CA Rennes, 1re ch., 15 octobre 2024, n° 21/03333
RENNES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Adhérents Radio Taxis de l'Agglomération Rennaise (GIE)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Veillard
Vice-président :
M. Bricogne
Conseiller :
Mme Brissiaud
Avocats :
Me Bonte, Me Cressard
EXPOSÉ DU LITIGE
1. [T] [Y], artisan taxi de profession, est titulaire d'une autorisation de stationnement (ADS) n° 68 sur la commune de [Localité 10] (Ille-et-Vilaine).
2. Depuis 2003, il a adhéré au groupement des Adhérents Radio-Taxis de l'Agglomération Rennaise (ci-après dénommé 'le Gie Taxis Rennais') ayant pour objet de faciliter et développer l'activité de ses membres notamment par la mise en place d'un standard de réservations communes à l'ensemble des adhérents. Dans ce cadre, les demandes de course enregistrées au central d'appel sont transmises aux conducteurs en service au moyen d'un système de distribution de course sur un terminal équipant chaque véhicule (ci-après dénommée 'la Tablette') exploité au sein du groupement.
3. M. [Y] a constaté qu'il n'avait pas accès aux courses proposées par le serveur central lors du trajet, en retour de course, vers sa zone de rattachement avec son voyant taxi éteint (en compteur dû).
4. Il explique déplorer cette situation qui lui impose, lorsqu'il effectue un trajet retour à vide, de retourner à sa base afin que le logiciel se réactualise et fasse apparaître sur la tablette les demandes de réservation auxquelles il peut postuler, et qui se traduit non seulement par la perte d'une course qui aurait pu lui être affectée puisque située à proximité de son trajet retour alors qu'il était libre, mais également par la multiplication de kilomètres à vide.
5. Il indique s'être aperçu le 21 mai 2019 à la suite d'un contrôle périodique annuel de l'installation de son taximètre par un garage agréé par la préfecture, que cette configuration résultait d'un branchement de la tablette informatique à laquelle il pouvait être remédié en corrigeant le dit branchement par la commande de type B au lieu de la commande de type A, modification que le garagiste a effectuée sur son véhicule, conformément au manuel d'utilisation du fabricant.
6. Le Gie Taxis Rennais a enjoint à M. [Y] de rétablir le branchement originaire de sa tablette sous peine de sanction disciplinaire au motif qu'il contrevenait aux dispositions du code des transports interdisant à un taxi de pratiquer une maraude en dehors de sa commune de rattachement sans réservation préalable du client.
7. M. [Y] s'est exécuté tout en contestant cette position.
8. Par acte du 29 janvier 2020 M. [Y] a assigné le Gie Taxis Rennais devant le tribunal judiciaire de Rennes.
9. Par jugement du 10 mai 2021, le tribunal judiciaire de Rennes a :
- débouté le Gie Taxis Rennais de sa demande tendant à écarter des débats les pièces n° 28 et 29 (devenue 30) produites par M. [Y] et visées dans son bordereau de communication de pièces,
- débouté M. [Y] de l'intégralité de ses demandes,
- débouté le Gie Taxis Rennais de sa demande au titre des frais irrépétibles,
- condamné M. [Y] au paiement des dépens de l'instance,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
10. Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que la demande de M. [Y] de pouvoir postuler à une course alors qu'il se trouve en trajet retour vers sa base en circulant lumineux éteint et hors de son ADS ne heurtait aucune disposition réglementaire contrairement à ce que prétendait le GIE dès lors que cette course avait fait l'objet d'une réservation préalable par l'intermédiaire de la centrale de réservation.
11. Pour néanmoins débouter M. [Y] de sa demande tendant à obtenir un branchement de type B afin de pouvoir visualiser et postuler aux annonces de courses ayant fait l'objet d'une demande préalable auprès du standard quand il se trouve en compteur dû à proximité du lieu de la course sollicitée, le tribunal a considéré qu'une telle demande remettait en cause les modalités de fonctionnement du système de distribution des courses définies en assemblées générales par les adhérents et partant, conduirait à remettre en cause l'égalité de traitement entre les chauffeurs taxis membres du Gie Taxis Rennais auxquelles les décisions collectives s'imposent.
12. Par déclaration du 1er juin 2021, M. [Y] a interjeté appel de tous les chefs de ce jugement sauf celui concernant la recevabilité des pièces. Ce chef du jugement a fait l'objet d'un appel incident du Gie Taxis Rennais.
13. Par conclusions du 14 mars 2023, M. [Y] a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de condamnation sous astreinte du GIE Taxis Rennais à lui communiquer le rapport d'enquête de la brigade interrégionale d'enquête de la concurrence Bretagne, Pays de la Loire, Centre Val de Loire (ci-après la BIEC) et ses annexes et a étendu sa demande à la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Bretagne, Pays de Loire, Centre-val de Loire (ci-après la DREETS).
14. Par ordonnance du 29 août 2023, le conseiller de la mise en état a :
- donné acte à la DREETS de sa communication du rapport d'enquête de la BIEC et de ses annexes,
- laissé à chacune des parties la charge des dépens,
- débouté des demandes au titre des frais irrépétibles.
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PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
15. M. [T] [Y] expose ses prétentions et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 5 février 2024 auxquelles il est renvoyé pour un exposé détaillé des prétentions et moyens et aux termes desquelles il demande à la cour de :
- confirmer le jugement du 10 mai 2021 en ce qu'il a débouté purement et simplement le Gie Taxis Rennais de sa demande de rejet des pièces,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de toutes ses demandes,
Statuant à nouveau,
- le recevoir en ses demandes,
- débouter le Gie Taxis Rennais de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner le Gie Taxis Rennais à lui communiquer ou à tout garagiste agréé désigné par lui, tous les codes nécessaires à l'installation et à l'activation du branchement de la tablette de distribution des courses, telles que prévues dans le manuel d'installation du fabricant et ce, sous peine d'une astreinte de 1.000 €, passé un délai de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- condamner le Gie Taxis Rennais à l'indemniser à raison de la perte de la somme de 5.000 € par an, soit la somme de 25.000 €,
- condamner le Gie Taxis Rennais au paiement de la somme de 5.000 € en réparation du préjudice souffert par sa résistance abusive,
- condamner le Gie Taxis Rennais au paiement de la somme de 16.000 € complémentaire en réparation du préjudice souffert par son comportement déloyal et les moyens abusifs qu'il soulève,
- condamner le Gie Taxis Rennais au paiement de la somme de 9.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le Gie Taxis Rennais en tous les dépens.
