ETHIQUE CONCEPTION INGENIERIE (E.C.I) prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 9]
Assignée à secrétaire le 28/08/2023
S.A.R.L. INDEFF agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 10]
Représentée par Me Marion MANDONNET, avocat au barreau d'AMIENS
Plaidant par Me Christian KRUGER substituant Me Laurence SUCHET, avocats au barreau de STRASBOURG
INTIMEES
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :
L'affaire est venue à l'audience publique du 02 juillet 2024 devant la cour composée de Mme Agnès FALLENOT, Présidente de chambre, Présidente, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.
A l'audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.
Sur le rapport de Mme Agnès FALLENOT et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 15 octobre 2024, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCÉ :
Le 15 octobre 2024, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Agnès FALLENOT, Présidente de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.
*
* *
DECISION :
FAITS ET PROCEDURE
Courant 2021, la société Valfrance, qui exploitait deux usines à [Localité 11] et à [Localité 15], a souhaité regrouper ses activités sur son site de [Localité 11].
Pour la réalisation de son projet, elle a fait appel à la société Ethique conception ingénierie (la société ECI) en qualité de maître d''uvre, et à la société Atrissem en qualité de mécanicien principal.
Le 12 juin 2021, en réponse à l'appel d'offres lancé par la société ECI, la société Indeff a soumissionné pour l'attribution du lot n°6 « électricité-automatisme-supervision », les prestations pour la partie électrique de l'offre devant être réalisées par la société Spie industrie et tertiaire, devenue Spie industrie, son sous-traitant.
L'offre de la société Indeff a été retenue, et suivant contrats conclus le 18 juin 2021, celle-ci s'est vue attribuer les trois marchés suivants :
- un premier marché, portant sur le lot n°6 « électricité-automatisme-supervision », pour un montant de 1 060 000 euros HT ;
- un deuxième marché, portant sur l'intégration des machines conservées se situant sur le site de [Localité 15], pour un montant de 10 000 euros HT ;
- un troisième marché, portant sur le « manufacturing executive system » (MES), c'est-à-dire le système informatique reliant directement le système de gestion des commandes à la production, pour un montant de 100 000 euros HT.
La réception du chantier est intervenue avec réserves le 5 octobre 2022.
Par assignations des 10 et 13 février 2023, la société Valfrance a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Senlis pour obtenir :
- la désignation d'un expert avec pour mission d'examiner l'usine et sa conformité aux documents contractuels ainsi qu'aux règles de l'art ;
- le remboursement des sommes versées à titre d'acompte dans le cadre du contrat « MES » ;
- la condamnation de la société Indeff à la production de documents, voire la réalisation de prestations, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
Par ordonnance rendue le 30 mai 2023, rectifiée le 28 juin 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Senlis a :
- rejeté toutes les demandes de la société Valfrance ;
- condamné la société Valfrance à payer à la société Indeff la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Valfrance aux dépens ;
- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.
Par déclaration du 26 juillet 2023, la société Valfrance a relevé appel de l'ensemble des chefs de l'ordonnance rendue le 30 mai 2023, en intimant les sociétés Atrissem, ECI, Spie industrie et tertiaire et Indeff.
L'affaire a été enregistrée sous le numéro de RG 23/3389.
Par déclaration du 26 juillet 2023, la société Valfrance a relevé appel de l'ensemble des chefs de l'ordonnance rectificative du 28 juin 2023, en intimant les sociétés Atrissem, ECI, Spie industrie et tertiaire et Indeff.
L'affaire a été enregistrée sous le numéro de RG 23/3393.
Par déclaration du 29 novembre 2023, la société Valfrance a relevé appel de l'ensemble des chefs de l'ordonnance rendue le 30 mai 2023, en intimant la société Spie industrie.
L'affaire a été enregistrée sous le numéro de RG 23/4888.
Par déclaration du 29 novembre 2023, la société Valfrance a de nouveau relevé appel de l'ensemble des chefs de l'ordonnance rendue le 28 juin 2023, en intimant la société Spie industrie.
L'affaire a été enregistrée sous le numéro de RG 23/4895.
Par ordonnance du 6 octobre 2023, les procédures enregistrées sous les numéros de RG 23/3389 et 23/3393 ont été jointes sous le numéro 23/3389.
Par ordonnance du 7 mai 2024, les procédures enregistrées sous les numéros de RG 23/4888 et 23/4895 ont été jointes sous le numéro 23/4888.
Dans l'intervalle, par une assignation du 12 avril 2023, la société Valfrance a sollicité, dans le cadre d'une procédure de référé d'heure à heure, la communication des codes source des automates installés par la société Indeff ainsi que des dossiers d'ouvrages exécutés (DOE), en arguant que la production de l'usine de [Localité 11] était en grand péril et ne pouvait fonctionner.
Par ordonnance du 23 mai 2023, les demandes de la société Valfrance ont été intégralement rejetées.
La société Valfrance a également interjeté appel de cette décision et l'instance a été enrôlée sous le numéro de RG 23/02601 et traitée par la chambre économique de la cour d'appel d'Amiens.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans l'instance enregistrée sous le numéro de RG 23/3389 :
Par conclusions notifiées par le RPVA le 28 novembre 2023, la société Valfrance demande à la cour de :
Juger la société Valfrance recevable dans son appel.
