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Décisions

Cass. com., 16 octobre 2024, n° 23-15.992

COUR DE CASSATION

Autre

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Troisaime (SAS)

Défendeur :

Ligne Vauzelle (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Comte

Avocats :

Me Alain Bénabent, Me Boucard-Maman, Me Boulloche, Colin, Stoclet et Associés

Cour d'appel de Bordeaux, 16 mars 2023

16 mars 2023

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 16 mars 2023), la société Troisaime exploite un hôtel-bar-restaurant en bord de mer. En 2014, conseillée par M. [K], maître d'œuvre mandaté pour l'aménagement de ses locaux, elle a passé commande à la société Ligne Vauzelle d'un mobilier destiné à sa terrasse extérieure. La livraison est intervenue les 6 et 7 mai et 17 juin 2014.

2. Soutenant que le mobilier extérieur s'était rapidement dégradé, la société Troisaime a assigné M. [K] et la société Ligne Vauzelle afin d'obtenir la résolution de la vente.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

3. La société Troisaime fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes présentées à l'encontre de la société Ligne Vauzelle, alors :

« 1°/ que tout vendeur d'un matériel doit, afin que la vente soit conclue en connaissance de cause, s'informer des besoins de son acheteur et informer ensuite celui-ci des contraintes techniques de la chose vendue et de son aptitude à atteindre le but recherché ; qu'afin de déduire que le vendeur a bien respecté son obligation de conseil", la cour d'appel a relevé que ce dernier prétendait avoir oralement avisé l'acquéreur de la nécessité d'entretenir le matériel et que cette affirmation apparaissait avérée à la lecture des déclarations du président de la société acquéreur faites en 2019, soit cinq ans après la vente, aux termes desquelles il disait appliquer sur les parasols un produit spécifique afin de les entretenir ; qu'en déduisant de l'affirmation selon laquelle le président de la société acquéreur appliquait un produit sur les parasols pour les entretenir, que le vendeur avait respecté son obligation d'information et de conseil préalable à la vente quant à la nécessité de traiter le mobilier acquis, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs impropres à justifier sa décision, la privant ainsi de base légale au regard de l'article 1135 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
 
3°/ que l'obligation de délivrance à laquelle est tenu le vendeur d'un bien comprend également une obligation d'information et de conseil ; qu'il appartient au vendeur de rapporter la preuve qu'il a bien exécuté son obligation de conseil et d'information avant la vente ; qu'en retenant, pour conclure que le vendeur a bien respecté son obligation de conseil", que l'acquéreur aurait été informé de ce que le matériel acquis nécessitait un entretien spécifique, car une nouvelle information de l'acquéreur, sous forme écrite cette fois-ci, figure sur une facture émise le 20 février 2015", tandis que la vente avait été conclue les 6 et 7 mai et 17 juin 2014, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à fonder sa décision, la privant ainsi de base légale au regard de l'article 1135 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1147 et 1315 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

4. Il résulte de l'application combinée de ces textes qu'il incombe au vendeur professionnel de prouver qu'il s'est acquitté de l'obligation de conseil lui imposant de se renseigner sur les besoins de l'acheteur afin d'être en mesure de l'informer quant à l'adéquation de la chose proposée à l'utilisation qui en est prévue.

5. Pour rejeter la demande de la société Troisaime en résolution de la vente, l'arrêt, après avoir relevé que la société Ligne Vauzelle prétend l'avoir avisée oralement, lors de la vente, de la nécessité d'entretenir le matériel livré compte tenu de sa future exposition aux embruns, retient que cette affirmation, bien que contestée par la société Troisaime, est cependant avérée à la lecture des déclarations du président de cette société faites à l'huissier de justice mandaté en 2019 par la société Vauzelle, indiquant qu'il applique sur les parasols, toutes les semaines en saison, un produit spécifique ainsi qu'une graisse synthétique afin de les entretenir. Il ajoute qu'une nouvelle information de l'acquéreur, sous une forme écrite, figure sur une facture émise le 20 février 2015.

6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la société Ligne Vauzelle s'était acquittée de son obligation de conseil au moment de la vente, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. La société Troisaime fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes présentées à l'encontre de M. [K], alors « que le maître d'oeuvre est tenu à une obligation de conseil envers son client ; que la présence d'un autre professionnel ne le décharge pas de son obligation ; qu'en se bornant à affirmer que de même, aucune faute ne peut être imputée à l'architecte au titre de la violation de son devoir de conseil", renvoyant ainsi à ses motifs relatifs à l'exécution par le vendeur de son obligation de conseil, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si le maître d'oeuvre avait informé son client de la nécessité d'un entretien lourd et récurrent du mobilier acquis ou de son inadéquation à sa destination en front de mer, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

8. Pour rejeter la demande formée à l'encontre de M. [K], l'arrêt retient que le vendeur s'étant acquitté de son obligation de conseil à l'égard de la société Troisaime, aucune faute ne pouvait être imputée au maître d'œuvre.

9. En se déterminant ainsi, sans rechercher si M. [K] avait manqué à l'obligation de conseil lui incombant en sa qualité de maître d'œuvre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société Ligne Vauzelle et M. [K] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Ligne Vauzelle et M. [K] et les condamne à payer chacun à la société Troisaime la somme de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre.