CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 17 octobre 2024, n° 23/17972
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Association E-Enfance (Sté), Association La Voix de l’Enfant (Sté)
Défendeur :
Orange (SA), Colt Technology Services (SAS), Bouygues Telecom (SA), Free (SAS), SFR (SA), SFR Fibre (SAS), Société Réunionnaise du Radiotéléphone (SRR) (Sté), Outremer Telecom (OMT) (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chazalette
Conseillers :
Mme Blanc, Mme Georget
Avocats :
Me Allerit, Me Benoist, Me Boccon Gibod, Me Limbour, Me Boneva-Desmicht, Me Dupuy, Me Grappotte-Benetreau, Me Coursin, Me Lallement, Me Chartier, Me Schwab, Me Rodrigues, Me Guerre, Me Haeri, Me Kiabski
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Les associations e-Enfance et La Voix de l'enfant (les associations) ont pour objet, pour la première, la protection des enfants et des adolescents contre les risques liés à tous moyens de communication interactifs et, pour la seconde, l'action en justice et la représentation des intérêts des enfants victimes ou en danger.
Par actes extrajudiciaires des 2, 3 et 4 août 2021, souhaitant voir mettre un terme à l'accès des mineurs à des contenus pornographiques disponibles en ligne à partir du territoire français, les associations ont assigné plusieurs fournisseurs d'accès à l'internet, les sociétés SFR fibre, Orange, Orange Caraïbe, Free, Bouygues télécom, Colt Technology Services et Outremer télécom ainsi que la Société française du radiotéléphone (SFR) et la Société réunionnaise du radiotéléphone, afin qu'il leur soit enjoint, sur le fondement des articles 6-I.8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, 835, alinéa 1er, du code de procédure civile et 227-24 du code pénal, de mettre ou de faire mettre en oeuvre toute mesure appropriée de blocage des sites Pornhub, Mrsexe, Iciporno, Tukif, Xnxx, Fr.xhamster, Youporn, Xvideos et Redtube, au motif que ceux-ci ne mettraient pas en oeuvre de dispositif de contrôle de la majorité autre que purement déclaratif.
Par jugement rendu en état de référé le 8 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :
écarté des débats les pièces communiquées en cours de délibéré par les associations, à l'exception des courriers envoyés par le président du conseil supérieur de l'audiovisuel aux éditeurs des sites internet visés dans l'assignation ;
dit n'y avoir lieu à ordonner la réouverture des débats ;
rejeté la demande de la société Free tendant à voir juger que le juge des référés n'est pas compétent pour connaître du présent litige ;
rejeté la demande de la société Free tendant à voir déclarer irrecevables les demandes des associations en raison d'un défaut d'intérêt à agir ;
déclaré irrecevables les demandes des associations en tant qu'elles sont fondées sur les dispositions de l'article 6-I.8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ;
déclaré recevables les demandes des associations e-Enfance et La Voix de l'enfant en tant qu'elles sont fondées sur les dispositions de l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile ;
dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de blocage et les demandes subséquentes formées par les associations à l'encontre de la société SFR fibre, de la société Orange, de la société Orange Caraïbe, de la Société française du radiotéléphone, de la Société réunionnaise du radiotéléphone, de la société Free, de la société Bouygues télécom, de la société Colt Technology Services et de la société Outremer télécom ;
constaté que les associations ont renoncé à solliciter l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné les associations aux dépens ;
rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;
dit n'y avoir lieu à référé sur toute autre demande.
Le 18 octobre 2021, les associations ont fait appel de cette décision.
Suivant arrêt du 19 mai 2022, la cour d'appel de Paris a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions et, y ajoutant, dit n'y avoir lieu à référé sur toute autre demande.
Par arrêt du 18 octobre 2023, la Cour de cassation a cassé et annulé partiellement cet arrêt en ce qu'il déclare irrecevable l'action des associations fondée sur l'article 6-I.8 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021, a remis sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris autrement composée.
Les associations ont saisi la cour d'appel de Paris par déclaration du 6 novembre 2023.
Les 30 mai et 5 juin 2024, les sociétés de droit chypriote et tchèque, Aylo Freesites, d'une part, et Webgroup Czech Republic et NKL Associates sro, d'autre part, qui éditent des contenus mis en ligne sur certains des sites litigieux, à savoir, pour la première, Pornhub, Youporn, Redtube et, pour les secondes, Xvideos et Xnxx, sont intervenues volontairement à l'instance.
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 5 juin 2024, les associations appelantes demandent à la cour de :
les déclarer recevables et bien fondées en leur appel ;
déclarer irrecevable l'intervention volontaire des sociétés Aylo Freesites, Webgroup Czech Republic et NKL Associates sro ;
infirmer le jugement du 8 octobre 2021 en ce qu'il a :
déclaré irrecevables les demandes des associations en tant qu'elles sont fondées sur les dispositions de l'article 6.I-8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ;
dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de blocage et les demandes subséquentes formées par les associations à l'encontre de la société SFR Fibre SAS, la société Orange, la société Orange Caraïbe, la Société française du radiotéléphone, la Société réunionnaise du radiotéléphone, la société Free, la société Bouygues télécom, la société Colt Technology Services et la société Outremer télécom ;
condamné les associations aux dépens ;
et, statuant à nouveau, :
déclarer recevable l'action engagée conjointement par elles ;
'juger le trouble manifestement illicite causé par les sites internet : https://fr.pornhub.com/,https://www.mrsexe.com/,https://www.iciporno.com/, https://tukif.com/,https://www.xnxx.com/,https://fr.xhamster.com https://www.youporn.com/ https://www.xvideos.com//https/fr.redtube.com/ en raison des messages, images et vidéos à caractère pornographique susceptibles d'être vus ou perçus par un mineur'(sic) ;
en conséquence :
enjoindre aux fournisseurs d'accès intimés de mettre en oeuvre, ou faire mettre en oeuvre, à leur frais, dans un délai de cinq jours à compter de la signification de la décision à intervenir, toutes mesures appropriées de blocage pour empêcher l'accès, à partir du territoire français et/ou par leurs adresses situées sur ce territoire, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir de l'adresse suivante https://fr.pornhub.com/,https://www.mrsexe.com/,https://www.iciporno.com/ https://tukif.com/,https://www.xnxx.com/,https://fr.xhamster.com/ https://www.xvideos.com/ https/fr.redtube.com/ et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du lendemain de l'expiration du délai de 5 jours suivant la signification de la décision à intervenir ;
enjoindre aux mêmes sociétés de justifier, dans un délai de cinq jours à compter de la signification de la décision à intervenir, auprès d'elles, ainsi que du président de la cour d'appel de Paris, des mesures prises et mises en oeuvre pour empêcher l'accès, à partir du territoire français, à ces services de communication en ligne et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du lendemain de l'expiration du délai de 5 jours suivant la signification de la décision à intervenir; en raison des messages, images et vidéos à caractère pornographique susceptibles d'être vus ou perçus par un mineur ; débouter toutes autres parties de toutes demandes contraires ;
condamner solidairement les défendeurs à verser la somme totale de 10 000 euros à chacune d'elles au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner solidairement les défendeurs aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront notamment les frais de constat d'huissier en date du 25 juillet 2021, le tout dont distraction au profit de Me Allerit, membre de la SELARL Taze-Bernard Allerit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Les fournisseurs d'accès s'en rapportent à l'appréciation de la cour concernant la mesure de blocage tout en demandant que l'injonction soit prononcée dans des termes qu'ils précisent, limitée dans le temps et non assortie d'une astreinte et qu'ils soient dispensés de toute condamnation au titre des dépens et des frais irrépétibles dans la mesure où ils n'interviennent qu'en qualité d'intermédiaires techniques.