En conséquence,
Réformer la décision du 28 juin 2023 en ce qu'elle déboute la société Valfrance de l'ensemble de ses demandes et la condamne à verser à la société Indeff la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau :
Sur la demande d'expertise :
Voir désigner tel expert qu'il plaira au tribunal avec mission de :
Se rendre sur les lieux sis [Adresse 3] à [Localité 11] après avoir au préalable convoqué les parties et leurs conseils,
- Entendre les parties en leurs explications, ainsi que, si nécessaire, tout sachant,
- Se faire remettre tous documents contractuels et techniques et en général toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission, même détenus par des tiers,
Aux fins de :
- Examiner les désordres les réserves mentionnées sur le procès-verbal de réception de la société Indeff,
- Faire toutes constatations utiles et donner une description précise des désordres allégués dans l'assignation et le constat d'huissier en indiquant la nature et en produisant dans toute la mesure du possible des photographies,
- Dire si les désordres proviennent d'une non-conformité aux documents contractuels ou aux règles de l'art, d'une exécution défectueuse ou toute autre cause,
- Dire à qui est imputable le retard dans la livraison du chantier,
- Fournir tous éléments techniques et de fait permettant au tribunal de statuer sur les responsabilités éventuellement encourues et de procéder à l'évaluation des préjudices subis, notamment le trouble de jouissance pendant les travaux de remise en état,
- Décrire les travaux de remise en état nécessaires et en chiffrer le coût, le cas échéant, décrire les travaux de reprise et le coût des travaux nécessaires pour la remise en conformité,
- Répondre aux dires des parties,
- Dire que l'expert pourra se faire assister par tout sapiteur, dans une spécialité distincte de la sienne,
- Dire qu'au visa de l'article 268 du code de procédure civile, l'expert, dès qu'il aura connaissance de la présente ordonnance, sans attendre la consignation du montant de la provision pour frais, devra venir prendre connaissance des pièces jointes à l'assignation,
- Que ces pièces pourront lui être remises immédiatement au greffe du contrôle des expertises,
- Dire que l'expert aura tous pouvoirs en cours de procédure, pour autoriser les demandeurs, le cas échéant, à faire réaliser les travaux de reprise selon ses observations, indications et préconisations techniques de l'expert ou de tous sachant ou sapiteurs et ce pendant le cours des travaux et pour compte avancé.
- Dire que l'expert devra le plus tôt possible dans un souci de sérénité et d'efficacité solliciter de la part des parties la production des pièces complémentaires dont il aurait éventuellement besoin en vue de la première réunion d'expertise,
- Par ailleurs, inviter l'expert à suivre les prescriptions suivantes :
En cas de travaux urgents :
En cas d'urgence ou de péril, l'expert déposera un pré-rapport spécifique précisant la nature, l'importance et le coût des travaux urgents et des mesures conservatoires nécessaires en vue de mettre fin au dommage ou d'éviter son aggravation.
Pré-rapport et rapport :
Dire que l'expert dans le délai de 6 mois à compte du jour de sa saisine effective, déposera au greffe et adressera aux parties un pré-rapport comprenant son avis motivé sur l'ensemble des chefs de sa mission,
- Il laissera aux parties un délai minimum de 1 mois à compter du dépôt du pré-rapport pour leur permettre de faire valoir leurs observations par voies de dires récapitulatifs,
- De toutes ses opérations et constatations, l'expert dressera enfin un rapport qu'il déposera au greffe du contrôle des expertises et adressera aux parties,
En cas de difficultés :
Dire qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera pourvu à son remplacement d'office par ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises,
Dire que le contrôle de la présente mesure d'instruction sera assuré par le juge spécialement chargé de contrôler l'exécution des mesures d'instruction conformément aux dispositions de l'article 155-1 du code de procédure civile,
Sur la demande de provision :
Condamner la société Indeff à verser à la société Valfrance une somme de 75 000 euros au titre du projet MES non exécuté,
Sur l'astreinte,
Condamner la société Indeff sous astreinte de 500 euros par jour de retard à fournir à la société Valfrance les documents listés ci-dessous :
La mise en place des Bulher sur la ligne 2, notamment les 4 Buhler qui étaient prévus dans le contrat initialement,
La certification du code par Factory Software,
L'envoi du code source,
Absence d'un système de gestion des variétés,
Un problème sur le Filtre 4, la canne de dévoutage toujours pas opérationnelle,
Les débitmètres du triage 1 ne sont pas fonctionnels et non prévus dans l'automatisation,
Les débitmètres du triage 2 ne sont pas fonctionnels et non prévus dans l'automatisation,
Les plans électriques au format numérique de l'usine fournie par Spie,
En tout état de cause :
Condamner la société Indeff à payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par le RPVA le 5 octobre 2023, la société Indeff demande à la cour de :
Ordonner la jonction des procédures d'appel enregistrées respectivement sous les numéros RG 23/03389 et 23/03393 ;
Juger la société coopérative agricole Valfrance mal fondée en son appel ;
Débouter la société coopérative agricole Valfrance de l'ensemble de ses prétentions ;
En conséquence,
A titre principal,
Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise (rectifiée par décision du 28 juin 2023) ;
A titre subsidiaire,
a) Si par impossible l'ordonnance entreprise était infirmée et qu'une expertise était ordonnée :