16. Au soutien de son appel, il fait valoir les éléments suivants :
Sur la demande de rejet de pièces pour atteinte à la vie privée :
- concernant la pièce n° 28 : le Gie Taxis Rennais n'applique pas à lui-même le respect de la vie privée dans les pièces qu'il communique (notamment sa pièce n°32), ce qui caractérise l'inanité du moyen ; par ailleurs, nul ne plaidant par procureur, le GIE ne peut se prévaloir d'une atteinte à la vie privée de tiers qu'il n'a pas vocation à représenter ; en tout état de cause, est produite une version floutée de ce document qui est un extrait des propres données du GIE, de sorte que le moyen n'est pas fondé ;
- concernant la pièce n° 30, il ne s'agit pas d'une correspondance confiden-tielle mais d'un courrier de la CNIL adressé à tous les adhérents du groupe dont il était par conséquent également destinataire, de sorte que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le fond :
- l'affirmation du GIE Taxis Rennais selon laquelle sa demande aboutirait à un exercice illicite du transport routier est totalement infondée dès lors qu'il ne souhaite pas bénéficier de courses en dehors de son autorisation de stationnement (ADS) alors que son lumineux est éteint mais seulement de pouvoir avoir accès aux réservations effectuées via la centrale, lorsqu'il effectue un trajet retour vers sa base, ce qu'aucun texte n'interdit et ce que lui permet le branchement de type B ;
- c'est au contraire le branchement actuel de sa tablette, reflet du taximètre, qui le place dans l'illégalité puisque pour avoir accès aux réservations des clients sur le trajet retour d'une course, il est obligé de mettre son lumineux en vert (position libre) ce qui est interdit hors de son ADS ;
- l'interprétation des textes faite par le groupement est erronée et son refus de lui accorder un branchement de type B est infondé dès lors que d'autres véhicules en bénéficient ; il ne saurait lui être opposé par anticipation un risque de fraude (à savoir la circulation ou stationnement en dehors de son ADS) alors que la question de l'un ou l'autre des branchements A ou B est indépendante d'une telle pratique qui relève de la responsabilité individuelle ;
- parallèlement au marché de la maraude qui ne peut s'exercer que dans le périmètre de son ADS, le taxi est habilité à prendre en charge un client, même hors de sa zone de rattachement dès lors qu'il s'agit de répondre à une réservation préalable au sens de l'article L.3120-2 du code des transports, à défaut, les artisans-taxi seraient désavantagés sur ce marché, par rapport aux VTC avec lesquels ils sont en concurrence ;
- la distinction faite par le Gie Taxis Rennais entre réservation immédiate et réservation différée repose sur un critère de temporalité inopérant ; cette nuance est en effet dépourvue de fondement légal et elle ne correspond ni à la position officielle du ministère des transports ni à celle du ministère de l'intérieur ; elle contrevient en outre à la décision rendue le 22 mai 2015, par le Conseil Constitutionnel ;
- le régime des réservations n'est donc pas soumis à l'ADS, partant il est possible de recevoir des réservations en retour de course, luminaire éteint, hors zone de rattachement ;
- par définition, toutes les demandes de courses effectuées par les clients auprès du serveur commun répondent à la définition de la réservation préalable ; c'est d'ailleurs la raison d'être du Gie Taxis Rennais que d'être une centrale de réservation au titre de l'article L.3142-1 du code des transports, de sorte que les demandes du client qu'elles soient pour une date différée ou dès que possible, sont des réservations préalables ;
- la demande de modification de branchement de la tablette pour accéder à l'ensemble des courses ne se heurte donc à aucune interdiction légale ;
Sur les décisions collectives du Gie Taxi Rennais :
- ni les statuts, ni le règlement intérieur, ni les décisions de l'AG des adhérents du groupement ne prescrivent un type de branchement particulier, lequel ne résulte que d'instructions données aux garages agréés par le président du groupement, M. [M], sur la base d'une interprétation erronée de la loi comme ce dernier l'a reconnu devant les inspecteurs de la DIRECCTE ;
- la législation applicable à la profession de taxi prime sur les dispositions du règlement intérieur du Gie Taxi Rennais, partant le tribunal a inversé la hiérarchie des normes ;
- ainsi qu'il ressort du rapport de la DIREECTE, les statuts du GIE Taxis rennais, qui n'ont d'ailleurs jamais été publiés, comportent des dispositions prohibées comme étant anticoncurrentielles au sens de l'article L 420-11° et 4° du code de commerce, ce qui a conduit l'administration à enjoindre le groupement à modifier ses statuts ; le tribunal ne pouvait donc écarter la loi au profit de dispositions à valeurs contractuelles illicites ;
- sa demande tendant seulement à pouvoir postuler aux réservations reçues par le standard, ne viole pas l'article 12 du règlement intérieur lequel concerne exclusivement la distribution des courses ; il y a en effet lieu de distinguer entre la postulation à une course (le fait de proposer ses services à une course ayant fait l'objet d'une réservation préalable) et la distribution de celle-ci (le fait d'attribuer la course à tel chauffeur, parmi tous les postulants selon des critères prédéfinis par le logiciel) ;
- l'annexe I du règlement intérieur décrit les paramètres selon lesquels les courses sont distribuées aux taxis, sans aucune considération de l'ADS ;
- sa demande ne tend aucunement à remettre en cause le paramétrage de la distribution des courses défini à l'annexe I du règlement intérieur mais seulement à pouvoir postuler aux réservations effectuées ;
- le problème avec le branchement actuel vient de ce que lorsqu'il est hors ADS, devant circuler luminaire éteint et compteur en position dû, il est invisible pour le logiciel et ne peut donc prétendre à aucune distribution ;
- le découpage en « secteur » contredit l'argument du GIE Taxis rennais selon lequel il serait interdit de prendre en charge une réservation hors ADS, étant rappelé que le défaut de réponse à une demande de course l'expose à des sanctions ;
- le Gie Taxis Rennais ne dispose d'aucun motif légitime pour lui refuser la transmission du code permettant de basculer le branchement si ce n'est une volonté de lui nuire ;
- sa position méconnaît l'objectif même du GIE qui est de faciliter l'exercice de la profession et d'offrir le meilleur service aux clients ;
- l'égalité prônée par le groupement n'existe pas puisque certains chauffeurs bénéficient déjà du branchement de type B, d'autres pour contourner cette difficulté, se placent dans l'illégalité en mettant le lumineux en libre ou en occupé pour avoir accès aux réservations ;
- il est faux de prétendre que le système de distribution des courses, qui ne figure pas dans les statuts mais dans le règlement intérieur, aurait fait l'objet d'une modification depuis le 1er janvier 2023 ;
Sur le préjudice :
- le gain manqué correspondant aux courses qu'il aurait pu effectuer s'il avait été en mesure de postuler peut être estimé à 15 % de son chiffre d'affaires soit 5.000 € par an.