Plus précisément, dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 5 juin 2024, la société Bouygues télécom demande à la cour de :
prendre acte qu'elle s'en remet à l'appréciation de la cour sur la recevabilité et le bien-fondé de l'appel interjeté par les associations
en outre, si la cour infirmait cette décision et ordonnait la mise en oeuvre de mesures de blocage des services de communication en ligne alors il lui est demandé de :
juger que l'injonction qui sera prononcée à son encontre devra être formulée comme suit :
« enjoindre à la société Bouygues télécom de mettre en oeuvre, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir, les mesures de son choix propres à empêcher l'accès de ses abonnés à partir du territoire français, au[x] nom[s] de domaine (') »;
juger que les mesures de blocage ordonnées devront avoir un terme et ainsi être prononcées pour une durée raisonnable ;
juger que les associations devront informer les FAI dont elle si les conditions d'accès aux services de communication en ligne litigieux devenaient conformes à l'article 227-24 du code pénal ;
juger que les mesures de blocage seront en tout état de cause limitées à ce qui est strictement nécessaire c'est-à-dire pour une durée limitée à celle pendant laquelle les noms de domaine permettront un accès aux mineurs sur simple déclaration de l'internaute ;
en toute hypothèse :
débouter les associations de leur demande d'astreinte et de leurs plus amples demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à son encontre ;
débouter le ministère public de sa demande tendant à ce qu'elle mette en place des «mesures de blocage préconisées par le projet de référentiel déterminant les exigences minimales applicables au système de vérification de l'âge mis en place pour l'accès à certains services de communication publique en ligne et aux plates-formes de partage de vidéos qui mettent à disposition du public des contenus pornographiques, édité par l'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique en avril 2024» ;
prendre acte qu'elle ne peut mettre en oeuvre une mesure de blocage que par DNS;
juger que les parties pourront saisir le président du tribunal judiciaire de Paris en référé en cas de difficultés ou d'évolution du litige ;
mettre les dépens à la charge des associations.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 5 juin 2024, la société Orange, en son nom propre et comme venant aux droits de la société Orange Caraïbes, demande à la cour de :
lui donner acte qu'elle s'en remet à la sagesse et l'appréciation de la cour quant à l'infirmation / réformation éventuelle du jugement dont appel ;
lui donner acte qu'elle s'en remet à la sagesse et l'appréciation de la cour quant au respect du principe de proportionnalité ;
en conséquence,
apprécier la recevabilité et le bien-fondé de l'appel et des demandes formés par les associations ;
apprécier s'il y a lieu, fut-ce partiellement, de confirmer ou d'infirmer et/ou de réformer le jugement dont appel ;
dans l'éventualité où la cour infirmerait, fut-ce partiellement, le jugement dont appel et considérerait bien fondées les demandes de blocage formées par les demanderesses à son encontre au visa des dispositions de la loi pour la confiance dans l'économie numérique :
juger qu'elle serait libre, si la cour devait prononcer une injonction à leur encontre, de choisir la mesure technique de blocage qu'elle jugerait adaptée et efficace (dont le blocage par DNS) ;
juger que l'injonction qui serait prononcée à son encontre pour qu'elle puisse être correctement exécutée, devrait impérieusement être formulée de la façon suivante :
' enjoindre à Orange de mettre en oeuvre, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir, toutes mesures propres à prévenir l'accès de leurs abonnés, situés sur le territoire français, aux services de communication en ligne actuellement accessibles à partir des DNS fr.pornhub.com ; mrsexe.com ; iciporno.com ; tukif.com ; xnxx.com ; fr.xhamster.com ; xvideos.com ; youporn.com ; fr.redtube.com ainsi que leurs sous domaines' ;
en tout état de cause, juger que toutes mesures de blocage qu'il lui serait ordonné de mettre en oeuvre aux termes de l'arrêt à intervenir seraient limitées dans le temps ;
constater que les fournisseurs d'accès au réseau internet sont parfaitement étrangers à la commission des actes dénoncés par les associations et qu'ils sont pris en leur stricte qualité d'intermédiaires techniques ;
en tout état de cause :
débouter le ministère public de l'ensemble de ses demandes ;
débouter les associations de leur demande de voir la cour prononcer une astreinte à son encontre ;
débouter les associations de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
débouter les associations de leur demande de voir la cour lui faire supporter les dépens de l'instance ;
mettre les entiers dépens d'instance à la charge des associations.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 5 juin 2024, la société Colt Technology Services demande à la cour de :
lui donner acte qu'elle s'en rapporte à justice quant à la nécessité et la proportionnalité des mesures sollicitées par les associations au regard des risques de trouble à l'ordre public et social d'autre part ;
si des mesures de blocage devaient être ordonnées, lui accorder à cet effet un délai de 15 jours pour leur mise en oeuvre à compter du prononcé de la décision à intervenir ;
débouter le ministère public de sa demande tendant à ce qu'elle implémente une quelconque vérification de l'âge pour l'accès à certains services de communication au public en ligne et aux plates-formes de partage de vidéos qui mettent à disposition du public des contenus pornographiques ;
débouter les associations de leurs demandes d'astreinte ;
débouter les associations de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner les associations aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 4 juin 2024, la société Free demande à la cour, de :
dire que la demande de blocage, formulée au regard des dispositions de l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile, a déjà été jugée par l'arrêt du 19 mai 2022, lequel n'a pas été remis en cause sur ce point ;
apprécier si la demande de blocage est proportionnée, en ce qu'elle serait fondée sur les dispositions de l'article 6-I.8 de la loi sur la confiance dans l'économie numérique ;
dans l'hypothèse où des mesures de blocage seraient ordonnées, juger qu'elles ne concernent que les noms de domaine expressément visés par la procédure, à savoir fr.pornhub.com, mrsexe.com, iciporno.com, tukif.com, xnxx.com, fr.xhamster.com, xvideos.com, youporn.com et fr.redtube.com, et seraient mises en oeuvre dans les 15 jours de la signification de la décision à intervenir, et ce, pour une durée limitée que la cour voudra bien fixer ;
lui donner acte qu'elle se réserve la possibilité de demander le remboursement du coût d'éventuels blocages à qui il appartiendra ;
rejeter toutes autres demandes dont d'astreinte et de frais irrépétibles ;
laisser les dépens à la charge des associations.