Désigner tel expert qu'il lui plaira avec mission de :
- se faire communiquer par les parties tous documents utiles à l'exécution de sa mission, prendre connaissance des actes conclus entre les parties et donner tous éléments techniques quant à la nature et l'étendue des travaux à réaliser par la société Indeff en exécution des contrats conclus avec la société coopérative agricole Valfrance, et plus spécialement le marché du lot n° 6 « électricité-automatisme-supervision » ;
- se faire communiquer par les parties tous documents utiles à l'exécution de sa mission, prendre connaissance des actes conclus entre les parties et donner tous éléments techniques quant à la nature et l'étendue des travaux ayant fait l'objet des devis complémentaires communiqués par la société Indeff à la société coopérative agricole Valfrance ;
- visiter en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées l'usine de semence sise [Adresse 3] à [Localité 11], la décrire et entendre tous sachants ;
- sur la base de l'engagement contractuel initial (appel d'offre et réponse à l'appel d'offre), établir l'étendue des travaux exécutés, acter des travaux complémentaires exécutés, dresser un état des lieux des installations réalisées ;
- dire si l'usine présente des désordres tels qu'indiqués dans le procès-verbal de réception du 5 novembre 2022 signé entre la société coopérative agricole Valfrance et la société Indeff ;
- dans l'affirmative, en indiquer la nature et l'étendue en précisant s'ils relèvent du périmètre du contrat initial, s'ils proviennent d'une erreur de conception, d'une non-conformité aux documents contractuels ou aux règles de l'art, d'une exécution défectueuse ou de toute autre cause telle que les demandes nouvelles formulées par la société de coopérative agricole Valfrance ou du fait d'un autre intervenant que la société Indeff sur le chantier ;
- dire si les travaux objets des devis complémentaires établis par la société Indeff correspondent à des travaux complémentaires rendus nécessaires du fait des demandes nouvelles formulées par Valfrance par rapport au marché initial conclu entre les parties ;
- rechercher tous les éléments techniques permettant d'établir les responsabilités éventuelles ;
- dire que l'expert pourra s'adjoindre tout sapiteur, dans une spécialité distincte de la sienne, dont l'intervention s'avèrerait nécessaire pour lui permettre d'accomplir sa mission ;
- répondre, conformément aux dispositions de l'article 276 du code de procédure civile, à tous dires ou observations des parties auxquelles seront communiquées, avant d'émettre l'avis sur l'évaluation définitive des travaux de réparation, soit une note de synthèse, soit un pré-rapport comportant toutes les informations sur l'état de ses investigations et tous les documents relatifs notamment aux devis et propositions chiffrés concernant les diverses évaluations ; rapporter à la juridiction l'accord éventuel qui pourrait intervenir entre les parties ;
- plus généralement, donner toutes les informations utiles de nature à apporter un éclaircissement sur les différents aspects du litige ;
Dire que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du code de procédure civile, en particulier, il pourra recueillir les déclarations de toute personne informée et s'adjoindre tout spécialiste de son choix pris sur la liste des experts établie près ce tribunal ;
Dire qu'en cas de difficulté, l'expert s'en réfèrera au président qui aura ordonné l'expertise ou le juge désigné par lui ;
Dire que l'expert devra déposer son pré-rapport dans un délai de 4 mois à compter de la consignation de la provision à valoir sur ses honoraires, et qu'il devra le notifier aux parties préalablement au dépôt de son rapport définitif ;
Fixer la provision à consigner au greffe, à titre d'avance sur les honoraires de l'expert, dans le délai qui sera imparti par la décision à intervenir, cette provision demeurant à la charge de la société de coopérative agricole Valfrance ;
b) Pour le surplus,
- Confirmer l'ordonnance entreprise (rectifiée par décision du 28 juin 2023) dans l'ensemble de ses autres dispositions et ainsi rejeter les autres demandes formées par la société coopérative agricole Valfrance comme étant sérieusement contestables et/ou mal fondées ;
En tout état de cause, y ajoutant,
Condamner la société de coopérative agricole Valfrance à verser à la société Indeff la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la présente instance d'appel ;
Condamner la société de coopérative agricole Valfrance aux entiers dépens d'appel.
Par conclusions notifiées par le RPVA le 4 octobre 2023, la société Spie building solutions demande à la cour de :
A titre principal, juger irrecevables les conclusions d'appelante de la société coopérative agricole Valfrance notifiées le 6 septembre 2023,
A titre subsidiaire, juger sans objet l'appel de la société coopérative agricole Valfrance formé à l'encontre de l'ordonnance déférée,
Condamner la société coopérative agricole Valfrance à verser la somme de 3 000 euros à la société Spie building solutions en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner la société Valfrance aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me José-Manuel Castellote en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par le RPVA le 5 octobre 2023, la société Atrissem demande à la cour de :
Confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamner la société Coopérative Agricole Valfrance ou toute autre partie succombante à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Ainsi qu'en tous les dépens de 1 ère instance et d'appel.
La société ECI n'a pas constitué avocat devant la cour.