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17. Le Gie Taxis Rennais expose ses prétentions et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 5 février 2024 auxquelles il est renvoyé pour un exposé détaillé des moyens et prétentions et aux termes desquelles il demande à la cour de :
- débouter M. [Y] de l'intégralité de ses demandes,
- condamner M. [Y] au paiement des dépens de l'instance,
- infirmer le jugement du 10 mai 2021 en ce qu'il l'a :
* débouté de sa demande tenant à écarter des débats les pièces n° 28 et n° 30 produites par M. [Y],
* débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles,
Par conséquent,
- déclarer irrecevables les pièces adverses n° 28 et n° 30 pour atteinte à la vie privée et les écarter du débat,
- condamner M. [Y] à lui régler la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
18. Il soutient que :
Sur le rejet des pièces :
- la pièce n° 28 porte atteinte à la vie privée en ce qu'elle comporte la divulgation de données à caractère personnel des clients ayant effectué une réservation auprès de la centrale d'appel le 8 août 2019 à 21 heures sans que n'ait été sollicité leur accord préalable ou que la production de ce document dans un cadre judiciaire soit l'unique possibilité de faire prospérer ses prétentions ; la production de la version floutée de ce document n'éteint pas la violation, ce d'autant que ces données, extraites du logiciel du GIE, ne sont en principe pas accessibles aux adhérents et constitue une preuve obtenue de manière illicite ;
- la pièce n° 30 est un courrier confidentiel adressé par la CNIL à M. [M], obtenu de manière illicite par M. [Y] ;
Sur le fond :
- un système de priorité d'attribution des courses en fonction de la localisation du chauffeur a été adopté en assemblée générale des membres du groupement. M. [Y] ne s'est jamais opposé aux règles ainsi adoptées qui ont été plusieurs fois modifiées ;
- ce système de distribution des courses a été modifié pour la dernière fois le 1er janvier 2023 de façon à permettre à tous les chauffeurs d'avoir accès à l'ensemble des courses sur réservation préalable sans restriction d'ADS ; la demande de M. [Y] est donc devenue sans objet ;
- la demande de M. [Y] tend en réalité à s'affranchir des règles de fonctionnement du GIE alors que le système de distribution des courses ainsi que son paramétrage, ont été adoptés en assemblée générale ;
- la demande de M. [Y] relative à la possibilité de visualiser et postuler aux courses quand il se trouve en compteur dû, en trajet retour vers son ADS, est de nature à rompre les modalités de fonctionnement du système de distribution de courses telles que définies par les décisions collectives ;
- la demande de dommages-intérêts n'est étayée par aucune pièce comptable ; le calcul opéré revient à considérer que la marge de M. [Y] est égale à 100% de son chiffre d'affaires et donc qu'il n'a aucune charge ;
- la preuve de la résistance abusive du GIE n'est pas rapportée.
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19. L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 6 février 2024.
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20. A l'audience du 12 mars 2024, la cour a demandé aux parties de préciser par notes en délibéré :
- le calcul du préjudice économique de M. [Y], notamment au regard d'une perte de chance,
- la justification de l'adoption d'un nouveau système de distribution des courses susceptible de rendre sans objet la demande de M. [Y] et les modalités de sa diffusion aux membres du GIE, au vu des contestations des chauffeurs présents à l'audience.
21. M. [Y] a adressé une note en délibéré (27 mars 2024) ainsi que cinq notes en réponse (15 avril 2024, 23 mai 2024, 24 mai 2024, 27 mai 2024 et 19 juin 2024).
22. Il expose que la perte de chance d'avoir pu accéder aux courses lui a occasionné un gain manqué dont il détaille le calcul en estimant avoir perdu entre 1 et 4 courses par jour, sachant que le GIE concentre 80% du marché de l'agglomération rennaise et que travaillant principalement de nuit, il a peu de concurrence. Il produit ses comptes de résultats pour les exercices 2022 et 2023.
23. Il insiste sur le fait que les évolutions dont se prévaut aujourd'hui le GIE sont postérieures à l'audience et viennent contredire la position que celui-ci a toujours soutenu depuis 2019 pour s'opposer à ses demandes. Il souligne la mauvaise foi du GIE.
24. Le GIE Taxis rennais a adressé à la cour cinq notes en délibéré (12 avril 2024, 23 mai 2024, 24 mai 2024, 27 mai 2024 et 19 juin 2024).
25. Il conteste le calcul de M. [Y] en rappelant notamment que celui-ci omet de préciser qu'il ne réalise pas l'intégralité de son chiffre d'affaires avec le GIE. A ce titre, il évalue la part du chiffre d'affaires réalisée avec le GIE à hauteur de 45 %, soit 18.000 € annuel, ce qui est cohérent avec le chiffre d'affaires moyen des adhérents du GIE (1.300 €). Il rappelle que le marché du transport la nuit est très concurrentiel en raison des plateformes de réservation en ligne ouvertes au VTC et qu'à ce titre, le GIE a perdu environ 40 % des courses de nuit sur les cinq dernières années.
26. En tout état de cause, le GIE maintient que la demande principale tendant à obtenir les codes pour effectuer un branchement de type B sur son véhicule est sans objet à la faveur d'un changement de prestataire (désormais APPSOLU). Il explique qu'il n'y a plus ni code ni tablette et que par assemblée générale du 4 mai 2024, les membres du GIE ont adopté une résolution n°1 dont il ressort que « tout adhérent du groupement aura le libre choix de l'installation de taximètre entre le type A et le type B qui lui convient ». Il précise que cette information a été diffusée aux adhérents dans un message électronique daté du 15 mai 2024.
MOTIFS DE L'ARRÊT
1°/ Sur la recevabilité des pièces n° 28 et n° 30
a. S'agissant de la pièce n° 28
27. Le Gie Taxis Rennais fait valoir que ce document comporte des informations portant atteinte à la vie privée puisqu'il mentionne l'identité et les coordonnées des clients ainsi que les codes des chauffeurs. Il ajoute qu'il a été obtenu illégalement, les chauffeurs de taxi ne pouvant pas accéder à une telle fiche par l'intermédiaire de leur logiciel.
28. M. [Y] affirme au contraire qu'il s'agit d'une copie d'écran du propre système informatique du GIE auquel les adhérents ont accès par l'intermédiaire de leur tablette embarquée. Il ajoute qu'en tout état de cause, dans la version de ce document versée aux débats, les noms des clients ont été floutés.
Réponse de la cour :
29. En l'espèce, la pièce n° 28 versée aux débats par M. [Y] libellée 'Historique des réservations du GIE TAXIS RENNAIS du 8 août 2019' est une capture d'écran d'un tableau de consultation de course.
30. Comme l'a relevé le premier juge à juste titre, la bonne foi est présumée et le Gie Taxi Rennais ne démontre pas que M. [Y] ne pouvait ni théoriquement ni techniquement se procurer une telle information. L'obtention frauduleuse de la pièce n'est ainsi pas démontrée.
31. S'agissant de sa teneur, la pièce contient certes des informations nominatives, comme les adresses des clients, mais les noms des différentes personnes transportées ont fait l'objet d'un floutage.
32. Par ailleurs et comme le soutient à juste titre M. [Y] nul ne plaidant par procureur, seules les personnes dont la vie privée est protégée sont à même de solliciter qu'il soit interdit de faire état de cette pièce et des renseignements qu'elle renferme. Or, le Gie Taxis Rennais ne démontre pas avoir été saisi d'une telle contestation par l'une de ces personnes ni d'être en droit de défendre les intérêts de tierces personnes pour atteinte à la vie privée.
33. Il s'en déduit que la pièce ne porte pas atteinte à la vie privée des usagers du taxi.
34. En conséquence, la demande du Gie Taxis Rennais tendant à voir écarter des débats la pièce n° 28 sera rejetée.
b. S'agissant de la pièce n° 30
35. Le Gie Taxis Rennais demande que cette pièce soit écartée des débats pour avoir été obtenue de manière frauduleuse et violer le secret des correspondances.
36. M. [Y] conteste le caractère confidentiel de ce courrier qui était expressément adressé aux adhérents du groupement, c'est-à-dire aux chauffeurs eux-mêmes.
Réponse de la cour :
37. La pièce n° 30 versée aux débats par M. [Y] libellée 'Information CNIL aux adhérents' est un courrier adressé par la CNIL aux 'Adhérents Radio Taxis de L'agglomération Rennaise-Monsieur [X] [M] président' en date du 3 octobre 2019.
38. Comme l'a pertinemment relevé le premier juge, cette lettre est relative à l'activité du Gie Taxis Rennais et concerne les membres de ce dernier auxquels elle est d'ailleurs expressément adressée. Le Gie Taxis Rennais n'établit ni l'obtention frauduleuse de ce document ni la violation d'une correspondance privée.