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 4 juin 2024, les sociétés SFR Fibre, Société française du radiotéléphone - SFR, Société réunionnaise du radiotéléphone - SRR et Outremer télécom - OMT demandent à la cour de :
leur donner acte qu'elles s'en remettent à la sagesse et à l'appréciation de la cour quant à la proportionnalité des mesures de blocage sollicitées par les associations ;
Si la cour ordonne la mise en oeuvre de mesures de blocage d'un ou plusieurs sites :
juger que l'injonction qui sera prononcée à leur encontre devra être formulée comme suit, pour qu'elle puisse être correctement exécutée :
- ' enjoindre à SFR, SFR Fibre, SRR et OMT de mettre en oeuvre, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir et pendant une durée limitée de [*] à compter de la décision à intervenir, des mesures propres à prévenir l'accès de leurs abonnés, situés sur le territoire français aux noms de domaine : fr.pornhub.com, mrsexe.com, iciporno.com, tukif.com, xxnx.com, fr. xhamster.com, xvideos.com, youporn.com et fr.redtube.com.'
juger que les mesures de blocage à implémenter sont limitées aux noms de domaine fr.pornhub.com, mrsexe.com, iciporno.com, tukif.com, xxnx.com, fr. xhamster.com, xvideos.com, youporn.com et fr.redtube.com ;
juger qu'elles sont uniquement en mesure d'implémenter des mesures de blocage par DNS, à l'exclusion de tout système de vérification de l'âge ;
débouter le ministère public de sa demande tendant à ce qu'elles implémentent des 'mesures de blocage préconisées par le projet de référentiel déterminant les exigences minimales applicables au système de vérification de l'âge mis en place pour l'accès à certains services de communication publique en ligne et aux plates-formes de partage de vidéos qui mettent à disposition du public des contenus pornographiques, édité par l'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique en avril 2024» ;
juger qu'elles disposeront d'un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir pour mettre en place les mesures sollicitées ;
juger que les mesures de blocage mises en oeuvre par les FAI, dont elles, seront limitées à une durée que la cour jugera proportionnée, à l'issue de laquelle les associations devront saisir la présente juridiction, afin de lui permettre d'apprécier la situation et de décider s'il convient ou non de reconduire lesdites mesures de blocage ;
débouter les associations de leur demande tendant à ce qu'elles justifient des mesures de blocages mises en oeuvre ;
juger qu'elles informeront par courriel le conseil des associations de l'implémentation des mesures de blocage ;
débouter les associations de leurs demandes d'astreinte ;
en tout état de cause :
débouter les associations de leur demande au titre de l'article 700 code de procédure civile ;
débouter les associations de l'ensemble de leurs autres demandes fins et conclusions ;
juger que la cour pourra être saisie en cas de difficultés ou d'évolution du litige ;
juger que les dépens seront laissés à la charge des associations.
Les sociétés éditrices des contenus diffusés sur les sites Pornhub, Youporn, Redtube, Xvideos et Xnxx demandent in limine litis à la cour de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse de la Cour de justice de l'Union européenne aux questions préjudicielles posées par le Conseil d'Etat aux termes de sa décision n° 461193 du 6 mars 2024.
Ainsi, dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 30 mai 2024, la société de droit chypriote, Aylo Freesites, qui est éditrice des sites Pornhub, Youporn et Redtube, demande-t-elle à la cour de :
in limine litis,
surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne à la suite des questions préjudicielles posées par le Conseil d'Etat par décision n° 461193 du 6 mars 2024 ;
à titre principal,
sur les irrégularités de fond,
juger que la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi régularisée le 6 novembre 2023 par les associations est affectée d'une irrégularité de fond ;
en conséquence,
déclarer nulle la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi ;
à défaut,
juger que les conclusions sur renvoi après cassation n° 1 et n° 2, signifiées les 4 janvier et 29 avril 2024 par l'association e-Enfance sont affectées d'une irrégularité de fond ;
et, en conséquence,
écarter toutes les conclusions régularisées par l'association e-Enfance devant la cour d'appel de Paris saisie sur renvoi après cassation ;
juger que l'association e-Enfance devra s'en tenir à l'argumentation développée devant la cour d'appel de Paris dont l'arrêt a été partiellement cassé par la Cour de cassation ;
sur la fin de non-recevoir,
juger que les demandes des associations visant à empêcher l'accès aux services de communication au public en ligne https://fr.pornhub.com, https://youporn.com et https://fr.redtube.com depuis le territoire français sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile se heurtent à l'autorité de la chose jugée;
et, en conséquence,
déclarer irrecevables les demandes des associations visant à empêcher l'accès aux services de communication au public en ligne https://fr.pornhub.com, https://youporn.com et https://fr.redtube.com depuis le territoire français sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile ;
sur les moyens de défense au fond,
juger que les demandes des associations reposent sur l'application des dispositions de l'article 227-24 du code pénal à des services de la société de l'information de manière incompatible avec les exigences de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du conseil du 8 juin 2000 relative à certaines aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur ;
juger que les demandes des associations reposent sur l'application des dispositions de l'article 227-24 du code pénal à des services de la société de l'information de manière incompatible avec les exigences de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information ;
juger que les demandes des associations reposent sur l'application des dispositions de l'article 227-24 du code pénal à des services intermédiaires de manière incompatible avec les exigences du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques ;
juger que les demandes des associations qui reposent sur l'article 6-I.8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ne sont pas propres à prévenir ou à faire cesser le dommage allégué ;
et, en conséquence,
dire n'y avoir lieu à référé ;
rejeter l'ensemble des demandes des associations tendant à empêcher l'accès aux services de communication au public en ligne https://fr.pornhub.com, https://youporn.com et https://fr.redtube.com depuis le territoire français ;
à titre subsidiaire,
à supposer que la cour ait un doute sur l'interprétation du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques ;
saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la demande préjudicielle suivante :