Dans l'instance enregistrée sous le numéro de RG 23/4888 :
Par conclusions notifiées par le RPVA le 19 février 2024, la société Valfrance demande à la cour de :
Juger la société Valfrance recevable dans ses appels,
En conséquence,
Réformer les décisions des 30 mai 2023 et 28 juin 2023 en ce qu'elles déboutent la société Valfrance de l'ensemble de ses demandes et la condamne à verser à la société Indeff la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau :
Sur la demande d'expertise :
Voir désigner tel expert qu'il plaira au tribunal avec mission de :
Se rendre sur les lieux sis [Adresse 3] à [Localité 11] après avoir au préalable convoqué les parties et leurs conseils,
- Entendre les parties en leurs explications, ainsi que, si nécessaire, tout sachant,
- Se faire remettre tous documents contractuels et techniques et en général toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission, même détenus par des tiers,
Aux fins de :
- Examiner les désordres les réserves mentionnées sur le procès-verbal de réception de la société Indeff,
- Faire toutes constatations utiles et donner une description précise des désordres allégués dans l'assignation et le constat d'huissier en indiquant la nature et en produisant dans toute la mesure du possible des photographies,
- Dire si les désordres proviennent d'une non-conformité aux documents contractuels ou aux règles de l'art, d'une exécution défectueuse ou toute autre cause,
- Dire à qui est imputable le retard dans la livraison du chantier,
- Fournir tous éléments techniques et de fait permettant au tribunal de statuer sur les responsabilités éventuellement encourues et de procéder à l'évaluation des préjudices subis, notamment le trouble de jouissance pendant les travaux de remise en état,
- Décrire les travaux de remise en état nécessaires et en chiffrer le coût, le cas échéant, décrire les travaux de reprise et le coût des travaux nécessaires pour la remise en conformité,
- Répondre aux dires des parties,
- Dire que l'expert pourra se faire assister par tout sapiteur, dans une spécialité distincte de la sienne,
- Dire qu'au visa de l'article 268 du code de procédure civile, l'expert, dès qu'il aura connaissance de la présente ordonnance, sans attendre la consignation du montant de la provision pour frais, devra venir prendre connaissance des pièces jointes à l'assignation,
- Que ces pièces pourront lui être remises immédiatement au greffe du contrôle des expertises,
- Dire que l'expert aura tous pouvoirs en cours de procédure, pour autoriser les demandeurs, le cas échéant, à faire réaliser les travaux de reprise selon ses observations, indications et préconisations techniques de l'expert ou de tous sachant ou sapiteurs et ce pendant le cours des travaux et pour compte avancé,
- Dire que l'expert devra le plus tôt possible dans un souci de sérénité et d'efficacité solliciter de la part des parties la production des pièces complémentaires dont il aurait éventuellement besoin en vue de la première réunion d'expertise,
- Par ailleurs, inviter l'expert à suivre les prescriptions suivantes :
En cas de travaux urgents :
En cas d'urgence ou de péril, l'expert déposera un pré-rapport spécifique précisant la nature, l'importance et le coût des travaux urgents et des mesures conservatoires nécessaires en vue de mettre fin au dommage ou d'éviter son aggravation,
Pré-rapport et rapport :
Dire que l'expert dans le délai de 6 mois à compte du jour de sa saisine effective, déposera au greffe et adressera aux parties un pré-rapport comprenant son avis motivé sur l'ensemble des chefs de sa mission,
- Il laissera aux parties un délai minimum de 1 mois à compter du dépôt du pré-rapport pour leur permettre de faire valoir leurs observations par voies de dires récapitulatifs,
- De toutes ses opérations et constatations, l'expert dressera enfin un rapport qu'il déposera au greffe du contrôle des expertises et adressera aux parties,
En cas de difficultés :
Dire qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera pourvu à son remplacement d'office par ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises,
Dire que le contrôle de la présente mesure d'instruction sera assuré par le juge spécialement chargé de contrôler l'exécution des mesures d'instruction conformément aux dispositions de l'article 155-1 du code de procédure civile,
Sur la demande de provision :
Condamner la société Indeff à verser à la société Valfrance une somme de 75 000 euros au titre du projet MES non exécuté,
Sur l'astreinte,
Condamner la société Indeff sous astreinte de 500 euros par jour de retard à fournir à la société Valfrance les documents listés ci-dessous :
La mise en place des Bulher sur la ligne 2, notamment les 4 Buhler qui étaient prévus dans le contrat initialement,
La certification du code par Factory Software,
L'envoi du code source,
Absence d'un système de gestion des variétés,
Un problème sur le Filtre 4, la canne de dévoutage toujours pas opérationnelle,
Les débitmètres du triage 1 ne sont pas fonctionnels et non prévus dans l'automatisation,
Les débitmètres du triage 2 ne sont pas fonctionnels et non prévus dans l'automatisation,
Les plans électriques au format numérique de l'usine fournie par Spie,
En tout état de cause :
Condamner la société Indeff à payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par le RPVA le 18 mars 2024, la société Spie industrie demande à la cour de :
Prononcer la jonction des instances enrôlées sous les n° 23/04888 et n° 23/03389,
Confirmer l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Senlis du 28 juin 2023 en ce qu'elle a :
- reçu l'intervention volontaire de la société Spie industrie,
- prononcé la mise hors de cause la société Spie building solutions,
Statuant à nouveau :
Juger irrecevable l'appel de la société Valfrance à l'encontre de la société Spie building solutions,
Statuer ce que de droit quant à la demande d'expertise judiciaire de la société Valfrance au titre des désordres invoqués à son assignation en référé du 13 février 2023,
Condamner la société Valfrance aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me José-Manuel Castellote en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Les ordonnances de clôture ont été rendues le 7 mai 2024 et l'affaire fixée pour plaidoiries à l'audience du 2 juillet 2024.
Par message RPVA du 2 juillet 2024, confirmant sa demande faite à l'audience, la cour a sollicité les observations des parties, par une note en délibéré chacune à lui adresser avant le 30 août 2024, sur les questions suivantes :
1) Dans le dispositif de ses conclusions, la société Valfrance demande la condamnation sous astreinte de la société Indeff à lui fournir « les documents listés ci-dessous :
La mise en place des Bulher sur la ligne 2, notamment les 4 Buhler qui étaient prévus dans le contrat initialement
La certification du code par Factory Software
L'envoi du code source
Absence d'un système de gestion des variétés
Un problème sur le Filtre 4, la canne de dévoutage toujours pas opérationnelle
Les débitmètres du triage 1 ne sont pas fonctionnels et non prévus dans l'automatisation.
Les débitmètres du triage 2 ne sont pas fonctionnels et non prévus dans l'automatisation.
Les plans électriques au format numérique de l'usine fournie par Spie ».
Lors de l'audience, il a été indiqué par le conseil de la société Valfrance qu'hormis le code source, lequel fait l'objet d'une procédure distincte, tous les documents avaient été remis. En conséquence, cette demande est-elle maintenue '
2) Dans l'hypothèse où la demande serait maintenue, la qualification de « document » peut-elle être donnée aux lignes suivantes :
« La mise en place des Bulher sur la ligne 2, notamment les 4 Buhler qui étaient prévus dans le contrat initialement »
« Absence d'un système de gestion des variétés »
« Un problème sur le Filtre 4, la canne de dévoutage toujours pas opérationnelle »
« Les débitmètres du triage 1 ne sont pas fonctionnels et non prévus dans l'automatisation. »
« Les débitmètres du triage 2 ne sont pas fonctionnels et non prévus dans l'automatisation » '
Par message du 29 août 2024, la société Valfrance a indiqué que cette demande n'avait plus lieu d'être et qu'il convenait « de ne pas y répondre ».