39. En toute hypothèse, cette pièce est une photocopie de très mauvaise qualité, totalement inexploitable par la cour.
40. En conséquence, la pièce n° 30 n'a pas lieu d'être écartée des débats.
41. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté le Gie Taxis Rennais de ses demandes de rejet des pièces n° 28 et n° 30 (anciennement 29).
2°/ Sur la demande de communication sous astreinte des codes nécessaires à l'activation d'un branchement de type B
42. M. [Y] sollicite la condamnation du Gie Taxis Rennais à lui communiquer ou à tout garagiste agréé désigné par lui, tous les codes nécessaires à l'installation et l'activation du branchement de la tablette de distribution des courses, telles que prévues dans le manuel d'installation du fabricant. Ce branchement lui permettrait d'avoir accès au logiciel de distribution des courses lorsqu'il circule en lumineux éteint hors de sa zone de rattachement, en retour de course vers sa base, et ainsi de pouvoir postuler.
43. Le GIE soutient que la demande de M. [Y] est devenue sans objet, dans la mesure où depuis le 1er janvier 2023, un nouveau système permet à tous les chauffeurs d'avoir accès à l'ensemble des courses sur réservation préalable, annoncées par la centrale de réservation, sans restriction de positionnement. S'il ne soutient plus l'illicéité de cette demande, il maintient en revanche que celle-ci se heurte aux modalités de fonctionnement du système de distribution des courses votées par les adhérents en assemblée générale.
Réponse de la cour :
a. Sur la licéité de la demande de M. [Y] au regard de la réglementation applicable
44. Même si ce point n'est plus formellement contesté par le GIE Taxis rennais devant la cour en raison de l'évolution du litige, il importe de rappeler que la demande de M. [Y], contrairement à ce que lui a opposé le GIE Taxis Rennais pendant plusieurs années, ne se heurtait à aucune interdiction légale, comme l'a d'ailleurs pertinemment retenu le tribunal.
45. En effet, l'activité de taxi est soumise à un encadrement réglementaire strict, fixant des conditions spécifiques liées au véhicule, à l'accès à la profession et à la délivrance des autorisations de stationnement en attente de clientèle, dénommées « ADS », dont le nombre est fixé par arrêté municipal.
46. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 3121-1 et L. 3121-11 alinéa 1er et 2 du code des transports que les taxis opèrent sur deux marchés distincts.
47. Le premier marché est celui « de la maraude », sur lequel les taxis jouissent d'un monopole légal : ils sont les seuls à pouvoir s'arrêter, stationner ou circuler sur la voie ouverte à la circulation publique, en quête de clients. Ce droit s'exerce exclusivement dans le périmètre de leur autorisation de stationnement et s'accompagne d'une obligation pour le taxi disponible de prendre en charge immédiatement le client qui le hèle.
48. Le second constitue le marché « de la réservation préalable », sur lequel les taxis sont en concurrence avec les voitures de transport avec chauffeur (VTC), soumis aux mêmes règles. Ce marché n'est soumis à aucune restriction territoriale. Il autorise le stationnement sur la voie publique en vue de prendre en charge un client dès lors qu'il existe une réservation préalable.
49. Les taxis sont dotés d'un dispositif extérieur lumineux portant la mention « Taxi » qui s'allume en vert lorsque le taxi est libre dans sa zone de rattachement, en rouge lorsqu'il est en charge ou réservé et qui doit être éteint lorsque le taxi circule hors de son ADS, notamment en retour de course vers sa base.
50. L'article L. 3122-9 du code des transports énonce que 'Dès l'achèvement de la prestation commandée au moyen d'une réservation préalable, le conducteur d'une voiture de transport avec chauffeur dans l'exercice de ses missions est tenu de retourner au lieu d'établissement de l'exploitant de cette voiture ou dans un lieu, hors de la chaussée, où le stationnement est autorisé, sauf s'il justifie d'une réservation préalable ou d'un contrat avec le client final.'
51. Il s'ensuit que le taxi est parfaitement habilité à prendre en charge un client, même hors de sa zone de rattachement (donc sans avoir à retourner à sa base) dès lors qu'il existe une réservation préalable.
52. Cette notion a été précisée par le Conseil Constitutionnel dans une décision du 22 mai 2015 n° 2015-468/469/472 rendue à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionalité concernant l'article L. 3122-9 du code des transports précité. La réservation préalable est valable au sens de cette disposition « quel que soit le moment où elle intervient ».
53. Le ministère de la transition écologique et solidaire avait d'ailleurs confirmé en 2019 que toute réservation faite par le biais d'une centrale de réservation constitue bien une réservation préalable au sens de la loi, permettant au taxi, par exception, d'accepter une course en dehors de son ADS.
54. Toutes les réservations prises auprès de la centrale de réservation du GIE Taxis rennais constituent donc des réservations préalables, auxquels peuvent prétendre tous les taxis adhérents, même ceux qui sont hors de leur zone de rattachement, sous réserve des priorités d'attribution définies par le logiciel de répartition des courses.
55. Il s'ensuit que la nuance longtemps soutenue par les dirigeants du GIE Taxis rennais entre 'réservations immédiates' (notamment grâce au développement des applications) et 'réservations différées' était juridiquement erronée et ne pouvait valablement être opposée à M. [Y].
56. Il n'est pas contesté et il est établi par le procès-verbal de constat d'huissier dressé le 8 août 2019 à l'occasion d'un trajet test entre [Localité 10] et [Localité 6], par Me [L] huissier de justice, que lorsque le taximètre est en position 'occupé', lumineux au rouge, M. [Y] a la possibilité de voir les courses distribuées et d'y postuler lorsqu'il est hors ADS. À l'inverse, lors du trajet retour à la base, en taximètre 'dû', lumineux éteint, aucune course ne lui est proposée. Or, la consultation de l'historique du standard du GIE montre qu'à cette date et à l'heure du constat (21 heures), des réservations ont bien été effectuées par des clients dans cette zone de circulation (pièce n° 28).
57. Le véhicule de M. [Y] est équipé d'un taximètre de marque ATA fonctionnant sur le logiciel ARAMUS, mis à disposition par le GIE Taxis rennais. Le livret d'installation ATA de juin 2018 prévoit deux types de branchement. D'une part, une 'Commande de type A : 12 V ' Occupé et Du / 0 V ' Libre' et d'autre part, une'Commande de type B : 12 V ' Libre et Du / 0 V ' Occupé'. Le branchement de type B permet en réalité de décorréler la tablette du lumineux, c'est-à-dire d'être visible du logiciel de distribution des courses lequel ne prend en compte que les taxis en position « libre » (lumineux vert) ou « occupé » (lumineux rouge) mais pas les véhicules en « dû » (lumineux éteint). Cette commande permet au taxi qui circule en lumineux éteint hors de son ADS (conformément à la législation) d'être néanmoins visible par le logiciel et ainsi de recevoir les réservations hors ADS pour y postuler.
58. Non seulement, la modification du branchement sollicitée par M. [Y] aux fins de pouvoir avoir accès à l'ensemble des courses annoncées par le standard du GIE (qui constituent toutes des réservations préalables) lorsqu'il circule en compteur dû et lumineux éteint hors de son ADS, ne se heurte à aucunes dispositions légales, mais encore, le branchement de type A imposé par les dirigeants du GIE, obligeant les chauffeurs pour pouvoir postuler à une nouvelle course d'avoir à retourner à leur base, s'est avéré totalement contraire à la loi et a entraîné des sanctions pour le GIE.