- ' Le règlement sur les services numériques doit-il être interprété en ce sens qu'il fait obstacle à l'adoption ou au maintien par un Etat membre d'une réglementation telle que celle en cause au principal (article 227-24 du code pénal français), qui interdit aux fournisseurs d'un service de la société de l'information la diffusion de contenu à caractère pornographique susceptible d'être vu ou perçu par un mineur, y compris lorsque l'accès au contenu est précédé d'une déclaration de majorité du mineur, sous peine de sanctions pénales pouvant être mises en oeuvre devant les juridictions de cet Etat membre, y compris lorsque l'établissement principal du fournisseur est situé dans un autre Etat membre ' »
en tout état de cause,
rejeter toutes demandes, fins et prétentions formulées contre la société Aylo Freesites ;
condamner les associations aux entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 5 juin 2024, les sociétés de droit tchèque WebGroup Czech Republic et NKL Associates sro, qui éditent respectivement les sites internet Xvideos et Xnxx, demandent à la cour de :
in limine litis,
surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne à intervenir, sur les trois questions préjudicielles qui lui ont été transmises par décision n° 461193 du Conseil d'Etat du 6 mars 2024 ;
à défaut et à titre principal,
déclarer irrecevable la demande des associations fondée sur les dispositions de l'article 6- I. 8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique visant à empêcher l'accès depuis le territoire français aux sites internet https://www.xnxx.com et https ://www.xvideos.com, formulée en violation du principe de subsidiarité consacré par ce texte, et par conséquent confirmer le jugement n°21/56149 rendu le 8 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes des associations en tant qu'elles sont fondées sur les dispositions de l'article 6-I.8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ;
déclarer irrecevable la demande des associations fondée sur l'article 835 du code de procédure civile visant à empêcher l'accès depuis le territoire français aux sites internet https://www.xnxx.com et https ://www.xvideos.com, formulée en violation du principe de subsidiarité consacré par ce texte, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée ;
condamner les associations aux entiers dépens ;
à titre subsidiaire, si la cour venait à juger recevables tout ou partie des demandes des associations :
dire et juger que les demandes des associations sont exclusivement fondées sur l'article 227-24 du code pénal, disposition de droit français incompatible avec les exigences de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, dont il ne saurait être fait application en l'espèce ;
en conséquence,
rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions des associations tendant à empêcher l'accès depuis le territoire français aux sites internet https://www.xnxx.com et https ://www.xvideos.com ;
juger n'y avoir lieu à référé ;
condamner les associations aux entiers dépens.
Le ministère public est d'avis qu'il plaise à la cour :
d'infirmer le jugement rendu le 8 juillet 2021 et de déclarer recevables l'association e-Enfance et l'association La Voix de l'enfant dans leur action fondée sur les dispositions des articles 6-I.8 de la loi n° 2004-575 du 21 juillet 2004 ;
d'ordonner le respect des articles 6-I.1.2.7 et 8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 dans sa version issue de l'article 29 de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 et 227-24 du code pénal, par des mesures de blocage préconisées par le projet de référentiel déterminant les exigences minimales applicables au système de vérification de l'âge mis en place pour l'accès à certains services de communication publique en ligne et aux plate-formes de partage de vidéos qui mettent à disposition du public des contenus pornographiques, édité par l'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique en avril 2024.
Cet avis, daté du 30 mai 2024, a été communiqué aux parties le 31 suivant.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 juin 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Sur ce,
Sur les interventions volontaires des sociétés éditrices des contenus mis en ligne sur les sites Pornhub, Youporn, Redtube, Xvideos et Xnxx
L'article 635 du code de procédure civile, applicable à la procédure sur renvoi après cassation, dispose que l'intervention des tiers est soumise aux mêmes règles que celles qui s'appliquent devant la juridiction dont la décision a été cassée.
Il convient donc, en l'espèce, de se référer aux règles de l'intervention devant la cour d'appel.
En application de l'article 554 du même code, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.
L'article 325 prévoit que l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.
En outre, l'article 326 dispose que, si l'intervention risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout, le juge statue d'abord sur la cause principale, sauf à statuer ensuite sur l'intervention.
Au cas présent, pour voir déclarer irrecevables les interventions volontaires des sociétés éditrices de contenu, les associations appelantes excipent de leur caractère dilatoire dans la mesure où, alors qu'elles avaient nécessairement connaissance du litige de longue date, celles-ci ne sont intervenues que quelques jours avant la clôture et uniquement après un renvoi après cassation.
Cependant, les sociétés WebGroup Czech Republic, NKL Associates sro et Aylo Freesites ont intérêt à agir pour solliciter un sursis à statuer sur la demande initiale de blocage des sites ou demander à voir dire n'y avoir lieu à référé sur celle-ci, dans la mesure où ce blocage aurait des conséquences directes sur leur activité en les privant d'accès à l'ensemble du marché français. En outre, leur demande se rattache par un lien suffisant aux prétentions initiales puisqu'elles tendent in fine à leur rejet.
Par ailleurs, le caractère tardif de l'intervention, qui aurait certes pu justifier, au regard du nécessaire respect de la contradiction, un report de la clôture ou de l'audience, reports qui n'ont pas été demandés, est toutefois indifférent à l'appréciation de sa recevabilité. En effet, seule la disjonction prévue à l'article 326 susmentionné entre la cause principale et l'intervention est susceptible d'être ordonnée lorsque celle-ci risque de retarder à l'excès la décision, étant précisé que cette disjonction n'est pas possible en l'espèce puisque l'intervention et la cause principale ne peuvent être jugées séparément.
Il convient dès lors de déclarer les demandes d'intervention volontaire recevables.
Sur les nullités invoquées par la société Aylo Freesites
1°) Sur la déclaration de saisine de la cour
L'article 1033 du code de procédure civile prévoit notamment que la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation contient les mentions exigées pour l'acte introductif d'instance devant cette juridiction à savoir, en l'espèce, la déclaration d'appel.
Il résulte par ailleurs des articles 901 et 54 du même code que cette déclaration doit comporter, à peine de nullité, pour les personnes morales, la mention de l'organe qui les représente légalement.