Par message RPVA du 30 août 2024, la société Indeff a demandé qu'il soit pris acte que la société Valfrance reconnaissait qu'elle lui avait bien remis l'ensemble des éléments, documents et autres qui étaient requis sous astreinte et qu'il n'y avait plus lieu que la cour statue sur ces demandes.
MOTIFS
Il sera d'emblée précisé, pour la clarté des débats, que la société Spie industrie vient aux droits de la société Spie building solutions, anciennement Spie industrie tertiaire.
1. Sur les demandes de jonction
Aux termes de l'article 367 du code de procédure civile, le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.
Il peut également ordonner la disjonction d'une instance en plusieurs.
Les instances enregistrées sous les numéros de RG 23/3389 et 23/3393 ont déjà été jointes par une ordonnance rendue le 6 octobre 2023. La demande présentée de ce chef par la société Indeff est donc dénuée d'objet.
Il convient, en revanche, dans un souci de bonne administration de la justice, de joindre les instances enregistrées sous les numéros de RG 23/3389 et 23/4888, s'agissant des appels de l'ordonnance rendue le 30 mai 2023 et rectifiée le 28 juin 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Senlis.
2. Sur la recevabilité de l'appel à l'encontre de la société Spie building solutions
La société Spie industrie plaide que la société Valfrance était irrecevable à intimer la société Spie building solutions alors qu'elle avait acquiescé, en première instance, à sa demande de mise hors de cause.
Sur ce,
Aux termes des articles 408 et 409 du code de procédure civile, l'acquiescement à la demande emporte reconnaissance du bien-fondé des prétentions de l'adversaire et renonciation à l'action.
Il n'est admis que pour les droits dont la partie a la libre disposition.
L'acquiescement au jugement emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours sauf si, postérieurement, une autre partie forme régulièrement un recours.
Il est toujours admis, sauf disposition contraire.
En l'espèce, il ressort de l'ordonnance du 30 mai 2023, telle que rectifiée par l'ordonnance du 28 juin 2023, que : « la SAS Spie building solutions a apporté ses activités ressortant au secteur industriel, avec effet au 1er janvier 2023, à la SASU Spie industrie qui a désormais seule qualité à agir pour ester et défendre à la première instance. Les demandes de recevoir la SASU Spie industrie en son intervention volontaire à la présente instance et de mettre hors de cause la SAS Spie building solutions ne sont pas contestées et il convient d'y faire droit ».
Cependant, le seul fait de ne pas s'opposer aux demandes formulées devant le juge du premier degré n'emporte pas en lui-même renonciation à l'appel.
La société Spie industrie sera donc déboutée de sa prétention visant à faire déclarer l'appel de la société Valfrance irrecevable à l'égard de la société Spie building solutions.
3. Sur la dévolution du litige
La société Valfrance explique que l'ordonnance rendue le 30 mai 2023 ne traitait pas de l'objet du litige. C'est en ce sens que l'ordonnance rectificative du 28 juin 2023 a annulé et remplacé ses pages 3, 4 et 5. Elle observe que dans ses conclusions, elle s'attache à critiquer le bien-fondé de l'ordonnance rectificative du 28 juin 2023, de sorte que c'est à tort qu'il est soutenu que l'ordonnance du 30 mai 2023 n'aurait fait l'objet d'aucune critique. En tout état de cause, la jonction prononcée a nécessairement purgé toute difficulté.
La société Spie building solutions soutient quant à elle que la déclaration d'appel défère à la cour les chefs du dispositif de l'ordonnance du 30 mai 2023. Or les conclusions d'appelante de la société Valfrance notifiées le 6 septembre 2023 ne comportent aucune critique relative à l'ordonnance dont appel, ses moyens et ses demandes ne concernant que l'ordonnance du 28 juin 2023, alors qu'en application de l'article 910-4 du code de procédure civile, il appartenait à la société Valfrance de présenter l'ensemble de ses prétentions afférentes à la décision querellée dans le délai de l'article 905-2 du code de procédure civile.
La société Spie building solutions ajoute qu'il résulte des conclusions d'appelante de la société Valfrance que celle-ci ne forme aucune critique envers l'ordonnance du 30 mai 2023, au mépris de l'article 542 du code de procédure civile, et que son appel est privé d'objet puisqu'il se borne à critiquer et à requérir la réformation uniquement de l'ordonnance du 28 juin 2023.
Sur ce,
Aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.
Aux termes des articles 905-2 et 910-4 anciens du code de procédure civile, applicables au présent litige, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe. A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.
Cependant, il doit être rappelé qu'une décision rectificative s'intègre à la décision rectifiée. L'argumentation de la société Spie building solutions selon laquelle la société Valfrance n'aurait critiqué, à l'appui de son appel de l'ordonnance rendue le 30 mai 2023, que les motifs de l'ordonnance rectificative rendue le 28 juin 2023, est donc totalement inopérante.
Il convient dès lors de la débouter de ses prétentions visant à faire déclarer les conclusions de l'appelante notifiées le 6 septembre 2023 irrecevables et l'appel sans objet.
4. Sur la demande d'expertise
La société Valfrance plaide qu'elle justifie d'un motif légitime à ce que soit ordonnée une expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile. Elle observe que le juge des référés a passé sous silence le procès-verbal de réception des travaux de la société Indeff, lequel ne comporte pas moins de dix pages de réserves qui n'ont toujours pas été levées. Elle souligne qu'il est certain, à la lecture du constat d'huissier du 1er juillet 2022, que l'usine présente des désordres et dysfonctionnements. Elle ajoute que l'application de l'article 145 n'implique aucun préjugé sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé. Il suffit de constater qu'un procès est possible, qu'il a un objet et un fondement suffisamment déterminés et que sa solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée.
Il appartiendra à l'expert de constater l'ensemble des réserves non levées, ainsi que les désordres affectant l'usine, de déterminer leur cause et imputabilité et de chiffrer leur coût de reprise. Il entrera également dans la mission de l'expert judiciaire de déterminer le préjudice résultant du retard dans la livraison de l'usine et de se prononcer sur le surcoût lié aux travaux que la société Valfrance a été contrainte de financer afin de permettre l'avancement du chantier.
La société Indeff soutient qu'elle a exécuté ses prestations avec l'expertise et la diligence requises, tandis que la société Valfrance a manqué à ses obligations d'exécution de bonne foi des conventions, en modifiant de manière substantielle le marché conclu tout en refusant d'en régler le prix et d'en accepter les conséquences en termes de délais de livraison. Elle a donc été contrainte de s'adapter, tout en subissant les retards des autres prestataires dont l'intervention conditionnait et impactait la sienne. La réception du chantier, accompagnée d'un certain nombre de réserves, a pu intervenir le 5 octobre 2022. La majorité de ces réserves sont liées à des travaux électriques relevant de la société Spie, qui ont été levées dans les semaines qui ont suivi. Les réserves non levées concernent des prestations complémentaires, non incluses dans le marché initial, ayant fait l'objet de devis complémentaires de la part de la société Indeff, que la société Valfrance a refusé de payer. La première ligne de production a été mise en service dès juillet 2022, la seconde au mois de septembre 2022. Les deux lignes fonctionnent sans difficultés. La société Indeff conteste donc formellement la matérialité des faits invoqués par la société Valfrance, la demande de cette dernière étant dénuée de tout motif légitime.
Subsidiairement, si la cour devait ordonner une mesure d'expertise, celle-ci devrait porter sur :
- la définition du périmètre de l'appel d'offre et de la réponse à l'appel d'offre, soit le champ contractuel entre les parties et les prestations qui incombaient à la société Indeff au titre du marché qui lui a été confié,
- la mesure des modifications de ce champ contractuel par les sociétés Valfrance et/ou ECI ;
- les conséquences techniques, financières et de délai de ces modifications.
En outre, les frais de consignation seront à la charge de la société Valfrance, demanderesse à la mesure.
La société Spie industrie indique qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la cour sur la demande d'expertise de l'appelante, laquelle ne pourra porter que sur les désordres qui sont dénombrés par l'acte introductif d'instance.
Sur ce,
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instructions légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
En l'espèce, la société Indeff s'est vue attribuer en juin 2021, par la société Valfrance, les marchés suivants :
- un premier marché, portant sur le lot n°6 « électricité-automatisme-supervision », pour un montant de 1 060 000 euros HT ;
- un deuxième marché, portant sur l'intégration des machines conservées se situant sur le site de [Localité 15], pour un montant de 10 000 euros HT ;
- un troisième marché, portant sur le « manufacturing executive system » (MES), c'est-à-dire le système informatique reliant directement le système de gestion des commandes à la production, pour un montant de 100 000 euros HT.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 21 juin 2022, la société Valfrance lui a reproché son retard dans l'exécution des travaux confiés au titre du marché « Electricité ' automatisme ' supervision », lui rappelant que l'article 12 du cahier des clauses particulières du marché (CCPM) prévoyait que l'usine soit opérationnelle le 2 juin 2022 pour une mise en service au plus tard le 1er juillet 2022. Elle a observé qu'à moins de 10 jours de la date de mise en service de l'usine :
- l'éclairage et le paratonnerre n'étaient toujours pas réalisés ;
- la ligne de triage n°1 qui devait être livrée au plus tard le 31 mai 2022 n'était toujours pas opérationnelle.
Elle lui a rappelé que cette situation lui avait été dénoncée à plusieurs reprises sans qu'aucune réponse ne soit apportée, soulignant que tous les éléments du dossier convergeaient pour prouver que le retard sur ce chantier lui était entièrement imputable, tels que les divers comptes-rendus de chantier dans lesquels la maîtrise d''uvre pointait les multiples insuffisances et approximations dans le travail fourni ainsi que l'absence de rigueur au stade de l'exécution.
Elle a conclu qu'à défaut d'une mise en service à la date prévue, elle se réservait la faculté de porter le litige devant le tribunal compétent aux fins de faire constater la résiliation du marché à ses torts exclusifs et de solliciter sa condamnation à la réparation de son entier préjudice résultant de l'impossibilité de démarrer son activité.
Il n'est pas justifié de la réponse apportée par la société Indeff.
Le 1er juillet 2022, la société Valfrance a fait établir un constat d'huissier au contradictoire de sa cocontractante montrant que les travaux n'étaient effectivement pas achevés, puis, par courrier recommandé avec accusé de réception du 4 juillet 2022, elle lui a reproché de ne pas avoir respecté les engagements pris lors d'une réunion du 27 juin 2022, au cours de laquelle la société Indeff s'était engagée à faire en sorte que la ligne de triage n°1 soit opérationnelle au 1er juillet 2022 en doublant ses effectifs.
La réponse de la société Indeff n'est pas davantage connue.
Dans le cadre des débats judiciaires, cette dernière soutient que les retards allégués sont la conséquence des modifications substantielles demandées par la société Valfrance, et produit pour en justifier :
- huit offres de travaux complémentaires établies entre le 4 février 2022 et le 19 septembre 2022,
- un tableau réalisé par ses soins récapitulant les travaux complémentaires réalisés et leur coût, -une « analyse fonctionnelle d'origine » en date du 10 janvier 2022 et une « analyse fonctionnelle finale » en date du 10 octobre 2022.