59. En effet, selon l'article L. 420-1 du code de commerce 'Sont prohibées même par l'intermédiaire direct ou indirect d'une société du groupe implantée hors de France, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à :
1° Limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises,
2° Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse,
3° Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique,
4° Répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.'
60. En l'espèce, le rapport en date du 11 avril 2022 de la brigade interrégionale d'enquête de concurrence (BIEC) de [Localité 9] dépendant de la DREETS des Pays de la Loire conclut : 'En résumé, il ressort des éléments recueillis au cours de l'enquête qu'au motif d'une répartition équitable entre les membres, le GIE impose aux chauffeurs situés hors ADS un retour à vide au sein de leur zone de rattachement pour avoir accès aux demandes de réservation réalisées auprès du numéro d'appel du Gie. Ce faisant, il organise une restriction à l'accès au marché pour ses membres et restreint également leur développement économique en les empêchant d'optimiser leur activité du fait des frais supplémentaires et du temps d'activité diminué générés par les retours à vide, particulièrement dans le cas de grandes courses [']. S'il apparaît légitime que le GIE revendique la possibilité d'organiser de façon pérenne l'activité de radio-taxi en son sein, en revanche, les restrictions qu'il organise n'apparaissent ni proportionnées ni nécessaires à la poursuite de ces objectifs' (page 28).
61. Le même rapport précise que 'Le GIE ARATAR impose à ses membres libres de clientèle et situés en dehors de leur ADS un retour à leur base pour qu'ils puissent avoir accès aux demandes de réservation réalisées auprès du standard du GIE. Il diminue ainsi artificiellement le dynamisme de l'offre sur le marché et de fait, biaise la concurrence entre les taxis d'une part et avec les voitures de transport avec chauffeur d'autre part ('). Cette pratique est prohibée au regarde l'article L.420-1 1° et 4° du code de commerce' (page 50).
62. La DREETS a donc fait injonction au GIE Taxis rennais de cesser les agissements visés par chacun des griefs notifiés, de modifier ses statuts ainsi que le règlement intérieur afin de supprimer les dispositions anti-concurrentielles et lui a proposé une transaction à hauteur de 52.000 €, laquelle a été acceptée le 7 mars 2023.
63. En conséquence, la demande de M. [Y] est parfaitement licite, ce que les dirigeants du GIE avaient d'ailleurs fini par reconnaître lors de leur audition par la BIEC : 'Aujourd'hui il est reconnu que la réglementation permet à un taxi de prendre des courses même en dehors du ressort de son ADS. Nous avons longtemps cru que la réglementation ne le permettait pas, ce que nous transmettions à nos adhérents.'
b. Sur l'absence de violation des décisions collectives du groupement
64. Le Gie Taxis Rennais sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu que la demande de M. [Y] est de nature à rompre les modalités de fonctionnement du système de distribution de courses telles que définies en assemblée générale.
65. M. [Y] estime que sa demande ne heurte aucune décision collective du groupement et que ni les statuts, ni le règlement intérieur, ni aucune délibération d'assemblée générale ne prescrivent un type de branchement particulier. Il ajoute que sa demande ne tend pas à remettre en cause les modalités d'attribution des courses selon la configuration actuelle du logiciel mais seulement de pouvoir y avoir accès et postuler, dans le strict respect de l'article 12 des statuts.
Réponse de la cour :
66. La cour observe qu'au jour où elle statue les adhérents ont décidé lors de l'assemblée générale du 4 mai 2024 d'insérer dans le règlement intérieur un nouvel article 12 bis intitulé « Taximètre » prévoyant que 'Les fabricants de taximètres proposent deux types d'installation des taximètres : une installation permettant d'être en dû et occupé sur l'application (type A) et une installation permettant d'être en dû et libre sur l'application (type B), tout en étant dans son secteur ADS ou hors ADS.
Tout adhérent du groupement aura le libre choix de l'installation du taximètre entre le type A et le type B qui lui convient.'
67. Par conséquent, le GIE est mal fondé à faire valoir que la demande de M. [Y] se heurterait aux décisions collectives du GIE.
68. Avant même ces modifications, intervenues postérieurement à l'audience, il n'est pas établi que la demande de pouvoir bénéficier d'une commande de type B contrevenait aux statuts et au règlement intérieur.
69. L'article 12 du règlement intérieur dans sa version applicable en 2018 indique que 'Le fonctionnement du système de distribution des courses, le paramétrage de distribution des courses en fonction des différentes tranches horaires et les sanctions susvisées ont été soumises à l'Assemblée Générale du GIE et adoptées par cette dernière le samedi 22 juin 2013. Le système de paramétrage des distributions de courses en fonction des différentes tranches horaires qui a été adoptée l'assemblée générale ordinaire précitée est annexé au présent règlement intérieur (Annexe I).'
70. L'article 10 de ce même règlement précise que 'le centre d'appel reçoit les appels téléphoniques, télécopies et courriels de la clientèle pour des courses immédiates ou ultérieures. Ces commandes sont traitées et saisie dans leur ensemble par les standardistes en poste. Les commandes sont distribuées automatiquement par le système de distribution de cours. ['] L'attribution de ces courses sera effectuée par ordre chronologique, selon la numérotation des autorisations de stationnement et de la circulation de chaque véhicule'.
71. Ces articles ne visent que le paramétrage de distribution des courses mais ne contiennent aucune disposition restrictive (notamment en considération de l'ADS) s'agissant de la postulation.
72. Aucune disposition collective ne précise un type de branchement plutôt qu'un autre et le GIE n'explique pas en quoi le branchement de type B, qui permet seulement de postuler à une course, aurait nécessairement eu pour conséquence de favoriser M. [Y] et de modifier le paramétrage du système d'attribution des courses.La cour relève que dans le cadre de leur audition par la BIEC, les dirigeants du GIE Taxis rennais précisaient que 'les modalités de branchement entre la tablette et le taximètre ne sont précisées nulle part, il s'agit d'usages historiques au sein du GIE par référence aux articles 9,10 et 11. Nous ne savons pas ce qui oblige techniquement à ce que la tablette soit reliée au taximètre mais c'est ce que nous imposons à nos adhérents pour être en conformité avec notre système de fonctionnement, toujours pour garantir l'équité.'
73. Par ailleurs, M. [Y] fait justement observer que l'article 12 du règlement intérieur prévoit des sanctions lorsque le taxi ne répond pas à une demande de course alors qu'il est 'situé hors station, s'étant déclaré libre d'accomplir une course, ayant postulé à une offre de course dite course aux enchères', ce qui démontre que l'accès à des offres de courses hors ADS est prévu par le système de distribution des courses.
74. Le GIE Taxis rennais expose que depuis le 1er janvier 2023, un nouveau système permet à tous les chauffeurs d'avoir accès à l'ensemble des courses sur réservation préalable annoncées par la centrale de réservation, sans restriction de positionnement. Il produit le nouveau règlement intérieur adopté par le GIE le 23 mai 2023 afin d'être mis en conformité avec la législation. M. [Y] fait observer sans être contredit que le tableau des codes fixant la répartition des réservations figurant en annexe 1 de ce nouveau règlement intérieur est resté strictement le même.
75. La cour relève en outre que l'insertion du nouvel article 12 bis relatif au taximètre et à la liberté de branchement de type A ou de type B décidée par l'assemblée générale du 4 mai 2024 correspond à la création d'un nouvel article et non à la modification d'une disposition préexistante. Il n'est par ailleurs allégué d'aucune modification du règlement intérieur à la suite de cette nouvelle modification des statuts.
76. Au bénéfice de ces observations, la cour retient que la prohibition de l'usage de la commande de type B n'était donc inscrite nulle part dans les règles collectives du groupement et que la consécration récente de la possibilité pour les chauffeurs de pouvoir bénéficier d'un branchement de type B n'a eu en définitive aucune incidence sur les critères de distribution des courses définis collectivement mais seulement sur la faculté de postulation.
77. Il s'en déduit que la demande de M. [Y] ne se heurtait au moment où elle a été formée à aucune décision collective contraire du groupement.
c. Sur la demande de M. [Y] devenue sans objet au jour où la cour statue
78. Comme précédemment indiqué, au jour où la cour statue, les adhérents ont décidé lors de l'assemblée générale du 4 mai 2024 d'insérer dans le règlement intérieur un nouvel article 12 bis -Taximètre prévoyant que 'Les fabricants de taximètres proposent deux types d'installation des taximètres: une installation permettant d'être en dû et occupé sur l'application (type A) et une installation permettant d'être en dû et libre sur l'application (type B), tout en étant dans son secteur ADS ou hors ADS.
Tout adhérent du groupement aura le libre choix de l'installation du taximètre entre le type A et le type B qui lui convient.'
79. En outre, le GIE expose avoir fait évoluer ses outils en adoptant un nouveau « faisceau » fourni par un nouveau prestataire (APPSOLU). Il justifie avoir adressé aux adhérents cette information le 15 mai 2024. Ainsi, les adhérents dotés d'un faisceau AYGEST (ancien prestataire) dans leur voiture devront récupérer un adaptateur s'ils souhaitent passer en type B tandis que ceux qui sont déjà équipés des nouveaux faisceaux APPSOLU peuvent passer directement chez un installateur pour basculer en type B, s'ils le souhaitent.
80. Le GIE produit également les 'attestations' non contestées de différents chauffeurs, lesquels indiquent être passés en commande de type B dans le courant du mois de mai 2024.
81. Enfin, le GIE verse aux débats une attestation du nouveau prestataire (ATA) ainsi que la notice d'utilisation du dispositif APPSOLU établissant que depuis la mise en place du nouveau système (remplaçant la tablette dans les véhicules), il est possible de rouler en dû mais d'apparaître en position libre dans le logiciel de distribution des courses.
82. Au vu de l'évolution du litige, plus aucune considération juridique, statutaire ou technique ne s'oppose désormais à ce que M. [Y] puisse bénéficier sur son véhicule d'un branchement de type B lui permettant d'avoir accès en tout temps et en tous lieux à l'ensemble des réservations préalables. Il est suffisamment établi que le paramétrage de son véhicule ne nécessite plus la communication d'un code par le GIE ni d'aucune action ou autorisation spécifique de la part de ce dernier.
83. Il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Y] de sa demande de communication sous astreinte des codes d'activation du branchement en type B de la tablette de distribution des courses et de dire que cette demande est devenue sans objet.
3°/ Sur les demandes indemnitaires de M. [Y]
a. Sur le préjudice économique
84. M. [Y] demande à voir condamner le Gie Taxis Rennais à l'indemniser à raison de la perte de la somme de 5.000 € par an, soit la somme totale de 25.000 €. Il explique réaliser un chiffre d'affaires de l'ordre de 3.000 € par mois et soutient que la perte de courses liée au fonctionnement de la tablette peut être estimée à environ 15% de son chiffre d'affaires.
85. Dans une note en délibéré adressée à la cour le 27 mars 2024, M. [Y] estime le nombre de courses perdues entre 1 et 4 par jour, ce qu'il justifie par le fait que le Gie Taxis rennais concentre 80 % du marché de l'agglomération rennaise et qu'il travaille de nuit, avec moins de concurrence. Il expose que prix de la course en tarif de nuit oscille entre 40 et 45 €.
86. Au regard de ces éléments M. [Y] qui analyse son préjudice comme un gain manqué résultant d'une 'perte de chance d'accéder aux dites courses', évalue celui-ci à hauteur de 63.750 € sur 5 ans dans l'hypothèse de la perte d'une seule course par nuit et à 255.000 € sur 5 ans dans l'hypothèse de la perte de quatre courses par nuit. Il fixe donc son préjudice moyen à 69.041,25 € sur cinq ans, après imputation de sa marge brute qu'il fixe à 43,32 %. Il estime par conséquent que sa demande indemnitaire à hauteur de 25.000 € n'est nullement surestimée par rapport à son préjudice réel.
87. Le Gie Taxis Rennais conteste ce chiffrage au motif qu'il n'est étayé par aucune pièce comptable et qu'au surplus, M. [Y] calcule un préjudice égal à son chiffre d'affaires, en omettant ses charges. Dans une note en délibéré adressée au greffe le 12 avril 2024, le Gie Taxis Rennais soutient que les courses perdues dont il s'agit sont celles réalisées hors ADS de plus de 30km, lesquelles sont rares. Il ajoute que le GIE a perdu 40% du marché des courses de nuit, en raison de la concurrence des VTC et qu'au surplus, les calculs proposés par M. [Y] à partir de son chiffre d'affaires ne peuvent être retenus dès lors que celui-ci est réalisé pour moitié en dehors du GIE.
Réponse de la cour :
88. Selon l'article 1240 du code civil 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.
89. En l'espèce, les dirigeants du GIE taxis rennais ont admis leur interprétation erronée de la réglementation. Ils ont par ailleurs fait évoluer leurs outils et leurs statuts pour permettre à l'ensemble des adhérents du GIE d'accéder à un branchement de type B (après l'audience) reconnaissant ainsi que le refus opposé à M. [Y] n'était pas fondé.
90. Le refus injustifié du Gie Taxis Rennais de transmettre les codes nécessaires à la modification de branchement de la tablette a fait peser sur M. [Y] une restriction fautive à sa liberté d'entreprendre dès lors que celle-ci n'était fondée ni en droit ni en fait, puisque le GIE ne conteste pas que certains chauffeurs pouvaient rouler avec un branchement de type B à l'époque où M. [Y] en a fait la demande.
91. Cette restriction était d'autant moins justifiée au regard des objectifs du Gie Taxis Rennais. En effet, l'article 3 des statuts du Gie Taxi Rennais précise que 'l'objet du groupement, qui est de faciliter ou de développer l'activité économique de ses membres (à savoir, les artisans taxis, personnes physiques ou morales visés à l'article 13 des présentes), d'améliorer ou d'accroître les résultats de cette activité.'
92. Le caractère illicite de la position du GIE Taxis rennais vis-à-vis de ses adhérents en général et de M. [Y] en particulier a d'ailleurs été pointé par la DREETS et a motivé une proposition d'amende transactionnelle à hauteur de 52.000 €, acceptée par le groupement.