La désignation de l'organe qui représente une personne morale n'impose pas, de manière générale, l'indication du nom de la personne qui agit. Cependant, pour une association, ce n'est pas la loi qui détermine l'organe qui a pouvoir d'agir en justice en son nom mais ses statuts, de sorte que l'indication qu'il s'agit d'une association ne permet pas à elle seule de déterminer l'organe habilité à la représenter.
Par suite, aux cas présent, comme le souligne la société Aylo Freesites, la seule indication dans la déclaration de saisine selon laquelle l'association agit en la personne de ses représentants légaux, sans davantage de précision sur l'identité de ceux-ci, est insuffisante.
Par ailleurs, l'article 114 du code de procédure civile dispose qu'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
L'article 117 du même code prévoit que constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :
'Le défaut de capacité d'ester en justice ;
Le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice;
Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.'
Contrairement à ce que soutient la société Aylo Freesites, le défaut de désignation de l'organe représentant légalement une personne morale dans un acte de procédure, lorsque cette mention est prévue à peine de nullité, ne constitue qu'un vice de forme (Ch. mixte., 22 février 2002, pourvoi n° 00-19.742, 00-19.639, Bulletin civil 2002, Ch mixte, n° 1) et non un vice de fond.
Or, la société intervenante ne démontre pas que cette absence de précision lui aurait causé un grief et ce, alors qu'il n'est pas soutenu que les organes dirigeants de l'époque ne disposaient pas du pouvoir effectif de représenter les associations.
La demande de nullité sera dès lors rejetée.
2°) Sur la nullité des conclusions n° 1 et 2 de l'association e-Enfance
La société Aylo Freesites se prévaut de la mention inexacte du nom du représentant légal de l'association e-Enfance sur les conclusions n° 1 et 2 de cette dernière.
En effet, ces écritures comportent uniquement le nom de l'ancien président de l'association.
Cependant, les conclusions n° 3, qui sont, elles, prises au nom de l'association représentée par son actuelle présidente, ont régularisé cette erreur et ce, avant que la cour statue et sans laisser subsister de grief, étant précisé que, aux termes de l'article 9 des statuts de l'association e-Enfance, la présidente la représente en justice et qu'il n'est pas nécessaire pour la simple poursuite de l'instance qu'elle soit munie d'un autre pouvoir que celui d'ores et déjà donné à son prédécesseur pour l'introduire.
La demande de nullité des conclusions n° 1 et 2 de l'association e-Enfance sera dès lors également rejetée.
Sur l'étendue de la saisine de la cour de renvoi
En application des articles 624, 625 et 638 du code de procédure civile, l'étendue de la saisine de la cour de renvoi n'est pas liée au contenu de l'acte de saisine, elle est la conséquence directe de la portée de la cassation intervenue, laquelle est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce et s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire. Les parties sont replacées dans l'état où elles se trouvaient avant la décision cassée sur les points atteints par la cassation et l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.
En l'espèce, la cassation partielle de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 mai 2022 n'a pas atteint les chefs de dispositif par lesquels la cour déclare recevables les demandes des associations en tant qu'elles sont fondées sur les dispositions de l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile mais dit n'y avoir lieu à référé sur celles-ci.
Ces chefs de dispositif sont ainsi devenus irrévocables de sorte que la demande tendant à voir ordonner les mesures de blocage sur le fondement de l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile est irrecevable.
Sur la recevabilité de la demande fondée sur l'article 6-I.8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique
L'article 6-I.8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, dans sa rédaction applicable au litige, antérieure à celle issue de la loi n°2021-1109 du 24 août 2021, prévoit que l'autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à toute personne physique ou morale qui assure, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services, ou, à défaut, à toute personne dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un tel service de communication.
Les sociétés intervenantes font valoir que, en application du principe de subsidiarité qui résulterait nécessairement des termes 'à défaut', la demande des associations est irrecevable, ces dernières ayant agi directement contre les fournisseurs d'accès à l'internet sans mettre en cause préalablement les hébergeurs, éditeurs ou auteurs de contenus ou démontrer l'impossibilité d'agir contre eux.
Cependant, les dispositions susvisées n'instaurent pas de préalable procédural à la mise en cause des fournisseurs d'accès.
Dès lors, la recevabilité d'une demande contre ces derniers n'est subordonnée ni à la mise en cause préalable des prestataires d'hébergement, éditeurs ou auteurs des contenus ni à la démonstration de l'impossibilité d'agir contre eux.
La demande de blocage sur le fondement de l'article 6-I.8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique sera donc déclarée recevable.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de blocage
Pour obtenir, sur le fondement de l'article 6-I.8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique dans sa version applicable au litige, le blocage de l'accès aux sites litigieux, les associations soutiennent qu'il convient de faire cesser le dommage occasionné par le non-respect de l'article 227-24 du code pénal.
L'article 227-24 du code pénal dispose que :
'Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent, incitant au terrorisme, pornographique, y compris des images pornographiques impliquant un ou plusieurs animaux, ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, soit de faire commerce d'un tel message, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur.
Lorsque les infractions prévues au présent article sont soumises par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle ou de la communication au public en ligne, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.
Les infractions prévues au présent article sont constituées y compris si l'accès d'un mineur aux messages mentionnés au premier alinéa résulte d'une simple déclaration de celui-ci indiquant qu'il est âgé d'au moins dix-huit ans.'
Il est acquis que les sites dont le blocage est demandé mettent à disposition en ligne des contenus pornographiques sur le territoire français et qu'ils n'ont pas instauré de dispositif autre que purement déclaratif permettant d'en prévenir l'accessibilité aux mineurs.
Sur le sursis à statuer demandé par les sociétés intervenantes
En application des articles 377 et 378 du code de procédure civile, en dehors des cas où la loi le prévoit, l'instance est suspendue par la décision qui sursoit à statuer, radie l'affaire ou ordonne son retrait du rôle. La décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine. Hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges du fond apprécient discrétionnairement l'opportunité du sursis à statuer, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.
Au cas présent, les sociétés intervenantes font valoir qu'elles sont établies au sein de l'Union européenne, à Chypre et en République Tchèque, et que leur législation nationale ne prévoit pas de dispositif de répression similaire à celui instauré par l'article 227-24 du code pénal français. Elles soutiennent ainsi que, par application du principe du pays d'origine tel qu'il résulte de la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique, elles ne sauraient être tenues par une réglementation française, constituant une mesure générale et abstraite, relevant du domaine coordonné, de mettre en oeuvre un contrôle de l'âge des destinataires autre que déclaratif. Elles indiquent que le blocage des sites Pornhub, youporn, redtube, xvideos et xnxx sur le territoire français constituerait dès lors une mesure de restriction prohibée au principe de libre circulation des services de l'information qui prévaut dans l'Union. Le Conseil d'Etat ayant saisi la Cour de justice de l'Union européenne de trois questions préjudicielles sur ce point, à la suite de leur recours en annulation du décret n° 2021-1306 du 7 octobre 2021 relatif aux modalités de mise en oeuvre des mesures visant à protéger les mineurs contre l'accès à des sites diffusant un contenu pornographique, elles demandent à la cour de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse à celles-ci.
La directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur a pour objet d'assurer un niveau élevé d'intégration juridique communautaire afin d'établir un réel espace sans frontières intérieures pour les services de la société de l'information.
Elle s'applique à tout service fourni par un prestataire établi dans un Etat membre de l'Union, normalement contre rémunération, à distance au moyen d'équipement électronique de traitement (y compris la compression numérique) et de stockage des données, à la demande individuelle d'un destinataire de services.
La notion de services de la société de l'information englobe des services fournissant des informations en ligne pour lesquels le prestataire est rémunéré non pas par le destinataire, mais par les revenus générés par des publicités diffusées sur un site Internet (CJUE, 11 septembre 2014, Sotiris Papasavvas c. O Fileleftheros Dimosia Etaireia Ltd e.a., C-291/13, point 30).
L'article 3.1 de la directive prévoit que chaque Etat membre veille à ce que les services de la société de l'information fournis par un prestataire établi sur son territoire respectent les dispositions nationales applicables dans cet Etat membre relevant du domaine coordonné.
L'article 3.2 dispose que les Etats membres ne peuvent, pour des raisons relevant du domaine coordonné, restreindre la libre circulation des services de l'information en provenance d'un autre Etat membre.
L'article 3.4 prévoit, pour les mesures prises à l'égard d'un service donné de la société de l'information, une dérogation à ce principe de régulation des prestataires par leur Etat d'origine posé par cette directive en disposant que :
'Les États membres peuvent prendre, à l'égard d'un service donné de la société de l'information, des mesures qui dérogent au paragraphe 2 si les conditions suivantes sont remplies :
a) les mesures doivent être :
i) nécessaires pour une des raisons suivantes :
- l'ordre public, en particulier la prévention, les investigations, la détection et les poursuites en matière pénale, notamment la protection des mineurs et la lutte contre l'incitation à la haine pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité et contre les atteintes à la dignité de la personne humaine,
- la protection de la santé publique,
- la sécurité publique, y compris la protection de la sécurité et de la défense nationales,
- la protection des consommateurs, y compris des investisseurs ;
ii) prises à l'encontre d'un service de la société de l'information qui porte atteinte aux objectifs
visés au point i) ou qui constitue un risque sérieux et grave d'atteinte à ces objectifs ;
iii) proportionnelles à ces objectifs ;
b) l'État membre a préalablement et sans préjudice de la procédure judiciaire, y compris la procédure préliminaire et les actes accomplis dans le cadre d'une enquête pénale :
- demandé à l'État membre visé au paragraphe 1 de prendre des mesures et ce dernier n'en a pas pris ou elles n'ont pas été suffisantes,
- notifié à la Commission et à l'État membre visé au paragraphe 1 son intention de prendre de telles mesures.'
L'article 2 h) de la directive dispose qu'on entend par 'domaine coordonné', les exigences prévues par les systèmes juridiques des États membres et applicables aux prestataires des services de la société de l'information ou aux services de la société de l'information, qu'elles revêtent un caractère général ou qu'elles aient été spécifiquement conçues pour eux.
L'article 2 i) précise que le 'domaine coordonné' a trait à des exigences que le prestataire doit satisfaire et qui concernent :
- l'accès à l'activité d'un service de la société de l'information, telles que les exigences en matière de qualification, d'autorisation ou de notification,
- l'exercice de l'activité d'un service de la société de l'information, telles que les exigences portant sur le comportement du prestataire, la qualité ou le contenu du service, y compris en matière de publicité et de contrat, ou sur la responsabilité du prestataire.
Les dispositions de cette directive ont un caractère suffisamment clair, précis et inconditionnel pour se voir reconnaître un effet direct et être invoquées par des particuliers devant les juridictions nationales.
Par ailleurs, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 3, paragraphe 4, de cette directive doit être interprété en ce sens que des mesures générales et abstraites visant une catégorie de services donnés de la société de l'information décrite en des termes généraux et s'appliquant indistinctement à tout prestataire de cette catégorie de services ne relèvent pas de la notion de 'mesures prises à l'encontre d'un service donné de la société de l'information', au sens de cette disposition (CJUE, 9 novembre 2023, Google Ireland Limited, Meta Platforms Ireland Limited, Tik Tok Technology Limited c. Kommunikationsbehörde Austria (KommAustria), C-376/22).
Il se déduit de ce qui précède que l'article 3.4 susmentionné ne permet pas de déroger, par des mesures générales et abstraites visant une catégorie de services donnés de la société de l'information décrite en des termes généraux et s'appliquant indistinctement à tout prestataire de cette catégorie de services, au principe de régulation des prestataires par leur Etat d'origine, tel qu'il résulte de l'article 3.2.