Il s'impose de constater que dans son courrier susvisé du 4 juillet 2022, la société Valfrance lui avait effectivement indiqué qu'en contrepartie de ses engagements de doubler ses effectifs pour achever les travaux, elle avait accepté à son tour, dans un souci de compromis de nature à permettre une livraison à la date convenue, « d'étudier les travaux supplémentaires non compris dans le marché de base » dont il était sollicité la prise en charge. Elle a également reconnu que la société Spie avait réalisé des travaux supplémentaires, tout en réfutant que cette situation soit de nature à exonérer la société Indeff de son obligation d'accomplir ses engagements dans le délai prévu. A cet égard, elle a observé que les travaux supplémentaires dont elle sollicitait le règlement avoisinaient le million d'euros, soit presque l'équivalent du marché de base, alors qu'il s'agissait d'un marché à forfait.
La réception du chantier a eu lieu le 5 octobre 2022, avec de nombreuses réserves dont la date de levée était prévue entre le 12 et le 28 octobre 2022.
La société Valfrance a ultérieurement déploré la présence de rongeurs rongeant les câbles dans les armoires électriques. La société Spie industrie justifie cependant avoir résolu ce problème, en colmatant des presse-étoupes inutilisés avec du silicone avant de les fermer par des bouchons en novembre et décembre 2022.
Par courriel du 13 janvier 2023, la société Valfrance a mis en demeure la société Indeff de procéder à la levée de l'ensemble des réserves pour le 24 janvier au plus tard, précisant qu'au-delà de cette date, elle demanderait l'intervention d'une autre société et que le coût des prestations réalisées lui serait imputable.
En avril 2023, la société Valfrance a encore déploré la redondance entre deux automates. La société Indeff lui a répondu que cette situation était liée à son refus de l'offre complémentaire qui lui a été soumise pour les installer dans deux salles différentes, argument que la société Valfrance a réfuté, soulignant que la difficulté n'avait pas de rapport avec l'emplacement desdits automates.
Enfin, par courrier du vendredi 28 avril 2023, elle a écrit à la société Indeff que l'appui sur les boutons de contrôle ne fonctionnait pas, même après le redémarrage des moteurs applicatifs, et que les automates ne redémarraient pas, la procédure de maintenance envoyée dans les DOE ne permettant pas de corriger le problème. Elle a conclu que l'usine était à l'arrêt et dans l'incapacité de lancer la moindre production.
Le jour même, la société Indeff lui a répondu ne pas avoir la possibilité de réaliser des tests sur le site « sur le moment », et lui a proposé d'essayer un dépannage à distance le mardi matin suivant ou le mardi après-midi sur site.
Il n'est produit aux débats aucun élément postérieur.
Il s'impose cependant de constater que les travaux de la société Indeff ont indéniablement été achevés avec retard et n'ont pas donné entièrement satisfaction à la société Valfrance. Cette dernière dispose donc manifestement d'un motif légitime de conserver ou d'établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige depuis lors engagé devant les juridictions du fond, sans qu'il soit allégué par aucune des parties que la demande d'expertise formée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ait été postérieure à l'assignation au fond.
Il sera donc fait droit à sa demande d'expertise, selon la mission prévue au dispositif du présent arrêt, les frais de consignation étant mis à la charge de la société Valfrance. La décision entreprise sera infirmée de ce chef.
5. Sur la demande de provision
La société Valfrance fait valoir que les prestations prévues par le contrat MES n'ont pas été livrées, alors qu'elle a versé la somme de 75 000 euros dans le cadre de ce projet. Il n'est produit aucun élément attestant de l'exécution du contrat. La simple constatation d'une absence de contestation sérieuse suffit à octroyer la provision.
La société Indeff rappelle que c'est la société Valfrance qui a résilié unilatéralement et brutalement ce contrat, en se prévalant de l'inexécution prétendue du contrat de réalisation du système d'automation, sans en rapporter la preuve. Les conditions de résiliation du contrat MES sont contestées et dès lors, le droit de la société Valfrance à solliciter la restitution des sommes versées à titre d'acompte se heurte à une contestation sérieuse. La question de l'interprétation d'un contrat, de son exécution et de l'éventuelle responsabilité d'un cocontractant relève des juges du fond et échappe à la compétence du juge des référés, juge de l'évidence.
Sur ce,
Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
La société Valfrance produit aux débats un courriel de la société Valfrance à destination de la société Indeff en date du 14 octobre 2022, ainsi libellé :
« Je fais suite à notre mail ci-dessous et à notre visio de ce jour.
Nous avons pris acte de votre accord pour résilier le marché MES et le contrat spécifique que nous avions signé figurant en PJ ; ainsi que les factures déjà payées par nos soins.
A la condition d'un remboursement au plus tard sous 7 jours de la somme de 75 000 euros HT correspondant aux factures réglées ci attachées également, nous renoncerons à nous prévaloir des pénalités contractuelles de retard fixées dans ce même contrat. »
Par courrier recommandé avec avis de réception du 3 février 2023, elle lui a notifié la résiliation du contrat MES à ses torts exclusifs.
La société Indeff ne justifie aucunement des réponses qu'elle a apportées, et ne réfute pas ne pas avoir accompli les prestations prévues au contrat.
Dans ce contexte, son obligation au remboursement des acomptes perçus est incontestable. Elle sera donc condamnée à payer la somme de 75 000 euros à la société Valfrance à titre provisionnel. La décision entreprise sera réformée de ce chef.