93. L'atteinte à la liberté d'entreprendre subie par M. [Y] lui a causé un préjudice économique, lequel doit s'analyser sous l'angle de la perte de chance d'avoir pu générer un chiffre d'affaires plus important en accédant à toutes les courses reçues par la centrale de réservation, et donc d'accroître ses revenus pendant les cinq années précédant la demande, compte tenu de la prescription.
94. La perte de chance implique un aléa sur la réalisation d'une alternative dont la disparition actuelle présente un caractère certain. Si une perte de chance même minime est indemnisable, conformément au droit commun, il appartient au demandeur d'apporter la preuve de l'existence de son préjudice. Il est admis que la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
95. En l'espèce, il convient d'évaluer le gain tiré du nombre de courses supplémentaires que M. [Y] aurait pu réaliser s'il avait eu la possibilité de postuler aux courses enregistrées par le standard de réservation du GIE alors qu'il était en retour de course hors de son ADS et ainsi avoir une chance de se les voir attribuer.
96. Cela suppose en premier lieu de déterminer le nombre de réservation adressées au GIE au cours des cinq dernières années, auxquelles M. [Y] aurait raisonnablement pu prétendre au regard de son activité moyenne et de celle du GIE.
97. M. [Y], qui travaille essentiellement de nuit, évalue entre une et quatre courses par nuit le nombre de réservations auquel il aurait pu prétendre. Le GIE conteste cette estimation en indiquant que les courses dont il est question (hors ADS de plus de 30 km) sont assez rares.
98. Toutefois, le postulat du GIE selon lequel les courses perdues par M. [Y] se limiteraient à celles réalisées hors ADS et à plus de 30 km de la base est erroné. Au contraire, M. [Y] revendique de ne pas avoir pu postuler à toutes les courses, beaucoup plus fréquentes, entre [Localité 10] (son ADS) et les communes limitrophes telles que [Localité 8], [Localité 11], [Localité 5]' situées à moins de 30 km de son ADS. Le GIE ajoute donc un critère de distance qui n'est pas opérant.
99. Il est par ailleurs incontestable que le GIE Taxis rennais est en position dominante sur le marché de l'agglomération rennaise (85 adhérents en 2021 représentant 70% des taxis de l'agglomération selon le rapport de la BIEC, étant précisé qu'en dehors des VTC et d'une minorité de taxis indépendants, il n'existe que deux autres groupements concurrents: Artisans Taxis de [Localité 10] et Scoop taxis Métropole, comptant chacun une dizaine d'adhérents). Le site du GIE est le seul à être référencé sur le site de la ville de [Localité 10]. Si la concurrence des VTC est réelle, c'est néanmoins sans aucune preuve que le GIE Taxis rennais indique que le groupement a perdu 40% des courses de nuit, étant précisé qu'il se contente d'alléguer un chiffre d'affaires de 1,3 millions par an, sans en justifier par aucune pièce comptable.
100. Dans sa note en délibéré du 15 avril 2024, M. [Y] estime que la perte d'une course par jour est raisonnable. De fait, ce chiffre minimum est difficilement contestable au vu des observations précédentes. Il sera donc retenu que sur cinq ans, au moins une course par nuit sur toutes celles réservées auprès du GIE Taxis rennais aurait pu correspondre à la position de M. [Y] alors qu'il était hors de son ADS, en retour vers sa base en lumineux éteint, course à laquelle il n'a pas pu postuler.
101. M. [Y] indique sans être contredit et en cohérence avec ses comptes de résultat qu'il travaille 300 jours par an. Il justifie que le tarif d'une course oscille entre 40 et 45 € en moyenne.
102. Ainsi, dans l'hypothèse de la perte d'une course par nuit, le chiffre d'affaires est le suivant :
300 jours x 40 € = 12.000 €
300 jours x 45 € = 13.500 €
Donc sur 5 ans, entre 60.000 € et 67.500 €, soit une moyenne de 63.750 €.
103. M. [Y] verse aux débats son compte de résultats pour les deux derniers exercices. Il en résulte que sa marge brute sur les coûts variables peut s'établir à hauteur de 43,32 % (soit la moyenne des marges brutes dégagées au cours des exercices 2021/2022 et 2022/2023).
104. M. [Y] estime donc sa perte à hauteur de 63.750 € x 43,32 % = 27.616,50 €.
105. Ce faisant, celui-ci raisonne comme si toutes les courses auxquelles il n'a pas pu postuler lui auraient été systématiquement attribuées alors qu'il existe en réalité un aléa, résultant des critères d'attribution des courses par le logiciel. En effet, ce n'est pas parce que M. [Y] aurait pu postuler à une réservation faite auprès du GIE Taxis rennais que celle-ci lui aurait été nécessairement attribuée. Il convient donc de déterminer quelles étaient les chances de M. [Y] de se voir effectivement attribuer les 300 courses annuelles auxquelles il aurait pu prétendre avec le branchement de type B.
106. Sur ce point, il résulte du règlement intérieur définissant les codes d'attribution des courses que lorsqu'un client commande un taxi auprès du standard du GIE, le logiciel envoie une première proposition au véhicule libre le plus proche (code PLXL). Cet ordre de priorité a été confirmé par les dirigeants du GIE auprès des inspecteurs de la BIEC en indiquant que le logiciel privilégiait le critère de proximité géographique plutôt que l'ancienneté dans l'historique d'attente (page 27 du rapport).
107. Par ailleurs, comme l'affirme M. [Y] sans être contredit, peu de taxis font le choix de travailler de nuit. Il s'ensuit que les courses réservées la nuit auprès du standard du GIE ne sont pas susceptibles d'être proposées aux 85 adhérents mais à un nombre beaucoup plus réduit de taxis.
108. Dès lors que par hypothèse, la demande de M. [Y] porte sur les réservations préalables situées sur son trajet en retour de course vers sa base, il va de soi que ce dernier n'aurait postulé qu'aux courses les plus proches de sa position au moment de leur réception. La concurrence étant limitée la nuit, M. [Y] avait donc toutes les chances de se voir attribuer les courses réservées auprès du GIE, selon le critère du véhicule libre le plus proche (code PLXL) du logiciel.
109. Au bénéfice de ces observations, la cour évalue à 80 % la probabilité que M. [Y] avait de se voir attribuer ce type de course, s'il avait pu y postuler.
110. La cour a précédemment retenu que cette hypothèse s'était répétée 300 fois par an en moyenne sur cinq ans, générant ainsi une perte de chance de réaliser le chiffre d'affaires correspondant. En définitive, sans la faute du GIE, M. [Y] aurait, après déduction de la marge brute, pu perçevoir un revenu égal à : 63.750 € x 43,32 % = 27.616,50 € x 80 %, soit 22.093,20 €.
111. Le GIE Taxis rennais sera donc condamné à payer à M. [Y] la somme de 22.093,20 € au titre de son préjudice économique.
b. Sur la résistance abusive
112. M. [Y] sollicite la condamnation du Gie Taxis Rennais au paiement d'une somme de 5.000 € au titre de sa résistance abusive.
Réponse de la cour :
113. Selon l'article 32-1 du code de procédure civile 'Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 € sans préjudice des dommages-intérêts qui serait réclamés'.
114. Le GIE Taxis rennais a opposé à tort à M. [Y], notamment aux termes d'un courrier adressé par son président (M. [M]) en date du 3 juin 2019, l'impossibilité pour un taxi de prendre en charge un client hors de son ADS. Il a par ailleurs discuté de manière totalement inopérante la notion de réservation préalable.
115. Les dirigeants du GIE ont plaidé devant la BIEC une lecture erronée de la réglementation, fondée sur un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 20 octobre 2016, ce dont ils n'auraient pris conscience qu'en 2021.
116. Il est cependant observé que la décision du Conseil Constitutionnel rappelant la réglementation applicable et précisant que la notion de réservation préalable date du 22 mai 2015. Il est surprenant que le GIE Taxis rennais soit informé d'une jurisprudence de la cour administrative d'appel de Marseille mais qu'il soit dans l'ignorance de cette décision pourtant d'importance majeure pour la profession. Surtout, un courriel du 10 juillet 2019 adressé par la préfecture d'Ille-et-Vilaine à M. [P], alors vice-président du groupement, démontre qu'à cette date, le GIE était parfaitement informé de ce que les taxis n'étaient pas dans l'obligation de retourner dans leur ADS pour prendre une réservation et de sa mauvaise lecture de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille.
117. Pourtant, le GIE a maintenu son refus de toute modification du branchement de la tablette en type B, y compris devant le juge des référés saisi le 4 septembre 2019 par M. [Y] qui sollicitait déjà la communication des codes nécessaires à la modification du paramétrage de son taximètre. Le GIE avait alors plaidé l'illégalité manifeste de cette demande, alors même qu'elle venait d'avoir la confirmation par les autorités administratives qu'il n'en était rien et que sa lecture des textes et de la jurisprudence applicables était totalement erronée.
118. Cette position catégorique soutenue de mauvaise foi devant le juge des référés, qui par ordonnance du 25 octobre 2019 a rejeté la demande de M. [Y] comme relevant du fond, a contraint M. [Y] à saisir le tribunal judicaire de Rennes.
119. Devant le tribunal judicaire de Rennes, le GIE a maintenu son argumentation relative à l'illégalité de la demande de M. [Y] en ce qu'elle lui aurait permis de prendre en charge un client hors de son ADS. Il a également continué à discuter la notion de réservation préalable, nonobstant les éléments contraires en sa possession.
120. Devant la cour, le GIE a maintenu son refus en argumentant principalement sur le fait que la demande de M. [Y] ne respectait pas les règles collectives du groupement, tout en affirmant que la demande était en réalité sans objet car les chauffeurs étaient désormais libres, à la faveur d'un changement de prestataire, d'avoir accès à l'ensemble des courses sur réservation préalable annoncées par la centrale de réservation, sans restriction de positionnement. Outre le caractère contradictoire de cette argumentation il s'avère qu'au jour de l'audience, la demande de M. [Y] était encore parfaitement justifiée. En effet, ce n'est qu'au cours du délibéré, que le GIE est clairement revenu sur sa position initiale, admettant ainsi la légitimité des revendications de M. [Y].
121. L'attitude du GIE Taxis rennais a contraint M. [Y] à introduire trois procès pour finalement s'entendre dire que sa demande est désormais sans objet, le droit revendiqué depuis plusieurs années par M. [Y] étant désormais reconnu à tous les adhérents du GIE. La position du groupement, maintenue jusqu'à la dernière limite, caractérise la résistance abusive. Il y a également lieu de considérer que l'amende transactionnelle infligée par la DREETS procède de cette résistance.
122. Le GIE Taxis rennais sera donc condamné à payer à M. [Y] la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts, en ce compris sa participation à l'amende transactionnelle infligée par l'administration.
c. Sur la demande de dommages-intérêts comportement déloyal et les moyens abusifs
123. M. [Y] demande la condamnation du Gie Taxis rennais au paiement de la somme de 16.000 € complémentaire, en réparation du préjudice résultant de son comportement déloyal et des moyens abusifs soulevés. Il précise que le Gie Taxis rennais a formulé des accusations diffamatoires et injurieuses à son encontre et qu'il a déposé une plainte pénale contre lui.
Réponse de la cour :
124. Le 24 mai 2019, le GIE a diffusé par courriel à l'ensemble des adhérents et sur le groupe WhatsApp « Taxis rennais » un message laissant entendre que la demande de M. [Y] violerait la réglementation sur les taxis : 'Pour tous les chauffeurs ayant fait modifier leur installation pour recevoir des courses avec le compteur en dû ou éteint et notamment les V18 et V 68 [voiture de M. [Y]]. Veuillez contacter d'urgence votre installateur ! (') le conseil d'administration du GIE n'engage pas sa responsabilité sur de telles actions illicites ! De fortes sanctions seront appliquées par les organismes !'
125. M. [Y] indique sans être contredit que ce message s'est affiché pendant une semaine à intervalles réguliers de 15 minutes sur toutes les tablettes, ce qui constitue une mesure particulièrement excessive de nature infamante et punitive, s'apparentant à une tentative d'intimidation.
126. En outre, devant le tribunal comme devant la cour, le GIE sous-entend sans aucune preuve que les pièces produites par M. [Y] auraient été obtenues de manière frauduleuse et il évoque d'ailleurs (sans en justifier) une plainte déposée.
127. Il s'avère donc que le GIE Taxis rennais ne s'est pas seulement contenté d'opposer un refus injustifié aux demandes de M. [Y] mais qu'il a également tenté au sein du groupement, puis devant la justice, de le déconsidérer en mettant notamment en doute son honnêteté.
128. En application de l'article 1240 du code civil précité, le GIE taxis rennais sera condamné à payer à M. [Y] la somme de 3.000 € en réparation du préjudice moral subi.
4) Sur les dépens et les frais irrépétibles
129. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [Y] aux dépens
130. Il sera confirmé en ce qu'il a débouté le GIE Taxis rennais de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.
131. Succombant, le Gie Taxis rennais supportera les dépens d'appel et sera débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
132. Enfin, eu égard aux circonstances de l'affaire, il n'est pas inéquitable de condamner le Gie Taxis rennais à payer à M. [Y] la somme de 6.000 € au titre des frais irrépétibles exposés par lui en appel et qui ne sont pas compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rennes du 10 mai 2021 sauf en ce qu'il a débouté le Gie Taxis rennais de sa demande au titre des frais irrépétibles,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Constate que la demande de M. [T] [Y] tendant à voir le Gie Adhérent radio taxis de l'agglomération rennaise (ARTAR) 'Taxis rennais' condamné à communiquer sous astreinte les codes d'activation du branchement de la tablette de distribution des courses, est devenue sans objet,
Condamne le Gie Adhérent radio taxis de l'agglomération rennaise (ARATAR) 'Taxis rennais' à payer à M. [T] [Y] la somme de 22.093,20 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice économique,
Condamne le Gie Adhérent radio taxis de l'agglomération rennaise (ARATAR) 'Taxis rennais' à payer à M. [T] [Y] la somme de 5.000 € au titre de la résistance abusive,
Condamne le Gie Adhérent radio taxis de l'agglomération rennaise (ARATAR) 'Taxis rennais' à payer à M. [T] [Y] la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,
Condamne le Gie Adhérent radio taxis de l'agglomération rennaise (ARATAR) 'Taxis rennais' aux dépens d'appel,
Déboute le Gie Adhérent radio taxis de l'agglomération rennaise (ARATAR) 'Taxis rennais' de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne le Gie Adhérent radio taxis de l'agglomération rennaise (ARATAR) 'Taxis rennais' à payer à M. [T] [Y] la somme de 6.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.