Par arrêt du 6 mars 2024 (Conseil d'État, 6 mars 2024, n° 461193, Webgroup Czech Republic et NKL Associates sro), le Conseil d'Etat, saisi d'une demande d'annulation du décret n° 2021-1306 du 7 octobre 2021 relatif aux modalités de mise en oeuvre des mesures visant à protéger les mineurs contre l'accès à des sites diffusant un contenu pornographique, a saisi la Cour de justice de l'Union européenne d'une demande de décision préjudicielle portant sur la compatibilité des dispositions de l'article 227-24 du code pénal avec les exigences de la directive e-commerce, dans les termes suivants :
'a) En premier lieu, des dispositions relevant du droit pénal, notamment des dispositions générales et abstraites qui désignent certains agissements comme constitutifs d'une infraction pénale susceptible de poursuites, doivent-elles être regardées comme relevant du 'domaine coordonné» par la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 lorsqu'elles sont susceptibles de s'appliquer tant au comportement d'un prestataire de services de la société de l'information qu'à celui de toute autre personne physique ou morale, ou faut-il considérer, dès lors que la directive a pour seul objet d'harmoniser certains aspects juridiques de ces services sans harmoniser le domaine du droit pénal en tant que tel et qu'elle ne pose que des exigences applicables aux services, que de telles dispositions pénales ne sauraient être regardées comme des exigences applicables à l'accès et à l'exercice de l'activité de services de la société de l'information relevant du ' domaine coordonné ' par cette directive ' En particulier, des dispositions pénales destinées à assurer la protection des mineurs entrent-elles dans le champ de ce ' domaine coordonné' '
b) Le fait d'imposer à des éditeurs de services de communication en ligne de mettre en oeuvre des dispositifs destinés à prévenir la possibilité pour des mineurs d'accéder aux contenus pornographiques qu'ils diffusent doit-il être regardé comme relevant du 'domaine coordonné' par la directive 2000/31/CE, qui n'harmonise que certains aspects juridiques des services concernés, alors que, si cette obligation concerne l'exercice de l'activité d'un service de la société de l'information, en ce qu'elle porte sur le comportement du prestataire, la qualité ou le contenu du service, elle ne concerne cependant ni l'établissement des prestataires, ni les communications commerciales, ni les contrats par voie électronique, ni le régime de responsabilité des intermédiaires, ni les codes de conduite, ni le règlement extrajudiciaire des litiges, ni les recours juridictionnels et la coopération entre États membres, et ne porte donc sur aucune des matières régies par les dispositions d'harmonisation de son chapitre II '
c) En cas de réponse affirmative aux questions précédentes, comment doit s'opérer la conciliation entre les exigences résultant de la directive 2000/31/CE et celles qui découlent de la protection des droits fondamentaux dans l'Union européenne, plus particulièrement de la protection de la dignité humaine et de l'intérêt supérieur de l'enfant, garantis par les articles 1er et 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lorsque la seule adoption de mesures individuelles prises à l'égard d'un service donné n'apparaît pas de nature à assurer la protection effective de ces droits ' Existe-t-il un principe général du droit de l'Union européenne qui autoriserait les Etats membres à prendre, notamment en cas d'urgence, les mesures ' y compris lorsqu'elles sont générales et abstraites à l'égard d'une catégorie de prestataires de service ' qu'impose la protection des mineurs contre les atteintes à leur dignité et à leur intégrité, en dérogeant lorsque cela est nécessaire, à l'égard de prestataires régis par la directive 2000/31/CE, au principe de régulation de ceux-ci par leur Etat d'origine posé par cette directive ''
Comme le soutiennent les éditeurs de services, dans la mesure où le blocage sollicité, même imposé aux seuls fournisseurs établis sur le territoire national, aurait pour nécessaire effet, s'ils souhaitent accéder au marché français, de les contraindre à mettre en place un contrôle autre que déclaratif de la majorité des destinataires de contenus, et ce y compris si le prestataire est établi dans un Etat membre de l'Union qui ne prévoit pas de contrôle similaire, la réponse qui sera donnée à ces questions est susceptible d'avoir une incidence sur la solution du présent litige.
Il apparaît ainsi conforme à l'intérêt d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer sur les demandes de blocage des sites Pornhub, Youporn, Redtube, Xvideos et Xnxx dans l'attente de l'arrêt de la Cour dejustice de l'Union européenne à intervenir, afin de permettre aux parties de tirer toutes conséquences de cette décision. Il est précisé à cet égard que les associations appelantes ne s'opposent pas à cette demande de sursis. Leurs écritures, si elles rappellent l'objectif de protection de l'enfance de la directive e-commerce, ne contiennent aucun développement sur la compatibilité de l'article 227-24 du code pénal avec le principe du pays d'origine issu de ce texte. Le ministère public n'a pas davantage fait d'observations sur la demande de sursis.
Sur le blocage des sites Mrsexe, Iciporno, Tukif et Xhamster
1°) Sur le principe des mesures
Si l'article 3.2 de la directive susmentionnée prohibe les mesures générales et abstraites, relevant du domaine coordonné, limitant la libre circulation des services de l'information dont les prestataires sont établis dans un pays membre de l'Union dont la législation nationale ne prévoit pas une telle restriction, l'article 3.1 prévoit que, de manière générale, chaque Etat membre veille à ce que les services de la société de l'information fournis par un prestataire établi sur son territoire respectent les dispositions nationales applicables dans cet Etat membre relevant du domaine coordonné.
Il en ressort que, même à supposer que l'article 227-24 du code pénal ne puisse être opposé à des éditeurs de contenus établis dans des Etats membres de l'Union dont la réglementation nationale n'édicte pas une prohibition similaire, cette situation est sans conséquence pour les éditeurs établis en France ou dans des pays étrangers non membres de l'Union ou encore dans des pays membres de l'Union dont la législation prévoit un dispositif de contrôle identique, étant rappelé à cet égard que la directive e-commerce tend, non seulement à la libre circulation des services de la société de l'information, mais également in fine à l'harmonisation des réglementations en la matière.
Or, au cas présent, il n'est pas soutenu que les contenus des sites Mrsexe, Iciporno, Tukif et Xhamster seraient édités par des prestataires établis dans des Etats membres de l'Union dont la législation nationale serait moins restrictive que celle de la France, étant rappelé que, au regard des objectifs d'efficacité et de célérité poursuivis, l'application de l'article 6-I.8 susmentionné n'impose aucunement la mise en cause préalable des éditeurs de contenus et que ceux des sites Mrsexe, Iciporno, Tukif et Xhamster ne sont pas intervenus volontairement à l'instance.
Il s'en déduit que, par application des dispositions de l'article 6-I.8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021, la cour devra prescrire aux fournisseurs intimés établis en France, des mesures propres à faire cesser, sur ces sites, le dommage occasionné par la mise à disposition sur le territoire national de contenus pornographiques accessibles aux mineurs.
2°) Sur la proportionnalité des mesures
Toute mesure de blocage constitue une atteinte au principe de liberté d'expression et de communication. Une telle mesure ne peut donc être ordonnée que si cette atteinte est proportionnée, adéquate et strictement nécessaire pour atteindre le but légitime recherché.
A titre liminaire, il convient de rappeler que, contrairement à ce soutient la société Free, à supposer même qu'un contrôle de proportionnalité ait précédemment été opéré pour dire n'y avoir lieu à référé sur le fondement de l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile, chef de la décision querellée désormais irrévocable, la motivation sur ce point n'est aucunement revêtue de l'autorité de la chose jugée, autorité qui ne concerne que le seul dispositif.
Par ailleurs, ainsi que le rappellent les fournisseurs d'accès, seul le blocage du nom de domaine est de nature à permettre la cessation du dommage.
En effet, ces derniers sont dans l'impossibilité technique d'implémenter par eux-mêmes un système de vérification de la majorité des destinataires de contenus et ils n'en ont, en outre, ni la charge ni la responsabilité. Il n'y a dès lors pas lieu de leur enjoindre de mettre en place un tel système mais il n'est pas nécessaire, comme le demandent certains intimés, de débouter le ministère public de sa demande à ce titre, celui-ci n'ayant qu'émis un avis sur ce point.
En outre, simple et techniquement possible, la mesure de blocage, même générale, apparaît proportionnée aux objectifs poursuivis.
En effet, la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant constitue une exigence qui a été déduite par le Conseil constitutionnel des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 (Cons. Constit., 21 mars 2019, n 2018-768 QPC). Elle est consacrée par la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France le 7 août 1990. Elle constitue un droit fondamental reconnu par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000, dont l'article 24 énonce que les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être et que, dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées.
Dès lors, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale qui peut justifier qu'il soit porté atteinte à d'autres droits comme la liberté d'expression ou de communication.
Privilégier la protection de la vie privée des consommateurs majeurs, en écartant un contrôle de l'âge, est incompatible avec le droit des mineurs à être protégés de l'accès illimité, anonyme et gratuit, à des contenus inappropriés à leur âge, susceptibles de mettre en péril leur construction intime, de contribuer à des phénomènes addictifs et de favoriser la diffusion d'une image inexacte et dégradée de la sexualité et, plus généralement, des rapports entre les individus, ce qui n'est contesté par aucune des parties.
Par ailleurs, il y a lieu de constater qu'aucune mesure efficace susceptible d'être substituée au blocage n'a été mise en place par les sites concernés de sorte que seul un blocage complet est, à ce jour, de nature à mettre fin au dommage existant. Cette mesure est dès lors strictement nécessaire.
En outre, ce blocage devra être provisoire et limité dans le temps. Il pourra être levé sur démonstration de la mise en place d'un système de vérification non exclusivement déclaratif de la majorité des utilisateurs de contenu à l'iniative de la partie la plus diligente ou de tout tiers intéressé.
En revanche, aucune obligation d'informer les fournisseurs d'accès sur ce point ne pouvant être mise à la charge des associations, la demande à ce titre sera rejetée.
Au regard des contraintes techniques existantes, un délai de quinze jours sera donné aux fournisseurs d'accès pour mettre en oeuvre les mesures requises.
Il convient dès lors d'enjoindre aux sociétés SFR fibre, Orange, Orange Caraïbe, Free, Bouygues télécom, Colt Technology Services et Outremer télécom ainsi qu'à la Société française du radiotéléphone (SFR) et à la Société réunionnaise du radiotéléphone de mettre en oeuvre, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision, des mesures propres à prévenir l'accès de leurs abonnés, situés sur le territoire français aux noms de domaine : mrsexe.com, iciporno.com, tukif.com, fr. xhamster.com. ainsi qu'à leurs sous-domaines et ce jusqu'à ce qu'il soit justifié que ces derniers se conforment aux dispositions de l'article 227-24 du code pénal et que leurs contenus ne sont plus accessibles aux personnes mineures sur simple déclaration de majorité.
En l'absence de précisions sur ce point, les fournisseurs intimés restent libres des modalités de blocage mises en oeuvre sans qu'il soit nécessaire de le mentionner dans le dispositif du présent arrêt.
Enfin, faute de démonstration d'une résistance des fournisseurs, il n'apparaît pas utile d'assortir cette injonction d'une astreinte ni de les contraindre à justifier auprès des associations ainsi que du président de la cour d'appel de Paris des mesures prises et mises en oeuvre pour empêcher cet accès. Les demandes à ce titre devront être rejetées.
Sur les frais et dépens
Compte tenu du sursis partiel prononcé et du fait que l'instance se poursuit entre l'ensemble des parties, le sort des dépens et des frais irrépétibles de première instance comme de l'appel sera réservé.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevables les interventions volontaires des sociétés Aylo Freesites, Webgroup Czech Republic et NKL Associates sro ;
Rejette les demandes de nullité de la déclaration de saisine de la cour et des conclusions n°1 et 2 de l'association e-Enfance ;
Déclare irrecevable la demande des associations e-Enfance et La Voix de l'enfant en ce qu'elle est fondée sur l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile ;
Infirme la décision entreprise en ce qu'elle déclare irrecevable la demande des associations e-Enfance et La Voix de l'enfant sur le fondement de l'article 6-I.8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ;
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Déclare recevable la demande des associations e-Enfance et La Voix de l'enfant sur le fondement de l'article 6-I.8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ;
Sursoit à statuer sur la demande de blocage des sites Pornhub, Youporn, Redtube, Xvideos et Xnxx jusqu'au prononcé de l'arrêt de Cour de justice de l'Union européenne sur la demande de décision préjudicielle transmise par le Conseil d'Etat aux termes de son arrêt du 6 mars 2024, n°461193, Webgroup Czech Republic et NKL Associates sro;
Dit que, pour ces sites, l'affaire sera rappelée à une audience de procédure pour fixation d'un nouveau calendrier sur justification par la partie la plus diligente de la levée de la cause du sursis ;
Enjoint d'ores et déjà aux sociétés SFR fibre, Orange, Orange Caraïbe, Free, Bouygues télécom, Colt Technology Services, Outremer télécom ainsi qu'à la Société française du radiotéléphone (SFR) et à la Société réunionnaise du radiotéléphone de mettre en oeuvre, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision des mesures propres à prévenir l'accès de leurs abonnés, situés sur le territoire français aux noms de domaine : mrsexe.com, iciporno.com, tukif.com, fr. xhamster.com. ainsi que leurs sous-domaines et ce jusqu'à ce qu'il soit justifié que ces derniers se conforment aux dispositions de l'article 227-24 du code pénal et que leurs contenus ne sont plus accessibles aux personnes mineures sur simple déclaration de majorité ;
Rejette la demande visant à assortir cette injonction d'une astreinte,
Rejette la demande visant à enjoindre sous astreinte aux fournisseurs d'accès à l'internet de justifier auprès des associations ainsi que du président de la cour d'appel de Paris des mesures prises et mises en oeuvre pour empêcher cet accès ;
Rejette la demande visant à enjoindre aux associations d'informer les fournisseurs d'accès sur les mesures de contrôle de la majorité des destinataires mises en oeuvre ;
Rejette les demandes plus amples ou contraires ;
Réserve les dépens et les demandes au titre des frais irrépétibles.