6. Sur la demande de production de documents
La société Valfrance, après avoir indiqué dans ses conclusions que malgré de nombreuses relances, la société Indeff ne lui avait jamais transmis les documents nécessaires à la bonne compréhension du fonctionnement de l'usine, a renoncé à cette demande par note en délibéré.
La société Indeff avait contesté, dans ses écritures, le bien-fondé de cette prétention pour chacun des « documents » visés.
Sur ce,
La société Valfrance ayant avisé la cour, par note en délibéré, que sa demande de production sous astreinte « n'avait plus lieu d'être » et qu'il « convenait de ne pas y répondre », il sera constaté qu'elle se désiste de cette prétention.
7. Sur les demandes accessoires
En application de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner la société Indeff aux dépens d'appel et de première instance, avec distraction au bénéfice de Me José-Manuel Castellote, conformément à l'article 699 du même code. La décision entreprise sera réformée en ce sens.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Indeff sera par ailleurs condamnée à payer à la société Valfrance la somme indiquée au dispositif du présent arrêt, les autres demandes des parties au titre de leurs frais irrépétibles étant rejetées et la décision querellée infirmée du chef des frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS
Constate que les instances enregistrées sous les numéros de RG 23/3389 et 23/3393 ont déjà été jointes sous le numéro 23/3389 par ordonnance rendue le 6 octobre 2023 ;
Ordonne la jonction des instances enregistrées sous les numéros de RG 23/3389 et 23/4888 sous le numéro 23/3389 ;
Déboute la société Spie industrie de sa prétention visant à faire déclarer l'appel de la société Valfrance irrecevable à l'égard de la société Spie building solutions ;
Déboute la société Spie building solutions de ses prétentions visant à faire déclarer les conclusions de la société Valfrance notifiées le 6 septembre 2023 irrecevables et l'appel sans objet ;
Infirme l'ordonnance rendue le 30 mai 2023 et rectifiée le 28 juin 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Senlis en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Ordonne une mesure d'expertise confiée à :
M. [L] [J]
[Adresse 2]
[Localité 13]
[XXXXXXXX01]
[Courriel 14]
avec la mission suivante :
- se faire communiquer l'assignation et les pièces qui y sont visées ;
- se rendre sur le site de [Localité 11], [Adresse 3], ainsi qu'en tous autres lieux utiles et nécessaires à l'exécution de la mesure d'instruction, après avoir convoqué les parties, soit par téléphone, soit par télécopie et/ou courrier électronique ;
- entendre les parties en leurs explications ainsi que tout sachant ;
- se faire communiquer et prendre connaissance de tous les documents utiles à l'accomplissement de sa mission, dont notamment les pièces contractuelles et techniques, ainsi que l'ensemble des courriers échangés entre les parties relatifs aux travaux confiés à la société Indeff en exécution des trois contrats conclus avec la Valfrance, ainsi que des offres complémentaires proposées par la société Indeff à la société Valfrance ;
- sur la base des engagements contractuels initiaux, décrire les travaux exécutés ;
- dire si les travaux objets des devis complémentaires établis par la société Indeff correspondent à des travaux complémentaires rendus nécessaires du fait d'exigences nouvelles formulées par la société Valfrance par rapport aux marchés initiaux conclus entre les parties ;
- décrire les travaux complémentaires éventuellement exécutés et les chiffrer ;
- faire toutes constatations utiles sur l'existence et, le cas échéant, la persistance des désordres allégués dans l'assignation et le constat d'huissier ;
- dire si lesdits désordres proviennent d'une erreur de conception, d'une non-conformité aux documents contractuels ou aux règles de l'art, d'une exécution défectueuse ou toute autre cause, en précisant s'ils relèvent du périmètre du contrat initial ;
- évaluer le retard dans la livraison du chantier et son imputabilité ;
- décrire les travaux nécessaires pour remédier aux désordres constatés, en évaluer le coût après avoir, le cas échéant, examiné et discuté les devis présentés par les parties, préciser la durée des travaux préconisés ;
- sauf accord des parties, chiffrer l'ensemble des préjudices tant matériels qu'immatériels subis par la société Valfrance ;
- de façon générale, réunir tous les éléments d'ordre factuel et technique permettant à la juridiction saisie au fond de statuer sur les responsabilités encourues ;
Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout sapiteur, dans une spécialité distincte de la sienne, dont l'intervention s'avèrerait nécessaire pour lui permettre d'accomplir sa mission ;
Dit que l'expert devra répondre, conformément aux dispositions de l'article 276 du code de procédure civile, aux dires des parties qui lui seront communiqués dans le délai imparti par ce dernier ;
Dit que l'expert devra déposer son pré-rapport dans un délai de six mois à compter de la consignation de la provision à valoir sur ses honoraires, et qu'il devra le notifier aux parties préalablement au dépôt de son rapport définitif ;
Dit qu'en cas d'urgence ou de péril, l'expert déposera dans les plus brefs délais un pré-rapport spécifique précisant la nature, l'importance et le coût des travaux urgents et des mesures conservatoires nécessaires en vue de mettre fin au dommage ou d'éviter son aggravation ;
Fixe à 10 000 euros la provision à consigner par la société Valfrance, à titre d'avance sur les honoraires de l'expert, dans un délai de deux mois à compter de la présente décision ;
Dit qu'en cas de difficulté, l'expert en rendra compte au magistrat chargé du contrôle des expertises de la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société Indeff à payer à titre provisionnel la somme de 75 000 euros à la société Valfrance ;
Constate le désistement de la société Valfrance de sa demande de production de documents sous astreinte ;
Condamne la société Indeff aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au bénéfice de Me Catelotte ;
Condamne la société Indeff à payer à la société Valfrance la somme de 4 000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;
Rejette le surplus des demandes des parties au titre de leurs frais irrépétibles.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE